lundi 22 juin 2020

Lecture du Tenancier

Rien de récent (ou si peu), et comme ça lui chante.


Qui n’a pas eu la tentation d’une telle compilation, qui consiste à recenser les ouvrages imaginaires glanés dans la littérature ? Certes, depuis le temps que l’on nous cite l’exemple du Necronomicon (bâillement poli de votre serviteur), il devenait nécessaire de nous fournir d’autres exemples propres à exciter l’amygdale, non loin de notre hippocampe. Le seul obstacle à une telle entreprise résid
e dans l’érudition et la verve accumulatrice de l’auteur, celui-ci devant prouver l’étendue de ses capacités par le nombre d’entrées dans ce registre. On se garde ici de les compter ou même de relever les lacunes. On se contente déjà de ce que l’on trouve en gardant à l’esprit que toute entreprise de recension autour de la littérature et de ses surgeons se voue à l’incomplétude. Satisfaisons-nous alors de l’existence virtuelle d’un ouvrage comme Des trappes à souris et de leur influence sur l’âme et l’activité des chats (dans Le Chat Murr, d’Hoffmann) ou la continuation du canular de l’Action française de façon imprévisible par Jacques Roubaud qui, dans sa série d’Hortense, cite un ouvrage consacré à la Poldévone poldévique, par un certain Henri de Wachtendonck… et puis évidemment Perec et Le Voyage d’Hiver, d’Hugo Vernier, et puis l’œuvre de Ronceraille, et puis, et puis voilà.
Bien évidemment, un tel livre se feuillète de la même manière qu’on le fit avec Le guide de nulle part et d’ailleurs de Manguel et Guadaluppi, ici pour former un périple incertain et là, avec cette Bibliothèque invisible, pour fixer notre goût pour les voyages immobiles, ou presque, dans nos rayonnages. On reviendra dans quelques temps sur ce domaine du livre imaginaire, le sujet se révèle riche ! En attendant, pour vous récompenser de vous avoir fait poireauter dans notre salle d’attente, prenez donc cette prescription : un ou deux notices quand le besoin s’en fait sentir… ça ne vous fera pas de mal. Votre amygdale vous remerciera.

samedi 20 juin 2020

Le lendemain...


Un jour un' petit' châtelaine, enl'vée par des romanichels,
Fut mis' dans un' chambre malsaine,
Tout en haut d' la rue St-Michel ;
La p'tit' au caractèr' rieur, prit joyeusement son malheur :
 
Le lendemain, elle était souriante, à sa fenêtre fleurie, chaque soir,
Elle arrosait ses petit's fleurs grimpantes,
Avec de l'eau de son arrosesoir.
 
Les brigands furieux d'la voir rire lui attachèrent, les mains, les pieds,
Puis par ses cheveux la pendirent au plafond en face du plancher
Puis la laissant là, les voyous allèrent chez l'bistrot boire un coup
 
Le lendemain, elle était souriante, à sa fenêtre fleurie, chaque soir,
Elle arrosait ses petit's fleurs grimpantes,
Avec de l'eau de son arrosesoir.
 
Les bandits jaloux d'son courage un soir à l'heure de l'angélus
La jetèr'nt du sixième étage son corps tomba d'vant l'autobus
L'autobus qui n'attendait qu'ça sur la belle aussitôt passa.
 
Le lendemain, elle était souriante, à sa fenêtre fleurie, chaque soir,
Elle arrosait ses petit's fleurs grimpantes,
Avec de l'eau de son arrosesoir.
 
Mais les assassins s'acharnèrent
Sur elle à coups d'pieds, à coups d'poings
De mill' coups d'poignards la lardèrent
Pour lui faire passer l'goût du pain
Et pour en finir les ch'napans ils la noyèrent dans l'Océan.
 
Le lendemain, elle était souriante, à sa fenêtre fleurie, chaque soir,
Elle arrosait ses petit's fleurs grimpantes,
Avec de l'eau de son arrosesoir.
 
Au moment où la pauvre fille allait remonter sur les flots
Un sous-marin avec sa quille coupa son corps en deux morceaux.
Puis une torpill' qui éclata fit voler le reste en éclats.
 
Le lendemain, elle était souriante, à sa fenêtre fleurie, chaque soir,
Elle arrosait ses petit's fleurs grimpantes,
Avec de l'eau de son arrosesoir.
 
La tempête, le vent et l'orage soulv'nt les vagues de l'océan
La petit' lutt' avec courage bravant le terribl' ouragan,
Mais le tonnerr' à ce moment tomb' et foudroie la pauvr' enfant.
 
Le lendemain, elle était souriante, à sa fenêtre fleurie, chaque soir,
Elle arrosait ses petit's fleurs grimpantes,
Avec de l'eau de son arrosesoir.
 
Elle disparut dans l'eau profonde
Une baleine lui bouffa les mains
Sa jolie chevelure blonde
Fut arrachée par les requins
Un p'tit' maqu'reau qui s'balladait
Lui barbotta son port' monnaie
 
Le lendemain, elle était souriante, à sa fenêtre fleurie, chaque soir,
Elle arrosait ses petit's fleurs grimpantes,
Avec de l'eau de son arrosesoir.
 
