dimanche 12 avril 2015

10/18 — Actes du colloque de Milan : La violence, tome 1




Actes du Colloque de Milan, 1977

La Violence, tome 1
Textes réunis par Armando Verdiglione
Volume appartenant à une collection, sous la direction d'Armando Verdiglione, des Actes du colloque de Milan (déjà parus, ceux de 1974 (Psychanalyse et sémiotique), 1975 (Sexualité et politique) et 1976 (La Folie, 2 tomes)

n° 1269

448 p.
Couverture de Pierre Bernard, Document DR
Collection dirigée par Christian Bourgois
Volume sextuple
Les douze dernières pages occupées par la « Liste alphabétique des ouvrages disponibles au 31 décembre 1978 » (à l'origine peut-être plus que douze pages, car la liste de mon exemplaire s'arrête à « Lou Sin », les dernières pages ont dû se décoller)
« La composition, l'impression et le brochage de ce livre ont été effectués par Firmin-Didot S.A., pour le compte des éditions U.G.E. »
Achevé d'imprimer le 12 octobre 1978
N° d'édition : 1108 - N° d'impression : 3106 - Dépôt légal : 4e trimestre 1978
ISBN 2.264-00943-8

4e de couv. :
« Les contributions de ce livre abordent - sous un angle spécifique, à savoir de la pratique analytique, autour du discours psychotique, du langage autiste, de l'hystérie, de la question de la psychosomatique - des aspects actuels de la civilisation. S'il y a de nombreuses contributions cliniques, même quand elles traîtent de la violence dans la musique, cela se passe pour ne pas parler de la violence sous une acception générale et métaphysique. C'est juste le cas de noter que la portée de ces textes relève justement de la connexion avec la pratique analytique et qu'ils ne sauraient se traduire sous un mode analogique en un autre discours sans une grave déformation. La psychanalyse n'a pas à dire tout sur tout, mais seulement quelque chose de spécifique, voire d'extrêmement partiel.
Ce que Freud a introduit, c'est une exploration de la violence, de l'écoute de l'hystérie à l'analyse du monothéisme. L'hystérie lui a apporté avant tout cela : il y a un fantasme de violence, à savoir le fantasme de maîtriser le langage, d'exclure l'écriture en l'asservissant, de faire de la théorie une doctrine. Freud en est arrivé à considérer la violence comme pulsion, c'est-à-dire comme dualité infranchissable, le deux. D'un côté, donc, le rejet, de l'autre la résistance, deux fonctions constituant une spirale sans point fixe, et par là sans aucune référence à l'immobile, qui en Italie est la référence majeure pour que tout changement laisse les choses comme avant. »


Sommaire :


Armando VERDIGLIONE, Introduction
Jean OURY, Violence et mélancolie
Pierre KAUFMANN, L'amour et le pouvoir
Marie-Claude LAMBOTTE, Kierkegaard : le spectacle de la mélancolie. Introduction à une psychologie de la violence
Italo BASSI, Illusion et métonymie de la fête
Gérard-Georges LEMAIRE, Guerres allomorphiques/Épidémie/Nova
Marco FOCCHI, L'impasse de Tirésias
Paul MATHIS, Violence et technique analytique
Pierre-Paul LACAS, Musique, violence et transgression
Giancarlo RICCI, Topologie du discours de la fête
Aldo RESCIO, Violence et politique : entrepro-vocation et astuce
Fernand DELIGNY, L'agir et l'agi
Pierre BENOîT, Soigner et tuer
Armando VERDIGLIONE, Une note
Irène ROUBLEF, Les femmes parlent des femmes
Christian DELACAMPAGNE, Violence et acculturation. Introduction à une ethnopsychanalyse du messianisme
Christian DESCAMPS, Violence du simulacre
Alain COHEN, A propos de l'Art de la guerre de Machiavel
Aldo TAGLIAFERRI, Notes sur l'usure du pouvoir
Armando VERDIGLIONE, Psychanalyse ou politique. A propos des avatars du jungisme

(Contribution de Grégory Haleux)
Index

Hareng

Hareng m.m. 1. Souteneur. ○ EXEMPLE : Comme il avait ni métier, ni artiche, ni diplôme, ni famille, et déjà le goût des costards bien coupés, Toto, à seize piges, décida de devenir hareng.
2. Cheval étique. ○ EXEMPLE : Ses deux derniers sacs il les placarda sur un hareng à vingt contre un. Le gail resta au starting-gate !

Albert Simonin : Petit Simonin illustré par l'exemple (1968)

(Index)

Les rubans adhésifs

Eh bien voilà : vous avez par mégarde arraché la couverture de votre bouquin, ou alors vous l'avez fait tomber et le cartonnage s'est déboîté. « Pas de problème, vous dites-vous, je vais le ré-pa-rer ! »
Et avec quoi, s'il vous plait ? Du ruban adhésif, c'est ça ?
Bravo.
Compliments, c'est réparé.
Vous l'avez bardé d'adhésif au dos, vous avez rapproché les lèvres béantes des pages et bien lissé avec votre doigt la bande transparente qui doit les lier pour l'éternité. Mieux encore, pour qu'il soit désormais protégé, vous l'avez recouvert d'une couverture plastique ou, moindre mal, de papier cristal que vous avez aussi fixé avec le même adhésif au revers.
Fier de votre œuvre, vous replacez votre prestigieux travail dans votre bibliothèque et vous n'y pensez plus.
Vous avez raison de ne plus y penser.
J'envie votre manque de remords.

Car vous venez de tuer un livre.

Le ruban adhésif, autrement appelé « Scotch » — mais je préfère être impartial et mettre cette cochonnerie sous son titre générique et non sous l'une de ses marques — est le fléau du libraire et de l’amoureux du livre.


« Un pari de milliardaire », de Mark Twain, une édition de 1925 bonne pour la poubelle...

Le livre que vous avez « restauré » il y a peu devient vraiment solidaire du ruban adhésif au bout de peu de temps, c’est même le plus souvent immédiat. Impossible de l'en séparer car le risque d’arracher le papier, soit sa couche superficielle, soit de provoquer son déchirement, est inévitable. Vous allez avoir le temps de macérer dans vos regrets. En effet, l'opération qui suit est un peu plus lente mais tout aussi inéluctable. Par capillarité, le papier va absorber la substance collante, laquelle a déjà commencé à changer de couleur en virant au jaunâtre et bientôt au brunâtre. Enfin, la partie transparente en matière vraisemblablement dérivée d'un plastique commence à se rigidifier, à subir une sorte de vulcanisation, elle commence à se détacher laissant sous elle une bande marron et parfois — c'est amusant ! — encore collante ou bien poisseuse. Phénomène qui n'est pas sans intérêt : les livres qui côtoient ces belles restaurations sont ainsi collés à celles-ci avec le risque de voir un arrachage de la surface des couvertures... Ainsi, l'on bousille trois bouquins d'un coup au lieu d'un en utilisant cette bombe à retardement qu'est la dégradation progressive du ruban adhésif.


