Macaire : Malfaiteur affectant les dehors d'un homme du monde. Le mot date du drame de l'Auberge des Adrets
; il doit moins sa fortune à Frederick Lemaître, créateur du rôle de
Macaire, qu'aux nombreuses caricatures qui ont ensuite fait de
l'assassin Macaire le type du filou cynique. — « Ils se croyaient des
Macaires et n'ont été que des filous. » (Luchet.)
mercredi 11 mai 2016
lundi 9 mai 2016
Là-bas
Là-bas : Maison de correction de Saint-Lazare. — « Julia à Amandine
: comme ça c'est pauvre Angèle est là-bas ? — Ne m'en parle pas. Elle
était au café Coquet à prendre un grog avec Anatole. Voilà un monsieur
qui passe, qui avait l'air d'un homme sérieux avec des cheveux blancs
et une montre. Il lui offre une voiture, elle accepte, un cocher
arrive, et... emballée ! Le monsieur était un inspecteur ! » (Les Cocottes, 64.)
Là-bas : Au bagne. — « Ils croyaient m'avoir vu là-bas. Là-bas, cela veut dire au bagne. » (Lacenaire, 36.)
Là-bas : Au bagne. — « Ils croyaient m'avoir vu là-bas. Là-bas, cela veut dire au bagne. » (Lacenaire, 36.)
samedi 7 mai 2016
Sur les routes — III
Comme nous nous éloignions toujours davantage de la
capitale, le trajet de mes envoyés devenait chaque fois plus long. Après
cinquante jours de route, l’intervalle entre l’arrivée d’un messager et celle
du suivant était devenu sensiblement plus grand : alors qu’au début tous
les cinq jours l’un d’eux rejoignait le camp, il fallait désormais attendre
vingt cinq jours ; le bruit de ma ville s’affaiblissait de cette sorte
toujours davantage ; des semaines entières passaient sans qu’aucune
nouvelle me parvînt.
Quand j’en fus au sixième mois de mon voyage — nous avions déjà franchi les monts Fassani — l’intervalle entre l’arrivée de chacun de mes messagers s’accrut à quatre bons mois. Désormais, ils ne m’apportaient que des nouvelles lointaines, ils me tendaient des lettres toutes chiffonnées, roussies par les nuits humides que le messager devait passer à même les prairies.
Nous marchions toujours. Je tentais en vain de me persuader que les nuages qui roulaient au-dessus de ma tête étaient encore ceux-là mêmes de mon enfance, que le ciel de la ville lointaine ne différait en rien de la coupole bleue qui me surplombait, que l’air était semblable et semblable le souffle du vent, et semblable le chant des oiseaux. Les nuages, le ciel, l’air, les vents, les oiseaux m’apparaissaient en réalité comme des choses nouvelles ; et je me sentais étranger.
En avant, en avant ! Des vagabonds rencontrés sur les plaines me disaient que les frontières n’étaient plus loin. J’incitait mes hommes à continuer la route sans répit, faisant mourir sur leurs lèvres les mots désabusés qu’ils s’apprêtaient à dire. Quatre ans avaient passé ; quelle longue fatigue ! La capitale, ma demeure, mon père, étaient curieusement éloignés, je n’y croyais même presque plus. Vingt bons mois de silence et de solitude séparaient désormais les retours successifs des messagers. Ils m’apportaient de curieuses missives jaunies par le temps, dans lesquelles je découvrais des noms oubliés, des tournures de phrases insolites, des sentiments que je ne parvenais pas à comprendre. Et le lendemain matin, après une seule nuit de repos, tandis que nous reprenions notre route, le messager partait dans la direction opposée, portant vers la ville une lettre préparée par moi depuis longtemps.
Mais huit ans et demi ont passé. Ce soir je soupais seul sous ma tente quand est entré Dominique, qui parvenait encore à me sourire malgré cette fatigue qui le terrassait. Je ne l’avais pas revu depuis près de sept ans. Et pendant ces sept ans-là, il n’avait que courir, à travers les prairies, les forêts et les déserts, changeant Dieu sait combien de fois sa monture, pour m’apporter ce paquet d’enveloppes que je n’ai pas encore eu à cette heure l’envie d’ouvrir. Déjà il s’en est allé dormir, il repartira demain matin à l’aube.
Il repartira pour la dernière fois. J’ai calculé sur mon carnet que, si tout va bien, si je continue ma route comme je l’ai fait jusqu’ici et lui la sienne, je ne pourrai revoir Dominique que dans trente-quatre ans. J’en aurais alors soixante-douze. Mais je commence à ressentir ma lassitude et la mort probablement m’aura cueilli avant. Ainsi donc je ne pourrai jamais plus le revoir.
Dino Buzzati : Les sept messagers — 1966
Traduit de l’italien par Michel Breitman
Quand j’en fus au sixième mois de mon voyage — nous avions déjà franchi les monts Fassani — l’intervalle entre l’arrivée de chacun de mes messagers s’accrut à quatre bons mois. Désormais, ils ne m’apportaient que des nouvelles lointaines, ils me tendaient des lettres toutes chiffonnées, roussies par les nuits humides que le messager devait passer à même les prairies.
