mercredi 8 avril 2015

Un travail en cours...

En 1999 paraissait une nouvelle du Tenancier dans l’anthologie Futurs antérieurs, dirigée par Daniel Riche au Fleuve Noir. Cette histoire intitulée Une curiosité bibliophilique avait la particularité d’avoir été illustrée selon les indications de l’auteur, et non de façon séparée, de la même manière que procédaient Hetzel et Verne avec les illustrateurs des Voyages extraordinaires*. Cela tombait bien : Verne était un des personnage de l’histoire. Rendons grâce à l’infinie patience de l’illustrateur, Fabrice Le Minier, dont l’abnégation n’avait d’égale que les exigences mégalomaniaques du Tenancier. En attendant de republier un jour cette histoire et sa suite d’illustrations, voici quelques essais et brouillons retrouvés dans les archives et qui ne furent pas retenus ou qui furent considérablement remaniés.


On retrouvera la suite de ces illustrations de loin en loin sur le blog.
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* L'autonomie de Fabrice était tout de même un peu plus grande, tant pour le sujet que pour la composition...

Cachet

Cachet n.m. Somme donnée à un mac par une femme vivant sans souteneur, et déterminée à demeurer indépendante, en contrepartie d'une rencontre galante qu'elle souhaiterait (pretium stupri...) ! Le cachet ayant un caractère de forfait ne permet pas au mac de prétendre ultérieurement contrôler la trésorerie de sa partenaire. ○ EXEMPLE : Le mac dira : « J'ai fait un cachet de 30 sacs avec Nini beau sourire. » Nini beau sourire dira : « Je me suis payé un cachet avec Doudou la bonne affaire. »

Albert Simonin : Petit Simonin illustré par l'exemple (1968)

(Index)

Une historiette de Béatrice

— « Est-ce que vous rachetez les livres scolaires ?
— S’ils sont anciens, oui.
— Ah oui ils sont anciens, ils ont bien une dizaine d’années !
— C’est-à-dire que ceux que je rachète ont au moins 50 ans…
— 50 ans ? Mais enfin, ils doivent être complètement dépassés !!! »

Cette historiette a été publiée pour la première fois en avril 2012 sur le blog Feuilles d'automne

Babillard, Babillarde, Babille, Babiller

Babillard : Confesseur. (Vidocq) — Allusion aux efforts persuasifs des aumôniers de prison.

Babillard, Babillarde, Babille : Livre, lettre. — Le dernier mot est une abréviation. Comparaison de leur lecture au babillage d'une personne qui cause sans s'arrêter. — « Ma largue part pour Versailles aux pieds de Sa Majesté ; elle lui fonce un babillard pour me faire défourailler. » (Vidocq.)

Babiller : Lire. (Vidocq.) — Même comparaison.

Lorédan Larchey : Dictionnaire historique d'argot, 9e édition, 1881



Babillarde n.f. Lettre, missive.○ EXEMPLE : J'ai fait broder une babillarde à mon daron pour lui demander du carle. (Ansiaume, Bagne de Brest, 1820)
Le diminitutif « babille » est plus couramment employé de nos jours

Albert Simonin : Petit Simonin illustré par l'exemple (1968)
(Index)

10/18 — Collectif international : Réseau-Alternative à la psychiatrie




Collectif international

Réseau-Alternative à la psychiatrie
Textes recueillis par Mony Elkaïm

n° 1175

448 p.
Folioté jusque 28
Couverture de Pierre Bernard, Doc. DR
Collection dirigée par Christian Bourgois
Volume sextuple
Achevé d'imprimer le 7 septembre 1977 sur les presses de l'Imprimerie Bussière à Saint-Amand (Cher)
N° d'édit. 982 - N° d'imp. 904 - Dépôt légal : 4e trimestre 1977
ISBN 2.264-00197-6

