mercredi 7 mai 2025

Le Tenancier est un vieux


Dans notre manie d’accumuler les sources bibliographiques, quelques unes se révèlent inutiles ou insignifiantes pour ce qui concerne la pertinence des informations, souvent à cause de leur obsolescence. Reste le plaisir de relever quelques détails amusants, comme le fait de constater que, dans ce répertoire des auteurs publié en Grande Bretagne, Charteris, n’est pas loin de Chase et que ce dernier a créché à Neuilly sur Seine dans les années 1960, date de publication de cette quatrième édition. On y croise également Arthur C. Clarke, Somerset Maugham, Aldous Huxley, etc.


L’amusement s’étend également au récipiendaire de cet exemplaire, que le Tenancier découvrit bien après acquisition dans un lot, et à vrai dire assez à son corps défendant (et pour cause !), en découvrant la facture insérée à la fin du volume. Certes, le Tenancier ne passe pas ses dimanches entre les pages de cet ouvrage un peu sec du côté suspens. Néanmoins, sentant arriver son grand âge, et comme il me mentionna il y a peu, il se livre à cette habitude de vieux qui consiste à feuilleter les dictionnaires…



Quant à Michel Droit, je l'ai vu une seul fois, en coup de vent, à la libraire dans le XVIe où je travaillais, occasion pour mon patron de s'exclamer après coup : On a eu la visite du représentant le plus plus con de l'Académie française ! Pour ma part, je l'ignore, car j'ai peu croisé d'académiciens, deux ou trois seulement dans cette même librairie d'ailleurs, mais il faut reconnaître que l'échantillonnage n'était pas en faveur de celui-là, malgré le fait que...

lundi 5 mai 2025

Jeu

Notre ami George s'ennuie quand on néglige un peu trop les intermèdes ludiques dans ce blogue. Comme on n'est jamais mieux servi que par soi-même, il m'a envoyé la photo ci-dessous, avec la question :
De quel film provient cette image volée à une époque plus heureuse que la nôtre, où les bouquinistes étaient tenus en plus haute estime qu'aujourd'hui ? (Le visage central est flouté pour corser un tantinet le jeu) ?


Comme le présent article a été programmé deux jours auparavant et que votre Tenancier s'absente une partie de la journée, on espère que notre bon George suppléera à nos lamentables carences en aidant nos lecteurs. Merci George.

dimanche 4 mai 2025

Loueur de livres

Usés, sales, déchirés, ces livres en cet état attestent qu’ils sont les meilleurs de tous ; et le critique hautain qui s’épuise en réflexions superflues, devrait aller chez le loueur de livres, et là voir les brochures que l’on demande, que l’on emporte et auxquelles on revient de préférence. Il s’instruirait beaucoup mieux dans cette étroite boutique que dans les poétiques inutiles dont il étaie les frêles conceptions.
Les ouvrages qui peignent les mœurs, qui sont simples, naïfs et touchants, qui n’ont ni apprêt, ni morgue, ni jargon académique, voilà ceux que l’on vient chercher de tous les quartiers de la ville, et de tous les étages des maisons. Mais dites à ce loueur de livres : Donnez-moi en lecture les œuvres de M. de La Harpe ; il se fera répéter deux fois la demande, puis vous enverra chez un marchand de musique, confondant (sous le vestibule même de l’Académie) l’auteur et l’instrument.
Grands auteurs ! allez examiner furtivement si vos ouvrages ont été bien salis par les mains avides de la multitude ; si vous ne vous trouvez pas sur les ais de la boutique du loueur de livres ; ou si vous y trouvant, vous êtes encore bien propres, bien reliés, bien intacts, faits pour figurer dans une bibliothèque vierge, dites-vous à vous-même : J’ai trop de génie, ou je n’en ai pas assez.
Il y a des ouvrages qui excitent une telle fermentation, que le bouquiniste est obligé de couper le volume en trois parts, afin de pouvoir fournir à l’empressement des nombreux lecteurs ; alors vous payez non par jour, mais par heure. À qui appartiennent de tels succès ? Ce n’est guère aux gens tenant le fauteuil académique.
Ces loueurs de livres n’en connaissent que les dos et ils ressemblent en cela à plusieurs bibliothécaires et à quelques princes, qui ont une bibliothèque ordinairement assez utile aux autres.
Une mère dit à sa fille, je ne veux point que vous lisiez. Le désir de lecture augmente en elle : son imagination dévore toutes les brochures qu’on lui dérobe ; elle sort furtivement, entre chez un libraire, lui demande la Nouvelle Héloïse, dont elle a entendu prononcer le nom : le garçon sourit ; elle paie, et va s’enfermer dans sa chambre.
Quel est le résultat de cette jouissance clandestine ? Je dois mon cœur à mon amant : quand je serai mariée je serai toute à mon époux.
Louis-Sébastien Mercier : Tableau de Paris — Chapitre CCCLXXVII

