Régulièrement sortent les conneries des hommes (et femmes — la connerie transcende
les genres) politiques sous forme de livre. Non une anthologie de leurs
mensonges et de leurs turpitudes passés, plutôt un florilège de leurs futures
incompétences. Charles Dantzig (je cite de chic, n’ayant pas son volume sous
les yeux) estime que cela indiquerait l’importance du livre au yeux du personnel
politique. Soit. Pour notre part, nous en doutons, mais ce n’est pas ici le sujet.
Ces livres inutiles arrivent parfois en rangs serrés selon les échéances
électorales ou la stratégie des dits cadors. Mais tout cela, à moins d’avoir
été troglodyte pendant cinquante ans, vous le savez déjà.
Récemment est sorti un livre du nègre de Nicolas Sarkozy. Il a
fait l’objet d’une mise en place pléthorique chez les libraires avec des
quantités sans rapport avec l’écoulement normal de ces livres chez eux.
Rappelons que ces mises en place sont, selon le systèmes des
« offices » (on rééditera notre billet là-dessus un de ces jours),
réglés par le libraire et font l’objet d’un avoir une fois retournés. C’est donc
de la trésorerie immobilisée pour un livre qui se vendra peu voire pas du tout.
Certains doutent même qu’il atteigne son seuil de rentabilité. Mais cela, c’est
la cuisine de l’éditeur.
Il s’est trouvé des libraires pour récriminer sur cette pratique, ce qui
n’est pas du tout injustifié, et pas mal de personnes leur ont emboîté le pas. Et
de parler en mal du petit trépigneur au prétexte qu’il mépriserait la Librairie
Indépendante (cela vaut bien des majuscules…) Au risque de décevoir, je doute
fort que l’homoncule en question ait un quelconque pouvoir dans le service
commercial des éditions Plon. C’est là que s’est vraisemblablement décidé
d’envoyer des quantités d’ouvrages à des points de vente qui ne savent qu’en
faire. Il se peut que les pourfendeurs du petit (je sais… on a dit « Pas
le physique ») aient trouvé là un terrain propice à exercer leur verve et
si je ne saurais leur donner tort, j’aimerais bien que cette ironie se porte la
totalité de ces merdes polluantes qui envahissent les rayonnages. On est loin
du compte, la volonté de changer de paradigme s’accommode mal de l’esprit
petitement partisan. Or, le nombre de merdouilles publiées autant à droite qu’à
gauche est à peu près égal…
Mais revenons un instant à cette idée romantique de librairie indépendante. Si ces libraires ont reçu cet ouvrage sans
en maîtriser la quantité, c’est qu’ils avaient passé un contrat avec l’éditeur
selon lequel il recevraient — comme mentionné dans leur « grille
d’office » — certains livres « politiques ». Je note que la
plupart ne conteste pas l’existence de tel livres. Ils se plaignent en revanche
de ces offices sauvages, ce qui n’est pas neuf dans la pratique des
distributeurs de livres. Je note que ces libraires, au-delà de cette
acceptation d’un office spécialisé ou non, acceptent en général de ne pas
maîtriser les flux arrivant dans leurs boutiques, ce qui fait d’eux non des
commerçants classiques mais des dépositaires de livres, rejoignant en cela la
gestion des marchands de journaux et dépendant ainsi d’un système de distribution
régnant sur leurs arrivages. A partir de là, où s’opère le choix de ces
libraires ? Sont-ils fondés à se déclarer plus « indépendants »
qu’une chaîne ou la boutique Kulture du supermarché du coin ?
J’en doute.
Après tout, peut-être qu’ils le méritent, ce bouquin de Sarko…