mercredi 12 juillet 2023

Le Baratin des magiciens

Doit-on s’en réjouir, ou doit-on s’en inquiéter, lors d’une pendaison de crémaillère récente, je conversais avec deux amis, l’une libraire et l’autre bibliothécaire et je constatais leur ignorance complète de l’existence du Matin des magiciens de Pauwels et Bergier.
Le motif de se réjouir se trouverait alors dans le fait que les conneries sexagénaires finissent par s’estomper les bibliothèques contemporaines puisque dans leur carrière ces amis n’ont pas croisé ce livre (ils ont entre 40 et 50 ans). Cela induirait également qu’il n’a pas tant que cela perduré, mais à imprimé sa marque sur quelques générations seulement, ce qui ne serait pas un mal.
En revanche, l’on pourrait s’inquiéter de cette ignorance puisque ce livre est en quelque sorte à l’origine de toutes les élucubrations en cours sans compter quelques révisionnismes historiques qui mènent bien souvent à des opinions douteuses ou fascistes. La méconnaissance de ce passé (le bouquin est paru en 1960) pourrait laisser accroire que les théories fumeuses se parent des attraits de la nouveauté, en résumé que l’on fait du neuf avec du rance à destination des descendants de ces gogos adeptes du « réalisme fantastique ». Bien entendu, le sondage sur deux personnes ne vaut pas une généralité, mais cela intrigue : le souvenir dans le monde du livre est-il devenu si volatile, même concernant une débilité éditoriale ? Que penser de cette perte de mémoire ? De ce côté du clavier, on possède sa petite idée sur le sujet… 
Ou alors, dernière hypothèse : ces deux amis sont des petits veinards qui ont échappé à cela.

30 commentaires:

  1. Le succès colossal de cette merdouille dans les années 60 et 70 m'a toujours sidéré : c'est un des titres qu'on retrouve le plus fréquemment dans les vide-greniers (dans l'édition "folio"), qui sont de bons indicateurs des ventes réelles passées. Mais il est vraiment qu'on ne connaît plus guère Pauwels aujourd'hui que pour son édito de 1986 sur le "sida mental"…
    En revanche, les anthologies Planète toilées ("Les chefs d'œuvre de…"), officiellement sous la direction de Pauwels et Bergier, sont d'excellente facture — mais elles doivent énormément à Jacques Sternberg !

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  2. "Mais il est vrai…", natûrlich !
    (Au demeurant, très joli titre, Tenancier !)

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  3. Je me réjouirais plutôt de la disparition de ce genre de mironton douteux même si, comme vous ne manquez pas de le souligner, son fond de déconnades nauséabondes lui survit.
    Ceci dit, vu l'état de la mémoire chez nos contemporains (et nous-mêmes), il ne faut pas s'étonner de semblable perte. De bien meilleures réalisations, hélas, disparaissent aussi ; souvent au profit de néants bien plus merdiques que les élucubrations pauweliobergiennes.

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    1. Ainsi, le livre nous préserve peu de l'effacement, à peine deux générations, parfois.

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  4. Cependant, on assiste parfois dans le domaine de la postérité littéraire à des retours, des revirements insoupçonnés — fort rares il est vrai.
    Jusque dans les années 60, Proust n'était pas tenu en haute estime dans les manuels littéraires, bien moins qu'Anatole France (bien oublié aujourd'hui), voire Barbusse ou Georges Duhamel !
    Et jusqu'à l'avènement du romantisme au XIXe, c'est Ben Johnson qui était considéré comme LE grand dramaturge élizabéthain, et non son contemporain Shakespeare…

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    1. C'est amusant, ce que vous dites, mon cher, parce que ce sera en partie le sujet du prochain billet.

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    2. Anonyme14:33

      Ah vous faites mon enchantement à évoquer les retours-revirements insoupçonnés, ces modes et aussi ces ré-ré-ré-éditions qui pensent avoir inventé l'eau tiède ! Vivement le prochain billet.

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    3. Anonyme14:33

      Houps j'ai oublié de signer, c'était Béatrice.

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  5. Anonyme12:09

    À propos de ces "revirements", l'honnêteté réclame de souligner — hormis la versatilité de la critique et du lectorat (quel mot horrible !) — l'importance de la ténacité des éditeurs ou même de simples passionnés.

