Joris-Karl Huysmans
mercredi 11 mars 2015
Il pleut !
Il pleut ! v. unipers.
Exclamation par laquelle un compositeur avertit ses camarades de
l'irruption intempestive dans la galerie du prote, du patron ou d'un
étranger. Dans quelques maisons, il pleut ! est remplacé par Vingt-deux. Pourquoi vingt-deux ? On n'a jamais pu le savoir.
Eugène Boutmy — Dictionnaire de l'argot des typographes, 1883
(Index)
Lettres Nouvelles — Arno Schmidt : Scènes de la vie d'un faune
Christophe, qui anime le très
intéressant blog L’autre Hidalgo, se pique au jeu
de la
bibliographie. C’est visiblement l’exposition du titre d’Arno Schmidt dans notre recension des 10/18
qui
suscite son enthousiasme. Voici sa glane pour l’édition originale
française :
— 1 page de titre
— Poème pp 7-8
— Roman pp 9-183
— Postface p 189
— Table p 192
Et maintenant, voici les images du livre, qui remplacent en grande partie la notice bibliographique :
in-8°, 192 pages, broché.
— 1 page de garde
— 1 page de titre
— Poème pp 7-8
— Roman pp 9-183
— Postface p 189
— Table p 192
Et maintenant, voici les images du livre, qui remplacent en grande partie la notice bibliographique :
L'idée d'établir une bibliographie
autour des Lettres Nouvelles est ma foi fort tentante, en parallèle
avec ce que nous faisons à propos des 10/18, sachant que ces entreprises éditoriales étaient plutôt complémentaires. On s'en remet à
la bonne volonté des habitués du blog à ce sujet...
Hanneton
Hanneton, s. m. Idée fixe et quelquefois saugrenue.
Avoir un hanneton dans le plafond, c'est avoir le cerveau un peu détraqué. On dit aussi, mais plus rarement Avoir une sauterelle dans la guitare et une araignée dans la coloquinte.
Le hanneton le plus répandu parmi les typographes c'est, nous l'avons déjà dit, la passion de l'art dramatique. Dans chaque compositeur il y a un acteur. Ce hanneton-là, il ne faut ni le blâmer ni même plaisanter à son sujet; car il tourne au profit de l'humanité. Combien de veuves, combien d'orphelins, combien de pauvres vieillards ou d'infirmes doivent au hanneton dramatique quelque bien-être et un adoucissement à leurs maux ! Mais il en est d'autres dont il est permis de rire. Ils sont si nombreux et si variés, qu'il serait impossible de les décrire ou même de les énumérer; comme la fantaisie, ils échappent à toute analyse. On peut seulement en prendre quelques-uns sur le fait. Citons, par exemple, celui-ci: Un bon typographe, connu de tout Paris, d'humeur égale, de moeurs douces avait le hanneton de l'improvisation. Quand il était pris d'un coup de feu, sa manie le talonnant, il improvisait des vers de toute mesure, de rimes plus ou moins riches, et quels vers ! Mais la pièce était toujours pathétique et l'aventure tragique ; il ne manquait jamais de terminer par un coup de poignard, à la suite duquel il s'étendait lourdement sur le parquet. Un jour qu'il avait improvisé de cette façon et qu'il était tombé mort au milieu de la galerie de composition, un frère, peu touché, se saisit d'une bouteille pleine d'eau et en versa le contenu sur la tête du pseudo Pradel. Le pauvre poète se releva tout ruisselant et prétendit à juste raison que « la sorte était mauvaise. » C'est le hanneton le plus corsé que nous ayons rencontré et on avouera qu'il frise le coup de marteau.
Un autre a le hanneton de l'agriculture : tout en composant, il rêve qu'il vit au milieu des champs ; il soigne ses vergers, échenille ses arbres, émonde, sarcle, arrache, bêche, plante, récolte. Le O rus, quando ego te aspiciam ? d'Horace est sa devise. Parmi les livres, ceux qu'il préfère sont la Maison rustique et le Parfait Jardinier. Il a d'ailleurs réalisé en partie ses désirs. Sa conduite rangée lui a permis de faire quelques économies, et il a acquis, en dehors des fortifications, un terrain qu'il cultive; malheureusement ce terrain, soumis à la servitude militaire, a été saccagé par le génie à l'approche du siège de Paris. Vous voyez d'ici la chèvre !
