jeudi 26 mars 2015

Abonné (au guignon)

Abonné (au guignon) : Individu qui a le guignon.

Géo Sandry & Marcel Carrère : Dictionnaire de l’argot moderne (1953)

(Index)

Connaissez-vous Vrain-Lucas ?

Non ? Eh bien, la toujours intéressante émission Le Salon noir sur France Culture, vous éclairera !


Signalons que ce mauvais sujet a souvent été traité dans les colonnes de revues de bibliophile. On le comprend, c'est un "bon client"...

Voleurs

Voleurs, s. m. pl. Morceaux de papier qui se trouvent collés aux feuilles durant l'impression (Vinçard), et qui produisent des moines sur la feuille imprimée. Momoro les appelle Larrons

Eugène Boutmy — Dictionnaire de l'argot des typographes, 1883

(Index)

mardi 24 mars 2015

Les écrivains à table : Honoré de Balzac

Brillat-Savarin affirme que les médecins, les magistrats, les hommes de lettres, les ecclésiastiques, les financiers sont généralement des gourmets accomplis et d’éminents gastronomes.
En y réfléchissant un peu, on pourrait n’être pas de son avis. A l’époque où il écrivit sa Physiologie du goût, les médecins de campagne avalaient une omelette et une tranche de jambon  sur une table de cuisine dans la ferme où ils avaient été appelés ; les curés qui n’étaient pas riches, menaient le petit train des vieux célibataires gouvernés par une servante canonique et les écrivains arrivaient assez tard à la célébrité qui apporte à ceux qu’elle comble la fortune, sans laquelle il est difficile de vivre largement.
Certains avaient connu la misère, les basses ratatouilles qui délabrent l’estomac, et les plus grands artistes ne sont pas forcément sensibles à l’art de cuire. On peut penser que le prodigieux auteur de la Comédie Humaine ne fut pas un gastronome émérite, et il y a de bonnes raisons à cela.
Souvent à court d’argent, son ménage devait être assez mal tenu et sa façon de vivre eût sans doute déconcerté la cuisinière la plus dévouée. Il se couchait le soir à l’heure où les gourmets en sont à peine au rôti, vers huit heures, n’ayant pris qu’une légère collation et, quittant son lit à quatre heures du matin, il revenait à sa table de travail où il demeurait jusqu’à midi, se soutenant de nombreuses tasses de café qu’il buvait sans sucre.
Son déjeuner, au milieu de la journée, se composait d’un œuf ou d’une côtelette, de fruits, d’un verre d’eau et encore de café.
Nous savons par Léon Gozlan la recette de ce dernier. Balzac allait acheter lui-même le Bourbon rue du Mont-Blanc, le Martinique rue des Vieilles Haudriettes au Marais, et le Moka chez un épicier de la rue de l’Université.
Le thé qu’il aimait aussi beaucoup était, à l’en croire, une chose merveilleuse qui avait sa légende. On le cultivait dans une sorte de domaine enchanté, uniquement pour l’Empereur du Céleste Empire ; des filles de mandarins à boutons de cristal et de corail, belles et vierges, le cueillaient à l’aurore et l’ambassadeur du Czar à Paris en offrait quelques poignées au romancier dont on ne peut pas sourire et qu’il faut croire en tout, car il était de la même étoffe que ses songes, selon le mot de Shakespeare.
A la fin du vieux monde qui n’en avait plus que pour quatre ans, en 1936, Grandgousier publia une photographie, celle de la cafetière de Balzac qui doit être toujours rue Raynouard, à Passy, dans la maison à peu près vide où les fidèles du maître gardent pieusement quelques objets qui lui ont appartenu.
Elle porte sur sa porcelaine deux lettres gothiques :
H.B.
et une couronne de comte ou de marquis. Peut-être le pauvre grand homme avait-il fini par croire à sa noblesse héréditaire !
Sa sœur, Mme Laure Surville, y croyait bien ! J’ai acheté autrefois sur les quais un roman, Le Compagnon du Foyer, qu’elle publia en 1854, non pas pour le lire mais parce qu’elle écrivit sur la page de faux-titre une dédicace : Hommage de l’auteur L. Surville, née de Balzac.
Le même bouquiniste me laissa pour quelques sous un petit in-12 qui contenait La Meilleure Complainte Sur Le Licenciement de la Garde Nationale, par deux tambours, qu’on vendait trente centimes en 1827.
Je le pris parce qu’on y lisait au bas de la deuxième page en caractères minuscules : Imprimerie de M. Balzac, rue des Marais-Saint-Germain.