4e de couv. :
« La psychiatrie faite, dit-on, pour « donner des soins aux malades mentaux » produit aussi un nombre incroyable d'insatisfaits, de mécontents, de révoltés. Le Réseau-Alternative à la psychiatrie est né de cette situation. Il rassemble des individus ou des groupes qui ont tenté de rompre avec cette organisation bureautique et centralisée de la médecine mentale. Ce recueil présente une première série d'expériences et de réflexions engagées dans cette voie, en France, en Europe, en Amérique Latine et aux États-Unis. Dans un processus de luttes à long terme, engagées souvent par des individus isolés, en butte à la répression, le Réseau n'entend pas jouer le rôle d'organisation hégémonique. Il souhaite seulement offrir un lien d'échanges pour aider à confronter, approfondir et appliquer quelques choix simples : suppression de toutes les formes d'enfermement psychiatrique, refus du monopole des professionnels sur les problèmes de la santé mentale, critique du secteur comme mise en place d'une relève technocratique de l'asile, ainsi que des nouvelles techniques psychiatriques ou psychanalytiques qui servent de couverture à cet expansionnisme, soutien aux luttes menées par des groupes ou à la population des quartiers pour prendre en mains leurs propres affaires et éviter la psychiatrisation de la vie tout entière, de l'enfance à la vieillesse, des marginaux de toute nature aux dissidents de toute espèce. »


TABLE DES MATIERES :

Présentation
Robert Castel, Mony Elkaïm, Félix Guattari, Giovanni Jervis - Pour une alternative au secteur
Texte constitutif du réseau européen
Communiqué de presse (30-1-75)
Félix Guattari - Le Réseau « Alternative à la Psychiatrie »
David Cooper - Lettre au Réseau international sur le pouvoir et la différence
Commission « Pouvoir psychiatrique. Pouvoir psychanalytique » (compte rendu des débats). Rencontre internationale du Réseau (Mars 1976)
Texte proposé à l'issue de la rencontre internationale de mars 1976
Robert Castel, Mony Elkaïm, Félix Guattari, Giovanni Jervis - L'alternative politique face aux techniques
Intervention de Gianfranco Minguzzi (rencontre internationale du réseau. Mars 1976)
Entretien avec Franca Basaglia, Franco Basaglia, Gianfranco Minguzzi et Leo Nahon. Psichiatria democratica
Interview de Franco Basaglia
Marine Zecca - En rencontrant Mario Tommasini
Giovanni Jervis - L'expérience de Reggio Emilia
Une expérience à Genève : le collectif travail
A Schaerbeek, une expérience d'animation communautaire (la Gerbe)
M., D., H. et les autres. Le groupe des adolescents
Groupe Information Asile (Belgique)
Jean-Loup Poisson - La situation en France
Jean-Loup Poisson - Texte de présentation du « Réseau »
Jean-Loup Poisson - Essai sur une lutte politique spécifique
Marc Doux - Le réseau sud-est comme instrument d'échappement au phénomène mort-vivant
Jean-Marie Bellini - Ces murs que l'on croyait détruire
Les constructeurs de ponts sont des traîtres (collectif Réseau Villeurbanne)
Marge, les fous et la révolution
Ayala Klajnman, Annie Vacelet - Les femmes, la folie, le politique
Stanislas Tomkiewicz - Interventions au Portugal
Entretien avec Morton Schatzman
Interview de Laura Forti et Andrea Sabbadini
Interview de R. D. Scott
Marie Langer, Alberto Siniego - Psychanalyse, lutte des classes et santé mentale
Sylvia Marcos - Lettre du Mexique
Mark Seem et John Parkin - « Santé mentale » et technologie de normalisation
Postface

(Contribution de Grégory Haleux)
Index

10/18 — Lucien Malson : Les enfants sauvages




Lucien Malson
Professeur de psychologie sociale au
Centre National de Pédagogie de Beaumont

Les enfants sauvages - Mythe et réalité
suivi de Mémoire  et rapport sur Victor de l'Aveyron
par Jean Itard

n° 157
Paris, Union Générale d'Édition
Coll. 10/18

249 pages (256 pages)
Dépôt légal : juin 1983
Achevé d'imprimer en novembre 1990
Imprimerie Bussière - Saint-Amand (Cher)
ISBN 2-264-00810-5

