C'est avec raison, fierté et joie que
nous vous présentons ici-même l'une de nos dernières trouvailles. Luxe
inouï que nous nous sommes permis d'acquérir pour la somme d' 1,00 €
chez l'un de nos occultes fournisseurs.
Qu'on en juge d'après la photo ci-après :
L'invite est claire, tant pour le sous-titre que le titre. Cet érotisme
popote atteint ici un degré qui nous laisse toujours pantois. En effet,
selon notre jugement de Tenancier rompu aux enfers, cette image nous
rappelle nombre de dargeots mitraillés à longueur de Paris-Hollywood et même de quelques
publications sous le manteau qui eurent l'heur de passer sous nos yeux
concupiscents. Ici, jamais ne rima mieux « paire de miche » avec « air
godiche », évocations troubles d'amours ancillaires ou de voisinages
libidineux. Ça sent le quatre heures du serrurier en visite impromptue,
le plombier qui fait des extras racontés à l'heure de l'apéritif.
Certes.
Mais cela valait-il pour autant un billet dans ce blog prestigieux ?
C'est que l'ouvrage a un intérêt certain, outre son érotisme d'une
moiteur approximative. Il fait partie des rares ouvrages en France à
avoir été imprimé tête-bêche. En effet, lorsque nous retournons
l'ouvrage, au lieu de trouver le 2e plat de couverture, avec un résumé
et parfois la biographie exaltante de l'auteur, nous trouvons la
couverture suivante :
Outre que cette photo de couverture
illustre bien la célèbre chanson de
Ray Ventura et ses Collégiens,
on appréciera de nouveau le regard pénétré de l'impétrante.
Ainsi, deux brefs romans sont présentés dans le même ouvrage dans une
astuce de mise en page peu courante. Mais pourquoi donc ne trouve-t-on
que très rarement ce procédé en matière de publications ?
Assez rigolé, prenons notre ton docte.
Alors, pourquoi ?
Cette façon de publier les ouvrages a existé dans les années 50 aux
Etats-Unis, principalement chez l'éditeur
Daw Books, éditeur populaire qui
mit sur le marché nombre de récits de science-fiction ou policiers
voire de témoignages ou faits de société. Pour la petite histoire,
c'est sous cette présentation — avec un autre ouvrage d'un autre auteur
que la postérité n'a pas retenu — que
Junkie
de William Burroughs fut publié pour la première fois. Ces ouvrages
étaient au format poche. Les récits, des courts romans - appelés «
Novellas », chez les Anglo-saxons - se partageaient à peu près 144 à
156 pages. Les illustrations y étaient assez suggestives. Les
cinéphiles se rappelleront sans doute la profession de Richard Sherman
dans
Sept ans de réflexion et
auront une idée paroxystique mais assez juste de ce genre de
publication (Si vous ne vous souvenez pas, courez le revoir !). Or ce
calibre de récit est assez peu prisé dans l'édition en France. La
nouvelle a longtemps été regardée comme un genre difficile à vendre
pour les éditeurs et le problème de la présentation des ouvrages en
tête-bêche se heurtait volontiers au conservatisme des libraires de
neuf français. On en veut pour preuve une discussion que le Tenancier
eut avec Élisabeth Gille, directrice, à l'époque, de la Collection «
Présence du Futur » et qui préparait une collection de courts récits de
science-fiction appelée « Étoiles Doubles ». Celle-ci était destinée à
l'origine à être présentée de cette manière. Une étude de marché, fit
battre immédiatement en retraite l'éditeur et sa Fabrication. Nous
eûmes droit à une maquette de couverture ratée, des livres bâtards qui
ne se vendirent guère. La collection disparut au bout d'une quinzaine
de numéros. L'idée s'était heurtée à la frilosité des vendeurs. Elle
aurait sans doute mérité d''être imposée.
Il est sans doute d'autres raisons que le commerce, et que nous ne
connaissons pas, au sujet de cette relative rareté. Le Tenancier attend
de pied ferme toute matière à codicille au présent billet.
On affirmera sans trop de risques que l'on ne retrouve
qu'exceptionnellement deux textes publiés tête-bêche dans le même
livre. Sans doute devons-nous la présente curiosité également au fait
que ce livre érotique fut une auto-édition. Comme cet ouvrage est
encore frais dans nos acquisitions, nous n'avons pas eu le temps de
glisser notre nez frétillant dans sa... prose. Mais nous adjugeons ici
même notre préjugé favorable à Madame Christine Laurac qui, bravant les
diktats du marketing nous fit don d'un in-8° sortant un peu de
l'ordinaire...
Christine
Laurac : " Les Fureurs de la Chair " : Viens... ! / Sérénade à
quatre
Auteur - Éditeur, 1972
Personne ne s'est lancé à donner
quelques informations supplémentaires à ce billet lors de sa parution
sur le blog Feuilles d'automne en mai 2009. Mais l'histoire comporte
tout de même une consolation : l'ouvrage fut offert à Otto. On espère
que, depuis, il aura eu le temps de le savourer et peut-être un
jour nous en parlera-t-il. Il ne faut jamais manquer l'occasion de
s'instruire...