A cette époque, Balzac ne faisait pas encore timbrer d’une couronne sa cafetière, et sans doute vivait-il comme tous les petits bourgeois de son quartier qui, à la fin du règne de Charles X, déjeunaient à onze heures, dînaient à six et se couchaient à dix…
A cause de sa carrure et de sa bedaine, certains l’ont imaginé à peu près pareil au gourmand que Boilly peignit sur l’enseigne de Corcellet.
Un caricaturiste le représentait même en train de fumer un de ces gros cigares qui parfument de Havane la fin des bons repas commençant par une bisque d’écrevisses, finissant pas un foie gras truffé de Tivolier de Toulouse et arrosé généreusement de Vouvray, de Chambertin et de Champagne. En réalité, il abominait le tabac et il ne fuma jamais qu’un cigare que lui offrit Eugène Süe et qui le rendit fort malade.
La Vérité n’est pas souvent l’amie de l’Histoire.
Balzac était un buveur d’eau, un amateur de café et il ne mettait rien au-dessus d’une poire du Doyenné ; seulement, après des semaines de travail nocturne, de sobriété, de fruits, de verres d’eau et de tasses de moka, il avait de temps en temps de magnifiques fringales qu’il allait satisfaire chez un traiteur en renom. On le voyait alors attablé au Palais-Royal, chez » Véry, chez Véfour, ou aux Frères Provençaux, dans ce paradis de la noce, de la bombance, des tripots et de l’amour qu’était ce coin de Paris.
On conte qu’un jour, après s’être ouvert l’appétit par six ou sept douzaines d’huîtres, il vint à bout d’une sole normande, d’un caneton aux navets, d’un perdreau rôti, et Léon Gozlan parle d’une déjeuner qu’ils firent ensemble dans un cabaret de Saint-Cloud.
Balzac demanda du gigot braisé !
— On vient de servir la dernière tranche à une Anglaise, répondit-on, et comme il ne restait ni fricassée de poulet ni rien de ce qui était sur la carte du menu, Léon Gozlan réclama du sphinx.
— Je vais voir à la cuisine s’il en reste encore, dit le garçon.
Il revint en s’excusant :
— Monsieur, il n’y en a plus.
« Je vois encore, dit Gozlan, le visage de Balzac, comprimé d’abord par l’étonnement, se détendre tout à coup et atteindre aux proportions lunaires d’un épanouissement produit par une irrésistible hilarité… »
Le garçon avait ordre de répondre toujours aux clients :
— « Il n’y en a plus », et jamais « Il n’y en a pas ».
Que ne servit-il aux deux amis une escalope de veau en affirmant que c’était du sphinx ? Balzac eût été ravi. Aux Jardies, il écrivait au charbon, sur ses murs vides : Ici un revêtement en marbre de Paros, là une tapisserie d’Aubusson, et dans un cadre vide : ici une peinture de Rembrandt ! Il se meublait à bon compte, mais les trésors qu’il imaginait prenaient corps pour l’éternité humaine.
A quelqu’un qui lui contait ses malheurs et qui avait perdu sa femme, sa belle-mère et son gendre, il répondit, naturellement : « Revenons à la réalité… Rastignac… » Ce héros du roman était plus vivant pour lui que ses voisins de Passy, et à part les belles poires, l’eau pure et le café très fort, le sorcier de la Comédie Humaine n’a probablement aimé que les côtelettes de Sphinx, le pot-au-feu de Phœnix et les ragoûts de Chimère qu’aucun traiteur ne pouvait lui servir.
 
Léo Larguier
in : Grandgousier, Avril-Mai 1949

lundi 23 mars 2015

Violon

Violon, s. m. Grande galée en bois ou en métal.

Eugène Boutmy — Dictionnaire de l'argot des typographes, 1883

(Index)

Réforme scolaire

Rappelons ici que votre Tenancier milite pour le retour de Pie VII et du lac Titicaca dans les programmes des écoles, du moins s’ils les avaient quitté.
 Sinon, alors, tout va bien : il se déclare heureux et quiet.

dimanche 22 mars 2015

Ut

Ut. Premier mot d'une phrase latine dont se servaient autrefois les typographes en trinquant. Voici la phrase complète : Ut tibi prosit meri potio!. « Que ce verre de vin pur te soit salutaire ! » Peu à peu la formule latine de ce souhait devint inintelligible pour la plupart ; alors on l'abrégea, puis on se contenta du premier mot. Ne pourrait-on pas croire que l'expression moderne : zut ! qui est, il est vrai, le contraire d'un souhait poli, en est une corruption ? 