samedi 3 mai 2025

Bibliographie commentée des Minilivres aux éditions Deleatur — 38


An 2000

L'an zéro de
Jésus-Christ

Angers — Éditions Deleatur, 1999
Plaquette 7,5 X 10,5 cm, 16 pages, dos agrafé, couverture à rabats, pas de mention de tirage
Achevé d'imprimer en novembre 1999 sur les presses de Deleatur pour le compte de quelques Millénaristes


Le Tenancier :  L’on découvre ici les conséquences d’un oubli dans le comput des années qui nous séparent de la naissance du Christ. La lacune évoquée par un convive et ses conséquences trouvent un épilogue archéologique lors du réveillon de l’an 2000. On aurait aimé un plus long développement à cette histoire, qui aurait pu se transformer en un récit orgiaque amusant et de bonne humeur, comme le tenancier de Deleatur sait faire… D’ailleurs, est-ce de lui ?

Pierre Laurendeau : Hum… Tout cela est très loin et ma mémoire n’est plus aussi affûtée qu’elle le fut au tournant du « début du troisième millénaire », comme les journalistes (si je précise « incultes », cela frise la redondance ?) de l’époque en rebattaient les oreilles de leurs écoutants. Disons que ce texte est de moi, ce qui me crédite d’un énième pseudonyme !
L’idée, amusante, mais troublante : si un moine médiéval a escamoté une année par ignorance du zéro, qu’adviendra-t-il d’un monde qui confond l’an 2000 avec le début du troisième millénaire ?
Je ne sais pas si j’aurais eu l’énergie suffisante pour pousser la narration jusqu’à un volume romanesque « dystopique » comme on dit maintenant… J’avoue ne pas y avoir pensé.
Si l’idée tente le Tenancier, je lui prête volontiers Denys le Petit (le moine médiéval), Jonathan, Judith, Martha et les autres !

jeudi 1 mai 2025

Une historiette de Béatrice

Bonjour monsieur, euh pardon, madame, vous avez le code de la route? Non? oh ben, heureusement que je l'ai acheté.
La cliente fulgurante de l'après-midi.

mercredi 30 avril 2025

Gloire aux typos

(Décembre 1944)

Les poètes qui adressaient aux feuilles clandestines leur copie dactylographiée, et signée d’un pseudonyme, couraient tout de même un peu moins de danger que les typos qui la composaient. On ne glorifie pas assez le typo.
Jean Galtier-Boissière : Mon journal depuis la Libération (1945) — p.91

