Les gens lisent
moins, non ? Les jeunes ne lisent plus, hélas. Et vous avez lu tout ça ? Vous faites un beau métier. Qui lit les classiques aujourd'hui ? Et vous arrivez à vous y retrouver ? |
jeudi 30 avril 2020
Une historiette de Béatrice
mercredi 29 avril 2020
10/18 — Catherine Breillat : L'homme facile
Catherine Breillat
L'homme facile
n° 875
Paris, Union Générale d'Édition
Coll. 10/18
Volume simple
120 pages (128 pages)
Dépôt légal : 2e trimestre 1974
Achevé d'imprimer 5 juin 1974
(Contribution du Tenancier)
Index
L'homme facile
n° 875
Paris, Union Générale d'Édition
Coll. 10/18
Volume simple
120 pages (128 pages)
Dépôt légal : 2e trimestre 1974
Achevé d'imprimer 5 juin 1974
(Contribution du Tenancier)
Index
mardi 28 avril 2020
lundi 27 avril 2020
10/18 — Norbert Wiener : Cybernétique et société
Norbert Wiener
Cybernétique et société
L'usage humain des êtres humains
Édition synoptique
n° 569/570
Paris, Union Générale d'Édition
Coll. 10/18
509 pages (512 pages)
Couverture de Pierre Bernard
Achevé d'imprimer : 20 août 1971
Dépôt légal : 4e trimestre 1971
(Contribution du Tenancier)
Index
dimanche 26 avril 2020
Une historiette de Béatrice
samedi 25 avril 2020
Lectures du tenancier
Rien de récent (ou si peu), et comme ça lui chante.
«
Un ami parisien m’a téléphoné à la fin novembre 1974. Il m’a dit que
Lotte Eisner était très malade et allait sans doute mourir. J’ai répondu
: cela ne se peut pas. Pas maintenant. Le cinéma allemand ne peut pas
encore se passer d’elle, nous ne devons pas la laisser mourir. J’ai pris
une veste, une boussole, un sac marin et les affaires indispensables.
Mes bottes étaient tellement solides, tellement
neuves, qu’elles m’inspiraient confiance. Je me mis en route pour Paris
par le plus court chemin, avec la certitude qu’elle vivrait si j’allais
à elle à pied. Et puis, j’avais envie de me retrouver seul.
Mon journal de marche n’était pas destiné à être lu. Aujourd’hui, quatre après, quand j’ai repris ce petit carnet de notes, il m’a ému d’étrange manière, et le désir de le faire lire à d’autres m’a aidé à surmonter la gêne de cette mise à nu devant les regards étrangers.
Seuls quelques passages très intimes ont été supprimés.
W.H. »
On s’expliquera ou non les profondes raisons d’un périple aussi singulier. Werner Herzog, retourne à l’errance qui transparaît si tôt chez les Romantiques allemands, doté du même sens du paysage traversé et perçu dans ses infimes palpitations. Ce « voyage d’hiver », de rédemption, cette sorte de pèlerinage miraculeux dans une contrée à l’hostilité souterraine, reste à mes yeux un grand texte sur le voyage… En ce sens, il reprend l’extrême sensibilité des vagabondages du Romantisme, dans un pays hostile, bien souvent dans une forme passive : froid, grésil, pluie drue, chiens méfiants, population mutique au passage du vagabond, qui n’hésite pas à fracturer les portes des maisons vides pour trouver un abri pour la nuit. On sait bien — on s’y attend — que demander un hébergement serait vain. Ces quelques pages constituent un moment miraculeux au milieu de toute la littérature frelatée autour du voyage et son moralisme spectaculaire. Sans doute y retrouve-t-on l’obstination d’un Aguirre dans cette progression sur une terre ingrate et froide, on y découvre également une sensibilité exceptionnelle…
Pour un extrait, allez donc voir ici
Mon journal de marche n’était pas destiné à être lu. Aujourd’hui, quatre après, quand j’ai repris ce petit carnet de notes, il m’a ému d’étrange manière, et le désir de le faire lire à d’autres m’a aidé à surmonter la gêne de cette mise à nu devant les regards étrangers.
Seuls quelques passages très intimes ont été supprimés.