Eugène Boutmy — Dictionnaire de l'argot des typographes, 1883

(Index)

mercredi 18 mars 2015

Un cas d'adoption

Le Tenancier vous présente le petit dernier et c’est le cas de le dire puisqu'on vous y convie à l’exercice lucratif de l’adoption. Quatrième opus publié à Sous la Cape, ce qui fait diablement plaisir à l'autheur !


Yves Letort 
Un cas d'adoption
  Édition numérique ou papier à commander sur le site de
 Sous La Cape.

Pour les autres textes du Tenancier, allez donc voir ici.

Tableautier

Tableautier, s. m. Compositeur qui fait spécialement les tableaux, les ouvrages à filets et à chiffres. 

Eugène Boutmy — Dictionnaire de l'argot des typographes, 1883

(Index)

10/18 — Octave Mirbeau : L'abbé Jules




Octave Mirbeau

L'abbé Jules
Préface d'Hubert Juin

n° 1132

Série « Fins de siècles »
1977

Couverture de Pierre Bernard


(Contribution de SPiRitus)
Index

Sac (Avoir le)

Sac (Avoir le) ou Être saqué, v. Avoir de l'argent, être riche.
On dit encore dans le même sens : Être au sac.

Eugène Boutmy — Dictionnaire de l'argot des typographes, 1883

(Index)

mardi 17 mars 2015

10/18 — Edmund Wilson : Pardon aux Iroquois





Edmund Wilson

Pardon aux Iroquois
précédé d'une éthude de Joseph Mitchell
Les Mohawk, charpentiers de l'acier
et suivi d'une postface de Vine Deloria
Traduit de l'américain par Solange Pinton

n° 1070
Paris, Union Générale d'Édition
Coll. 10/18
Série « 7 »

307 pages (320 pages)
Dépôt légal : 4e trimestre 1976
Achevé d'imprimer le 2 novembre 1976
ISBN 2.264.00078-3
Volume quintuple

Couverture de Pierre Bernard. Photo : Roger Viollet

Table des matières :

Edmund Wilson : Avant-Propos [7-8]
Joseph Mitchell : Les Mohawk, charpentiers de l'acier [9-41]
Edmund Wilson : Pardon aux Iroquois [45-295]
Vine Deloria : Postface [296-308]
Table des matières [309]

Printemps 1976 — Liste alphabétique  des ouvrages disponibles au 31 juillet 1976 [311-318]

« Le titre original de cet ouvrage est Apologies to the Iroquiois by Edmund Wilson  by Joseph Pitchell with a study of The Mohawks in High Steel »


(Contribution du Tenancier)
Index

Ranger

Ranger, v. a. Mettre en pâte. Ce mot est employé ironiquement et par antiphrase. Lorsqu'un homme de conscience laisse échapper de ses mains un compartiment de casse, un paquet de distribution ou tout autre objet, les compagnons charitables ne manquent pas de s'écrier, en appuyant sur le dernier mot: Ce n'est rien ; c'est la conscience qui Range !

Eugène Boutmy — Dictionnaire de l'argot des typographes, 1883

(Index)

10/18 — Arthur Young : Voyages en France





Arthur Young

Voyages en France dans les années 1787, 1788 et 1789
Extraits et présentation par Philippe Bernard

n° 513 / 514
Paris, Union Générale d'Édition
Coll. 10/18

313 pages (320 pages)
Dépôt légal : 4e trimestre 1970

Couverture de Pierre Bernard. Photo : Roger Viollet

Table des matières :

Introduction [7-24]

Première partie : Notes de voyage
Premier voyage (1787) [25-90]
Deuxième voyage (1788) [91-118]
Troisième voyage (1789) [119-247]

Deuxième partie : Observations
Des rotations en France [249-258]
De la vigne [259-268]
Des clôtures [268-275]
Des tenures et de l'étendue des fermes en France [275-290]
De la Révolution française  [291-311]

Table des matières [311-314]


(Contribution du Tenancier)
Index

Que t'ès

Que t'ès. Riposte saugrenue que les compositeurs se renvoient à tour de rôle, quand l'un d'eux, en lisant ou en discourant, se sert d'un qualificatif prêtant au ridicule. Donnons un exemple pour nous faire mieux comprendre. Supposons que quelqu'un dans l'atelier lise cette phrase: « Sur la plage nous rencontrâmes un sauvage... » un plaisant interrompt et s'écrie : Que t'ès ! (sauvage que tu es !). C'est une scie assez peu spirituelle, qui se répète encore dans les galeries de composition plusieurs fois par jour.