samedi 19 avril 2025

Les colporteurs

Les mouchards font surtout la guerre aux colporteurs, espèce d’hommes qui font trafic des seuls bons livres qu’on puisse encore lire en France, et conséquemment prohibés.
On les maltraite horriblement. Tous les limiers de la place poursuivent ces malheureux qui ignorent ce qu’ils vendent, et qui cacheraient la Bible sous leurs manteaux, si le lieutenant de police s’avisait de défendre la Bible. On les mets à la Bastille pour des futiles brochures qui seront oubliées le lendemain, quelquefois au carcan. Les gens en place se vengent ainsi des petites satires que leur élévation enfante nécessairement. On n’a point encore vu de ministres dédaigner ces traits obscurs, se rendre invulnérable d’après la franchise de leurs opérations, et songer que la louange sera muette tant que la critique ne pourra librement élever sa voix.
Qu’ils punissent donc la flatterie qui les assiège, puisqu’ils ont tant peur du libelle qui contient toujours quelques bonnes vérités. D’ailleurs, le public est là pour juger le détracteur ; et toute satire injuste n’a jamais circulé quinze jours sans être frappé de mépris.
Souvent les préposés de police, chargé d’arrêter ces pamphlets, en font le commerce en grand, les distribuant à des personnes choisies, et gagnent à eux seuls plus que trente colporteurs.
Les ministres se trompent réciproquement quand ils sont attaqués de cette manière ; l’un rit de la grêle qui vient de fondre sur l’autre, et favorise sous mains ce qu’il paraît poursuivre avec chaleur.
L’histoire de la Correspondance du chancelier Maupeou (ce livre qui, après l’avoir ridiculisé, l’a enfin débusqué) mettrait dans un jour curieux les ruses obliques et les bons tours que se jouent les ambitieux dans les chemins du pouvoir et de la fortune.
On n’imprime plus à Paris, en fait de politique et d’histoire, que des satires et des mensonges. L’étranger à pris en pitié tout ce qui émane de la capitale sur ces matières. Les autres objets commencent à s’en ressentir, parce que les entraves données à la pensée se manifestent jusque dans les livres de pur agrément. Les presses de paris ne devraient plus servir que pour les affiches, les billets de mariages et les billets d’enterrements. Les almanachs sont déjà un objet trop relevé, et l’inquisition les épluche et les examine.
Quand je vois un livre revêtu de l’autorité du gouvernement, je parie, sans l’ouvrir, que ce livre contient des mensonges politiques. Le prince peut bien dire, ce morceau de papier vaudra mille francs ; mais il ne peut pas dire que cette vérité ne soit plus qu’une erreur. Il le dira, mais il ne contraindra jamais les esprits à l’adopter.
Ce qui est admirable dans l’imprimerie, c’est que ces beaux ouvrages, qui font l’honneur de l’esprit humain, ne se commandent point, ne sepaient point. Au contraire, c’est la liberté naturelle d’un esprit généreux, qui se développe malgré les dangers, et qui fait un présent à l’humanité, en dépit des tyrans. Voilà ce qui rend l’homme de lettres si recommandable, et ce qui lui assure la recommandation des siècles futurs.
Ces pauvres colporteurs qui font circuler les plus rares productions du génie, sans savoir lire, qui servent à leur insu la liberté publique pour gagner un morceau de pain, portent toute la mauvaise humeur des hommes en place qui attaquent rarement l’auteur, dans la crainte de soulever contre eux le cri public, et de paraître odieux.
Louis-Sébastien Mercier : Tableau de Paris — Chapitre LX

vendredi 18 avril 2025

L'ombre

Le Tenancier a renoncé il y a quelques temps à donner corps à son projet de micro édition, en raison, principalement, des frais bancaires qui courent sur l’année et qui empêchent donc toute procrastination et toute dilation afin de satisfaire le veau d’or. Ainsi donc, on continuera de fabriquer des petits machins dans son coin, toujours à tirages plus ou moins infimes à nos frais, ce qui implique encore plus de rareté. Pour ce retour à l’impression, on ne s’est tout de même pas fichu de nos contemporains en tirant à vingt cinq exemplaires, qui se décomposent comme suit :
— Cinq exemplaires de tête, couverture rose, sur vergé teinté réservés aux intimes et à la famille ;
— Cinq exemplaires, couverture framboise, sur vergé teinté réservés aux proches ;
— Quinze exemplaires, couverture framboise, vergé blanc, réservés aux amis et aux éditeurs chéris.
Le texte lorgne du côté du fantastique bibliophile…
Et puisque le Tenancier est de bonne humeur, il inaugure une page sur son site d'auteur consacrée à ses productions sur le coin du bureau : Le bac à sable

lundi 14 avril 2025

Faites une liste des libraires d'occasion, tout de suite !


Richard Fleischer : L'assassin sans visage (Follow me quietly) — 1949
On notera la présence d'Anthony Mann au scénario
Merci à George pour cette découverte !

mercredi 9 avril 2025

Une historiette de Béatrice

« Bonjour, je dois téléphoner car j'ai besoin d'un dépanneur informatique de toute urgence ». Alors moi, grosse nouille, je le laisse téléphoner.
Au bout du troisième réparateur à qui il raconte ses aventures informatiques dans un langage technique plein de rames et de cartes de la mer, le bouilli me monte. Je le vire devant le client qui entre tout sourire.

dimanche 6 avril 2025

Livres

Presque tous les livres se font à Paris, s’ils ne s’y impriment pas. Tout jaillit de ce grand foyer de lumière. Mais, dira-t-on, comment fait-on encore des livres ? Il y en a tant ! Oui, mais c’est que tous sont à refaire ; et ce n’est qu’en refondant les idées d’un siècle que l’on parvient à trouver la vérité, toujours si lente à luire sur le genre humain.
On peut imprimer beaucoup de livres, à condition qu’on ne les lise pas. Les livres sont une branche de commerce très importante. Combien d’ouvriers en tirent leur subsistance ! Sous ce point de vue de commerce, on ne fait pas trop de livres : ce petit inconvénient se rachète avec de grandes salles. D’ailleurs, il peut en résulter un grand bien ; au milieu des ces matériaux immenses, il viendra peut-être un homme à qui tout cela sera utile.
Louis-Sébastien Mercier : Tableau de Paris — Chapitre CXLIII