Si l'on est attentif, on verra la marque de l'adhésif qui a traversé ce côté-ci de la couverture...

Ah, ces pages de garde collantes, parce que vous avez utilisé ces mêmes adhésifs pour maintenir du papier cristal ! Mais pourquoi faire, Grands Dieux, le cristal tient tout seul ! (Je vous ferai une démonstration, un de ces jours. Bien sûr, la matière collante a traversé la couverture et vous vous retrouvez avec des bandes brunes sur celle-ci. Y a-t-il un réconfort à tout cela ?
En toutes choses, il faut voir le côté positif : vous avez des chances de garder cet ouvrage jusqu’à la fin de votre vie, car aucun libraire n’en voudra. Ainsi, perpétuel compagnon de vos regrets, il vous suivra jusqu’à votre sénescence, voire au-delà. Comme il n’est nul luxe inutile — et le livre fait précisément partie de ces choses superflues dont on ne saurait se passer (sauf ceux qui se gobergent de leur ignardise, bien sûr) — je vous conseille de faire de vos expérimentations hasardeuses en matière de restauration un joli bûcher in-octavo pour vous accompagner aux cieux. Ainsi, ces mêmes remords se disperseront avec vos cendres.


On se demande ce que le bricoleur a voulu faire en consolidant le bord du deuxième plat...



Où l'adhésif se décolle sans effort et laisse à découvert la substance collante

Mais ne restons pas sur ces funèbres considérations.
S’il n’y a guère de remède aux brunissures infligées par ces bandes adhésives, il faut se dire que cela n’a guère d’importance pour un livre de poche. A moins, bien sûr, d’y tenir pour des raisons sentimentales. Se pose également la question de la pérennité de certains ouvrages apparemment courants à leur sortie et qu’un quelconque purgatoire a raréfié. Ceux-là sont des victimes potentielles. Le problème se pose de moins en moins au fur et à mesure que l’on remonte cette hiérarchie mouvante du livre de valeur. Il est parfois des exceptions...
Les alternatives aux adhésifs sont réduites. Si vous jugez que votre ouvrage est digne de subir une restauration, adressez-vous à un relieur. Il saura vous proposer une restauration certes un peu voyante, parfois, par rapport au résultat immédiat et flatteur des rubans adhésifs. Il s'agira ici d'apposer une bande de papier de soie enduite de colle à poisson. Mais ces restaurations ont l’avantage d’être réversibles, la plupart du temps. Effectuée par un professionnel le résultat de l‘intervention est même invisible. Très souvent, même, l’habileté de l’artisan vous permettra de prolonger la vie de vos livres en leur offrant des emboîtages … Enfin, si la colle à poisson et le papier de soie ne vous satisfont pas alors que vous avez arraché malencontreusement une couverture, posez-vous la question d’une reliure ou d’un bradel. Mais tout ceci est déjà un autre sujet.
 
Billet légèrement revu, publié originellement en octobre 2008 sur le blogue Feuilles d’automne.

vendredi 10 avril 2015

10/18 — Contes pour rire, Fabliaux des XIIIe et XIVe siècles




(Anonyme)

Contes pour rire
Fabliaux des XIIIe et XIVe siècles
Traduits (choisis et établis) par Nora Scott

n° 1147
Paris, Union Générale d'Édition
Coll. 10/18

Bibliothèque médiévale
(Bien que non mentionné sur la page de titre, l'ouvrage est présent dans les listes de la série)

253 pages (256 pages)
Achevé d'imprimer 11 janvier 1979
Dépôt légal : 3eme trimestre 1977

Couverture de Pierre Bernard. Photo : Roger Viollet
ISBN 2.264-001466-6
Volume quintuple

Table des matières :

Introduction
Introduction [5]
I — Le narratif bref [7-12]
II — Histoire d'un problème [13-20]
III — Nommer et classer [21-31]
La traduction [33-37]

(38 fabliaux) [38-247] : Du Vilain de Bailleul | Le Vilain et le souricon | Du chevalier qui recouvra l'amour de sa dame | De la Vieille qui graissa la paume au chevalier | Les Quatre souhaits de saint Martin | D'Auberée de Compiègne | Du Prêtre qui dit la Passion | De la Folle largesse | Du Vilain qui conquit Paradis en plaidant | Les braies du Cordelier | De Brunain la vache au prêtre | De Guillaume au faucon | De la Dame qui fit trois fois le tour de l'église | D'Estormi | De la Bourgeoise d'Orléans | Le Rêve du moine | Le Souhait réprimé | De Frère Denise | Du Prêtre qui épiait | Le Chevalier à la robe vermeille | De la Vieillette ou de la vieille truande | Des III dames qui trouvèrent un vit | Du Prévôt au capuchon | De l'Écureuil | De la Demoiselle qui ne put entendre parler de foutre sans avoir mal au cœur | De la Dame qui demandait de l'avoine pour Morel pour sa provende | De la Bourse pleine de sens | De Celui qui roula la pierre | De la dame écouillée | De Béranger au long cul | Du Prêtre qui fut mis au lardier | Le Testament de l'âne | Du Chevalier qui confessa sa femme | Les deux changeurs | Le Faucon lanier | De Gombert et des deux clercs | Le Pet du vilain | De Haimet et de Barat

Bibliographie [248-252]

Table des matières [253-254]


(Contribution du Tenancier)
Index

Fade

Fade, s. m. Avoir son fade c'est dans une distribution de liqueurs ou de comestibles être bien servi.
Dans d'autres argots le même mot signifie Argent. Avoir son fade veut dire alors : Recevoir son compte.

Eugène Boutmy — Dictionnaire de l'argot des typographes, 1883



Fade n;m. 1. Part du butin ○ EXEMPLE : Riton s'est montré très régulier comme d'habitude, chacun a emplâtré deux briques de fade.
Ansiaume et Vidocq emploient déjà l'expression et ne paraissent pas disposer dans la langue de leur époque d'un synonyme pour formuler l'idée de partage.
Dans l'affaire du Garde-Meuble, j'y ai eu mon fade (Ansiaume).
A donné la locution « aller au fade » : partager.
Ainsi que celle « chacun son fade » : chacun sa part, qui s'emploe pour signifier, entre amis, que la dépense d'une sortie, d'un dîner, d'une partie de plaisir, doit être assumée à frais communs.
2. Spasme voluptueux
Dans la locution « prendre son fade » : éprouver la volupté physiologique.
La notion de partage demeure, car il semble bien dans l'esprit des créateurs anonymes de cette image, qu'il s'agisse de partager le plasir du partenaire à l'instant de son paroxysme.