Eugène Boutmy — Dictionnaire de l'argot des typographes, 1883

(Index)

lundi 16 mars 2015

Je ne vend(ai)s pas de livres anciens

Le Tenancier n'est plus libraire. Fini, a plus ! N'empêche il ne l'a pas été pendant 35 ans pour rien. Donc il a encore raison de remettre ce billet qui fut publié sur le blogue Feuilles d'automne en juin 2012...

— « Bon, on s'résume : vous vendez des livres anciens ?
— Euh... non.
— Vous vendez des livres neufs alors ?
— Non plus. Je vends des livres modernes.»
A ce stade, certains interlocuteurs ont déjà décroché. Pour la plupart, le livre ancien est une chose qui n'est plus disponible.
Un point, c'est tout.
Mais, ce genre de généralisation finit toujours par froisser quelqu'un, parce que vraiment pas conforme à la réalité du commerce de livres en France. Comme nous sommes emplis de cette longanimité qui fait les grands buveurs ou les grands mystiques, nous allons vous débroussailler un peu tout cela. Notons, pour les puristes, que nous allons travailler à la hache, instrument qui résoud les conflits dynastiques en Angleterre, les déviances trotskistes au Mexique et fait très bonne figure dans Shining. On le voit, c'est un outil dialectique puissant mais guère nuancé.
Charge, donc, à ces puristes de finir aux ciseaux de couture ce que nous aurons déjà essarté.
Qu'est-ce qu'un livre ancien ?
Eh bien, c'est un livre qui présente quelques singularités, dont la principale est d'avoir été imprimé avant la Révolution, ce qui représente tout de même une période extrêmement longue. Pour autant, on ne peut confondre les premiers livres imprimés (dénommés "incunables" pour tout ce qui précède 1500) et les oeuvres du Marquis de Saint Evremond publiées en 1714 à Londres, par exemple : différence de formats, de techniques et de contenus, bien évidemment. Et donc, différence de valeur. Le commerce de livres anciens ne s'improvise pas. Il faut une solide culture classique, la maîtrise du latin est la bienvenue. On travaille assez souvent sur des pièces plutôt exceptionnelles. La raison en incombe au temps qui décime les rangs des tirages, à ces mêmes tirages assez réduits (à raison de l'alphabétisation des époques concernées, et des techniques d’impression). Même dans le livre ancien, il existe des spécialités bien déterminées, liées aux périodes : incunables et un peu après, ouvrages du XVIIe et XVIIIe, ouvrages scientifiques (pensons à l'Encyclopédie, à Buffon, à Linné, etc., ouvrages souvent superbement illustrés, du reste !), ouvrages reliés "aux armes", etc.
Précisons brièvement que ces armes constituent en quelque sorte le blason que le propriétaire fait apposer sur ses ouvrages. A défaut de connaissances approfondies, le libraire concerné se devra de posséder nombre d'ouvrages d'héraldique pour identifier tel ou tel ouvrage. Du reste, certains de ces ouvrages ont un pedigree, une "traçabilité", pour parler comme les cadres de l'agroalimentaire, qui permet de retracer leur pérégrination de propriétaire en propriétaire. Souvent, devenus précieux - encore plus précieux qu'ils ne le furent à l'origine pour quelques-uns - ils ont figuré dans les inventaires d'héritages, de dispersions, dans les catalogues de vente. On devine donc le caractère chaque fois exceptionnel de ce type d'ouvrage et l’on comprend qu'il fasse l'objet de la plus grande attention des bibliophiles concernés, la valeur ajoutée étant dans ces cas précis le fait que ces ouvrages furent en possession de personnes connues, voire célèbres.
Il est tout de même encore possible d'accéder à des livres anciens à des prix raisonnables, à ces petits in-16° modestes et cependant curieux et attachants. L'état de ces livres, hélas, n'est pas souvent de la première fraîcheur. Il reste cette sensation du toucher du papier ancien, de la façon dont le livre même s'ouvre sous nos yeux, et le texte, cela va de soi !
La période révolutionnaire va bouleverser l’ancien monde et aussi apporter quelques changements au livre. On assiste aux premières tentatives d'impression à bon marché et en quantité avec des techniques telles que la stéréotypie. Les reliures vont changer d'aspect, les ornements et l'architecture des reliures va évoluer. Peut-on parler encore de livres anciens ? Pré-modernes ? « Anté-romantiques »? Voici une question à laquelle j'aimerais avoir un éclaircissement satisfaisant. Si quelqu'un parmi vous... Bien sûr, je répercuterai la réponse !