Vous croyez p't'être qu'elle en est morte
Et cependant il n'en est rien
Après cett' secousse un peu forte
La p'tite ne se sentait pas bien
Elle prit pour se remettr' d'aplomb
Un p'tit cachet d'pyramidon
 
Le lendemain, elle était souriante, à sa fenêtre fleurie, chaque soir,
Elle arrosait ses petit's fleurs grimpantes,
Avec de l'eau de son arrosesoir.

(Elle était souriante (1908) — Paroles d’Edmond Bouchaud, dit Dufleuve)
Sur la chanson et les conditions de sa création, voir ici.

vendredi 19 juin 2020

Et maintenant, quelques titres de Craig Strete

Toutes mes statues ont des ailes de pierre
Pour voir la cité assise sur ses édifices
Samedi soir au poste d’observation de la femme blanche
Just like Gene Autry (Foxtrot) — version Cherokee de « Jésus-Christ est entré dans notre vie »
Vieille, si vieille, mais sans âge en cette science
Conte de fées à Wounded Knee
Un cheval d’un autre technicolor
Une corde autour de chaque monde
Où ils ont mis les agrafes et pourquoi elle a ri
La cruauté de ton visage
Un lieu pour mourir sur la photographie de ton âme
Pourquoi la vierge Marie n’est-elle jamais entrée dans le wigwam de Standing Bear ?
L’oiseau du piano
Quel fut le premier oscar à recevoir un nègre
L’homme qui saigne
Quand ils parlent
La haine est un amour infiniment douloureux

mercredi 17 juin 2020

Une historiette de Béatrice

« Houlala tu as vu tous ces livres je me demande comment il s'y retrouve dis donc ».
(Il classe madame, il classe).

mardi 16 juin 2020

Une promenade


Un passage superficiel pourrait faire accroire à quatre illustrations insérées dans des cases. Un examen plus attentif n’en décompte plus que trois, puisque les deux inférieurs ne font qu’une. Comment pourrait-on intituler, d’ailleurs ce motif ? « Tigre dans les bambous au bord d’une rivière » ? La facture reste brouillonne. Divers indices persistent à nous faire penser à de la xylogravure (les cadres, le dessin des animaux, les idéogrammes) mêlé de technique au pochoir (on aperçoit quelques débords) et la peinture à main levée. Il s’agit bien d’un livre artisanal. Le motif animalier se précise, avec une mise en abyme : le dessin sur éventail…

mardi 9 juin 2020

Antif, Antiffe, Antiffer

Antif (Battre l') : Marcher. Mot à mot : battre le grand chemin. — Antif est un vieux mot qui signifie antique et se rencontre souvent dans dans les textes du moyen âge uni à celui de chemin. — Un chemin antif était un chemin ancien, c'est-à-dire frayé.

Antiffe : Marchez (Grandval.) Mot à mot : action de battre l'antif.

Antiffer : Entrer (Rabasse)

Antiffer (s') : Se marier (Rabasse.) — Forme moderne d'antifler. — Se dit aussi pour être séduit, se laisser circonvenir.

Lorédan Larchey : Dictionnaire historique d'argot, 9e édition, 1881

(Index)

dimanche 7 juin 2020

Nouveaux venus & vieilles ficelles

Affaire Jaubert : Comment démolir un homme
 
Le 29 mai 1971, vers 17h30, le journaliste Alain Jaubert monte dans un car de Police-Secours pour accompagner un blessé à l’hôpital. Passé à tabac à l’intérieur et à l’extérieur du car de police, Alain Jaubert sera « livré » à l’hôpital Lariboisière couvert de sang à 18h15. Une commission d’enquête a depuis prouvé les responsabilités des policiers et établi les mensonges de ceux de leurs chefs qui ont jugé nécessaire de prendre position.
Mais l’affaire Jaubert n’est pas une simple affaire de police. Dès que Jaubert est admis à l’hôpital et placé en garde à vue — et surtout dès qu’il est libéré — il y a bien plus grave que le simple passage à tabac. Le caractère policier de l’État apparaît alors nettement. On surveille le journaliste, ses amis, les témoins. On cherche aussi à démolir Jaubert et tous les moyens sont bons.
 
I. TÉMOINS MUETS1
 
Quelles pressions ont subi les habitants des immeubles nos 50, 52, 54, et 57, 59, rue de Clignancourt. Beaucoup ont été vus par des témoins à leurs fenêtres, pendant que les policiers tabassaient, dans la rue, Alain Jaubert qui venait d’être éjecté du premier car. Aujourd’hui, ceux qui acceptent d’ouvrir leur porte affirment qu’ils étaient absents le samedi 29 mai.
 