Un troisième a une singulière manie. Quand il se trouve un peu en barbe, il s'en va, et, s'arrêtant à un endroit convenable, se parangonne à l'angle d'un mur; puis, d'une voix caverneuse, il se contente de répéter de minute en minute: « Une voiture ! une voiture ! » jusqu'à ce qu'un passant charitable, comprenant son désir, ait fait approcher le véhicule demandé.
Autre hanneton. Celui-ci se croit malade, consulte les ouvrages de médecine et expérimente in anima sua les méthodes qu'il croit applicables à son affection. Nous l'avons vu se promener en plein soleil, au mois de juillet, la tête nue, et s'exposer à une insolation pour guérir des rhumatismes imaginaires. — Actuellement, son rêve est de devenir... cocher.
Un de nos confrères, un correcteur celui-là, a le hanneton de la pêche à la ligne. Pour lui, le dimanche n'a été inventé qu'en vue de ce passe-temps innocent, et on le voit dès le matin de ce jour se diriger vers la Seine, muni de ses engins. Il passe là de longues heures, surveillant le bouchon indicateur. On ne dit pas qu'il ait jamais pris un poisson. En revanche, il a gagné,
Avoir un hanneton dans le plafond, c'est avoir le cerveau un peu détraqué. On dit aussi, mais plus rarement Avoir une sauterelle dans la guitare et une araignée dans la coloquinte.
Le hanneton le plus répandu parmi les typographes c'est, nous l'avons déjà dit, la passion de l'art dramatique. Dans chaque compositeur il y a un acteur. Ce hanneton-là, il ne faut ni le blâmer ni même plaisanter à son sujet; car il tourne au profit de l'humanité. Combien de veuves, combien d'orphelins, combien de pauvres vieillards ou d'infirmes doivent au hanneton dramatique quelque bien-être et un adoucissement à leurs maux ! Mais il en est d'autres dont il est permis de rire. Ils sont si nombreux et si variés, qu'il serait impossible de les décrire ou même de les énumérer; comme la fantaisie, ils échappent à toute analyse. On peut seulement en prendre quelques-uns sur le fait. Citons, par exemple, celui-ci: Un bon typographe, connu de tout Paris, d'humeur égale, de moeurs douces avait le hanneton de l'improvisation. Quand il était pris d'un coup de feu, sa manie le talonnant, il improvisait des vers de toute mesure, de rimes plus ou moins riches, et quels vers ! Mais la pièce était toujours pathétique et l'aventure tragique ; il ne manquait jamais de terminer par un coup de poignard, à la suite duquel il s'étendait lourdement sur le parquet. Un jour qu'il avait improvisé de cette façon et qu'il était tombé mort au milieu de la galerie de composition, un frère, peu touché, se saisit d'une bouteille pleine d'eau et en versa le contenu sur la tête du pseudo Pradel. Le pauvre poète se releva tout ruisselant et prétendit à juste raison que « la sorte était mauvaise. » C'est le hanneton le plus corsé que nous ayons rencontré et on avouera qu'il frise le coup de marteau.
Un autre a le hanneton de l'agriculture : tout en composant, il rêve qu'il vit au milieu des champs ; il soigne ses vergers, échenille ses arbres, émonde, sarcle, arrache, bêche, plante, récolte. Le O rus, quando ego te aspiciam ? d'Horace est sa devise. Parmi les livres, ceux qu'il préfère sont la Maison rustique et le Parfait Jardinier. Il a d'ailleurs réalisé en partie ses désirs. Sa conduite rangée lui a permis de faire quelques économies, et il a acquis, en dehors des fortifications, un terrain qu'il cultive; malheureusement ce terrain, soumis à la servitude militaire, a été saccagé par le génie à l'approche du siège de Paris. Vous voyez d'ici la chèvre !
Un troisième a une singulière manie. Quand il se trouve un peu en barbe, il s'en va, et, s'arrêtant à un endroit convenable, se parangonne à l'angle d'un mur; puis, d'une voix caverneuse, il se contente de répéter de minute en minute: « Une voiture ! une voiture ! » jusqu'à ce qu'un passant charitable, comprenant son désir, ait fait approcher le véhicule demandé.