Volume quintuple

Photo tirée du film L'enfant sauvage de François Truffaut
(Films du Carrosse)

Table des matières p 249 :

Lucien Malson :
Introduction. - Les enfants sauvages et le problème de la nature humaine [7-12]
Chapitre I. - L'hérédité de l'individu et l'hérédité de l'espèce : [13-42]
I) l'hérédité de l'individu : [13-26]
II) l'hérédité de l'espèce : [27-42]
Chapitre II. - Les compositions légendaires et les relations historiques : [43-75]
I) la littérature de l'isolement : [43-56]
II) la critique des faits et de leur sens : [56-75]
Chapitre III. - Les trois espèces d'homines feri et leurs plus célèbres exemples : [76-99]
Bibliographie : [100]

Annexe :
Mémoire et rapport sur Victor de l'Aveyron par Jean Itard : [117]
Présentation : [119-125]
Le mémoire de 1801 : [127-189]
Le rapport de 1806 : [190-247]

titres de l'auteur dans la collection 10/18 : [2]


(Contribution de Krrr)
Index

Zèbre (Filer comme un)

Zèbre (Filer comme un) : Courir vite. C'est un drôle de zèbre : un curieux individu.

Géo Sandry & Marcel Carrère : Dictionnaire de l’argot moderne (1953)

(Index)

mardi 7 avril 2015

10/18 — Boris Vian : Les fourmis




Boris Vian

Les fourmis
suivi de repères bio-bibliographiques

n° 496
Paris, Union Générale d'Édition
Coll. 10/18

mention de la maison d'édition Le Terrain Vague sur la page de titre

copyright Le Terrain Vague, 1968

303 pages (320 pages)
Dépôt légal : 3ème trimestre 1979
Achevé d'imprimer en avril 1983
Imprimerie Bussière - Saint-Amand (Cher)
N° d'édit. 629 - N° d'imp. 724
ISBN 2-264-00929-2

Volume quintuple

Illustration : La ville des éléphants du Grand Khan Kublai
de Friedrich Justin Bertuch
Die bibliophilen Taschenbücher Harenberg Kommunikation

Table des matières p 315 :

Les Fourmis : [7-30]
Les Bons Élèves : [31-44]
Le Voyage à Khonostrov : [45-62]
L'Écrevisse : [63-78]
Le Plombier : [79-93]
La Route déserte : [95-125]
Les Poissons morts : [127-154]
Blues pour un chat noir : [155-180]
Le Brouillard : [181-201]
L'Oie bleue : [203-222]
Le Figurant : [223-307]
Repères bio-bibliographiques : [309-313]

titres de l'auteur dans la collection 10/18 : [4]
titres de l'auteur chez Christian Éditeur Bourgois : [4]


(Contribution de Krrr)
Index

Y aller de sa crampette

Y aller de sa crampette : Pollution après excitation.

Géo Sandry & Marcel Carrère : Dictionnaire de l’argot moderne (1953)

(Index)

10/18 — Maurice Roche : Compact




Maurice Roche
Compact

suivi de « Braille-Art », par Jean-Noël Vuarnet
(postface : p. 167 à 185)

préface de Philippe Sollers, « La douleur du nom »
(p. 7 à 12)

10/18

n° 1031

UNION GENERALE D’EDITIONS
8, rue Garancière — Paris VIe

[E. O. : Éditions du Seuil, 1966]

couverture de Pierre Bernard — dessin : Françoise Rojare

a. i. : janvier 1976 (La Chapelle d’Armentières)

192 pages.


(Contribution de Am Lepiq (monsieuye)
Index

Vacciné (Être)

Vacciné (Être) : Être prémuni contre quelque chose à la suite d'une expérience malheureuse.