Pour brève que fut cette période intermédiaire, elle va être une période de mutations intenses : quelques dynasties de libraires (en ce temps-là, la notion d'éditeur n'existe pas vraiment, c'est le libraire qui se charge de la publication des livres) vont développer une véritable politique de production, telle la dynastie des Lebel pour des ouvrages religieux, par exemple.
En matière de livre, tout est pratiquement en place pour une révolution industrielle : essor de l'alphabétisation, mobilisation de capitaux importants pour des entreprises de presse ou d'édition et enfin la capacité technique sous la forme de presses à vapeur (Koenig et Bauer en 1813)
Ainsi, cet essor technique qui allait favoriser la presse populaire des deux côtés de l'océan (Greeley et Gordon Bennett à New York, Girardin à Paris) va provoquer la naissance de plusieurs phénomène éditoriaux :
La naissance du feuilleton dans la presse, bien sûr.
L'individuation (1) de la notion d'auteur - La société des gens de lettres est un paraphénomène de ce changement de statut.
L'apparition de dynasties d'éditeurs : Mame à Tour, Hachette, Firmin Didot à Paris, etc.
On abandonne la reliure en cuir traditionnelle pour l'emploi de cartonnages polychromes illustrés - souvent des récits édifiants pour ce qui concerne les ouvrages de chez Mame.
Cette période du Livre Romantique va également connaître les débuts ou la systématisation de nombreux procédés de reproductions graphiques : gravures sur acier, eaux-fortes, etc., favorisant ainsi la diffusion des images.
Arrive enfin le livre moderne. Datons sa naissance vers 1848. A ce moment, l'univers éditorial se met en place. Nous voyons la disparition progressive du libraire comme commanditaire d'édition, la notion de droit d'auteur est amplifiée, l'édition devient un métier à part entière. A côté de Didot et Hachette, l'on voit apparaître ou bien se confirmer des noms qui vont perdurer très longtemps : Hetzel, Calmann-Lévy, etc. Le livre se diversifie, l'ouvrage broché - avec une couverture papier - remplace de plus en plus la reliure destinée désormais aux ouvrages de luxe sur les étals de librairies.
Le livre moderne, sa disparité, son abondance, va aussi galvaniser la création littéraire. C'est l'impression en masse à un coût relativement réduit qui va favoriser l'essor de jeunes écoles littéraires et de créations marginales. C'est aussi cette production de masse qui va favoriser l'apparition du "Best Seller", de l'auteur comme "Monstre Sacré" et de son ombre, qu'est "l'Écrivain Maudit". C'est aussi l'essor de la production bibliophilique qui va créer des essais originaux qui perdurent avec quelque éclat de nos jours en matière de création de livres. Cette explosion du livre pourrait être, par analogie, comparée à l'explosion du Cambrien, commentée par Stephen Jay Gould...
Evidemment, dans le Livre Moderne, il n'est pratiquement pas de frein à celui qui voudrait se spécialiser : Histoire, Philosophie, Littérature, Sciences, Belles Lettres, Illustrés, etc.
Ces spécialités feront l'objet d'une autre blogueuse promenade.
On résume :
Livres Anciens : avant la Révolution
Livres Romantiques : Avant 1848
Livres Modernes : Après 1848.
Les amateurs éclairés constateront plusieurs lacunes et imprécisions. N'ayant en aucune manière prétention à tout connaître de son métier (2), le soussigné serait enchanté qu'on lui communique précisions et corrections.
En tout cas, je ne vends pas de livres anciens. Où alors, qu'exceptionnellement.
Vous voilà prévenus.

(1) - Ce terme est utilisé notamment par Sartre à propos de Baudelaire...
(2) - Pour corriger toutes les sottises que j'ai pu proférer, le lecteur qui voudra en savoir plus et qui a du temps devant lui consultera avec bonheur l'Histoire de l'édition française en quatre volumes publiée par Fayard et le Cercle de la Librairie. Il existe d'autres ouvrages plus spécialisés et plus précis encore. On les citera à l'occasion.