W.H. »
On s’expliquera ou non les profondes raisons d’un périple aussi singulier. Werner Herzog, retourne à l’errance qui transparaît si tôt chez les Romantiques allemands, doté du même sens du paysage traversé et perçu dans ses infimes palpitations. Ce « voyage d’hiver », de rédemption, cette sorte de pèlerinage miraculeux dans une contrée à l’hostilité souterraine, reste à mes yeux un grand texte sur le voyage… En ce sens, il reprend l’extrême sensibilité des vagabondages du Romantisme, dans un pays hostile, bien souvent dans une forme passive : froid, grésil, pluie drue, chiens méfiants, population mutique au passage du vagabond, qui n’hésite pas à fracturer les portes des maisons vides pour trouver un abri pour la nuit. On sait bien — on s’y attend — que demander un hébergement serait vain. Ces quelques pages constituent un moment miraculeux au milieu de toute la littérature frelatée autour du voyage et son moralisme spectaculaire. Sans doute y retrouve-t-on l’obstination d’un Aguirre dans cette progression sur une terre ingrate et froide, on y découvre également une sensibilité exceptionnelle…
Pour un extrait, allez donc voir ici
jeudi 23 avril 2020
Une historiette de Béatrice
mardi 14 avril 2020
dimanche 5 avril 2020
Bibliothèque confinée du Tenancier — Volume 4
Georges
Courteline
Sigismond
Sigismond
Sur un coup de
sifflet
du contrôleur, l’omnibus s’est ébranlé. Ses roues tournent dix fois sur
elles-mêmes, et aussitôt une voix de femme :
— Pssst ! C’est Madame Poisvert, personne à la face élargie de majesté et de noblesse. Elle est flanquée de son fils Sigismond, long jeune homme de dix-neuf ans, dont un duvet léger et mou encadre la face ingénue. Il tient, pressé sur son sein, un énorme pétunia en pot. La mère et le fils, l’un suivant l’autre, s’élancent à l’assaut du marchepied et disparaissent à l’intérieur de la voiture où deux places restaient à prendre : l’une tout de suite à gauche en entrant ; l’autre tout au fond, sous le siège du cocher. C’est en faveur de cette dernière que Mme Poisvert se prononce. L’omnibus se remet en route. Une sérénité souriante illumine et, pendant cinq minutes encore, illuminera la lèvre en fleur de la mère. Par contre, le fils semble absorbé dans une douloureuse rêverie. Ses regards chargés d’inquiétudes, errent éplorés de droite et de gauche, et de minute en minute se reportent sur le pétunia, qu’ils accablent d’une muette haine. Enfin, entre ses dents serrées
Sigismond, à
soi-même
Saleté de pétunia ! Saleté de pétunia !... De quoi est-ce que j’ai l’air, avec ce pétunia ?...
L’Opinion publique
Ce jeune homme au front revêtu D’une auréole si pudique, Marche fièrement, tout l’indique, Dans le sentier de la vertu. La candeur luit sur son front blême. Qu’il soit un exemple pour nous !... La fleur qu’il tient sur ses genoux De son âme chaste est l’emblème.
Sigismond, à
soi-même
De quoi j’ai l’air ? (Amèrement ironique.) je ne le sais que trop !... J’ai l’air d’une tourte, c’est bien simple… Saleté de pétunia ! Saleté de pétunia !... Mon Dieu ! que c’est assommant d’aller souhaiter sa fête à Mme de Grignotterais !
À ce moment.
Madame Poisvert, à
l’autre bout de la voiture
Sigismond !
L’appel
se perd dans le fracas des vitres secouées.
Madame Poisvert, quatre tons plus haut
Sigismond, à part
Bon ! Voilà encore maman qui va m’interviewer d’un bout
à l’autre du tramway. Feignons n’avoir pas entendu.
Madame Poisvert, à
tue-tête et agitant l’air de ses bras
Sigismond ! Sigismond !
L’Opinion publique
Celui dont l’invisible main Gouverne les gens et les choses Nous a placés, comme des roses, Vieille auguste, sur ton chemin. Ô femme à la face élargie De noblesse et de majesté, Parle haut !... — Ton âge est lesté D’une expérience assagie.
Madame Poisvert, la
voix étranglée dans de rauques mugissements
Sigismond ! Sigismond ! Sigismond !
Sigismond, Résigné,
à part
Allons !... Pas moyen d’éviter. (Haut) Qu’est-ce qu’il y a ?
Madame Poisvert, qui
joint le geste à la parole
Le pétunia !
Sigismond, la
main au pavillon de l’oreille
Quoi ?
Madame Poisvert
Le pétunia !
Sigismond, même
jeu
Qu’est-ce que tu dis ?
Madame Poisvert
Le pétunia !!!
Sigismond
Le pétunia ?
(Mimique affirmative
de Mme Poisvert)
Eh bien quoi, le pétunia ?
Madame Poisvert
Prends bien garde à ne pas l’abîmer ! N’oublie pas que nous allons l’offrir pour sa fête à Mme de Grignotterais !