II. COUPS CRASSEUX2
 
On a mis beaucoup de monde sur l’affaire Jaubert. Des dizaines de flics et autre fonctionnaires. Objectif : démolir le journaliste et, si possible, le coincer ; saper le coefficient de sympathie de Jaubert auprès des autres journalistes et renverser l’opinion en brouillant le plus de cartes possibles. Pas ragoûtant comme méthode, mais l’enjeu vaut bien quelques coups crasseux. Quelques bonnes manières dignes du panier à salade dont Jaubert sortit couvert de sang le 29 mai, après son passage à tabac. Tout se passe en coulisse, bien sûr, et, normalement, rien ne devrait filtrer.
 
Les premiers jours, Jaubert encore détenu, on surveille sa femme et l’appartement du couple. Une fois le journaliste sorti de l’hôpital et relâché, on le prend en filature. On enquête auprès de ses voisins — des fois qu’on trouverait quelque chose de pas bien ; on branche son téléphone sur table d’écoute.
Noblesse oblige, c’est le ministère de l’Intérieur qui centralise l’opération. Des flics fouillent le passé de Jaubert — un coup d’œil aux archives ; ils font l’inventaire de ses relations, de celles de sa famille. On cherche, on cherche. Jaubert a beaucoup voyagé avant d’être journaliste. En Amérique du Sud, à l’Est, presque partout. Alors on fait l’inventaire de ses ressources — un coup d’œil sur ses dépenses et sur son compte en banque. On cherche. Trouver quelque chose, pouvoir dire que Jaubert est un malfrat ou — pourquoi pas ? — un agent de l’étranger et ce sera tout bon.
On passe ensuite la balle aux gens de la Direction Générale des Impôts. À charge pour eux d’enquêter et de rendre compte aux hommes de Marcellin. Ses impôts, est-ce que Jaubert les paie ? Il ne fraude pas un peu, non ? Pas de ressources un peu bizarres ? Quelques jours après son passage à tabac, Jaubert reçoit coup sur coup, deux lettres de son percepteur qui réclame une déclaration de revenus déjà envoyée puis demande — réponse sous huit jours — des renseignements sur ses gains en 1969 et 1970. Pure coïncidence, bien sûr.
On s’agite autour des journaux. Certains flics et quelques collaborateurs de Marcellin courent les rédactions et glissent à l’oreille de journalistes : Jaubert n’a pas droit à sa carte de presse. Ce n’est pas un vrai journaliste…
Mieux encore : les notes confidentielles à en-tête du ministère de l’Intérieur. La première, envoyée dès le début de l’affaire à certains journaux — mais pas au Canard — comporte trois feuillets. On donne maladroitement la version policière des faits, on accuse Jaubert d’être un cogneur, on tronque les déclarations des témoins pour mieux l’enfoncer. La semaine dernière, les services de Marcellin ont remis ça — toujours dans le style note confidentielle. Avec l’espoir de faire un peu baisser le ton des journaux.
 
L’affaire Jaubert révèle bien le caractère policier des pratiques politiques. Ce n’est plus une affaire de police. On donne des ordres, on lance des flics ou d’autres fonctionnaires sur le renseignement, on flaire, on cherche, on veut savoir des choses pour empêcher un scandale d’éclater, on prend des habitudes. C’est cela le fondement policier d’un État. Le reste — quadrillage d’un quartier ou d’une ville par des hommes casqués — n’est jamais que la vitrine.
Après, on peut toujours se dire indigné de la campagne systématique de diffamation qui est menée contre nos forces de police, comme Pompidou l’a fait à la télévision. Ou éructer contre la presse — encore du Pompidou. Jeudi 10 juin, il recevait à l’Élysée des journalistes spécialistes des questions agricoles. Le ton aigre, Pompidou parla de l’affaire Jaubert, puis de l’affaire Bolo et des journalistes qui en profitent chaque fois pour se payer la tête du gouvernement.
Malheur à ceux par qui le scandale arrive… à la connaissance du public.
 
1. Extrait d’une enquête de René BACHMANN parue le 14 juin 1971 dans le Nouvel Observateur.
2. Article de Claude ANGELI, paru le 30 juin 1971 dans le Canard enchaîné.

René Bachmann — Claude Angeli : Les polices de la Nouvelle Société (1971) — Chap. V : Attention police !

Anse

Anse : Bras. L'anse est le bras du vase. V. Arque pincer. — Offrir son Anse, offrir son bras.

Anses : Oreilles — Comparaison de la tête au pot.

Anses (une paire d') : Une paire de grandes oreilles écartées. Vues de face, elles ressemblent aux anses d'un pot.

Anses (panier à deux) : Homme ayant une femme à chaque bras.

Lorédan Larchey : Dictionnaire historique d'argot, 9e édition, 1881

(Index)

samedi 6 juin 2020

10/18 — René d'Anjou : Le livre du cuer d'amours espris




René d'Anjou

Le livre du cuer d'amours espris

Édité et présenté par Susan WHARTON

n° 1385

Paris, Union Générale d'Édition
Coll. 10/18
Série « Bibliothèque médiévale »
Dirigée par Paul Zumthor
Volume quintuple

223 pages (224 pages)
Dépôt légal : 2e trimestre 1980
Achevé d'imprimer 23 avril 1980


(Contribution du Tenancier)
Index