lundi 7 août 2023

dimanche 6 août 2023

Paf, dans ma bibliothèque !

Le fond de cette rubrique se résume en somme à quelques expectations autour de l’acquisition d’un livre, qu’il fut acheté ou bien sauvé plus ou moins provisoirement du trottoir. Ici, l’on ne critique pas, faute de temps. En effet, l’exploration d’un ouvrage ne suit pas forcément la prise. Je relis également, passion qui survient à un certain âge (que je commence à avoir) et qui se figure qu’il possède du temps devant lui. L’inconscient se conduit comme la citoyenne Bécu avec son bourreau en lui réclamant encore cinq minutes, à moins que la perception lénifiante des années qui passent nous prépare au grand saut. Cette dilation reste néfaste à l’apprentissage de la nouveauté. L’on revient aux vieilles ornières, souvent encouragé par le contenu des boîtes à livres où je trouve quelquefois des ouvrages que je vendais lors de mes débuts en librairie à la toute fin des années 1970. Pour être honnête, quelques bouquins récents y échouent également et, toute révérence gardée, qu’est-ce que vous voulez que je foute des conneries « mainstream » et des livres pratiques ? À mon passage, le jour où je vous écris ceci (c'est-à-dire pour vous il y a quinze jours), j’ai failli prendre un Denis Lehane en Rivages noir et puis j’ai renoncé en raison de la tonne de polars qui m’attendent et qui ne sont même pas des relectures !
En revanche le premier des deux ouvrages capturés m’a vivement amusé. Même si le sujet de la marijuana a, de façon certaine, été abordé depuis avec une exhaustivité augmentée par les années qui passent. En effet, l’édition originale américaine date de 1971, la Française de 1973. Il devient alors récréatif de considérer qu’un ouvrage identique, traité à l’heure actuelle, sur une pagination similaire, s’exprimerait plus brièvement sur ce qui se déroula 50 ans plus tôt. Reste donc l’intérêt sociologique : comment un toubib appréhendait le phénomène à l’époque alors que, désormais, la marijuana est légalisée dans plusieurs états étatsuniens ? Ce livre aura une existence écourtée dans ma bibliothèque, le temps de le feuilleter en diagonale, de combler ma curiosité non sur le fond, mais sur la forme et la sensibilité de l’époque, autre que le point de vue de la littérature. Tel le pêcheur sportif, je rejetterai le spécimen à la baille. On me demandera peut-être : « Et vous, Tenancier, fumez-vous ces choses-là ? » Mettez cela au passé lointain, voulez-vous ? Je puis vous avouer que ce genre de consommation me rend désormais parano assez rapidement et me renvoie à une situation inconfortable, sans compter que j’embarrasse les personnes autour de moi. Proposez-moi donc à la place un bon verre de Bourgogne, s’il vous plaît.
Merci.
L’autre livre fait partie de cette production qui a longtemps habité les rayons des librairies universitaires. Nous avons déjà croisé les Que sais-je ?  Ici, les Classiques du XXe siècle se consacre à la littérature, tout comme la plus célèbre collection du Seuil : Écrivains de toujours, par exemple. Bien entendu, je possède quelques Bloy sur mes étagères, honneur douteux, je l’admets, que je ne concède pas à des types comme Céline. Allez donc savoir ce qui détermine cette différence de traitement… sans doute la qualité des auteurs ou bien ce qui nous fait préférer l’original aux suiveurs sinon aux plagiaires. Ce livre-là fait partie de ce que l’on peut appeler de la documentation, le genre de chose que l’on aime bien avoir sous la main, même si internet en a scellé le sort. Il va donc être rangé en appendice des quelques ouvrages de Bloy sur l’étagère.

Solomon H. Snyder : La marijuana — Seuil, Point Actuels, 1981
Georges Cattaui : Léon Bloy, Éditions universitaires, Classique du XXe siècle, 1954
Post scriptum : l'état du livre sur Bloy, avec sa mouillure sur le premier plat ne paraît pas très alléchant. On rétorquera "qu'à cheval donné, etc.", que l'intérieur reste très correct, que c'est un ouvrage très secondaire et qu'enfin, rien ne m'empêche d'en rechercher un plus beau. Mais, justement, en ai-je envie ?