Sigismond
Mais oui, mais oui ! Sois donc tranquille ! (À part.) J’aime bien maman, mais cré nom ! qu’elle est agaçante !... Quel besoin, non mais quel besoin d’aller dire devant tout le monde que nous allons souhaiter sa fête à Mme de Grignotterais ?
L’Opinion publique, mentalement
Cette galante attention Honore ceux-là qui l’ont eue ! En un vers qui la perpétue Exprimons notre émotion ! Mais il suffit ; sachons nous taire ! Bouche close sur un secret ! Bornons-nous au geste discret Qui symbolise un mystère.
Sigismond, à
soi-même
Une chose me met hors de moi, c’est la pensée que Mme de Grignotterais va encore me forcer à essuyer le plâtre dont elle a soin de peindre et d’orner son visage, pour réparer des ans l’irréparable outrage. Ayant simulé la surprise d’une personne qui était à cent lieues de soupçonner les événements : « C’est donc ma fête ? s’écriera-t-elle en nous voyant surgir sur le seuil de la porte, maman, le pétunia et moi. Quelle surprise inattendue et quel pétunia superbe ! » Là-dessus, elle se fera un devoir de m’attirer entre ses bras et de me faire essuyer le plâtre. Abominable perspective !... (L’œil écarquillé sur un rêve) Ah ! pourquoi ne puis-je être quitte avec un coup de pied dans le derrière ! que je savourerais avec volupté cette humiliation libératrice !
Madame Poisvert
Sigismond !
Sigismond
Et après ?
Madame Poisvert
Fais risette à ta mère !
Sigismond
Une autre fois
Madame Poisvert
Pourquoi une autre fois ?
Sigismond
Parce que !
Madame Poisvert
Parce que quoi ?
Sigismond
Parce qu’il y a du monde.
Madame Poisvert
Ça ne fait rien. (Frappée d’un soupçon.) Ah ça, Sigismond, aurais-tu honte d’avoir de la tendresse pour moi ?... Va, il n’est pas de plus beau spectacle que celui d’une mère et d’un fils unis par les liens de l’affection la plus étroite. Fais-moi une risette, Sigismond !
Sigismond
Voilà !
(Il sourit.)
Madame Poisvert
C’est ça. — Envoie-moi un bécot.
Sigismond
Chez nous !
Madame Poisvert
Non, ici.
Sigismond
Non. Madame Poisvert Si !
Sigismond
Non !
Madame Poisvert, fondant
en larmes
Sigismond, tu ne m’aimes plus !
Sigismond
Mais si !
Madame Poisvert
Bien vrai ?
Sigismond
Puisque je te le dis ?
Madame Poisvert
Alors, fais-moi encore une petite risette !
(La mère et le fils
se
sourient.)
L’Opinion publique
Le riant, l’aimable tableau !... Qu’il a de douceurs et de charmes ! N’arracherait-il pas des larmes Aux rochers de Fontainebleau ? Fils cent fois tendre, mère heureuse, L’un de l’autre à ce point épris, Vous évoquez en nos esprits L’Heureuse famille de Greuze.
Le conducteur, apparaissant
Places, siouplaît !
Madame Poisvert
Sigismond !
Sigismond
Et alors ?
Madame Poisvert
Le conducteur !...
Sigismond
Le conducteur ?
Madame Poisvert
Oui, le conducteur !
Sigismond
Eh bien quoi, le conducteur ?
Madame Poisvert
Il vient réclamer le prix des places.
Sigismond
Je le vois bien.
Madame Poisvert
Paye pour nous deux : je te rendrai ça en rentrant.
Sigismond, agacé
Bon ! Bon !
(Il tire son
porte-monnaie.)
Madame Poisvert
Tu m’y fera penser.
Sigismond
Oui.
Madame Poisvert
Tu me rappelleras en même temps que je te dois déjà huit sous. Tu sais, pour la farine de lin… (Mutisme systématique de Sigismond)… le jour où tu avais un clou… (Même jeu de Sigismond) Je t’ai posé un cataplasme : est-ce que tu ne t’en souviens pas ?
Sigismond, les
mâchoires pareilles à un étau
Ah ! Dieu puissant ! Ah Vierge sainte ! (Au conducteur.) Voilà vingt sous. Vous me donnerez deux correspondances.
Madame Poisvert, debout
et haranguant
Dans quelques mois, tu seras un homme : apprends donc à ne plus te conduire en enfant ainsi que tu as coutume de le faire. Compte avec soin la monnaie qui te revient. Un sou et un sou font deux sous ; plus tu entreras dans la vie, plus tu te sentiras pénétré de la vérité de cette parole. Mais gare-toi de te méprendre au sens du discours que je tiens. La fois où nous avons dîné avec du foie de veau aux carottes, le tripier nous a colloqué une pièce démonétisée ; n’essaye pas de la repasser au conducteur. Ce serait une mauvaise action et les mauvaises actions, Sigismond, retombent toujours sur le nes de ceux qui les ont commises.