Albert Simonin : Petit Simonin illustré par l'exemple (1968)

(Index)

Un numéro du Mirliton




Éclairer

Éclairer p.a. 1. Payer ○ EXEMPLE : C'est le mec à commander n'importe quoi sous le coup de la convoitise, six costards ou une charrette ; mais quand vient le moment d'éclairer, il chinoise.
2. Produire sa mise à un jeu. ○ EXEMPLE :Il était homme à faire un banco de 1 500 louis, avec une bougie en poche, et à chiquer à l'offensé si le croupier lui demandait d'éclairer.

Albert Simonin : Petit Simonin illustré par l'exemple (1968)

(Index)

jeudi 9 avril 2015

10/18 — Pierre Larousse : Pages du Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle




Pierre Larousse

Pages du grand Dictionnaire universel du XIXe siècle
Présentation et choix par François George

n° 935
Paris, Union Générale d'Édition
Coll. 10/18

311 pages (320 pages)
Achevé d'imprimer 30 janvier 1975
Dépôt légal : 1er trimestre 1975

Couverture de Pierre Bernard. Photo : Roger Viollet
Volume sextuple

Table des matières :

Préface [7-14]

(Définitions) [15-294] : Algérie | Amour | Anarchie | Angleterre | Armée | Balzac | Baudelaire | Baudin | Bazaine | Beyle (dit Stendhal) | Blanqui | Bonaparte | Cambronne (le mot de) | Charenton | Chemins de fer | Chopin | Clérical | Cocu | Colonisation | Commune de Paris | Communisme | Cousin (Victor) | Crimes (de l'Amour) | Curé | Dieu (Dieu, c'est le mal) | Divorce | Famille | Femme | Folie | Gambetta | Hugo | Inceste | Juliette | Justine | Liberté | Mac mahon | Manche | Mariage | Marx | Masturbation | Mère | Morale | Morny | Napoléon Ier | Napoléon III | Nègre | Pornographie | Prison | Progrès | Propriété (la Propriété, c'est le vol) | Prostitution | Renan | Révolution | Sébastopol | Socialisme

Larousse par le Larousse:
1873 [294-297]
1878 (supplément) [297-309]

Table des matières [311-312]

Liste alphabétique  par noms d'auteurs des ouvrages disponibles / Collection Bibliothèque 10/18  [313-319]


(Contribution du Tenancier)
Index

Dafs

Dafs n.m. (Bataillons d'Afrique dits aussi Bat' d'Af'). Bataillons d'infanterie légère tenant garnison en Afrique du Nord où étaient incorporés les conscrits ayant purgé une peine de prison avant leur majorité. Il y régnait une discipline féroce et provocante, génératrice de conflits permanents entre gradés et soldats. Conflits qui se dénouaient devant le conseil de guerre pour refus d'obéissance, injures ou voies de fait envers un supérieur. Les peines encourues s'ajoutant au temps légal à accomplir, les infortunés bataillonnaires demeuraient généralement sous les armes plusieurs années après la libération de leur classe. Certains irréductibles ne revoyaient jamais la métropole et mouraient à Biribi, victimes des sévices de leurs gardiens. Ces faits on été trop talentueusement  dénoncés dans le pâssé pour qu'on y insiste.
Les dafs constituaient jadis un des stades de la vie d'un homme du milieu. Là s'opérait une sélection. Les rapports entre bataillonnaires étaient surtout régis par la force, l'homme devait y prouver ses qualités combatives, sa loyauté et aussi l'orthodoxie de ses mœurs. ○ EXEMPLE : Un petit casse de jeune homme, exécuté avec des potes un samedi après boire, l'avait fait atterrir aux dafs, pareil son dabe et son grand-dabe. Il appartenait à une famille de tradition.

Albert Simonin : Petit Simonin illustré par l'exemple (1968)

(Index)

mercredi 8 avril 2015

Un travail en cours...

En 1999 paraissait une nouvelle du Tenancier dans l’anthologie Futurs antérieurs, dirigée par Daniel Riche au Fleuve Noir. Cette histoire intitulée Une curiosité bibliophilique avait la particularité d’avoir été illustrée selon les indications de l’auteur, et non de façon séparée, de la même manière que procédaient Hetzel et Verne avec les illustrateurs des Voyages extraordinaires*. Cela tombait bien : Verne était un des personnage de l’histoire. Rendons grâce à l’infinie patience de l’illustrateur, Fabrice Le Minier, dont l’abnégation n’avait d’égale que les exigences mégalomaniaques du Tenancier. En attendant de republier un jour cette histoire et sa suite d’illustrations, voici quelques essais et brouillons retrouvés dans les archives et qui ne furent pas retenus ou qui furent considérablement remaniés.


On retrouvera la suite de ces illustrations de loin en loin sur le blog.
 ____________________

* L'autonomie de Fabrice était tout de même un peu plus grande, tant pour le sujet que pour la composition...

Cachet

Cachet n.m. Somme donnée à un mac par une femme vivant sans souteneur, et déterminée à demeurer indépendante, en contrepartie d'une rencontre galante qu'elle souhaiterait (pretium stupri...) ! Le cachet ayant un caractère de forfait ne permet pas au mac de prétendre ultérieurement contrôler la trésorerie de sa partenaire. ○ EXEMPLE : Le mac dira : « J'ai fait un cachet de 30 sacs avec Nini beau sourire. » Nini beau sourire dira : « Je me suis payé un cachet avec Doudou la bonne affaire. »

Albert Simonin : Petit Simonin illustré par l'exemple (1968)

(Index)

Une historiette de Béatrice

— « Est-ce que vous rachetez les livres scolaires ?
— S’ils sont anciens, oui.
— Ah oui ils sont anciens, ils ont bien une dizaine d’années !
— C’est-à-dire que ceux que je rachète ont au moins 50 ans…
— 50 ans ? Mais enfin, ils doivent être complètement dépassés !!! »

Cette historiette a été publiée pour la première fois en avril 2012 sur le blog Feuilles d'automne

Babillard, Babillarde, Babille, Babiller

Babillard : Confesseur. (Vidocq) — Allusion aux efforts persuasifs des aumôniers de prison.

Babillard, Babillarde, Babille : Livre, lettre. — Le dernier mot est une abréviation. Comparaison de leur lecture au babillage d'une personne qui cause sans s'arrêter. — « Ma largue part pour Versailles aux pieds de Sa Majesté ; elle lui fonce un babillard pour me faire défourailler. » (Vidocq.)

Babiller : Lire. (Vidocq.) — Même comparaison.

