mercredi 28 janvier 2015

Anglicisme

Tysbers s’estut une grande pose.
Si vous dit que ce fu la cose
Qui plus le mat et plus le donte.
Li cuers li dist qu’il avra honte
Et grant anui et grant vergoigne.
Tant doute Renart et resoigne
Qu’il n’ose entrer en sa maison.
Par defors contre sa raison,
Mais il n’iavra ja gaing :
« Renars, fait-il, biaus dous conpains,
Di moi, es tu donc la dedens ? »
Ce dist Renars entre ses dens
Tout coiement que nuls ne l’oie :
« Tysbers, par vostre male joie
Et par vostre male aventure
Soiés entrés en ma pasture !
Si serés vous, s’engiens n’i faut. »
Et puis a respondu en haut :
« Tysbert, fait Renars, Villecome,
Comme se vous veniés de Roùme
Ou de Saint Gile novelement,
Bien soié venus hautement,
Et s’il fust jours de Pentecouste ! »
Que bials parlers rien ne li couste,
Ains le salue humelement.

Tibert s’arrêta un bon moment. Je vous assure que c’est là ce qui l’abat et le mate le plus. Son cœur lui dit qu’il va connaître la honte, de grands tourments et un terrible déshonneur. Il redoute et craint tellement Renart qu’il n’ose pénétrer dans sa demeure. Il lui tient son discours de l’extérieur, mais il n’y gagnera rien : « Renart, dit-il, très cher compagnon, dis-moi es-tu donc là ? » Renart marmonna entre ses dents, à voix basse pour n’être entendu de personne : «  Tibert, puissiez-vous être entré sur mon territoire pour votre tristesse et pour votre malheur ! C’est ce qui vous arrivera si j’ai assez d’habileté. » Puis il répond à haute voix : « Tibert, welcome ! comme si vous reveniez tout juste de Rome ou de Saint-Gilles, ou comme si c’était le jour de la Pentecôte, soyez le très bienvenu ! » car il ne lui coûtait rien de faire le beau parleur, et il le salue avec humilité.

Le Jugement de Renart
 
in : Le Roman de Renart
ed. publiée sous la direction d’Armand Strubel

Obligado

Obligado adv. Obligatoire. Impératif. ○ EXEMPLE : Chez Bébé d'Amiens, les julots qui venaient le samedi relever les comptées de leurs dames mettaient, obligado, une roteuse sur la carante. C'était le bon genre.

Albert Simonin : Petit Simonin illustré par l'exemple (1968)

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Une historiette de George

Un jeune homme élégant, fine moustache et regard vif, entre et demande avec un fort accent italien :
— Bonjour, auriez-vous un livre de Victor Hugo qui s'appelle Le sourire, ou quelque chose comme ça ?
— […] Euh… Hugo… Le sourire, vous êtes sûr ?
— Non, en italien le titre est Il Sorriso mais en français je ne sais pas…
— Et… vous savez de quoi ça parle ?
— Euh… un garçon qui sourit…
— Ah ! l'histoire de Gwynplaine ! Le titre original français, c'est L'homme qui rit. Très beau roman… Mais désolé, non, je ne l'ai pas pour l'instant.
(Fierté et pointe d'orgueil du libraire d'abord un tantinet désarçonné mais qui remet fissa sa cervelle sur les rails)

Nana

Nana n.f. Primitivement fille galante exerçant sous l'autorité d'un jules. Tend de nos jours à désigner n'importe quelle femme jeune et séduisante. ○ EXEMPLE : A droite, les voyous. A gauche, les nanas. Au centre, entourés de cierges aussi mastards que de jeunes arbres, les deux cercueils drapés de noir. (Auguste Le Breton, Du rififi chez les hommes.)

Albert Simonin : Petit Simonin illustré par l'exemple (1968)

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Gaston Leroux

(Je Sais Tout, 1910)

lundi 26 janvier 2015

Où le Tenancier a du chien...

Lâche-nous (La mère)

Lâche-nous (La mère) loc. Expression signifiant à un radoteur, un raseur, d'avoir à se taire. ○ EXEMPLE : Au rade de Charlot le fort, Pepito commençait :
— C'était sur la frontière de l'Uruguay...
Pour la millième fois on allait avoir droit aux débuts de ce pante aux Amériques. Pas résigné, le taulier demanda :
— Dis... tu la connais la mère lâche nous?...


