Ce billet paru en avril 2009 sur le blog Feuilles d'automne est aussi un hommage au temps qui passe et aux promesses non tenues... car j'attends toujours mon grand barbu, moi.
La lecture de livres d'occasion est parfois balisée de signes plus ou
moins ténus. Ainsi, taches, cornes, rousseurs viennent dégrader
progressivement l'ouvrage jusqu'à ce qu'il tombe dans la main
attentionnée du libraire, lequel fera ce qu'il pourra pour améliorer
les choses, c'est à dire peu. En effet, revenir sur une rousseur ou une
pliure est une gageure. Et puis il y a ces objets épars, évidents ou
incongrus, tels les marques-pages, les coupures de presse, des
coupes-papier (nous avons eu le cas), des bouts de papier-toilette de
différentes qualités sans doute pêchés à la hâte lors d'une lecture
dans les lieux, des bouts d'allumettes, des tickets de métro, des
photographies, autant de signes de l'activité ou de la situation plus
ou moins soigneuse dans laquelle le lecteur se trouvait avant de
refermer définitivement le livre et avant qu'il se retrouve sous
l'attention du professionnel. Il faut alors être impavide et éliminer
la plupart de ces artefacts, facteurs de dégradation. De ces traces,
l'on ne fait quasiment rien, sinon que de les destiner à la poubelle ou
à la boîte aux marques-pages. Ces vestiges ne signifient pas grand
chose, hormis les coupures de presse. Celles-ci sont soigneusement
rangées à la fin des ouvrages à une place ou la brunissure du papier ne
risque pas de contaminer le coeur de l'ouvrage.
Mais il est d'autres signes plus parlant : dessins d'enfant, lettres de
recommandation, d'amour ou cartes-postales estivales, etc. Il y a alors
un déchirement à jeter cette intimité-là. On voudrait la rendre à leur
propriétaire.
Enfin, il est une apparition fugace, trois en plus de dix ans qui, j'en
suis certain, m'avertit de quelque chose... mais de quoi ?
Je ne me rappelle plus ou j'ai trouvé les deux premières. La troisième
vient d'être trouvée il y a quelque jours dans un numéro des « Temps
Modernes ». Ce sont des cartes rassurantes, pas méchantes...
Mais dois-je m'inquiéter ?
Car si le Pique arrive, dois-je préparer ma couche, réunir mes enfants et mes amis ?
On n'en voudra pas au signataire de
ce billet de se payer le luxe d'une petite superstition de temps à
autre. Manie qui tourne court devant l'ignorance de la signification de
ces cartes distillées au long du temps. Suis-je à la fin du tirage ou
dois-je encore attendre ? A quoi cela se rapporte-t-il ? Dois-je lancer
des conjectures sur les fortunes de la librairie ou alors sont-ce des
avertissements à titre individuel ?
Naturellement, ces questions ont suscité quelques réponses en
commentaires, notamment celles d'ArD et d'Otto que nous reproduisons
ici :
Paraît que les jeux, depuis Aristote, sont perçus comme un délassement,
et aussi comme une occupation qui détourne les hommes de la recherche de
la vertu. A votre place, je ne serais pas dubitatif, mais sceptique.
La Reine de coeur vous tirera de ce mauvais pas, très certainement.
ArD
Les dames de coeur, oui. Mais le prix en est élevé. Le libraire n'a pas de vertu, il a des passions.
Le Tenancier
[...] Pour le reste, mon bon Tenancier, rassurez-vous, ce tirage, si l'on
pouvait dire que c'en est un avec seulement trois cartes, me semble
plutôt bon : vous allez tomber amoureux d'un grand barbu !
Si je
sombrais dans la facilité vulgaire, j'en profiterais pour ajouter
qu'après le tirage, vous risqueriez donc d'avoir également le ramonage.
Mais vous savez à quel point ce genre de plaisanteries navrantes m'est
étranger.
Otto Naumme
Le Tenancier ne risque-t-il pas d'être laissé sur le carreau avec un tel tirage ?!
En tout cas, cher Otto, je vous félicite, vous ouvrez une voie sur ce blog. Enfin.
ArD
Oui, chère ArD, j'ai toujours été partisan de la nouveauté, de l'extrême
(mauvais goût, notamment). Mais votre mot final est juste, ma naturelle
timidité (et ma fainéantise presqu'aussi importante que celle de notre
ami Tenancier) me fait souvent reporter mes audaces (et d'en dire,
d'ailleurs, "Oh dace, oh désespoir", hum...).
Cela étant, n'étant pas
barbu (mal rasé seulement), je laisserai au Tenancier le plaisir de
discuter couloirs de cheminées avec d'autres personnes à la pilosité
développée. Il faut savoir rester à sa place.
Otto Naumme
Je vois, Otto, que votre séjour en Roumanie vous a profité pour
l'extension de vos jeux de mots. Pour le reste, je continue d'être
dubitatif sur la signification de ce tirage.
Oui, je dubite.
Le Tenancier