Lorédan Larchey : Dictionnaire historique d'argot, 9e édition, 1881



Babillarde n.f. Lettre, missive.○ EXEMPLE : J'ai fait broder une babillarde à mon daron pour lui demander du carle. (Ansiaume, Bagne de Brest, 1820)
Le diminitutif « babille » est plus couramment employé de nos jours

Albert Simonin : Petit Simonin illustré par l'exemple (1968)
(Index)

10/18 — Collectif international : Réseau-Alternative à la psychiatrie




Collectif international

Réseau-Alternative à la psychiatrie
Textes recueillis par Mony Elkaïm

n° 1175

448 p.
Folioté jusque 28
Couverture de Pierre Bernard, Doc. DR
Collection dirigée par Christian Bourgois
Volume sextuple
Achevé d'imprimer le 7 septembre 1977 sur les presses de l'Imprimerie Bussière à Saint-Amand (Cher)
N° d'édit. 982 - N° d'imp. 904 - Dépôt légal : 4e trimestre 1977
ISBN 2.264-00197-6

4e de couv. :
« La psychiatrie faite, dit-on, pour « donner des soins aux malades mentaux » produit aussi un nombre incroyable d'insatisfaits, de mécontents, de révoltés. Le Réseau-Alternative à la psychiatrie est né de cette situation. Il rassemble des individus ou des groupes qui ont tenté de rompre avec cette organisation bureautique et centralisée de la médecine mentale. Ce recueil présente une première série d'expériences et de réflexions engagées dans cette voie, en France, en Europe, en Amérique Latine et aux États-Unis. Dans un processus de luttes à long terme, engagées souvent par des individus isolés, en butte à la répression, le Réseau n'entend pas jouer le rôle d'organisation hégémonique. Il souhaite seulement offrir un lien d'échanges pour aider à confronter, approfondir et appliquer quelques choix simples : suppression de toutes les formes d'enfermement psychiatrique, refus du monopole des professionnels sur les problèmes de la santé mentale, critique du secteur comme mise en place d'une relève technocratique de l'asile, ainsi que des nouvelles techniques psychiatriques ou psychanalytiques qui servent de couverture à cet expansionnisme, soutien aux luttes menées par des groupes ou à la population des quartiers pour prendre en mains leurs propres affaires et éviter la psychiatrisation de la vie tout entière, de l'enfance à la vieillesse, des marginaux de toute nature aux dissidents de toute espèce. »


TABLE DES MATIERES :

Présentation
Robert Castel, Mony Elkaïm, Félix Guattari, Giovanni Jervis - Pour une alternative au secteur
Texte constitutif du réseau européen
Communiqué de presse (30-1-75)
Félix Guattari - Le Réseau « Alternative à la Psychiatrie »
David Cooper - Lettre au Réseau international sur le pouvoir et la différence
Commission « Pouvoir psychiatrique. Pouvoir psychanalytique » (compte rendu des débats). Rencontre internationale du Réseau (Mars 1976)
Texte proposé à l'issue de la rencontre internationale de mars 1976
Robert Castel, Mony Elkaïm, Félix Guattari, Giovanni Jervis - L'alternative politique face aux techniques
Intervention de Gianfranco Minguzzi (rencontre internationale du réseau. Mars 1976)
Entretien avec Franca Basaglia, Franco Basaglia, Gianfranco Minguzzi et Leo Nahon. Psichiatria democratica
Interview de Franco Basaglia
Marine Zecca - En rencontrant Mario Tommasini
Giovanni Jervis - L'expérience de Reggio Emilia
Une expérience à Genève : le collectif travail
A Schaerbeek, une expérience d'animation communautaire (la Gerbe)
M., D., H. et les autres. Le groupe des adolescents
Groupe Information Asile (Belgique)
Jean-Loup Poisson - La situation en France
Jean-Loup Poisson - Texte de présentation du « Réseau »
Jean-Loup Poisson - Essai sur une lutte politique spécifique
Marc Doux - Le réseau sud-est comme instrument d'échappement au phénomène mort-vivant
Jean-Marie Bellini - Ces murs que l'on croyait détruire
Les constructeurs de ponts sont des traîtres (collectif Réseau Villeurbanne)
Marge, les fous et la révolution
Ayala Klajnman, Annie Vacelet - Les femmes, la folie, le politique
Stanislas Tomkiewicz - Interventions au Portugal
Entretien avec Morton Schatzman
Interview de Laura Forti et Andrea Sabbadini
Interview de R. D. Scott
Marie Langer, Alberto Siniego - Psychanalyse, lutte des classes et santé mentale
Sylvia Marcos - Lettre du Mexique
Mark Seem et John Parkin - « Santé mentale » et technologie de normalisation
Postface

(Contribution de Grégory Haleux)
Index

10/18 — Lucien Malson : Les enfants sauvages




Lucien Malson
Professeur de psychologie sociale au
Centre National de Pédagogie de Beaumont

Les enfants sauvages - Mythe et réalité
suivi de Mémoire  et rapport sur Victor de l'Aveyron
par Jean Itard

n° 157
Paris, Union Générale d'Édition
Coll. 10/18

249 pages (256 pages)
Dépôt légal : juin 1983
Achevé d'imprimer en novembre 1990
Imprimerie Bussière - Saint-Amand (Cher)
ISBN 2-264-00810-5

Volume quintuple

Photo tirée du film L'enfant sauvage de François Truffaut
(Films du Carrosse)

Table des matières p 249 :

Lucien Malson :
Introduction. - Les enfants sauvages et le problème de la nature humaine [7-12]
Chapitre I. - L'hérédité de l'individu et l'hérédité de l'espèce : [13-42]
I) l'hérédité de l'individu : [13-26]
II) l'hérédité de l'espèce : [27-42]
Chapitre II. - Les compositions légendaires et les relations historiques : [43-75]
I) la littérature de l'isolement : [43-56]
II) la critique des faits et de leur sens : [56-75]
Chapitre III. - Les trois espèces d'homines feri et leurs plus célèbres exemples : [76-99]
Bibliographie : [100]

Annexe :
Mémoire et rapport sur Victor de l'Aveyron par Jean Itard : [117]
Présentation : [119-125]
Le mémoire de 1801 : [127-189]
Le rapport de 1806 : [190-247]

titres de l'auteur dans la collection 10/18 : [2]


(Contribution de Krrr)
Index

Zèbre (Filer comme un)

Zèbre (Filer comme un) : Courir vite. C'est un drôle de zèbre : un curieux individu.