Nous marchions toujours. Je tentais en vain de me persuader que les nuages qui roulaient au-dessus de ma tête étaient encore ceux-là mêmes de mon enfance, que le ciel de la ville lointaine ne différait en rien de la coupole bleue qui me surplombait, que l’air était semblable et semblable le souffle du vent, et semblable le chant des oiseaux. Les nuages, le ciel, l’air, les vents, les oiseaux m’apparaissaient en réalité comme des choses nouvelles ; et je me sentais étranger.
En avant, en avant ! Des vagabonds rencontrés sur les plaines me disaient que les frontières n’étaient plus loin. J’incitait mes hommes à continuer la route sans répit, faisant mourir sur leurs lèvres les mots désabusés qu’ils s’apprêtaient à dire. Quatre ans avaient passé ; quelle longue fatigue ! La capitale, ma demeure, mon père, étaient curieusement éloignés, je n’y croyais même presque plus. Vingt bons mois de silence et de solitude séparaient désormais les retours successifs des messagers. Ils m’apportaient de curieuses missives jaunies par le temps, dans lesquelles je découvrais des noms oubliés, des tournures de phrases insolites, des sentiments que je ne parvenais pas à comprendre. Et le lendemain matin, après une seule nuit de repos, tandis que nous reprenions notre route, le messager partait dans la direction opposée, portant vers la ville une lettre préparée par moi depuis longtemps.
Mais huit ans et demi ont passé. Ce soir je soupais seul sous ma tente quand est entré Dominique, qui parvenait encore à me sourire malgré cette fatigue qui le terrassait. Je ne l’avais pas revu depuis près de sept ans. Et pendant ces sept ans-là, il n’avait que courir, à travers les prairies, les forêts et les déserts, changeant Dieu sait combien de fois sa monture, pour m’apporter ce paquet d’enveloppes que je n’ai pas encore eu à cette heure l’envie d’ouvrir. Déjà il s’en est allé dormir, il repartira demain matin à l’aube.
Il repartira pour la dernière fois. J’ai calculé sur mon carnet que, si tout va bien, si je continue ma route comme je l’ai fait jusqu’ici et lui la sienne, je ne pourrai revoir Dominique que dans trente-quatre ans. J’en aurais alors soixante-douze. Mais je commence à ressentir ma lassitude et la mort probablement m’aura cueilli avant. Ainsi donc je ne pourrai jamais plus le revoir.
Dino Buzzati : Les sept messagers — 1966
Traduit de l’italien par Michel Breitman
Idiot
Idiot : Insulte vague; Elle
peut s'adresser à des gens d'esprit. — « Il a l'air d'un chien de
chasse. Est-il idiot, hein ? — Aussi, tu l'agaces, ma chère.. » (E.
Villars.)
Une historiette de Béatrice
Halènes
Halènes : Outil de voleur. —Allusions aux halènes de cordonniers ? — « Crois-moi, balance tes halènes. » (Vidocq.)
vendredi 6 mai 2016
Gadoue
Gadoue : Salope(*). — Du vieux mot gadoue : ordure. — « File, mon fiston, roule ta gadoue, mon homme, ça pue. » (Catéchisme Poissard, 44.)
Lorédan Larchey : Dictionnaire historique d'argot, 9e édition, 1881
(Index)
(* ) Salope adjectif et nom. Malpropre. Sitôt qu'il fût parti, la servante de l'auberge se déclara grosse de son fait. C'était une vilaine salope. (J-J. Rousseau) Il se faisait gloire d'être salope. (Hamilton) | Duchesne/Leguay : La Surprise, dictionnaire des sens perdus, 1990
(Index)
(* ) Salope adjectif et nom. Malpropre. Sitôt qu'il fût parti, la servante de l'auberge se déclara grosse de son fait. C'était une vilaine salope. (J-J. Rousseau) Il se faisait gloire d'être salope. (Hamilton) | Duchesne/Leguay : La Surprise, dictionnaire des sens perdus, 1990
jeudi 5 mai 2016
Sur les routes — II
Nous quittâmes la maison le jour fixé et nous atteignîmes
dans la soirée Malaucène, au pied de la montagne, en direction du nord. Nous y
restâmes une journée, et aujourd’hui, enfin, nous avons entrepris, non sans
peine, l’ascension, aidés chacun d’un serviteur. La masse du mont, un
amoncellement de rochers, est fortement escarpée et presque inaccessible ;
mais le poète l’a bien dit, « labeur opiniâtre vient à bout de
tout ». La longue journée, la température clémente, l’enthousiasme, la vigueur,
l’agilité du corps, tout favorisait notre escalade ; seule faisait
obstacle la nature du terrain. Dans une petite vallée, nous rencontrâmes un
vieux berger qui tenta de mille manières de nous dissuader de monter, nous
racontant que lui aussi, cinquante ans auparavant, poussé par la même ardeur
juvénile, il avait fait l’ascension jusqu’au sommet, qu’il n’en avait rapporté
que larmes et sueur, le corps et les vêtements déchirés par les pierres et les
ronces, et qu’il n’avait jamais entendu dire que d’autres, avant ou après lui,
eussent tenté pareille expédition. Mais, ainsi est la jeunesse, sourde à tout
conseil, plus il criait pour nous mettre en garde, plus nous sentions croître
notre désir de passer outre. Alors, quand le vieillard eut compris que ses
efforts étaient vains, s’avançant un petit peu parmi les rochers, il nous
montra du doigt un sentier abrupt, tout en réitérant ses avertissements, et il
nous en prodiguait encore, que nous lui avions depuis longtemps tourné le dos.