    En vrac, je songe au succès foudroyant de La conjuration des imbéciles, qui n'a finalement été publié, des années après le suicide de J.K. Toole, que grâce aux efforts incessants de sa mère, qui après une avalanche de refus de la part d'éditeurs a fini par éveiller l'intérêt d'un universitaire de je ne sais plus quelle grande université.
    Aux efforts constants de Maurice Nadeau, Dominique de Roux puis Christian Bourgois pour propager l'œuvre de Witold Gombrowicz, et à sa veuve Rita qui s'est mise à consacrer sa vie à le faire éditer le plus largement possible.
    Au succès hautement improbable de la réédition du Littré par Pauvert dans les années 60.
    À la folie de ce même Pauvert, qui n'a pas hésité à rééditer l'œuvre intégrale d'Erckmann-Chatrian , qui fit un flop complet, ne suscitant que le désintérêt le plus total.
    Aux efforts de Dominique Gautier, l'éditeur du Dilettante mais auparavant du Tout sur le tout, pour faire redécouvrir Raymond Guérin, Henri Calet, Emmanuel Bove ou Maurice Raphaël (sans guère de succès, hélas !)
    Au succès colossal de Harry Potter, qui au départ ne convainquait guère les éditeurs, au point que Gallimard a pu acquérir les droits de traduction du premier tome pour une somme absolument ridicule (quelques milliers de francs en 1997 !)
    Au succès hélas posthume de Boris Vian, qui de son vivant n'a réussi à faire éditer qu'un seul livre (merci Pauvert, merci Losfeld, merci surtout à l'inlassable Christian Bourgois !)
    Aux efforts des Surréalistes, Breton en tête, pour faire connaître Rimbaud, Lautréamont, Jarry, Sade (que Pauvert, dès 1947, travailla sans relâche à imposer), etc.
    Etc.,etc.
    Bref, cette histoire de "redécouverte" (voire de découverte tout court) tient souvent à la ténacité d'éditeurs sincères, ou au hasard des lectures de critiques convaincants, parfois à la passion de quidams ayant du "réseau", en fait vraiment à n'importe quoi !
    Je songe au magnifique texte qu'Emmanuel Guibert, Grand Prix du festival d'Angoulême, a écrit pour tenter de propager l'œuvre sonore de Fred Deux. À peine quelques dizaines de curieuxes se sont mis.e.s à écouter attentivement ce prodigieux conteur qu'était l'artiste. Nadeau avait convaincu René Julliard de publier La Gana en 1958, Losfeld, l'a réédité une dizaine d'années ans plus tard, André Dimanche encore vingt ans après (1998), puis Georges Monti au Temps qu'il fait : jamais le succès n'est venu pour ce monstre de chef d'œuvre. Certains auteurs sont décidément condamnés aux Happy Few…
    Voyez la difficulté à trouver aujourd'hui les textes de Topor ou de Copi.
    Qui connaîtrait le nom de Proust aujourd'hui si, après l'inouï refus hautain-crétin de Gide pour Gallimard (dont il s'est amèrement mordu lek, ouille !), l'auteur ne s'était résolu à se faire éditer chez Grasset « à compte d'auteur » (i.e, en raquant de sa poche les frais d’édition) ?

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  6. C'est moué, ci-dessus comme ci-dessous (quel bordel, chez Blogueur !)

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  7. Pour finir, à propos de cette fragilité à quoi tient le succès d'une œuvre, voire même son existence sur l'étal des libraires, une anecdote personnelle.

    En 2012, l'autrice (hem, désolé !) écossaise Jennie Erdal publie son premier roman chez Little, Brown (une division de Hachette Inc.), The Missing Shade of Blue.
    Ce récit tout en finesse non dénué d'humour et de sagacité philosophique s'inspire amplement de la vie quotidienne à Édimbourg de mon ami Gilles Robel à la fin des années 90.
    Gilles est prof d'anglais en fac mais l'époque il travaillait sur place à la traduction de l'intégrale des Essais de David Hume pour les P.U.F. (je l'ai assisté dans ce boulot colossal quasi à plein temps trois années durant, lui en Écosse qui perdait son français, moi à Paris qui réécrivait au fur et à mesure, au reçu de ses ébauches via un modem 56 puis 128 Kb).
    Bref, ils ont sympathisé, Jennie cherchait alors un modèle de personnage pour le roman qu'elle avait commencé à rédiger, il tombait à pic et a donné son accord.

