Certains lecteurs de passage sur ce
blogue l’ignorent
peut-être, mais je suis écrivain pour happy
few : trop « fantastique » pour la lithérature, trop littéraire
pour « l’imaginaire » et pas assez copain
avec quiconque. Seuls quelques éditeurs m’apprécient assez pour me
publier, on
ne sait par quel motif nébuleux, sûrement en rapport avec une
disposition
masochiste étant donné les résultats des ventes. Remarquons au passage
que ceux
qui me publient ne semblent pas mieux placés que moi au niveau des
finances…
Nous sommes quelques-uns dans cette position étrange qui nous fait
figurer dans
des ouvrages très honorables, mais qui ne se vendent pas, sans doute
parce que
les couvertures ne sont pas gaufrées comme des boîtes de bonbons
produites en
série. Que l’on ne perçoive pas ceci comme une marque d’acrimonie
quelconque. Cela
fait un bail que j’ai pris conscience que je ferais partie de toute
façon d’une
certaine marge. L’intérêt demeure de pouvoir continuer à écrire, de
persister à
y prendre du plaisir, et de lire parfois un ou deux encouragements.
Cinq livres
ont été édités sous mon nom, c’est déjà plus que ce que j’aurais pu
espérer en
commençant à écrire sérieusement. J’ai rédigé plus de cent cinquante
nouvelles
dont la moitié a été également publiée en revues ou en plaquettes. Vous
ne me
verrez pas dans les festivals dits de « l’imaginaire », parce que je me
figure
mal figurer dans une manifestation où les mauvais bouquins sont aussi
bien
accueillis que les bons au prétexte qu’ils font partie de la même
famille (Au plus dans des manifestations locales, pour serrer la main à
des potes) . D’ailleurs,
je ne crois pas me situer vraiment dans cette sphère, même si j’ai
participé
abondamment et activement au mouvement de la SF il y a une trentaine
d’années,
par exemple. Je suis un très mauvais « signeur » : les envois
autographes signés m’embarrassent. Et puis, qui lit donc du Letort, à
part mes
éditeurs et quelques amis (et encore, ils n’ont pas tout lu) ? Non,
tout va bien, à
partir du moment que l’on décide de travailler pour un autre motif que
la
gloriole, c’est-à-dire avec l’ambition de faire bien les choses, même
si c’est
une existence assez solitaire. Alors, cela acquiert du sens. On se
prend à
percevoir des signes de confrères — de véritables confrères, ceux
qui
partagent également cette solitude. Tous n’écrivent pas, mais ils tentent de
bien faire les
choses, comme moi. Cela aide. N’est-ce pas, chers lecteurs de ce blogue ?