vendredi 22 octobre 2021

Trop de concision nuit à l'exactitude

On a sursauté, lors du visionnage de l’épisode de la websérie sur la typo consacré au Futura, à l’allégation selon laquelle les nazis rejettent en bloc la typographie « bâton » au profit du « triomphe des lettres gothiques ». En réalité, l’histoire est bien plus complexe. Si la typo Fraktur (assimilable au Gothique) est recommandée et adoptée par l’administration nazie, elle est retoquée en 1941 sous l’impulsion d’Hitler lui-même au profit de typos latines. L’origine de ce rejet proviendrait du souci de devoir enseigner l’allemand aux peuples occupés et également le peu de lisibilité de cette typographie pour les opérations militaires. La justification officielle implique une prétendue origine juive à la Fraktur. Bien évidemment, tout ceci se révèle plus complexe encore. Le souci de concision de cette vidéo a dénaturé la référence historique…
On se rendra compte de la différence de typo à cette page. L’évocation du remplacement de la Gothique par la Latine ne manque pas sur le net. On vous laisse chercher de votre côté.

Futura

mardi 19 octobre 2021

Losfeld Éric (Le dépôt préalable)


Le 22 janvier 1970, Éric Losfeld dut se présenter devant la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris pour ne pas s’être soumis à la loi du Dépôt sans autorisation préalable. En effet, Losfeld avait en 1968 publie trois ouvrages « pornographiques » : Emmanuelle et L’Anti-vierge d’Emmanuelle Arsan, et Émilienne de Claude des Olbes. Ces trois ouvrages, parce qu’ils furent interdits à la vente aux mineurs, à l’exposition et à la publicité, firent tomber Losfeld sous la loi du 16 juillet 1949, qui stipulait qu’aucun éditeur ne pouvait plus, pendant cinq ans, publier aucune publication analogue (de même genre) sans la soumette en triple exemplaire au ministère de la Justice, et attendre trois mois à partir de la date du récépissé du dépôt.
En 1970, Losfeld passa outre à cette obligation en publiant Oh Violette ! de Lise Deharme. […] Il fut ainsi le premier depuis l’affaire Sade (1956) à être poursuivi devant les tribunaux. […]
 
Jean-Pierre Krémer, Alain Pozzuoli : Le dictionnaire de la censure (2007)
(Ouvrage piètrement rédigé par ailleurs…)

lundi 18 octobre 2021

Une historiette de Béatrice

La toute jeune fille parlant « zyva » venant me proposer des éditions XIXe siècle, non merci. Et les sortant de son sac griffé comme un paquet de kleenex. Euh, non merci.

samedi 16 octobre 2021

Mise au point

On s’en sera douté, on l’espère, le Tenancier a hésité à publier le passage consacré à Sonyas dans le billet précédent, représentation d’un certain « cosmopolitisme » honni sous ce vocable à la sortie de ce livre. Il reste à travers cette diatribe réactionnaire la trace d’un phénomène qui allait prendre une place prépondérante dans la production de la bibliophilie illustrée, celui du livre d’artiste. On passera sur le reste avec d’autant plus d’aisance que notre société s’est désormais affranchie de ces jugements de classes, racistes et témoignant d’une ignardise crasse (excepté au sujet des dentistes, qui achètent vraiment n’importe quoi !)
Nous l'avons échappé belle !

Les bibliophiles

Le pontife

   Sonyas a quitté ses Balkans nataux pour sauver la France. C’est un type dans le genre de Jeanne d’Arc. Il règne sur une partie de la France dont le centre d’attraction est le Café de la Rotonde, boulevard du Montparnasse. Il répand sur des panneaux en toile des torrents de peinture d’un éclat inédit. Les honnêtes gens en ont la vue troublée pour un mois. Quelques dentistes lui achètent très cher des tableaux avec la certitude que d’ici peu d’années leur cours aura centuplé.
  Mais Sonyas ne se contente pas de terroriser le monde de la peinture ; son audace menace aussi la librairie. Il réclame à grands cris la corde pour tous les éditeurs qui ne servent pas une esthétique conforme à la sienne. Il dit : « Ça un livre ! » comme Brummel disait à George IV : « Ces horribles choses que vous portez aux pieds, vous osez appeler cela des souliers. »
  Un général russe en rupture de Soviets et qui, ayant pu sauver assez de pierreries pour monter une maison d’édition sur le Mont-Parnasse, a eu l’imprudence de le prendre pour conseiller artistique, a été amené ainsi à faire des éditions qui sont autant de rébus. Sonyas a pris le mors aux dents : grâce à ses suggestions, le général russe a sorti des volumes dont les dessins sont inexplicables et la typographie déconcertante. Une petite école d’admirateurs glousse d’aise, le reste du public se réserve. La faillite menace le général russe de plus en plus ahuri ? Sonyas s’emballe. Il rêve d’imprimer les livres à l’envers et d’employer, au lieu de l’encre, du jaune d’œuf ou des excréments, de ne plus prendre que du papier d’emballage. Quant à ces papiers dits de Chine, du Japon ou de Hollande, il prédit que d’ici peu on ne s’en servira que comme serviettes hygiéniques. Au général russe qui lui montre son navrant bilan, il affirme :
  — Patience ! Dans vingt ans on nous imitera !
  Mais dans vingt ans la surenchère aura probablement mis Sonyas dans l’obligation de tenir le livre pour un objet bien désuet et il sera l’Apôtre d’une nouvelle religion.