Géo Sandry & Marcel Carrère : Dictionnaire de l’argot moderne (1953)

(Index)

mardi 7 avril 2015

10/18 — Boris Vian : Les fourmis




Boris Vian

Les fourmis
suivi de repères bio-bibliographiques

n° 496
Paris, Union Générale d'Édition
Coll. 10/18

mention de la maison d'édition Le Terrain Vague sur la page de titre

copyright Le Terrain Vague, 1968

303 pages (320 pages)
Dépôt légal : 3ème trimestre 1979
Achevé d'imprimer en avril 1983
Imprimerie Bussière - Saint-Amand (Cher)
N° d'édit. 629 - N° d'imp. 724
ISBN 2-264-00929-2

Volume quintuple

Illustration : La ville des éléphants du Grand Khan Kublai
de Friedrich Justin Bertuch
Die bibliophilen Taschenbücher Harenberg Kommunikation

Table des matières p 315 :

Les Fourmis : [7-30]
Les Bons Élèves : [31-44]
Le Voyage à Khonostrov : [45-62]
L'Écrevisse : [63-78]
Le Plombier : [79-93]
La Route déserte : [95-125]
Les Poissons morts : [127-154]
Blues pour un chat noir : [155-180]
Le Brouillard : [181-201]
L'Oie bleue : [203-222]
Le Figurant : [223-307]
Repères bio-bibliographiques : [309-313]

titres de l'auteur dans la collection 10/18 : [4]
titres de l'auteur chez Christian Éditeur Bourgois : [4]


(Contribution de Krrr)
Index

Y aller de sa crampette

Y aller de sa crampette : Pollution après excitation.

Géo Sandry & Marcel Carrère : Dictionnaire de l’argot moderne (1953)

(Index)

10/18 — Maurice Roche : Compact




Maurice Roche
Compact

suivi de « Braille-Art », par Jean-Noël Vuarnet
(postface : p. 167 à 185)

préface de Philippe Sollers, « La douleur du nom »
(p. 7 à 12)

10/18

n° 1031

UNION GENERALE D’EDITIONS
8, rue Garancière — Paris VIe

[E. O. : Éditions du Seuil, 1966]

couverture de Pierre Bernard — dessin : Françoise Rojare

a. i. : janvier 1976 (La Chapelle d’Armentières)

192 pages.


(Contribution de Am Lepiq (monsieuye)
Index

Vacciné (Être)

Vacciné (Être) : Être prémuni contre quelque chose à la suite d'une expérience malheureuse.

Géo Sandry & Marcel Carrère : Dictionnaire de l’argot moderne (1953)

(Index)

lundi 6 avril 2015

Auteur

AUTEUR
Auteur est un nom générique qui peut, comme le nom de toutes les autres professions, signifier du bon et du mauvais, du respectable ou du ridicule, de l’utile et de l’agréable ou du fatras de rebut. Ce nom est tellement commun à des choses différentes, qu’on dît également l’Auteur de la nature, et l’auteur des chansons du Pont-Neuf, ou l’auteur de l’Année littéraire.
Nous croyons que l’auteur d’un bon ouvrage doit se garder de trois choses, du titre, de l’épître dédicatoire, et de la préface. Les autres doivent se garder d’une quatrième, c’est d’écrire. Quant au titre, s’il a la rage d’y mettre son nom, ce qui est souvent très dangereux, il faut du moins que ce soit sous une forme modeste ; on n’aime point à voir un ouvrage pieux, qui doit renfermer des leçons d’humilité, par Messire ou Monseigneur un tel, conseiller du roi en ses conseils, évêque et comte d’une telle ville. Le lecteur, qui est toujours malin, et qui souvent s’ennuie, aime fort à tourner en ridicule un livre annoncé avec tant de faste. On se souvient alors que l’auteur de l’Imitation de Jésus-Christ n’y a pas mis son nom.
Mais les apôtres, dites-vous, mettaient leurs noms à leurs ouvrages. Cela n’est pas vrai ; ils étaient trop modestes. Jamais l’apôtre Matthieu n’intitula son livre, Évangile de 
 
saint Matthieu ; c’est un hommage qu’on lui rendit depuis. Saint Luc lui-même, qui recueillit ce qu’il avait entendu dire, et qui dédie son livre à Théophile, ne l’intitule point Évangile de Luc. Il n’y a que saint Jean qui se nomme dans l’Apocalypse ; et c’est ce qui fit soupçonner que ce livre était de Cérinthe, qui prit le nom de Jean pour autoriser cette production.
Quoi qu’il en puisse être des siècles passés, il me paraît bien hardi dans ce siècle de mettre son nom et ses titres à la tête de ses oeuvres. Les évêques n’y manquent pas ; et dans les gros in-quarto qu’ils nous donnent sous le titre de Mandements, on remarque d’abord leurs armoiries avec de beaux glands ornés de houppes ; ensuite il est dit un mot de l’humilité chrétienne, et ce mot est suivi quelquefois d’injures atroces contre ceux qui sont, ou d’une autre communion, ou d’un autre parti. Nous ne parlons ici que des pauvres auteurs profanes. Le duc de La Rochefoucauld n’intitula point ses Pensées, par Monseigneur le duc de La Rochefoucauld, pair de France, etc. Plusieurs personnes trouvent mauvais qu’une compilation dans laquelle il y a de très beaux morceaux soit annoncée par Monsieur, etc., ci-devant professeur de l’Université, docteur en théologie, recteur, précepteur des enfants de M. le duc de..., membre d’une académie, et même de deux. Tant de dignités ne rendent pas le livre meilleur.
 