Albert Simonin : Petit Simonin illustré par l'exemple (1968)

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Une historiette de Béatrice

— « Oh le Seigneur des Anneaux !
— Mais ma fille, tu ne vas rien comprendre, c’est en italien. »
— Euh non madame, c’est en basque. »

Cette historiette a été publiée pour la première fois en janvier 2012 sur le blog Feuilles d'automne

dimanche 25 janvier 2015

La Saint Barthélémy des Clebs

« En un sens, la bonne petite Lucette avait quelque chose d’une souris innocente, avec ses yeux ronds, ses dents de petite rongeuse qui semblaient déborder un peu sur sa lèvre inférieure. Elle était fraîche, sentimentale, elle aimait tout… Sauf les clébars !
Alors là, c’était une allergie profonde, un permanent conflit inter espèces, où il n’y avait qu’une solution : la mort !
Elle l’expliquait à son Ciss distrait. Là-bas, dans sa cambrousse, elle avait passé toute son enfance à proximité immédiate d’un chenil, avec gueulements quasi continus de quinze à vingt horribles cannibales qui fonçaient ébranler les grilles de tout ce qui ne leur apportait pas la bidoche.
— Les voisins ne râlent pas ?
— Non, tous les pécores, ils ont des clébars encore plus cons !
Dans une moleskine gris clair, résidu d’un imper, la bonne Lulu avait taillé, cousu et liseré un petit calot avec le sigle « Air France ». Elle s’en coiffait un peu de travers. Elle se voyait sur la ligne Roissy-Los Angeles, survolant la Terre de Baffin. Elle cambrait son petit cul.
— Cher Monsieur Ciss, il fait soixante degrés sous zéro, dehors ? Vous désirez casser la graine ?
— Monsieur Ciss désire baiser l’hôtesse, sans supplément.
— Ho, Monsieur ! Les Français pas sérieux !
Deux mômes heureux ! Et lorsque l’affreux Ciss flagada, se constatait l’éjaculation molle, il se mettaient doucettement à la confection des boulettes de mort subite. Gants plastique et petits sachets de feuille d’aluminium, ils avaient la même joie du bon boulot que les mecs et les gonzesses en blouse blanche préparant la bonne guerre biologique  « dans l’intérêt supérieur de la Nation. »
Ca enfin c’était bien une croisade, et autrement valable que le mignotage de ces connes de guerres destinées à exterminer des humains innocents. Le bon toutou est le toutou crevé, un point, c’est tout ! On voit ça tous les jours, mais il est vrai qu’il s’agit seulement de gens qui n’ont pas le même bon Dieu…
Mort aux clébars, donc !
La caractéristique des ces horribles bestioles, c’est qu’elles n’étaient bonnes à rien d’autre qu’à bouffer. Dudule et Mimir en étaient un bel exemple. A part ça, ils cacataient, pissotaient, dans les courtes promenades où il fallait les tenir, les prier, parfois supplier de lâcher leurs lourdes crottes lorsque le régime du Bistro les constipaient.
— Fais ton gros caca, mon trésor ! encourageait la Tata.
Et Ciss ne pouvait s’empêcher de penser aux centaines de millions, aux milliards de trésors qui bouffaient ainsi le pain du pauvre pour aller le chier plus loin.
On était envahi jusqu’aux intermèdes pubs d’une super télé. Que voyait-on entre les mérites d’un tampon périodique, d’une pastille à bulles gazeuses pour l’hygiène des râteliers, ou d’un produit à récurer les vécés dégueulasses ? Mais voyons il n’y en avait que pour les « trésors » ! La bouffe Oua-oua rendait à fond, en coquilles, en crottes compressées. On voyait d’ignobles clebs se farcir en trois secondes des plâtrées garanties pur bœuf et céréales enrichies, avec bruits de déglutition qui auraient valu la paire de mornifles au môme ordinaire pour lui apprendre les bonnes manières.
— Il adore ça à tous les repas ! Voyez comme il en rote de satisfaction !
Et sans doute toutes les mémères devaient fondre dans leur slip, car le commerce Oua-oua prenait une ampleur phénomène. Les rayons s’agrandissaient, se multipliaient dans les grands magasins, mais aussi jusqu’aux plus humbles boutiques. Et pour quoi faire, tout ce tintouin ? Pour aller redéposer ces ingrédients digérés sous la semelle des promeneurs indulgents, qui auraient par contre trouvé scandaleux qu’un môme se débraguette au long d’un arbre.
Asservissement ! Il n’y avait pas d’autre mot. Les seigneurs et maîtres à quatre pattes pouvaient publiquement, stupidement aboyer, ça faisait simplement partie d’un paysage, c’était admis et reconnu. Ces bestioles étaient des êtres supérieurs !
Même les grandes dames aux noms à rotules des temps jadis, où les palais ignoraient les latrines devaient pissoter sous elles dans les couloirs, à l’abri de leur robe à vertugadin. Là, vertugadin nib ! Pas même l’ombre d’un tutu ! La gueule, le pénis, la vulve, les crottes, tout à l’air !
Le Roi est nu ! Le Roi se répand !
Pourquoi s’étonner de ce qu’il y ait que des mômes innocents pour le constater ? »
 
Jean Amila : Le chien de Montargis
 

Jacot

Jacot n. m. Pince à pied-de-biche, dite pince-monseigneur, servant à l'effraction des portes. ○ EXEMPLE : Le vieux Tintin paume la mémoire. Le v'là qui monte sur un casse en emportant son jacot, mais il oublie les encoinstas dans sa table de nuit.

Albert Simonin : Petit Simonin illustré par l'exemple (1968)

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