Page blanche (Être)

Page blanche (Être) v. Être innocent de ce qui s'est fait. Cette locution s'emploie le plus souvent avec la négation : Dans cette affaire, dit le prote, vous n'êtes pas page blanche, c'est-à-dire Vous êtes complice, ou Vous y avez participé en quelque chose.

Eugène Boutmy — Dictionnaire de l'argot des typographes, 1883

(Index)

L'édission est un spore de conbas

Une historiette de Béatrice

— « Mais il a un défaut ce livre ! Je vais devoir couper les pages pour le lire moi ! Vous me faites un prix ? »

Cette historiette a été publiée pour la première fois en mars 2012 sur le blog Feuilles d'automne

Macchabée

Macchabée, s. m. Un mort. V. Macabre.

Eugène Boutmy — Dictionnaire de l'argot des typographes, 1883

(Index)

mercredi 11 mars 2015

10/18 — Franco Basaglia & Franca Basaglia-Ongaro : La majorité déviante




Franco Basaglia et Franca Basaglia-Ongaro

La Majorité déviante - L'idéologie du contrôle social total
Traduit par Michel Makarius
(Einaudi Editore)

n° 1111
Volume triple

192 p
1974
« La composition, l'impression et le brochage de ce livre ont été effectués par Firmin-Didot S.A., pour le compte des éditions U.G.E.»
Achevé d'imprimer le 27 octobre 1976
N° d'édition : 922 - N° d'impression : 9505 - Dépôt légal : 4e trimestre 1975
ISBN 2.264-00041-4

Couverture de Pierre Bernard, Photo du film La tête contre les murs de Georges Franju, Cahiers du Cinéma
Collection dirigée par Christian Bourgois

« On trouvera réunis dans le présent ouvrage les textes suivants :
Jurgen RUESCH, Social Disability : the Problem of Misfits in Society. Rapport présenté au Congrès « Towards a Healthy Communauty » organisé par la « World Federation for Mental Health and Social Psychiatry », Edimbourg, mai 1969.
Edwin LAMBERT, Paranoia and the Dynamics of Exclusion, extrait de l'ouvrage Human Deviance, Social Problems and Social Problems and Social Control, Prentice Hall Inc., Englewood Cliffs, New Jersey, 1967.
Gianni SCALIA, La Ragione della follia, publié dans une première version dans « Classe e stato », n°5, décembre 1968.
Les interviews des participants du Network de Londres ont été recueillies en septembre 1969 pan [sic] Paolo Tranchina, Mario Mariani et les auteurs.
Cet ouvrage est paru pour la première fois en 1971 chez Einaudi Editore sous le titre la Maggioranza deviante. »

4e de couv. :
« Un ouvrage fondamental sur le rôle politique et social des asiles psychiatriques. Les auteurs y démontrent que la folie ne peut plus être considérée comme un problème purement médical, et que l'origine des maladies appelées mentales doit être cherchée dans la société. »

TABLE DES MATIERES :

L'habit étroit
L'idéologie de la différence
Les cols noirs
L'objectivité au pouvoir
La majorité déviante
L'impossible stratégie
La maladie et son double
La raison de la folie

(Contribution de Grégory Haleux)
Index

Lapin (Manger un)