samedi 5 août 2023

Nécrologie

On annonce le décès de Philippe Curval. Je me souviendrai du plaisir éprouvé à son contact, comme invité à mes émissions de radio ou lorsque je l’ai publié. Décidément, le catalogue de l’astronaute mort commence à mériter ce nom…

10/18 — Vernon Sullivan : Et on tuera tous les affreux




Vernon Sullivan
Et on tuera tous les affreux

Traduit de l'américain par Boris Vian

n° 518

Paris, Union Générale d'Édition
Coll. 10/18
Volume triple
192 pages
Dépôt légal : 4e trimestre 1970
Achevé d'imprimer : 10 novembre 1977


(Contribution du Tenancier)
Index

George Auriol : Monogrammes et cachets

vendredi 4 août 2023

Mort aux robots !

Illustration de R. Kikuo Johnson

[…] Il parlait sans hésitation, le souffle court, sans rechercher la précision. Apparemment, elle était désormais superflue pour lui.
— Depuis deux cent cinquante ans, la machine a entrepris de remplacer l’Homme en détruisant le travail manuel. La poterie sort de moules et de presses. Les œuvres d’art ont été remplacées par des fac-similés. Appelez cela le progrès si vous voulez! Le domaine de l’artiste est réduit aux abstractions; il est confiné dans le monde des idées. Son esprit conçoit et c’est la machine qui exécute. Pensez-vous que le potier se satisfasse de la seule création mentale? Supposez-vous que l’idée suffise? Qu’il n’existe rien dans le contact de la glaise elle-même, qu’on n’éprouve aucune jouissance à voir l’objet croître sous l’influence conjuguée de la main et de l’esprit? Ne pensez-vous pas que cette croissance même agisse en retour pour modifier et améliorer l’idée?
— Vous n’êtes pas potier, dit le Dr Calvin.
— Je suis un artiste créateur! Je conçois et je construis des articles et des livres. Cela comporte davantage que le choix des mots et leur alignement dans un ordre donné. Si là se bornait notre rôle, notre tâche ne nous procurerait ni plaisir ni récompense.
«Un livre doit prendre forme entre les mains de l’écrivain. Il doit voir effectivement les chapitres croître et se développer. Il doit travailler et retravailler, voir l’œuvre se modifier au-delà du concept original. C’est quelque chose que de tenir les épreuves à la main, de voir le texte imprimé et le remodeler. Il existe des centaines de contacts entre un homme et son œuvre à chaque stade de son élaboration… et ce contact lui-même est générateur de plaisir et paie l’auteur du travail qu’il consacre à sa création plus que ne pourrait le faire aucune autre récompense. C’est de tout cela que votre robot nous dépouillerait.
— Ainsi font une machine à écrire, une presse à imprimer. Proposez-vous de revenir à l’enluminure manuelle des manuscrits?
— Machines à écrire et presses à imprimer nous dépouillent partiellement, mais votre robot nous dépouillerait totalement. Votre robot se charge de la correction des épreuves. Bientôt il s’emparera de la rédaction originale, de la recherche à travers les sources, des vérifications et contre-vérifications de textes, et pourquoi pas des conclusions. Que restera-t-il à l’érudit? Une seule chose : le choix des décisions concernant les ordres à donner au robot pour la suite du travail! Je veux épargner aux futures générations d’universitaires et d’intellectuels de sombrer dans un pareil enfer. Ce souci m’importait davantage que ma propre réputation, et c’est pour cette raison que j’ai entrepris de détruire l’U.S. Robots en employant n’importe quel moyen.
— Vous étiez voué à l’échec, dit Susan Calvin.
— Du moins me fallait-il essayer, dit Simon Ninheimer.
Susan Calvin tourna le dos et quitta la pièce. Elle fit de son mieux pour ne point éprouver un élan de sympathie envers cet homme brisé.
Nous devons à la vérité qu’elle n’y parvint pas entièrement.

Isaac Asimov : Le correcteur (1957)
Traduction de Pierre Billon
(Pour en savoir plus, cliquez ici)

mercredi 2 août 2023

Une historiette de Béatrice

 Des cris dans la rue, une enfant qui pleure, hurle, « je veux pas, non, je veux ça », et une maman qui dit « viens ici », « ça suffit ». Une fois, deux fois, trois fois, et j'arrête de compter, c'est une comédie. Et soudain, la gamine entre dans la boutique en courant. Suivie de sa mère, tout sourire.
« Bonjour, je vais essayer de la calmer avec un livre. »