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On souhaiterait qu’il fût plus court, plus philosophique, moins rempli de vieilles fables: à l’égard des titres et qualités, personne ne s’en soucie. L’épître dédicatoire n’a été souvent présentée que par la bassesse intéressée, à la vanité dédaigneuse.  
De là vient cet amas d’ouvrages mercenaires ;
Stances, odes, sonnets, épîtres liminaires,
Où toujours le héros passe pour sans pareil,
Et, fût-il louche et borgne, est réputé soleil.
Qui croirait que Rohault, soi-disant physicien, dans sa dédicaceau duc de Guise, lui dit que « ses ancêtres ont maintenu aux dépens de leur sang les vérités politiques, les lois fondamentales de l’État, et les droits des souverains ? » Le Balafré et le duc de Mayenne seraient un peu surpris si on leur lisait cette épître. Et que dirait Henri IV ? On ne sait pas que la plupart des dédicaces, en Angleterre, ont été faites pour de l’argent, comme les capucins chez nous viennent présenter des salades, à condition qu’on leur donnera pour boire. Les gens de lettres, en France, ignorent aujourd’hui ce honteux avilissement ; et jamais ils n’ont eu tant de noblesse dans l’esprit, excepté quelques malheureux qui se disent    gens de lettres, dans le même sens que des barbouilleurs se vantent d’être de la profession de Raphaël, et que le cocher de Vertamont était poète.
Les préfaces sont un autre écueil. Le moi est haïssable, disait Pascal. Parlez de vous le moins que vous pourrez, car vous devez savoir que l’amour-propre du lecteur est aussi grand que le vôtre. Il ne vous pardonnera jamais de vouloir le condamner à vous estimer. C’est à votre livre à parler pour lui, s’il parvient à être lu dans la foule. « Les illustres suffrages dont ma pièce a été honorée devraient me dispenser de répondre à mes adversaires. Les applaudissements du public.... » Rayez tout cela, croyez-moi ; vous n’avez pas eu de suffrages illustres, votre pièce est oubliée pour jamais. « Quelques censeurs ont prétendu qu’il y a un peu trop d’événements dans le troisième acte, et que la princesse découvre trop tard dans le quatrième les tendres sentiments de son coeur pour son amant ; à cela je réponds que.... » Ne réponds point, mon ami, car personne n’a parlé ni ne parlera de ta princesse. Ta pièce est tombée parce qu’elle est ennuyeuse et écrite en vers plats et barbares ; ta préface est une prière pour les morts, mais elle ne les ressuscitera pas. D’autres attestent l’Europe entière qu’on n’a pas entendu leur système sur les compossibles, sur les supralapsaires, sur la différence qu’on doit mettre entre les hérétiques macédoniens et les hérétiques valentiniens. Mais vraiment je crois bien que personne ne t’entend, puisque personne ne te lit.
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On est inondé de ces fatras et de ces continuelles répétitions, et des insipides romans qui copient de vieux romans, et de nouveaux systèmes fondés sur d’anciennes rêveries, et de petites historiettes prises dans des histoires générales. Voulez-vous être auteur, voulez-vous faire un livre ; songez qu’il doit être neuf et utile, ou du moins infiniment agréable. Quoi! du fond de votre province vous m’assassinerez de plus d’un in-quarto pour m’apprendre qu’un roi doit être juste, et que Trajan était plus vertueux que Caligula! vous ferez imprimer vos sermons qui ont endormi votre petite ville inconnue! vous mettrez à contribution toutes nos histoires pour en extraire la vie d’un prince sur qui vous n’avez aucuns mémoires nouveaux! Si vous avez écrit une histoire de votre temps, ne doutez pas qu’il ne se trouve quelque éplucheur de chronologie, quelque commentateur de gazette qui vous relèvera sur une date, sur un nom de baptême, sur un escadron mal placé par vous à trois cents pas de l’endroit où il fut en effet posté. Alors corrigez-vous vite. Si un ignorant, un folliculaire se mêle de critiquer à tort et à travers, vous pouvez le confondre ; mais nommez-le rarement, de peur de souiller vos écrits. Vous attaque-t-on sur le style, ne répondez jamais ; c’est à votre ouvrage seul de répondre. Un homme dit que vous êtes malade, contentez-vous de vous bien porter, sans vouloir prouver au public que vous êtes en parfaite santé ; et surtout souvenez-vous que le public s’embarrasse fort peu si vous vous portez bien ou mal. Cent auteurs compilent pour avoir du pain, et vingt folliculaires font l’extrait, la critique, l’apologie, la satire de ces compilations, dans l’idée d’avoir aussi du pain, parce qu’ils n’ont point de métier. Tous ces gens-là vont le vendredi demander au lieutenant de police de Paris la permission de vendre leurs drogues. Ils ont audience immédiatement après les filles de joie, qui ne les regardent pas, parce qu’elles savent bien que ce sont de mauvaises pratiques.    Ils s’en retournent avec une permission tacite de faire vendre et débiter par tout le royaume leurs historiettes, leurs recueils de bons mots, la vie du bienheureux Régis, la traduction d’un poème allemand, les nouvelles découvertes sur les anguilles, un nouveau choix de vers, un système sur l’origine des cloches, les amours du crapaud. Un libraire achète leurs productions dix écus; ils en donnent cinq au folliculaire du coin, à condition qu’il en dira du bien dans ses gazettes.
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Le folliculaire prend leur argent, et dit de leurs opuscules tout le mal qu’il peut. Les lésés viennent se plaindre au juif qui entretient la femme du folliculaire ; on se bat à coups de poing chez l’apothicaire Lelièvre ; la scène finit par mener le folliculaire au For-l’Évêque ; et cela s’appelle des auteurs! Ces pauvres gens se partagent en deux ou trois bandes, et vont à la quête comme des moines mendiants ; mais n’ayant point fait de voeux, leur société ne dure que peu de jours ; ils se trahissent comme des prêtres qui courent le même bénéfice, quoiqu’ils n’aient nul bénéfice à espérer ; et cela s’appelle des auteurs! Le malheur de ces gens-là vient de ce que leurs pères ne leur ont pas fait apprendre une profession: c’est un grand défaut dans la police moderne. Tout homme du peuple qui peut élever son fils dans un art utile, et ne le fait pas, mérite punition. Le fils d’un metteur en oeuvre se fait jésuite à dix-sept ans. Il est chassé de la société à vingt-quatre, parce que le désordre de ses moeurs a trop éclaté. Le voilà sans pain ; il devient folliculaire ; il infecte la basse littérature, et devient le mépris et l’horreur de la canaille même ; et cela s’appelle des auteurs! Les auteurs véritables sont ceux qui ont réussi dans un art véritable, soit dans l’épopée, soit dans la tragédie, soit dans la comédie, soit dans l’histoire, ou dans la   philosophie ; qui ont  enseigné ou  enchanté  les hommes. Les autres dont nous avons parlé sont parmi les gens de lettres ce que les frelons sont parmi les oiseaux. On cite, on commente, on critique, on néglige, on oublie, mais surtout on méprise communément un auteur qui n’est qu’auteur.
A propos de citer un auteur, il faut que je m’amuse à raconter une singulière bévue du révérend P. Viret, cordelier, professeur en théologie. Il lit dans la Philosophie de l’histoire de ce bon abbé Bazin, que «jamais aucun auteur n’a cité un passage de Moïse avant Longin, qui vécut et mourut du temps de l’empereur Aurélien. » Aussitôt le zèle de saint François s’allume: Viret crie que cela n’est pas vrai ; que plusieurs écrivains ont dit qu’il y avait eu un Moïse ; que Josèphe même en a parlé fort au long, et que l’abbé Bazin est un impie qui veut détruire les sept sacrements. Mais, cher père Viret, vous deviez vous informer auparavant de ce que veut dire le mot citer.    Il y a bien de la différence entre faire mention d’un auteur et citer un auteur. Parler, faire mention d’un auteur, c’est dire: « Il a vécu, il a écrit en tel temps. » Le citer, c’est rapporter un de ses passages: « Comme Moïse le dit dans son Exode, comme Moïse a écrit dans sa Genèse. » Or l’abbé Bazin affirme qu’aucun écrivain étranger, aucun même des prophètes juifs n’a jamais cité un seul passage de Moïse, quoiqu’il soit un auteur divin.
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Père Viret, en vérité, vous êtes un auteur bien malin ; mais on saura du moins par ce petit paragraphe que vous avez été un auteur. Les auteurs les plus volumineux que l’on ait eus en France, ont été les contrôleurs généraux des finances. On ferait dix gros volumes de leurs déclarations, depuis le règne de Louis XIV seulement. Les parlements ont fait quelquefois la critique de ces ouvrages; on y a trouvé des propositions erronées, des contradictions : mais où sont les bons auteurs qui n’aient pas été censurés ?