Autre hanneton. Celui-ci se croit malade, consulte les ouvrages de médecine et expérimente in anima sua les méthodes qu'il croit applicables à son affection. Nous l'avons vu se promener en plein soleil, au mois de juillet, la tête nue, et s'exposer à une insolation pour guérir des rhumatismes imaginaires. — Actuellement, son rêve est de devenir... cocher.
Un de nos confrères, un correcteur celui-là, a le hanneton de la pêche à la ligne. Pour lui, le dimanche n'a été inventé qu'en vue de ce passe-temps innocent, et on le voit dès le matin de ce jour se diriger vers la Seine, muni de ses engins. Il passe là de longues heures, surveillant le bouchon indicateur. On ne dit pas qu'il ait jamais pris un poisson. En revanche, il a gagné,
Sur les humides bords des royaumes du Vent,
de nombreux rhumes de cerveau.
de nombreux rhumes de cerveau.
Eugène Boutmy — Dictionnaire de l'argot des typographes, 1883
(Index)
mardi 10 mars 2015
Autre contrepet proustien
(Où le Tenancier décline toute responsabilité)
On sait que Proust partage avec Hugo une forte propension à faire couler l'encre du fil de sa plume.
Ce qu'on ignore souvent, en revanche, c'est une autre passion commune à ces deux géants de la littérature, savoir : l'attraction pour les tables tournantes.
Et c'est tout vêtu de jersey que ce furieux anti-rationaliste de Marcel s'écriait, lors de mémorables séances de spiritisme rapportées par Céleste la bien-nommée, à l'adresse des esprits féminins :
« Mortes, dégueulez Kant ! »
George WF Weaver
Ce qu'on ignore souvent, en revanche, c'est une autre passion commune à ces deux géants de la littérature, savoir : l'attraction pour les tables tournantes.
Et c'est tout vêtu de jersey que ce furieux anti-rationaliste de Marcel s'écriait, lors de mémorables séances de spiritisme rapportées par Céleste la bien-nommée, à l'adresse des esprits féminins :
« Mortes, dégueulez Kant ! »
George WF Weaver
Galerie
Galerie, s. f.
Salle de composition, le plus ordinairement de forme rectangulaire.
Les rangs sont placés perpendiculairement à chacun des grands côtés du
rectangle. L'espace laissé libre au milieu est en partie occupé par les
marbres.
Eugène Boutmy — Dictionnaire de l'argot des typographes, 1883
(Index)
On les coupe à Jules
Qu’on pardonne au Tenancier sa marotte qui consiste à
remettre Verne sur la table à tout bout de champ. Promis, il s’amendera et
réduira ses billets à son sujet. En attendant, et même si vous n’êtes pas
vernistes pour deux ronds, la nouvelle vous concerne aussi un peu. On vient
d’apprendre que la communauté Amiens métropole retirait sa subvention annuelle
de 80 000 € allouée au Centre International Jules Verne (Anciennement
Centre de Documentation Jules Verne). Certes, nous sommes au courant que la
crise touche les budget locaux, que le report de certaines charges naguère assumées par l’état pèse sur ces mêmes budgets. Cette communauté a fait
un choix ; on le regrette, mais on reste dubitatif. Pour notre
part, nous pensons que se remettre dans les bras d’un organisme étatique ou
semi étatique revient à ne plus être maître de sa destinée mais consiste à la soumettre
aux décisions de personnes étrangères à cette entreprise culturelle. Cette
communauté amiénoise avait repris les rênes du centre en 2011, il a fallu peu
de temps pour que cette association vieille de presque 45 ans disparaisse. Il
semble que le fonds documentaire sera transféré à l’Université de Picardie,
ce dont on se réjouit pour les chercheurs. Reste tout de même le prétexte
invoqué par Nathalie Devèze, la vice-président chargée de la culture, qui laisse rêveur. Voici ce
qu’elle déclare à la journaliste du Courrier Picard :
« Nous nous sommes en effet interrogé sur l’activité de cette association. La revue qu’elle publie pas forcément de manière très régulière s’adresse à un public averti. Ses animations à destination des scolaires sont inexistantes. Nous leur avons pourtant demandé de déposer une demande de contrat local d'éducation artistique pour les écoles maternelles et primaires ».
