LA SATIRE
est une sorte de miroir où, d’ordinaire, chacun
reconnaît le visage de tous hormis le sien ; ce qui est la
principale
raison de la réception qu’elle a dans le monde, où elle n’offense que
fort peu
de gens. Cependant, s’il en advenait autrement, le danger n’est pas
grand ;
et j’ai appris par une longue expérience à ne jamais craindre des
méfaits, de
la part des intelligences que j’ai su provoquer ; car si la colère
et la
furie ajoutent de la force aux nerfs et du corps, on a pu voir qu’elles
relâchent
ceux de l’esprit, rendant ses efforts faibles et impuissants.
IL EST un cerveau qu’on ne saurait faire mousser plus d’une fois : son possesseur fera bien de le rassembler à bon escient et d’user de sa faible réserve avec parcimonie ; mais avant toute chose, qu’il évite de l’exposer au fouet de ceux qui valent mieux que lui, car cela le fera monter, tout écumant, jusqu’à l’impertinence, et il épuisera rapidement sa réserve ; l’esprit dépourvu de savoir est une sorte de crème, qui en une nuit se rassemble à la surface, et par une main habile sera rapidement fouettée en mousse ; mais, une fois cette mousse écumée et jetée, ce qui apparaît en dessous ne sera bon à rien, qu’à donner aux cochons. |
Préface de l’auteur au
RÉCIT
Complet et Véridique
de la
BATAILLE
qui se fit V E N D R E D I dernier
entre les
LIVRES
A N C I E N S et M O D E R N E S
en la
BIBLIOTHÈQUE
Saint-James
par
Jonathan Swift
(Traduction de Jeannie Carlier)
Paris
Les Belles Lettres
1993
RÉCIT
Complet et Véridique
de la
BATAILLE
qui se fit V E N D R E D I dernier
entre les
LIVRES
A N C I E N S et M O D E R N E S
en la
BIBLIOTHÈQUE
Saint-James
par
Jonathan Swift
(Traduction de Jeannie Carlier)
Paris
Les Belles Lettres
1993