              

 
Collection complette des œuvres de Mr. de Voltaire — Tome vingt et unième

Une belle devanture (Avoir une)

Une belle devanture (Avoir une) : Une belle poitrine.

Géo Sandry & Marcel Carrère : Dictionnaire de l’argot moderne (1953)

(Index)

L'amour d'une collection

« Quand je pense qu’il m’avait été difficile de réunir une petite dizaine à peine de ces poches marqués du double chiffre lorsque vous lançâtes, inspiré par l’ami George*, cette série de billets ! Et voici qu’aujourd’hui, emporté par la dysdizuitomanie, je me retrouve condamné à les double-rayonner dans ma bibliothèque ! Reconnaissons-le : je vous dois, ainsi qu’à George, un peu du plaisir du chineur qui, découvrant de nouvelles terres, en explore certains territoires qui lui deviennent aussitôt familiers, tant les reliefs y semblent taillés pour épouser les courbes de sa sensibilité. Ce sont quelques paysages d’un de ces territoires que je veux aujourd’hui partager avec vos habitués, comme, revenant d’un voyage vers l’ailleurs, l’on invite des amis à poser leur imagination sur nos pas en projetant des photos sur un mur.  »

SPiRitus
 
* Rappelons une fois encore que nous avions lancé avec George WF Weaver sur l’ancien blogue l’idée de rassembler les 10/18 de nos lecteurs — par paquets de dix titres — et de les présenter en ligne. L’incomplétude apparente des bibliographies de SPiRitus tient justement au fait qu’il s’était conformé à l’ancienne manière avant que nous lui présentions notre nouveau projet autour de cette collection. En toute justice, il fallait que ces choses-là soient précisées.

Tabac de chine

Tabac de chine : Tabac mendié.

Géo Sandry & Marcel Carrère : Dictionnaire de l’argot moderne (1953)

(Index)

10/18 — Hugues Rebell : La Camorra / La saison à Baia




Hugues Rebell

La Camorra / La saison à Baia
Préface d'Hubert Juin

n° 1318

1979

Couverture de Pierre Bernard


(Contribution de SPiRitus)
Index

Sabot

Sabot, s. m. Boîte dans laquelle les compositeurs jettent les lettres usées et destinées à être refondues.
Par extension, Mauvais ouvrier.
Dans un autre sens, Petit chariot qui sert à transporter les formes.

Eugène Boutmy — Dictionnaire de l'argot des typographes, 1883



Sabot : Cage roulante qui sert pour transporter les fauves. (Arg. For.) Par ext. : Travailler comme un sabot : travailler mal. (D'où dérive : saboter).

Géo Sandry & Marcel Carrère : Dictionnaire de l’argot moderne (1953)

(Index)

A propos du sabotage, on se reportera ici avec bonheur...

Palimpseste de bougnat

« Bois & Charbon » dans une rue d'Avon (Seine & Marne)
Changement de typo et utilisation d'esperluette.
Définition du palimpseste ici.

Les dimanches du Tenancier

Le Tenancier parfois se livre à l’ennui presque au péril de sa vie. Pour autant, il ne fera pas de tribulations en Chine pour y remédier. Lorsque le Tenancier s’ennuie il ne lit pas, mais il fabrique des petits machins. Quand on est en détention à l’intérieur de soi-même, rien ne vaut les travaux manuels. Mais vous connaissez le Tenancier : il ne fait rien qui ne s’accorde à ses petites manies. S’il ne lit pas, il fabrique des bouquins pour son plaisir et parfois celui des autres. C’est ainsi que le dimanche qui à précédé le présent exposé, il a fabriqué une plaquette sur le coin de son bureau. Il n’en ferait pas état d’ordinaire, mais comme le texte est captivant et visible par tout le monde, le Tenancier n’hésite plus : il partage...
Il faut dire que, de loin en loin, il assaisonne ses pauvres correspondants de sa prose (trop) courante et qu’il garde pour lui les textes qu’il distingue au hasard des lectures dans la presse ou sur certains blogs en les imprimant. Hélas, rien n’est plus emmerdatifs que le format A4. Il se résout donc à jouer de la PAO, du cutter et de la colle pour garder les textes les plus intéressants dans sa bibliothèque dans un format plus agréable.
Le texte retenu ici est intitulé A la recherche du Rivage des Syrtes et on trouvera le lien vers l'article ici. Cette exploration géographique du roman rejoint celle d’Yves Lacoste parue dans la revue Hérodote il y a pas mal de temps... On ne s’étendra pas trop longtemps sur l’affection — presque banale — du Tenancier pour Gracq. On comprendra tout de même l’obligation de confectionner cet article en brochure.
La composition a été faite avec un vieux Pagemaker, pour une raison essentielle — qui a présidé à toutes ses autres confections de livres : le logiciel comporte un « plugin » qui permet d’imposer les pages (c’est à dire de les classer de telle sorte qu’elles se succèdent une fois assemblées en cahier). Votre Tenancier n’est pas un professionnel en matière de typographie et il a de nombreuses lacunes dont il a bien conscience. Il garde par devers lui les fichiers de ses petits travaux, se réservant la possibilité d’améliorer ses exemplaires.
Restent les plaisirs variés de la mise en page, du suivi de l’impression, du découpage des pages (pas de massicot : règle métallique et cutter !), leur assemblage et, pour la première fois, la confection d’une couverture avec un dos carré/collé. On ne sait si cela tiendra. Tant pis, le plaisir fut grand et tout à coup on s’ennuya moins.
Et cela fait un livre de plus dans la bibliothèque.
Notons pour finir que, bien sûr, l’ouvrage est destiné à l’usage personnel du soussigné (ad usum Tenancier !) et est donc tiré à un seul exemplaire...

Quand il pète c'mec-là, il fait des ronds dans le sable

Quand il pète c'mec-là, il fait des ronds dans le sable : Se dit d'un nabot court sur pattes.

