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Paul Léautaud — Je n’ai jamais rien lu, dans ma vie, sans regarder beaucoup plus comment c’était écrit que ce que ça racontait. Robert Mallet — C’est surprenant de votre part. P.L. — Mais si, c’est comme ça. Un homme de lettres fait beaucoup plus attention à la façon dont c’est fait qu’à l’histoire elle-même. C’est de la déformation. Vous n’avez jamais observé cela, pour votre compte, quand vous lisez ? R.M. — Si, mais je l’ai parfois regretté. On arrive à ne plus assez penser à ce qui a été exprimé. P.L. — C’est en lisant des écrivains verbeux que j’a appris à écrire, en lisant des gens qui abusaient des images, pullulaient de l’adjectif et qui bavardaient. R.M. — Alors, c’est par réaction, en somme que vous avez écrit sobrement. Vous avez commencé par les imiter et ensuite, vous… P.L. — Je n’ai jamais imité les mauvais écrivains ! R.M. — Vous les avez imités à vos débuts quand vous n’avez pas su vous défaire de certaines outrances verbales. P .L. — Mais ça n’a pas duré longtemps. Aujourd’hui, je suis intraitable. Quand le dernier volume du Journal de Gide a paru, j’ai écrit, sur le champ, une lettre à Gide, une lettre au crayon qui a au moins trois pages, et que je n’ai pas encore eu le courage de mettre à l’encre. Je lui fais des reproches sur son style. Je lui dis entre autres : « Vous commencez vos phrases par “Car”… Vous commencez à la ligne par “Mais”… Ça ne doit pas se faire. » Paul Léautaud : Entretiens avec Robert Mallet (1951) |
mardi 10 août 2021
L'art de commencer ses phrases
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Il a raison, évidemment.
RépondreSupprimerDidier
Je pensais aussi à ces écrivains qui dépouillent leurs textes des adjectifs, des images et toutes ces sortes de choses...
Supprimer:-)