jeudi 9 mai 2019

La visite des contrôleurs

[…] Je libidine un brin ? Vous croyez ? Pourtant je me contente de décrire. C’est mon métier, quoi ! Un grand romancier qui ne décrit pas, il est bonnard pour la casse. Tous les six mois on a la commission de métaphore qui passe nous vérifier la prose. Vous avez pas l’air de vous en douter ! Ça ne plaisante pas, parole ! Demandez à mes collègues… On est là, bien tranquille à sa machine. On fait des dialogues pour remplir :
            « Bonjour.
            « Salut.
            « Y’a longtemps qu’on s’est pas vu.
            « Oui, hein ?
            « Quoi de neuf ?
            « Pff, comme d’habitude…
                                   etc, etc…
Et les messieurs contrôleurs vous tombent dessus ! L’air hargneux.
— Service des épithètes, clichés et images ! (c’est le nom officiel), qu’ils annoncent, voulez-vous nous montrer votre livre en cours, s’il vous plaît !
J’en sais qu’ajoutent même pas « s’il vous plaît » ! Les v’là qui s’installent à votre burlingue, qui fument vos cigarettes et prennent l’heure à votre pendule. La manière qu’ils feuillettent votre ouvrage, mes pôvres !
« Dites donc, dites donc ! Qu’est-ce que c’est que ce travail ! Deux pages sans une comparaison ! Vous vous moquez du monde ! On va vous retirer votre licence d’écrivain ! Déjà que la fois d’avant vous avez eu un avertissement ! Vous serez rétrogradé, mon ami. On va vous flanquer au rewritinge ! Aux chiens écrasés, si ça ne suffit pas ! Voulez-vous que je vous dise ? Tel que c’est parti, vous ferez critique un jour !
On a beau pleurer, leur supplier qu’on fera bien attention, ils restent intraitables, les monstres ! Féroces ! Ah, il s’en est brisé des carrières, pour défaut de descriptions. Alors vous parlez que j’sus pas chaud si près de l’Académie Con-court, pour risquer la mise à pied. Vous m’objecterez, à propos de pied, que dans mon métier, beaucoup d’entre nous écrivent avec leurs panards. Je vous répondrai catégoriquement : « Peut-être, seulement moi je ne suis pas acrobate. »

San Antonio : Ça mange pas de pain (1970)

mardi 7 mai 2019

Une historiette de Béatrice

— « Voilà, je vais prendre ceci, ce qui fait quatre euros. Je tiens également à vous signaler deux erreurs de classement que j’ai pu relever dans votre boutique. Si vous avez un moment, je vous les indique.
— Avec plaisir, je vous écoute, monsieur. »

jeudi 2 mai 2019

10/18 — Père Caron : Curé d'Indiens




Père Caron

Curé d'Indiens

n° 612 à 616

Paris, Union Générale d'Édition
Coll. 10/18
Série « 7 »

366 pages (368 pages)
Couverture de Pierre Bernard
Achevé d'imprimer : 13 octobre 1971
Dépôt légal : 4e trimestre 1971


(Contribution du Tenancier)
Index

mercredi 24 avril 2019

Une historiette de Béatrice

Après avoir attentivement lu le contenu du panier à 1 euro, elle en choisit un (le plus grand) et entre dans la boutique, avec son sac à main, deux sacs des emplettes précédentes, et un cabas. Et le livre à un euro.
Elle me règle et me demande si je n’ai pas un petit sac pour le ranger.

dimanche 21 avril 2019

Nous cheminons entourés de fantômes aux fronts troués

Le Tenancier vous avait, l’été dernier, mis en copie un extrait de l’ouvrage de Jean-François Vilar, Nous cheminons entourés de fantômes aux fronts troués. Puisque l’on ne peut s’acquitter aussi facilement d’un tel écrivain, voici la retranscription du roman en feuilleton radiophonique, avec le cortège de déceptions que recèle toujours une telle entreprise. En effet, rien n’est plus désagréable qu’une voix se substitue à celle de l’auteur, du moins à celle que l’on se figure lors d’une lecture. Quand bien même, l'évocation vaut la peine d'être écoutée. On vous recommande de toute façon tout Vilar et on tentera à l’avenir de retrouver encore de quoi vous appâter…

Épisode 1



Épisode 2
 

Épisode 3



On trouvera la notice de cette émission ici.

mardi 16 avril 2019

La mort d'André Gide

21 février 1951 : le « flash » arrive sur les téléscripteurs : dans son appartement de la rue Vaneau, André Gide vient de rendre le dernier soupir. Le chef des informations d’un journal du soir dépêche un reporter — le premier qui lui tombe sous la main ; un garçon qui, ordinairement, s’occupe des faits divers.
Une heure plus tard, coup de téléphone dudit, donné de la rue Vaneau :
— Sans intérêt : mort naturelle.

Jean-Paul Lacroix : La presse indiscrète (1967)