Les
fêtes sont passées par là chez votre Tenancier et il n’a pas reçu trop
de
cadeaux. D’ailleurs, que pourrait-on lui offrir d’autre qu’un
supplément de
jouissance de l’existence ? Reste le besoin impérieux de posséder des
livres,
qui fait partie de ce plaisir du cumul. Périrai-je un jour de la chute
d’une
bibliothèque sur mes pauvres endosses, de la même manière qu’un
astronome
serait touché par une météorite ou bien une météorologue par la
foudre ? La
fulguration, quelle étrangeté : cela ressemble de l’extérieur au
sentiment,
atténué bien sûr, de la découverte d’un nouveau texte. Imaginons-nous
partir en
quête de l’éclair avec une baguette de coudrier ! Fort heureusement, on
en clamse
peu. Une histoire amusante serait à rédiger, qui conterait l’exception,
une
lecture fatale à cause du ravissement ou de l’étonnement. Tu lis… et
boum, tu
meurs. Cela a bien dû arriver. En tout cas, cela pourrait se produire
avec ce
petit bouquin sur le poison, amusant et dont la lisibilité laisse à
désirer,
typo trop brillante sur un fond qui neutralise le contraste, mais
qu’importe,
le poison se mérite, l’effort est requis et nous possédons tous
quelques
ennemis, n’est-ce pas ? Mais ces recettes se révèlent-elles fatales ?
Le
Tenancier n’a pas essayé pour le moment. Constatons que sa lecture n’en
deviendrait pas mortelle, mais peut-être sa mise en application…
L’art
de la sieste reste un domaine encore étranger à votre serviteur, mais
cela
importe peu, après tout, puisque le fond de l’ouvrage de Thierry Paquot
semble
l’emploi de notre temps. Citons : « La
sieste fonctionne ici comme une métaphore, elle acquiert un autre sens
et ne
désigne plus seulement l’acte de s’endormir ou de somnoler, au midi de
la
journée, mais la capacité à maîtriser son emploi du temps, à ne pas le
brader en
le soumettant aux temps imposés par “la” société. »
« Vous
avez donc lu l’ouvrage, Tenancier ? » Eh bien, même pas ! Je suis tombé
sur ce
passage au hasard au moment précis où j’en avais besoin, signe éloquent
que ce
livre me parle. Mystique, le Tenancier ? Et puis quoi, encore ? Le
phénomène
survient de temps en temps, sans doute à cause du hasard ou d’un
inconscient
qui travaille pour soi et qui se dit « Voyons, la citation ad hoc doit
bien se
trouver à cet endroit du livre. » Parfois, ça marche, la preuve…
Vive
l’Anarchie, c’est entendu… Cela reste un réconfort au milieu de la
vaste
maladie mentale qui règne à l’heure actuelle et qui veut nous
embrigader, nous
scruter, interférer sur notre vie, nous faire croire, etc. Ce volume de
Jean
Grave m’a été offert par un ami de passage qui s’interroge sur le
fondement de
la pensée anarchiste et qui s’est acheté quelques ouvrages sur le
sujet. On
espère qu’il accédera ensuite à quelques penseurs plus modernes que
ceux qui
étaient proposés dans la librairie où nous nous trouvions. En effet,
l’anarchisme reste un concept contemporain et révolutionnaire, malgré
les
bistrotiers qui s’en réclament, je ne sais quel « comique » ou autres
et qui sont
autant de petites merdes fascistes, et je reste poli.
L’anarchie
rassure des gens comme moi qui s’enchantent de la découverte d’un
étranger dans
son semblable. Merci, mon cher, pour ce cadeau. Vous voyez, j’en ai
reçu un, de
cadeau ! Mais là, ce n’était pas en raison des circonstances
religieuses,
sociétales ou autres, mais au nom de l’amitié, qui est, après tout, une
composante
de l’anarchie. Je vous rassure : on y trouve aussi des sales cons
pas
amicaux. C’est normal, c’est humain. En tout cas, ce ne sont pas des
fascistes,
c’est déjà ça.
Nous
allons lire la Paquot en premier, en nous demandant s’il fournira un
remède à
ce temps qui nous manque tant face à l’accumulation de lectures ici et
là.
Victor Coutard : Le poison, dix
façons de le préparer — Éditions de l'Épure (2023)
Thierry Paquot : L'art de la sieste —
Zulma (2002)
Jean Grave : La société mourante et
l'anarchie, préface d'Octave Mirbeau — Lux éditeur (2023)