    Le roman paraît donc en 2012, succès d'estime et bonnes ventes en Grande-Bretagne, et aussitôt Gilles songe à en proposer une traduction à une maison d'édition française. Il va sans dire que cette perspective ravit Jennie, avec une sorte de mise en abyme absolument inédite dans toute l'histoire de la littérature (enfin, que je sache) puisque le personnage fictif du roman, Edgar Logan, allait se faire sous son vrai nom le traducteur du roman qui l'a mis en scène…
    Las ! Gilles est un universitaire, pas un traducteur, il a zéro carnet d'adresses dans le milieu de l'édition (à part aux P.U.F., mais ça collait pas).
    Il se souvient d'un condisciple d'études d'agrègue à Paris III, Keith Dixon, qui est devenu directeur de la "Bibliothèque écossaise" chez Métailié. Il lui envoie une présentation du projet, avec la traduction des trois premiers chapitres. Quelques semaines plus tard, Keith lui répond que le roman ne correspond malheureusement pas à leur ligne éditoriale : c'est mort de ce côté.
    Gilles ne se décourage pas et envoie le projet de traduction à tous les éditeurs parisiens susceptibles de le publier. Une seule manifeste de l'intérêt : Joëlle Losfeld (tiens donc !), youpi ! mais… zut ! elle ne cesse de procrastiner pour signer le contrat. Durant des années. Gilles la relancera fréquemment, de moins en moins confiant, elle répond toujours — de plus en plus mollement — qu'elle est partante, et puis au bout de sept ans, basta, il en a marre, tout s'arrête.
    J'en suis fort marri de mon côté (car évidemment j'ai participé à la préparation du dossier de présentation et au début de traduction) mais bon, quand ça veut pas ça veut pas, peut-être que le roman est pas si bon, que nous étions trop parties prenantes pour juger sereinement…

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  8. Cela dit, perso je n'étais pas au courant de cette histoire du refus initial de Keith Dixon, ni même de l'existence de cette « Bibliothèque écossaise » chez Métailié.
    Mais durant les années qui passent, je deviens raide dingue d’un fabuleux écrivain écossais prolifique, Christopher Brookmyre, hélas peu traduit et que je me mets donc à dévorer dans la langue.
    En juin 2019, flânant à la librairie Folie d’encre à Montreuil, je me réjouit de constater qu’un roman qu’il avait publié deux-trois ans auparavant vient d’être traduit en français. Chez Métailié. J’avais savouré le bouquin dès sa publication en angliche, mais je feuillette en salivant et là, paf ! que lis-je ? « Bibliothèque écossaise, dirigée par Keith Dixon » !
    Nondidiouche.
    Je savions point, moué, qu’il existait en France une collection spécialement dédiée à la littérature en kilt !
    Ni une ni deux, tout frétillant d’excitation j’appelle mon pote Gilles pour lui annoncer la nouvelle, et l’urger d’envoyer le dossier à ce Keith Dixon. Las ! C’est là qu’il m’apprend que telle fut sa première démarche, dont il ne m’avait pas instruit à l’époque, sept ans avant.
    Mais en fait moi j’en ai rien à foutre !
    J’étais pas au courant de cette démarche infructueuse, et iI se trouve que j’ai un camarade, Serge Quadruppani, qui dirige chez Métailié la « Bibliothèque Italienne », et que je sais pertinemment être un bon ami de l’éditrice, Anne-Marie. Alors je vais faire comme si…
    Allez hop ! j’envoie un petit mèle à Serge (qui est un ours maugréant), demande de délit d’initié et dossier de présentation à l’appui, en lui demandant révéremment s’il aurait l’amabilité de transmettre à sa copine la patronne des éditions Métailié.
    Deux jours plus tard, bingo ! le bigo de Gilles sonne, c’est Anne-Marie Métailié, elle est enthousiasmée par le projet et lui fixe illico un rendez-vous pour signer le contrat.
    Keith Dixon en est informé, évidemment, et du coup il relit le roman.
    Sitôt relu, lui aussi appelle Gilles, fissa, pour se confondre en excuses : en vrai le bouquin est excellent, mais il se trouve que lorsqu’il avait reçu le projet sept ans plus tôt il était en pleine procédure de divorce, or le récit narre justement une séparation lancinante, ça l’avait complètement déprimé et du coup il avait dit non.
    Alors vraiment, à quoi ça tient, tout ça ?…
    Et après on parle des « arcanes de l’édition »…

    Le livre a paru chez Métailié en septembre dernier et franchement, à part une malheureuse confusion entre « bois flottants » et bois flottés », j’en suis pas peu fier !

    (Bon, désolé, j'ai été un peu long.
    Allez, m'en vais faire un ch'ti billet, moué, de ce bouzin !)

