Ami écrivain, tu es amateur de bon whisky et tes droits d’auteur
ne te permettent pas de t’arsouiller convenablement. J’ai une solution pour
toi. Oh, rassure-toi, je ne l’ai pas inventée. Elle était plutôt employée dans
les collections populaires et, au cours de mes lectures, j’ai pu constater que
ça avait l’air de marcher puisque cela se répétait très fréquemment. C’est bête
comme chou. Prends ton héros en compagnie d’un acolyte anonyme, ou bien roulé,
et fais les partager un whisky de marque courante. Dans la série du Commander de G.-J. Arnaud, les
protagonistes boivent du Cutty Sark à
chaque récits (76 romans dans la série, de 1961 à 1986) C’est dégueulasse, le Cutty Sark. À la limite, c’est bon pour mettre dans le Coca d’un jeune que tu n’aimes pas trop. Mais, généralement, ces
producteurs n’ont pas qu’une seule catégorie de breuvage dans leur gamme. Il y
a le genre débouche évier… et le single ou le pure malt, selon ton standing et
ton tirage. Avec une petite conversation avec le service commercial, rien de
plus facile que de convenir d’un placement de produit ad hoc d’un bas de gamme au tarif d’une caisse de single livré franco de port après parution du dit ouvrage. Je gage que G.-J. Arnaud a dû
négocier ça aux petits oignons. Évidemment, le placement est plus délicat
lorsque l’on quitte le domaine de la réalité consensuelle. Il est plus
duraille en SF ou dans les romans spiritualistes de lever le coude avec du
whisky, marque de supermarché ou non (bol
d’énergie d’un côté, liqueur des
dieux de l’autre… pouah, quel ennui !)
Il peut arriver quelques petites mésaventures aux romanciers
populaires à ce propos, qu’entre la livraison du manuscrit et son arrivée en
librairie, ce fameux placement de produit ait lieu à l’insu de l’auteur. Et
voici que la caisse de ce vieux tourbé vieilli pendant une douzaine d’années
lui passe sous le nez. Il semble que la mésaventure soit arrivée à Roland C.
Wagner. Or, Roland n’était pas vraiment un consommateur de cela. En revanche, l’Acapulco
Gold, s’il avait été en vente libre... Toujours est-il qu’il n’était pas à l’origine
de cette initiative.
Mais revenons à nos moutons, cher auteur. Il n’est pas
certain que la pratique perdure. Ou bien elle a été oubliée par les
distillateurs et leurs représentants. Raison de plus pour leur rafraîchir la
mémoire. Naturellement, si l’on est auteur de lithérathure, on prendra soin de se
faire conseiller pour le produit à placer, faire une fiche, réinsérer ces
souvenirs de dégustation de façon habile dans le cours du texte, rien de plus
facile pour l’auteur chevronné. Aux distillateurs qui nous liraient, d’ailleurs,
je dirai qu’il ne faut pas négliger la nouvelle car le placement de produit y
est plus difficile, plus périlleux et fort gratifiant lorsque l’habileté de l’auteur
le fait subrepticement. Tenez, moi qui vous parle… euh, on voit ça par mail, d’accord ?