Géo Sandry & Marcel Carrère : Dictionnaire de l’argot moderne (1953)

(Index)

lundi 6 avril 2015

Auteur

AUTEUR
Auteur est un nom générique qui peut, comme le nom de toutes les autres professions, signifier du bon et du mauvais, du respectable ou du ridicule, de l’utile et de l’agréable ou du fatras de rebut. Ce nom est tellement commun à des choses différentes, qu’on dît également l’Auteur de la nature, et l’auteur des chansons du Pont-Neuf, ou l’auteur de l’Année littéraire.
Nous croyons que l’auteur d’un bon ouvrage doit se garder de trois choses, du titre, de l’épître dédicatoire, et de la préface. Les autres doivent se garder d’une quatrième, c’est d’écrire. Quant au titre, s’il a la rage d’y mettre son nom, ce qui est souvent très dangereux, il faut du moins que ce soit sous une forme modeste ; on n’aime point à voir un ouvrage pieux, qui doit renfermer des leçons d’humilité, par Messire ou Monseigneur un tel, conseiller du roi en ses conseils, évêque et comte d’une telle ville. Le lecteur, qui est toujours malin, et qui souvent s’ennuie, aime fort à tourner en ridicule un livre annoncé avec tant de faste. On se souvient alors que l’auteur de l’Imitation de Jésus-Christ n’y a pas mis son nom.
Mais les apôtres, dites-vous, mettaient leurs noms à leurs ouvrages. Cela n’est pas vrai ; ils étaient trop modestes. Jamais l’apôtre Matthieu n’intitula son livre, Évangile de 
 
saint Matthieu ; c’est un hommage qu’on lui rendit depuis. Saint Luc lui-même, qui recueillit ce qu’il avait entendu dire, et qui dédie son livre à Théophile, ne l’intitule point Évangile de Luc. Il n’y a que saint Jean qui se nomme dans l’Apocalypse ; et c’est ce qui fit soupçonner que ce livre était de Cérinthe, qui prit le nom de Jean pour autoriser cette production.
Quoi qu’il en puisse être des siècles passés, il me paraît bien hardi dans ce siècle de mettre son nom et ses titres à la tête de ses oeuvres. Les évêques n’y manquent pas ; et dans les gros in-quarto qu’ils nous donnent sous le titre de Mandements, on remarque d’abord leurs armoiries avec de beaux glands ornés de houppes ; ensuite il est dit un mot de l’humilité chrétienne, et ce mot est suivi quelquefois d’injures atroces contre ceux qui sont, ou d’une autre communion, ou d’un autre parti. Nous ne parlons ici que des pauvres auteurs profanes. Le duc de La Rochefoucauld n’intitula point ses Pensées, par Monseigneur le duc de La Rochefoucauld, pair de France, etc. Plusieurs personnes trouvent mauvais qu’une compilation dans laquelle il y a de très beaux morceaux soit annoncée par Monsieur, etc., ci-devant professeur de l’Université, docteur en théologie, recteur, précepteur des enfants de M. le duc de..., membre d’une académie, et même de deux. Tant de dignités ne rendent pas le livre meilleur.
 