Lapin (Manger un), v. Aller à l'enterrement d'un camarade. Cette locution vient sans doute de ce que, à l'issue de la cérémonie funèbre, les assistants se réunissaient autrefois dans quelque restaurant avoisinant le cimetière et, en guise de repas des funérailles, mangeaient un lapin plus ou moins authentique. Cette coutume tend à disparaître ; aujourd'hui, le lapin est remplacé par un morceau de fromage ou de la charcuterie et quelques litres de vin.
Nous avons connu un compositeur philosophe, le meilleur garçon du monde, qui, avec raison, se croyait atteint d'une maladie dont la terminaison lui paraissait devoir être fatale et prochaine. Or, une chose surtout le chiffonnait: c'était la pensée attristante qu'il n'assisterait pas au repas de ses funérailles; en un mot, qu'il ne mangerait pas son propre lapin. Aussi, à l'automne d'antan, par un beau dimanche lendemain de banque, lui et ses amis s'envolèrent vers le bas Meudon et s'abattirent dans une guinguette au bord de l'eau. On fit fête à la friture, au lapin et au vin bleu. Le repas, assaisonné de sortes et de bonne humeur, fut très gai, et le moins gai de tous ne fut pas le futur macchabée. N'est-ce pas gentil ça (1) ?
C'est jeudi. Il est midi; une trentaine de personnes attendent à la porte de l'Hôtel-Dieu que l'heure de la visite aux parents ou aux amis malades ait sonné. Pénétrons avec l'une d'elles, un typographe, « dans l'asile de la souffrance. » Après avoir traversé une cour étroite, gravi un large escalier, respiré ces odeurs douceâtres et écoeurantes qu'on ne trouve que dans les hôpitaux, nous entrons dans la salle Saint-Jean, et nous nous arrêtons au lit n° 35. Là gît un homme encore jeune, la figure hâve, les traits amaigris, râlant déjà. Dans quelques heures, la mort va le saisir; c'est le faux noyé dont il a été question à l'article Attrape-science. Au bruit que fait le visiteur en s'approchant de son lit, le moribond tourne la tête, ébauche un sourire et presse légèrement la main qui cherche la sienne. Aux paroles de consolation et d'espoir que murmure son ami, il répond en hochant la tête: « N-i-ni, c'est fini, mon vieux. Le docteur a dit que je ne passerais pas la journée. Ça m'ennuie... Je tâcherai d'aller jusqu'à demain soir... parce que les amis auraient ainsi samedi et dimanche pour boulotter mon lapin.» Cela ne vaut-il pas le Plaudite ! de l'empereur Auguste, ou le « Baissez le rideau la farce est jouée ! » de notre vieux Rabelais ?

(1) Le typographe auquel il est fait allusion ici s'appelait Genty ; il est mort depuis que ces lignes ont été écrites.

Eugène Boutmy — Dictionnaire de l'argot des typographes, 1883

(Index)

10/18 — Joris-Karl Huysmans : L'art moderne / Certain




Joris-Karl Huysmans

L'art moderne / Certain
Préface d'Hubert Juin

n° 1054

Série « Fins de siècles »
1986

Couverture : Pornocrates (détail) par Félicien Rops



(Contribution de SPiRitus)
Index

Justification

Justification, s. f. Longueur de la ligne, variable suivant les formats.
Au figuré, Prendre sa justification, c'est prendre ses mesures pour faire quelque chose.

Eugène Boutmy — Dictionnaire de l'argot des typographes, 1883

(Index)

10/18 — Joris-Karl Huysmans : A rebours / Le drageoir aux épices




Joris-Karl Huysmans

A rebours / Le drageoir aux épices
Préface d'Hubert Juin

n° 975

Série « Fins de siècles »
1991

Couverture : Le rêve (détail) par Odilon Redon


(Contribution de SPiRitus)
Index

Il pleut !

Il pleut ! v. unipers. Exclamation par laquelle un compositeur avertit ses camarades de l'irruption intempestive dans la galerie du prote, du patron ou d'un étranger. Dans quelques maisons, il pleut ! est remplacé par Vingt-deux. Pourquoi vingt-deux ? On n'a jamais pu le savoir.

Eugène Boutmy — Dictionnaire de l'argot des typographes, 1883

(Index)

Lettres Nouvelles — Arno Schmidt : Scènes de la vie d'un faune

Christophe, qui anime le très intéressant blog L’autre Hidalgo, se pique au jeu de la bibliographie. C’est visiblement l’exposition du titre d’Arno Schmidt dans notre recension des 10/18 qui suscite son enthousiasme. Voici sa glane pour l’édition originale française :
 
in-8°, 192 pages, broché.
— 1 page de garde
— 1 page de titre
— Poème pp 7-8
— Roman pp 9-183
— Postface p 189
— Table p 192
 
Et maintenant, voici les images du livre, qui remplacent en grande partie la notice bibliographique :


L'idée d'établir une bibliographie autour des Lettres Nouvelles est ma foi fort tentante, en parallèle avec ce que nous faisons à propos des 10/18, sachant que ces entreprises éditoriales étaient plutôt complémentaires. On s'en remet à la bonne volonté des habitués du blog à ce sujet...