André Delpeuch : Bibliophiles ? (1926)
(À suivre)

dimanche 10 octobre 2021

Les bibliophiles

La bibliophile à aigrette
 
   Elle monte à cheval avec crânerie, patine avec virtuosité, joue au golf avec adresse, chante avec charme, et mise au poker avec audace. Toutes ces qualités sont vraiment providentielles pour les revues illustrées, qui, lorsque l’actualité chôme, peuvent toujours noircir une page avec le portrait d’une personnalité aussi flatteuse. Elle fixe la mode avec une décision souveraine et ne peut dîner si elle ne compte pas à sa table deux ministres, un ambassadeur, un maréchal de France, un académicien et quelques barons de la Finance. Son sourire assure le succès d’une pièce et sa première femme de chambre n’est, autant dire, occupée qu’à tenir la comptabilité de ses engagements mondains, de ses essayages, massages, rendez-vous, cérémonies ou elle doit paraître, etc. Depuis le moment où la sonnerie du téléphone l’éveille jusqu’à celui où elle s’abat dans son lit, recrue de fatigue, elle n’a pas une minute disponible. Sa vie est est une mosaïque strictement établie. Elle a heureusement un mari peu exigeant, mais il lui serait impossible d’avoir le moindre amant.
  Par quel miracle réussit-elle à s’occuper de livres ? Son librairie ordinaire a la consigne de souscrire à toute édition annoncée à tirage limité, quel qu’en soit le prix ou la qualité, et cet honnête commerçant n’y manque pas. On voit traîner sur la table de son boudoir les plus belles réalisations de nos éditeurs et aussi les pires choses. Entre deux cigarettes elle feuillette négligemment ces livres où se totalisent tant d’effort plus ou moins heureux ; cela lui permet de meubler sa conversation de noms d’écrivains, d’artistes et d’éditeurs : les militaires, les diplomates et les hommes de sport y puisent des motifs d’admiration ; et lorsqu’elle parle papier japon ou madagascar, les hommes politiques oublient leur rivalité pour proclamer à la majorité absolue que c’est une femme de goût.
  Au cours d’une courte maladie qui la tint deux semaines à la chambre, elle se mit à lire. Sur le guéridon qui avoisinait sa chaise longue, de superbes éditions offraient leur somptuosité aux rares visiteuses admises à son intimité ; mais sous les coussins sa cachaient quelques volumes de Champsaur et de Clément Vautel qui réapparaissaient dès que la malade se trouvait seule, volumes dévorés si vite que les pages étaient déchirées plutôt que coupées.

André Delpeuch : Bibliophiles ? (1926)
(À suivre)

jeudi 7 octobre 2021

Errol filme (mais pas que)


« Je ne sais pas pourquoi j’écris, à moins que ce ne soit pour me prouver quelque chose. Avant de devenir acteur, je mourais pratiquement de faim à force d’essayer de vendre mes histoires. Je suppose que j’ai toujours eu ça en moi et que je l’aurai jusqu’à la fin. Parfois je me demande pourquoi je me décarcasse à passer des nuits entières à mon bureau. Je n’ai jamais réussi à trouver une réponse satisfaisante à cette question »
 
Errol Flynn

Biblio piquée à Wikipedia :

Beam Ends, New York, Longmans, Green and co, 1937, (traduction française : Princes de la bourlingue, éditions Ouest France, 2003) — Récit autobiographique

Showdown, New York, Sheridan House, 1946, (traduction française: L'Épreuve de vérité, Le Serpent à plumes, Paris, avril 2009  — Roman

My Wicked, Wicked Ways, New York, Buccaneer, 1959, (traduction française ; Mes 400 coups, Éditions Olivier Orban, 1977 / réed. J'ai lu, 1979 / rééd. Séguier, 2020) — Autobiographie

Moi et Castro, suivi de ce qui m'est réellement arrivé en Espagne, éditions du Sonneur, 2019.