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On souhaiterait qu’il fût plus court, plus philosophique, moins rempli de vieilles fables: à l’égard des titres et qualités, personne ne s’en soucie. L’épître dédicatoire n’a été souvent présentée que par la bassesse intéressée, à la vanité dédaigneuse.  
De là vient cet amas d’ouvrages mercenaires ;
Stances, odes, sonnets, épîtres liminaires,
Où toujours le héros passe pour sans pareil,
Et, fût-il louche et borgne, est réputé soleil.
Qui croirait que Rohault, soi-disant physicien, dans sa dédicaceau duc de Guise, lui dit que « ses ancêtres ont maintenu aux dépens de leur sang les vérités politiques, les lois fondamentales de l’État, et les droits des souverains ? » Le Balafré et le duc de Mayenne seraient un peu surpris si on leur lisait cette épître. Et que dirait Henri IV ? On ne sait pas que la plupart des dédicaces, en Angleterre, ont été faites pour de l’argent, comme les capucins chez nous viennent présenter des salades, à condition qu’on leur donnera pour boire. Les gens de lettres, en France, ignorent aujourd’hui ce honteux avilissement ; et jamais ils n’ont eu tant de noblesse dans l’esprit, excepté quelques malheureux qui se disent    gens de lettres, dans le même sens que des barbouilleurs se vantent d’être de la profession de Raphaël, et que le cocher de Vertamont était poète.
Les préfaces sont un autre écueil. Le moi est haïssable, disait Pascal. Parlez de vous le moins que vous pourrez, car vous devez savoir que l’amour-propre du lecteur est aussi grand que le vôtre. Il ne vous pardonnera jamais de vouloir le condamner à vous estimer. C’est à votre livre à parler pour lui, s’il parvient à être lu dans la foule. « Les illustres suffrages dont ma pièce a été honorée devraient me dispenser de répondre à mes adversaires. Les applaudissements du public.... » Rayez tout cela, croyez-moi ; vous n’avez pas eu de suffrages illustres, votre pièce est oubliée pour jamais. « Quelques censeurs ont prétendu qu’il y a un peu trop d’événements dans le troisième acte, et que la princesse découvre trop tard dans le quatrième les tendres sentiments de son coeur pour son amant ; à cela je réponds que.... » Ne réponds point, mon ami, car personne n’a parlé ni ne parlera de ta princesse. Ta pièce est tombée parce qu’elle est ennuyeuse et écrite en vers plats et barbares ; ta préface est une prière pour les morts, mais elle ne les ressuscitera pas. D’autres attestent l’Europe entière qu’on n’a pas entendu leur système sur les compossibles, sur les supralapsaires, sur la différence qu’on doit mettre entre les hérétiques macédoniens et les hérétiques valentiniens. Mais vraiment je crois bien que personne ne t’entend, puisque personne ne te lit.
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On est inondé de ces fatras et de ces continuelles répétitions, et des insipides romans qui copient de vieux romans, et de nouveaux systèmes fondés sur d’anciennes rêveries, et de petites historiettes prises dans des histoires générales. Voulez-vous être auteur, voulez-vous faire un livre ; songez qu’il doit être neuf et utile, ou du moins infiniment agréable. Quoi! du fond de votre province vous m’assassinerez de plus d’un in-quarto pour m’apprendre qu’un roi doit être juste, et que Trajan était plus vertueux que Caligula! vous ferez imprimer vos sermons qui ont endormi votre petite ville inconnue! vous mettrez à contribution toutes nos histoires pour en extraire la vie d’un prince sur qui vous n’avez aucuns mémoires nouveaux! Si vous avez écrit une histoire de votre temps, ne doutez pas qu’il ne se trouve quelque éplucheur de chronologie, quelque commentateur de gazette qui vous relèvera sur une date, sur un nom de baptême, sur un escadron mal placé par vous à trois cents pas de l’endroit où il fut en effet posté. Alors corrigez-vous vite. Si un ignorant, un folliculaire se mêle de critiquer à tort et à travers, vous pouvez le confondre ; mais nommez-le rarement, de peur de souiller vos écrits. Vous attaque-t-on sur le style, ne répondez jamais ; c’est à votre ouvrage seul de répondre. Un homme dit que vous êtes malade, contentez-vous de vous bien porter, sans vouloir prouver au public que vous êtes en parfaite santé ; et surtout souvenez-vous que le public s’embarrasse fort peu si vous vous portez bien ou mal. Cent auteurs compilent pour avoir du pain, et vingt folliculaires font l’extrait, la critique, l’apologie, la satire de ces compilations, dans l’idée d’avoir aussi du pain, parce qu’ils n’ont point de métier. Tous ces gens-là vont le vendredi demander au lieutenant de police de Paris la permission de vendre leurs drogues. Ils ont audience immédiatement après les filles de joie, qui ne les regardent pas, parce qu’elles savent bien que ce sont de mauvaises pratiques.    