Le Tenancier : Voici un
exposé curieux, à mi-chemin de
ton amour de la montagne et de la littérature conjecturale, qui
rappelle
fortement le mythe de Shangri-la. La différence réside dans la
localisation du
lieu secret, éminemment exotique, en définitive. Il faut signaler
l’incertitude
qui règne autour des faits présentés, joli exemple de brouillage auquel
le
lecteur doit se laisser abandonner, pour son plaisir.
Ce titre-là est-il passé par un « comité de
lecture »,
ou étais-tu sûr de ton propos
? Comment
garder la
distance lorsque l’on devient son propre éditeur
?
Pierre Laurendeau : Ouh la
la ! que de questions…
Tout d’abord, c’est un des rares textes liés à la montagne que j’ai
signé de
mon nom, et non « Pierre Charmoz ». Je l’ai écrit, je crois,
en 1992 après
la lecture d’un roman de Gustav Meyrink qui parlait de la fameuse
voie
de la
dissolution du cadavre et de l’épée du taoïsme
1.
Le taoïsme a toujours été la religion du peuple chinois, opposée au
confucianisme, religion des élites lettrées. Je ne suis adepte d’aucune
religion ou secte à mystère, mais cette image m’a durablement marqué
par son
étrangeté. Par ailleurs, lors du traité de Paris de 1947, l’Italie
s’est vue
rabotée de quelques territoires : notamment les trois dernières
communes
du comté de Nice qui étaient restées italiennes et la vallée Étroite,
une
vallée magnifique qui est orographiquement, hydrologiquement,
linguistiquement
et culturellement italienne, mais qui est devenue administrativement
française.
Il n’y a certes pas d’habitants permanents, mais ça complique les
relations
administratives ! J’ai imaginé qu’une secte crypto-taoïste avait
profité
des accords de Paris pour
décaler la géographie et rendre la
vallée
invisible pour s’y cacher. Les références au géographe Occey-Lawson
sont
imaginaires (comme le géographe lui-même), mais le texte mêle le faux
et le
vrai, un peu à la manière de Borges (en toute humilité !).
La
Voie de
la montagne a été repris, il me semble, dans la très belle et
éphémère
revue
Altitude, il y a une vingtaine d’années... Que le temps
passe !
Quant au comité de lecture de Deleatur, voilà une question
très embarrassante : j’en parlerai à MM. Pierre Charmoz, Hurl
Barbe, Jules
Veine et consorts.
1 Le Dominicain blanc