Hanneton

Hanneton, s. m. Idée fixe et quelquefois saugrenue.
Avoir un hanneton dans le plafond, c'est avoir le cerveau un peu détraqué. On dit aussi, mais plus rarement Avoir une sauterelle dans la guitare et une araignée dans la coloquinte.
Le hanneton le plus répandu parmi les typographes c'est, nous l'avons déjà dit, la passion de l'art dramatique. Dans chaque compositeur il y a un acteur. Ce hanneton-là, il ne faut ni le blâmer ni même plaisanter à son sujet; car il tourne au profit de l'humanité. Combien de veuves, combien d'orphelins, combien de pauvres vieillards ou d'infirmes doivent au hanneton dramatique quelque bien-être et un adoucissement à leurs maux ! Mais il en est d'autres dont il est permis de rire. Ils sont si nombreux et si variés, qu'il serait impossible de les décrire ou même de les énumérer; comme la fantaisie, ils échappent à toute analyse. On peut seulement en prendre quelques-uns sur le fait. Citons, par exemple, celui-ci: Un bon typographe, connu de tout Paris, d'humeur égale, de moeurs douces avait le hanneton de l'improvisation. Quand il était pris d'un coup de feu, sa manie le talonnant, il improvisait des vers de toute mesure, de rimes plus ou moins riches, et quels vers ! Mais la pièce était toujours pathétique et l'aventure tragique ; il ne manquait jamais de terminer par un coup de poignard, à la suite duquel il s'étendait lourdement sur le parquet. Un jour qu'il avait improvisé de cette façon et qu'il était tombé mort au milieu de la galerie de composition, un frère, peu touché, se saisit d'une bouteille pleine d'eau et en versa le contenu sur la tête du pseudo Pradel. Le pauvre poète se releva tout ruisselant et prétendit à juste raison que « la sorte était mauvaise. » C'est le hanneton le plus corsé que nous ayons rencontré et on avouera qu'il frise le coup de marteau.
Un autre a le hanneton de l'agriculture : tout en composant, il rêve qu'il vit au milieu des champs ; il soigne ses vergers, échenille ses arbres, émonde, sarcle, arrache, bêche, plante, récolte. Le O rus, quando ego te aspiciam ? d'Horace est sa devise. Parmi les livres, ceux qu'il préfère sont la Maison rustique et le Parfait Jardinier. Il a d'ailleurs réalisé en partie ses désirs. Sa conduite rangée lui a permis de faire quelques économies, et il a acquis, en dehors des fortifications, un terrain qu'il cultive; malheureusement ce terrain, soumis à la servitude militaire, a été saccagé par le génie à l'approche du siège de Paris. Vous voyez d'ici la chèvre !
Un troisième a une singulière manie. Quand il se trouve un peu en barbe, il s'en va, et, s'arrêtant à un endroit convenable, se parangonne à l'angle d'un mur; puis, d'une voix caverneuse, il se contente de répéter de minute en minute: « Une voiture ! une voiture ! » jusqu'à ce qu'un passant charitable, comprenant son désir, ait fait approcher le véhicule demandé.
Autre hanneton. Celui-ci se croit malade, consulte les ouvrages de médecine et expérimente in anima sua les méthodes qu'il croit applicables à son affection. Nous l'avons vu se promener en plein soleil, au mois de juillet, la tête nue, et s'exposer à une insolation pour guérir des rhumatismes imaginaires. — Actuellement, son rêve est de devenir... cocher.
Un de nos confrères, un correcteur celui-là, a le hanneton de la pêche à la ligne. Pour lui, le dimanche n'a été inventé qu'en vue de ce passe-temps innocent, et on le voit dès le matin de ce jour se diriger vers la Seine, muni de ses engins. Il passe là de longues heures, surveillant le bouchon indicateur. On ne dit pas qu'il ait jamais pris un poisson. En revanche, il a gagné,
Sur les humides bords des royaumes du Vent,
de nombreux rhumes de cerveau.

Eugène Boutmy — Dictionnaire de l'argot des typographes, 1883

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mardi 10 mars 2015

Autre contrepet proustien
(Où le Tenancier décline toute responsabilité)

On sait que Proust partage avec Hugo une forte propension à faire couler l'encre du fil de sa plume.
Ce qu'on ignore souvent, en revanche, c'est une autre passion commune à ces deux géants de la littérature, savoir : l'attraction pour les tables tournantes.

Et c'est tout vêtu de jersey que ce furieux anti-rationaliste de Marcel s'écriait, lors de mémorables séances de spiritisme rapportées par Céleste la bien-nommée, à l'adresse des esprits féminins :
« Mortes, dégueulez Kant ! »

George WF Weaver

Galerie

Galerie, s. f. Salle de composition, le plus ordinairement de forme rectangulaire. Les rangs sont placés perpendiculairement à chacun des grands côtés du rectangle. L'espace laissé libre au milieu est en partie occupé par les marbres.

Eugène Boutmy — Dictionnaire de l'argot des typographes, 1883

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