Ils s’en retournent avec une permission tacite de faire vendre et débiter par tout le royaume leurs historiettes, leurs recueils de bons mots, la vie du bienheureux Régis, la traduction d’un poème allemand, les nouvelles découvertes sur les anguilles, un nouveau choix de vers, un système sur l’origine des cloches, les amours du crapaud. Un libraire achète leurs productions dix écus; ils en donnent cinq au folliculaire du coin, à condition qu’il en dira du bien dans ses gazettes.
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Le folliculaire prend leur argent, et dit de leurs opuscules tout le mal qu’il peut. Les lésés viennent se plaindre au juif qui entretient la femme du folliculaire ; on se bat à coups de poing chez l’apothicaire Lelièvre ; la scène finit par mener le folliculaire au For-l’Évêque ; et cela s’appelle des auteurs! Ces pauvres gens se partagent en deux ou trois bandes, et vont à la quête comme des moines mendiants ; mais n’ayant point fait de voeux, leur société ne dure que peu de jours ; ils se trahissent comme des prêtres qui courent le même bénéfice, quoiqu’ils n’aient nul bénéfice à espérer ; et cela s’appelle des auteurs! Le malheur de ces gens-là vient de ce que leurs pères ne leur ont pas fait apprendre une profession: c’est un grand défaut dans la police moderne. Tout homme du peuple qui peut élever son fils dans un art utile, et ne le fait pas, mérite punition. Le fils d’un metteur en oeuvre se fait jésuite à dix-sept ans. Il est chassé de la société à vingt-quatre, parce que le désordre de ses moeurs a trop éclaté. Le voilà sans pain ; il devient folliculaire ; il infecte la basse littérature, et devient le mépris et l’horreur de la canaille même ; et cela s’appelle des auteurs! Les auteurs véritables sont ceux qui ont réussi dans un art véritable, soit dans l’épopée, soit dans la tragédie, soit dans la comédie, soit dans l’histoire, ou dans la   philosophie ; qui ont  enseigné ou  enchanté  les hommes. Les autres dont nous avons parlé sont parmi les gens de lettres ce que les frelons sont parmi les oiseaux. On cite, on commente, on critique, on néglige, on oublie, mais surtout on méprise communément un auteur qui n’est qu’auteur.
A propos de citer un auteur, il faut que je m’amuse à raconter une singulière bévue du révérend P. Viret, cordelier, professeur en théologie. Il lit dans la Philosophie de l’histoire de ce bon abbé Bazin, que «jamais aucun auteur n’a cité un passage de Moïse avant Longin, qui vécut et mourut du temps de l’empereur Aurélien. » Aussitôt le zèle de saint François s’allume: Viret crie que cela n’est pas vrai ; que plusieurs écrivains ont dit qu’il y avait eu un Moïse ; que Josèphe même en a parlé fort au long, et que l’abbé Bazin est un impie qui veut détruire les sept sacrements. Mais, cher père Viret, vous deviez vous informer auparavant de ce que veut dire le mot citer.    Il y a bien de la différence entre faire mention d’un auteur et citer un auteur. Parler, faire mention d’un auteur, c’est dire: « Il a vécu, il a écrit en tel temps. » Le citer, c’est rapporter un de ses passages: « Comme Moïse le dit dans son Exode, comme Moïse a écrit dans sa Genèse. » Or l’abbé Bazin affirme qu’aucun écrivain étranger, aucun même des prophètes juifs n’a jamais cité un seul passage de Moïse, quoiqu’il soit un auteur divin.
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Père Viret, en vérité, vous êtes un auteur bien malin ; mais on saura du moins par ce petit paragraphe que vous avez été un auteur. Les auteurs les plus volumineux que l’on ait eus en France, ont été les contrôleurs généraux des finances. On ferait dix gros volumes de leurs déclarations, depuis le règne de Louis XIV seulement. Les parlements ont fait quelquefois la critique de ces ouvrages; on y a trouvé des propositions erronées, des contradictions : mais où sont les bons auteurs qui n’aient pas été censurés ?














              

 
Collection complette des œuvres de Mr. de Voltaire — Tome vingt et unième