Ayant laissé près de lui les vêtements et les objets qui pouvaient gêner notre
marche, nous nous apprêtons à monter seuls et nous avançons d’un bon pas. Mais
comme il arrive souvent, à un effort violent succède une brusque fatigue, et
nous voici contraints de faire halte sur une roche toute proche. Puis nous
reprenons notre progression, mais plus lentement ; moi surtout, qui
grimpais d’un pas plus lourd, tandis que mon frère, qui coupait en longeant la
crête, s’élevait toujours plus. Moi, peinant, je descendais et, quand il
m’appelait pour m’indiquer le chemin le plus direct, je lui répondais que
j’espérais trouver un sentier plus facile de l’autre côté de la montagne et
qu’il ne me déplaisait pas de faire une route plus longue, pourvu qu’elle fut
plate. Je prétendais ainsi excuser ma paresse et, alors que mes compagnons
étaient déjà au sommet, moi, j’errais par les vallées, sans distinguer nulle
part de sentier plus amène ; la route, en réalité, montait, et l’inutile
fatigue m’accablait. Las d’errer, je décidai de me diriger directement vers le
haut, et quand, épuisé et haletant, j’eus réussi à rejoindre mon frère qu’une
longue pause avait ragaillardi, nous fîmes un bout de chemin ensemble. Nous
avions à peine quitté ce col que moi, oublieux de mes précédentes errances, je
me sens à nouveau tiré vers le bas et, tandis que je traverse à nouveau la
vallée à la recherche d’un sentier plat, je me précipite dans de graves
difficultés. Je voulais différer la fatigue de la montée, mais la nature ne
cède pas à la volonté humaine, et il est impossible pour un corps de gagner les
hauteurs en descendant. Bref, en peu de temps, sous les rires de mon frère et
dans mon abattement, cela m’arriva trois fois ou plus. Découragé, je m’asseyais
souvent dans quelque creux et là, passant rapidement des choses du corps à celles
de l’esprit, je me faisais ce genre de réflexions : « Ce que tu as
tant de fois tenté aujourd’hui en escaladant cette montagne se répétera pour
toi et pour tant d’autres qui veulent toucher à la béatitude ; si les
hommes ne s’en rendent pas compte aussi facilement, cela vient du fait que les
mouvements du corps sont visibles, tandis que ceux de l’esprit sont invisibles
et cachés. La vie que nous appelons heureuse occupe les hauteurs et, comme dit
le proverbe, “ étroite est la route qui y mène ”. Nombreux aussi sont les cols
qu’il faut passer, de même nous devons avancer par degrés, de vertu en
vertu ; sur la cime est la fin de toutes choses, le but vers lequel nous
dirigeons nos pas. Tous veulent l’atteindre, mais comme dit Ovide, “vouloir est
peu ; il faut, pour parvenir, désirer ”. Toi, bien sûr, si tu ne te
trompes pas une fois de plus, non seulement tu veux, mais tu désires. Qu’est-ce
donc qui te retient ? Rien d’autre, évidemment que la route plus plate qui
passe par les bas plaisirs terrestres et qui semble à première vue plus
facile ; mais quand tu auras beaucoup erré, il te faudra monter vers la
cime de la béatitude en peinant sous le poids d’une fatigue fâcheusement
différée, ou bien tomber d’épuisement dans les vallées de tes péchés ; et
si — je frémis à cette pensée — les ténèbres et l’ombre de la mort s’emparent
de toi, tu devras vivre une nuit éternelle de perpétuelles tourments ». Je ne
puis dire à quel point cette pensée me redonna courage et force pour le reste
du chemin. Puissé-je accomplir avec mon âme ce voyage auquel jour et nuit
j’aspire, comme je l’ai accompli après avoir surmonté les difficultés avec mon
corps ! Et j’ignore si ce que l’âme peut réaliser en un clin d’œil et sans
bouger quoi que ce soit, en laissant agir sa nature immortelle, est plus facile
que ce que doit accomplir dans le temps un corps promis à la mort et qui croule
sous le poids de ses membres.
Pétrarque — L’ascension du mont Ventoux — 1353
Traduit du latin par Denis Montebello.
Pétrarque — L’ascension du mont Ventoux — 1353
Traduit du latin par Denis Montebello.
Inscription à :
Articles (Atom)