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    1. Ah, George, cela fait tellement longtemps que je n'ai pas lu un récit aussi captivant ! Décidément, vous savez tenir vos lecteurs en haleine, raison pour laquelle je me désole que vos billets deviennent si laconiques sur votre blogue. Oui, oui, reportez tout cela chez vous et bien plus si affinités !

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  9. Anonyme12:47

    Bah, j'suis quasi à la retraite maintenant, Tenancier, et puis en vacances chez ma mère alzhameirienne, ça laisse du temps pour déblatérer.

    N'empêche qu'un truc m'agace : je me suis encagué à mettre des liens, dans mon commentaire (c'est pas la première fois…) mais ils ne sont nullement visibles : vous voudriez pas faire l'effort minime de traficotouiller vos paramètres Blogueur pour qu'au moins ils apparaissent en couleur ?
    Et dessine-moi un mouton, s'il vous plaît.
    Merci.

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  10. Bordasse ! Y'a décidément un beugue chez Blogueur puisqu'on est publié en tant qu'Anonyme alors même qu'on est pleinement connecté sur Gougueule !

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  11. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

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  12. Anonyme12:51

    Merci Georges, vivement votre billet aussi ! Béatrice

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  13. Anonyme13:03

    Merci, Béatrice, mais notre cher Tenancier se trompe (comme un éléphant, dirais-je) sur un point :
    c'est pas qu'on nique.
    Enfin, à ce qu'il me semble.
    (et puis de grâce, fais l'effort, Tenancier, stp, d'au moins grasseyer les liens !)

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    1. Mais, mon cher, vous connaissez la balise pour graisser, non ?
      Sinon, je ne vais pas m'amuser en ce moment à intervenir sur la mise en page de ce blogue...

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    3. Nein.
      Das weiss ich nicht.


      Et puis je prêche pas que pour ma paroisse : plein de commentateurs dociles s’ingénient de leurs dix doigts à balancer des liens, on les repère jamais.

      Moi je dis qu’il y a là de quoi foutre le feu aux banlieues, et la maîtresse au milieu !

      Que diable ! c'est tout de même votre taf de Tenancier de faire de ce lieu un lieu honorable à tout moment, non ?

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    4. Vous remplacer le i de la balise italique par le b pour graisser le texte (b pour bold)...

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    5. ... et question honorabilité, euh, que vous répondre ?

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  14. Cher Tenancier extra-terrestre complètement à l'ouest qui ne laisse nonobstant guère de passage aux camarades tout à leurs désirs d'utopie et de tipis, t'es au nord habile,E. T., mais pour laisser plus de latitude faudrait vous défaire de cette attitude, descendre de vos altitudes et revoir ton Spielberg (sans jouer sur des montagnes de calembour) : vous me laissez bouche bée (même louchébém mis à part ).

    La babalise B, bébé, hé bé bien sûr que je la connais — au moins autant que les fesses de B.B. que l'autre zozo (oui, notre miche, elle !) pique au lit dans Le Mépris — mais là je vous cause de VISIBLITÉ, histoire que vos pigeons de lecteurs puissent piger qu'il y a là un lien et que soit suscité en eux le désir incongru (comme des échassiers ?) de cliquouiller dessus !!!

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  15. Cela dit, c'est pas si grave, que vous vous en pétiez les burnettes, de la pédagogie.
    Mais sachez que l'Histoire vous jugera.
    (Je dis ça, je dis rien)

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  16. Et pour votre gouverne, je suis aussi ferré que Léo dans mon HTML — comme chantait Renaud au bon vieux temps…

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  17. Boaf, ça fuse tellement chez vous qu'on en reste baba. Je sens que la fréquentation du blogue vous manquait. En tout cas, vous ne veniez pas récriminer pour une malheureuse histoire de lien, de balise et de toutes ces sortes de chose, dans le temps. On ne devrait jamais s'absenter, on ne devrait jamais quitter Montauban, au choix.

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  18. Mouaif.
    Je fuse pas, je refuse ce mépris hautain envers les petites mains qui se sont salies à apprendre le code hache tes moules, les "Aahh, ah, j'rêve !" & C°.
    Zyva, monte au ban d'honneur, changez la matrice (c'tte cire) svp !

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  19. Et pour votre gouverne alzheimerienne, derechef, j'ai récriminé à maintes reprises ici-même ou jadis sur la non-visibilité des liens obligeamment fournis.

    J'ignore certes d'où le vrai crime il naît, mais je sais que quand on appuie sur la touche REC rime y naît.

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