Ainsi, le maintien du Centre de documentation était soumis à
une obligation de résultat, attitude assez typique des édiles dans leur
démarches productiviste de la culture. Cette idée de rentabilité à court terme
fait comme d’habitude fi de ce qui avait été réalisé par le passé par
l’association. Incidemment, le discours de cette personne renvoie de nouveau
Verne à son statut d’écrivain pour la jeunesse, confirmant
l’ignorance crasse qui règne dans le marigot de l’administration culturelle et
notamment vis-à-vis du travail de ce Centre international et de ceux qui le
fréquente. Oserait-on demander aux Amis de Pierre Louÿs de souscrire à un
contrat avec les écoles ? Personnellement, la chose m’amuserait.
On peut sans peine deviner que la raison invoquée était un prétexte pour une
raison qui nous échappe puisque nous ne sommes pas familier avec ce genre de manœuvre
(nous n’aimons ni les subventions ni les tutelles par chez nous !)
Argument hypocrite, inconséquence budgétaire qui fait que l’association ayant
récemment déménagé, elle devra sans doute fermer ses portes. Qui a donc avalisé
ce déménagement pour couper ensuite les subventions ?
Il est de règle en ce moment de sabrer tout les budgets
concernant la culture. Ce n’est qu’une étape de la précarisation de la
population. La diminution générale des services publiques, des soutiens à
l’activité culturelle ou sociale est une manière comme une autre de
conditionner le corps social à l’inacceptable. Cette coupe budgétaire n’est
qu’une péripétie dans le vaste repli opéré actuellement. Déjà, nombres
d’activités culturelles sont touchées sous le prétexte qu’elles ne sont pas
rentables. Nous avions déjà une ministre de la culture qui ne lisait pas. Sans
doute faut-il déduire que nous méritons ce qui est en train de se passer.
(On vous renvoie au site du Centre de Documentation pour en
savoir plus sur son activité passée. En illustration deux des productions de l'association.)
lundi 9 mars 2015
Contrepet proustien censurable
On sait que Proust aimait fricoter avec de jeunes godelureaux bien membrés.
Son
mignon préféré était un certain Albert, à qui il ne pouvait s'empêcher
de déclarer, admiratif, chaque fois qu'il glissait la main dans sa
culotte : « Albert, ta pine durçit !… »
George WF Weaver
10/18 — Jules Verne : Les naufragés du « Jonathan »
Jules Verne
Les naufragés du « Jonathan »
Préface de Francis Lacassin
n° 1209
Paris, Union Générale d'Édition
Coll. 10/18
Série « Jules Verne inattendu »
444 pages (448 pages)
Dépôt légal : 1er trimestre 1978
Couverture de Pierre Bernard. Doc. DR
Volume sextuple
Sommaire :
Francis Lacassin : Pourquoi Jules Verne en 10/18 [5-6]
Jules Verne : Les naufragés du Jonathan [7-444]
Table des matières [445-446]
Francis Lacassin : Pourquoi Jules Verne en 10/18 [5-6]
Jules Verne : Les naufragés du Jonathan [7-444]
Table des matières [445-446]
(Contribution du Tenancier)
Index
Débinance, Débiner
Débinance, s. f. Action de débiner, de dire du mal de quelqu'un.
Débiner, v. Dénigrer, dire du mal de quelqu'un. N'est pas particulier au langage typographique.
Débiner, v. Dénigrer, dire du mal de quelqu'un. N'est pas particulier au langage typographique.
Eugène Boutmy — Dictionnaire de l'argot des typographes, 1883
(Index)
Antilope
Kennedy fit signe à son compagnon de se taire et de s’arrêter.
Il fallait savoir se passer de chien, et, quelle que fût l’agilité de Joe, il
ne pouvait avoir le nez d’un braque ou d’un lévrier.
Dans le lit d’un torrent où stagnaient encore quelques mares, se désaltéraient une troupe d’une dizaine d’antilopes. Ces gracieux animaux, flairant un danger, paraissaient inquiets ; entre chaque lampée, leur jolie tête se redressait avec vivacité, humant de ses narines mobiles l’air au vent des chasseurs.
