« Quelle
impression mes accusateurs ont faite sur
vous, Athéniens, je l’ignore. Pour moi, en les écoutant, j’ai presque
oublié
qui je suis, tant leurs discours étaient persuasifs. Et cependant, je
puis
l’assurer, ils n’ont pas dit un seul mot de vrai. Mais ce qui m’a le
plus
étonné parmi tant de mensonges, c’est quand ils ont dit que vous deviez
prendre
garde de vous laisser tromper par moi, parce que je suis habile à
parler.
Qu’ils n’aient point rougi à la pensée du démenti formel que je vais à
l’instant leur donner, cela m’a paru de leur part le comble de
l’impudence, à
moins qu’ils n’appellent habile à parler celui qui dit la vérité. Si
c’est là
ce qu’ils veulent dire, j’avouerai que je suis orateur, mais non à leur
manière. Quoi qu’il en soit, je vous répète qu’ils n’ont rien dit ou
presque
rien qui soit vrai. Moi, au contraire, je ne vous dirai que l’exacte
vérité.
Seulement, par Zeus, Athéniens, ce ne sont pas des discours parés de
locutions
et de termes choisis et savamment ordonnés que vous allez entendre,
mais des
discours sans art, faits avec les premiers mots venus. Je suis sûr de
ne rien
dire que de juste ; qu’aucun de vous n’attende de moi autre chose.»
Platon : Apologie de Socrate (Traduction Émile Chambry)
Louis Labeyrie, lecteur (authentique) de Platon.