Sigismond
Je voudrais être assis à l’ombre des forêts !...
L’Opinion publique
Tel, sous l’azur des ciels limpides Que parcourt le vol des ramiers, Avril voit les fleurs des pommiers S’écrouler en neiges rapides. Tel, nous voyons, émerveillés, Crouler, à torrent, des lumières !... Il pleut des Vérités Premières : Tendons nos rouges tabliers.
Un temps Sigismond se
calme.
Suite du temps. Sigismond se rassérène. Temps interminable. Sigismond s’épanouit. Soudain.
Madame Poisvert
Sigismond ! Sigismond ! Sigismond !
Sigismond, désespéré
Oh !... (Haut.) Eh bien, qu’est-ce qu’il y a encore ?
Madame Poisvert, d’une
voix qui sonne comme un appel de
trompette
Est-ce que tu as pensé à changer de chaussettes ?
Du coup, Sigismond en
a assez. Il se lève, et posant son pétunia en pot sur les genoux de son
voisin.
Sigismond
C’en est trop ! Acceptez, de grâce, Ce pot de fleur qui m’embarrasse Quant à moi, j’en ai plein le dos ; Je prends le train pour Saint Jacut.
Il se dirige vers la
porte, gagne la rue et disparaît tandis que :
Madame Poisvert, désespérée
Courons, amis, courons employer tout chose À rompre le dessein que son cœur se propose ! |
samedi 28 mars 2020
Bibliothèque confinée du Tenancier — Volume 3
Georges Courteline
Premier en anglais
Premier en anglais
TOTO
— Moi, comme j’ai été premier en anglais, maman a dit comme ça : « Comme cet enfant, qu’elle a dit, a été le premier en anglais, pendant les vacances de Pâques, on le mènera voir la comédie puisqu’il a été premier en anglais. » — Ah ! — Oui. Alors papa est allé louer des places. Ça fait qu’il a rentré mardi en disant : « Je viens de louer des places ». — « Pour où que tu as loué des places ? » qu’a dit maman. Papa a dit qu’il avait loué des places pour aller au Théâtre-Français voir jouer Le Supplice d’une femme. Alors, maman s’a fichue en colère ; elle a dit que papa était un imbécile et qu’il ne faisait que des bêtises. — Ah ? — Oui. Elle criait : « Est-ce que tu perds la tête de mener cet enfant à une pièce pareille ? Tu veux donc lui donner des mauvaises idées ? » Et papa baissait le nez parce qu’il ne savait plus quoi répondre. À la fin, maman a dit qu’il ne savait pas ce qu’il faisait, mais qu’elle aimait encore mieux que j’aie de mauvaises idées que de laisser perdre des places qui avaient coûté vingt-cinq francs. Alors on a été tout de même voir jouer Le supplice d’une femme. — Ah ? — Oui. En voilà une pièce qu’elle est bête !... mon vieux, on n’y comprend rien ! C’est rien que des gens qui parlent à tort et à travers et qui disent tout ce qui leur passe par la tête. T’as jamais rien vu de plus bête. Et tout le temps maman me disait : « N’écoute pas ce qu’ils disent, Toto ; c’est des mensonges » ; et elle disait à papa « Il faut être aussi fou que tu l’es pour avoir amené cet enfant à une pièce aussi immorale. » À la fin on a rentré et maman a dit comme ça : « Je ne veux pas que cet enfant reste sous le coup de mauvaises idées ; demain soir, on ira voir jouer La Chatte Blanche. » — Ah ? — Oui. Ça fait que le lendemain on a été au Châtelet. Mon vieux, c’est ça qui est rupin ! Pour sûr alors, c’est rupin !... Si tu savais !... (Les yeux hors de la tête.) Mon vieux, il y a des dames toutes nues !... c’est joli !... On voit tous leurs estomacs !... À un moment, y’en a qui dansent ; des fois elles relèvent leurs jupes et font voir leurs derrières… Tu ne peux pas te faire une idée comme c’est chic !... Crénom, j’ai rudement rigolé ! Maman aussi. Tout le temps elle disait : « Tu t’amuses, Toto ? » et elle disait à papa : « Hein ? Voilà un spectacle à faire voir à des enfants. Au moins ça ne leur donne pas de mauvaises idées ! » Je serais toi, je dirais à ta mère de te mener voir La Chatte Blanche. C’est pas comme Le Supplice d’une femme où on ne sait pas ce que ça veut dire. On comprend, mon vieux !... On comprend… |
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