Kennedy contourna quelques massifs, tandis que Joe demeurait immobile. ; il parvint à portée de fusil et fit feu. La troupe disparut en un clin d’œil ; seule une antilope mâle, frappée au défaut de l’épaule, tombait foudroyée. Kennedy se précipita sur sa proie.
C’était un blawe-bock, un magnifique animal d’un bleu pâle tirant sur le gris avec le ventre et l’intérieur des jambes d’une blancheur de neige.
« Le beau coup de fusil ! s’écria le chasseur. C’est une espèce très rare d’antilope, et j’espère bien préparer sa peau de manière à la conserver.
— Par exemple ! y pensez-vous, monsieur Dick ?
— Sans doute ! Regarde donc ce splendide pelage.
— Mais le docteur Fergusson n’admettra jamais une pareille surcharge.
— Tu as raison, Joe ! Il est pourtant fâcheux d’abandonner tout entier un si bel animal !
— Tout entier ! non pas, monsieur Dick ; nous allons en tirer tous les avantages nutritifs qu’il possède, et si vous le permettez, je vais m’en acquitter aussi bien que le syndic de l’honorable corporation des bouchers de Londres.
— A ton aise, mon ami ; tu sais pourtant qu’en ma qualité de chasseur, je ne suis pas plus embarrassé de dépouiller une pièce de gibier que de l’abattre.
— J’en suis sûr, monsieur Dick ; alors ne vous gênez pas pour établir un fourneau sur trois pierres ; vous aurez du bois mort en quantité, et je ne vous demande que quelques minutes pour utiliser vos charbons ardents.
— Ce ne sera pas long », répliqua Kennedy.
Il procéda aussitôt à la construction de son foyer, qui flambait quelques instants plus tard.
Joe avait retiré du corps de l’antilope une douzaine de côtelettes et les morceaux les plus tendres du filet, qui se transformèrent bientôt en grillades savoureuses.
Dans le lit d’un torrent où stagnaient encore quelques mares, se désaltéraient une troupe d’une dizaine d’antilopes. Ces gracieux animaux, flairant un danger, paraissaient inquiets ; entre chaque lampée, leur jolie tête se redressait avec vivacité, humant de ses narines mobiles l’air au vent des chasseurs.
Kennedy contourna quelques massifs, tandis que Joe demeurait immobile. ; il parvint à portée de fusil et fit feu. La troupe disparut en un clin d’œil ; seule une antilope mâle, frappée au défaut de l’épaule, tombait foudroyée. Kennedy se précipita sur sa proie.
C’était un blawe-bock, un magnifique animal d’un bleu pâle tirant sur le gris avec le ventre et l’intérieur des jambes d’une blancheur de neige.
« Le beau coup de fusil ! s’écria le chasseur. C’est une espèce très rare d’antilope, et j’espère bien préparer sa peau de manière à la conserver.
— Par exemple ! y pensez-vous, monsieur Dick ?
— Sans doute ! Regarde donc ce splendide pelage.
— Mais le docteur Fergusson n’admettra jamais une pareille surcharge.
— Tu as raison, Joe ! Il est pourtant fâcheux d’abandonner tout entier un si bel animal !
— Tout entier ! non pas, monsieur Dick ; nous allons en tirer tous les avantages nutritifs qu’il possède, et si vous le permettez, je vais m’en acquitter aussi bien que le syndic de l’honorable corporation des bouchers de Londres.
— A ton aise, mon ami ; tu sais pourtant qu’en ma qualité de chasseur, je ne suis pas plus embarrassé de dépouiller une pièce de gibier que de l’abattre.
— J’en suis sûr, monsieur Dick ; alors ne vous gênez pas pour établir un fourneau sur trois pierres ; vous aurez du bois mort en quantité, et je ne vous demande que quelques minutes pour utiliser vos charbons ardents.
— Ce ne sera pas long », répliqua Kennedy.
Il procéda aussitôt à la construction de son foyer, qui flambait quelques instants plus tard.
Joe avait retiré du corps de l’antilope une douzaine de côtelettes et les morceaux les plus tendres du filet, qui se transformèrent bientôt en grillades savoureuses.
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