Géo Sandry & Marcel Carrère : Dictionnaire de l’argot moderne (1953)

(Index)

samedi 4 avril 2015

L'argot en 1874

La langue verte
 
7 mai 1874
 
Nous recevons la lettre suivante :
 
       « Monsieur Bernadille,
 
« Je suis étranger. J’ai appris le français sous un maître excellent, ancien professeur au lycée de Tours, auteur de livres de grammaire qui font autorité. Je me suis perfectionné en lisant Bossuet, Corneille, Racine, Boileau, madame de Sévigné et tous vos auteurs classiques ; puis on m’a conseillé de venir passer six mois à paris, centre du beau langage, pour compléter mon éducation.
« J’y suis depuis le mois de novembre. Je cause avec mon coiffeur, les garçons de l’hôtel et les cochers de fiacre ; j’écoute tout ce qu’on dit dans la rue ; j’assiste à toute vos premières représentations et à toutes vos reprises. J’étais hier à la Vie de bohème, avant-hier à Orphée aux enfers ; il y a trois jours, au Carnaval d’un merle blanc ; il y a quatre jours, à la Petite Marquise, comme au Magot et aux Merveilleuses il y a trois semaines. Le matin, je partage mon temps entre la lecture assidue des bons auteurs et celles des quelques journaux qu’on m’a désignés comme parlant français. Je ne manque pas un feuilleton de M. Paul de Saint-Victor. Je me suis essayé, la sueur au front, à MM. Leconte de Lisle et Théodore de Banville. J’ai acheté tous les dictionnaires, l’Académie, Littré, Bescherelle, Dochez, Dupiney de Vorepierre, Larousse, Boiste, Richelet, Trévoux, Furetière, etc., etc., sans compter les vocabulaires spéciaux et techniques, pour comprendre les oeuvres de M. Théophile Gautier. Je viens de louer au cabinet de lecture le Quatre-vingt-treize de M. Victor Hugo ; je n’en suis qu’à la page 20 : « par exemple, la momignarde qui tette fameusement gouliafre », et je me sens déjà devenir fou.
« Enfin, mardi dernier, j’ouvre le Français, et mon regard tombe sur votre Chronique parisienne. Je lis en tête : « Chez ma tante ! » A la bonne heure, me dis-je, cela est clair, net, sans équivoque, limpide comme de l’eau de roche. Une tante, c’est la soeur du père ou de la mère ; c’est aussi la femme d’un oncle : tous mes dictionnaires sont d’accord là-dessus. J’ai rencontré ce mot-là dans Molière et dans madame de Sévigné : il n’y a pas moyen de s’y méprendre, Chez ma tante ! cela ne peut être qu’une idylle aimable, une bonne et douce causerie de famille, cela me rafraîchira. Eh bien, j’ai lu Chez ma tante, et j’ai vu avec stupeur qu’il n’y est question que du Mont-de-Piété, et que vous n’y parlez pas du tout de madame votre tante1.
« L’autre jour je parcourais le Figaro. Dans le même numéro, j’ai trouvé coup sur coup l’histoire d’un jeune gommeux, la liste des derniers préfets dégommés, et le récit d’une fumisterie jouée jadis par M. Dumas à M. Ponsard. Vite j’ouvre mon Littré : « Fumisterie, art du fumiste, travail du fumiste. » Voyons fumiste : « Fumiste, substantif masculin, celui dont la profession est de construire des cheminées et de les empêcher de fumer. »... Décidément je n’y comprend rien.
1 Je n’ai pas reproduit cette chronique, parce que j’ai réfléchi qu’il n’est pas sans danger pour un journaliste d’écrire sur le Mont-de-Piété. S’il a l’air trop bien informé, le voilà compromis. Ses lecteurs sourient malicieusement, en se disant les uns aux autres : « Oh ! ces journalistes ! » Je trouve plus prudent d’avouer une ignorance profonde sur la physionomie des bureaux, et de renvoyer simplement le lecteur curieux au tableau bien connu d’Alfred Stevens.
  « Partout il en est ainsi. Chaque mot que j’entends me plonge dans des perplexités terribles. Je n’ose plus causer avec mon cocher. J’ai d’abord cru qu’il me parlait une langue inconnue ; on m’a assuré que c’était le plus pur parisien. Je m’en suis bien aperçu d’ailleurs. Ainsi, au moment où je remontais en voiture après la première représentation de Jean de Thommeray, mon cocher m’a dit en clignant de l’oeil : « Eh bien, monsieur, ils viennent de remporter une rude veste ! » Comme je levais la tête d’un air interrogateur, deux hommes décorés sortaient derrière moi en échangeant leurs impressions : « C’est un fameux four, disait le premier au second. — Une veste, vous voyez bien », fit triomphalement mon cocher. Et il m’apprit que ces messieurs étaient deux illustres critiques. Il paraît que les cochers disent veste et les critiques disent four.
« Décidément, monsieur, mon professeur m’a-t-il trompé ? Dois-je croire qu’il ne m’a pas appris le français ? Cependant j’entends à merveille Racine et Boileau. Je suis les séances de réception à l’Académie, et j’ai compris d’un bout à l’autre les discours de M. Saint-René Taillandier et de M. Nisard. Ou bien y a-t-il deux langues françaises ? Éclairez-moi, je vous prie, monsieur, et veuillez me croire, etc. »
Courte réponse du chroniqueur au noble étranger :
Monsieur, votre candeur m’étonne, me désarme et me ravit. Vous ne me dites pas quelle est votre nationalité, mais vous devez être d’un pays grave et naïf, où l’on n’a point l’habitude de plaisanter avec les choses sérieuses, où l’on pratique peu l’argot, et où l’on ignore complètement ce que le Figaro, en vrai journal d’avant-garde, dont le rôle est d’aller toujours au delà, appelle des fumisteries, et ce que nous avons l’habitude d’appeler plus simplement des farces de fumiste. Croyez bien que je suis loin de vous en blâmer.
Oui, il y a deux langues françaises ; il y en a même plus de deux. Il y a la langue de Bossuet, qui ne change pas, et la langue de Commerson, qui change tous les six mois, — heureusement. Il y a la langue de Racine, faite avec les grammaires et les dictionnaires, et celle de Victor Hugo, — le Hugo des Misérables, de l’Homme qui rit, de Quatre-vingt-treize, — qui refait les dictionnaires et les grammaires. Il y a la langue de l’Académie et la langue de la rue ; la langue du salon et celle de l’antichambre ; la langue des classiques et celle des journaux. Il ne suffit pas d’avoir étudié l’une pour connaître l’autre. Votre professeur et vos livres vous ont appris la première ; la fréquentation des cochers de fiacre, des garçons d’hôtel, du Tintammarre, des vaudevillistes et même des chroniqueurs pourra seule vous apprendre la dernière, si vous avez la faiblesse d’y tenir.
Votre étonnement, mon cher étranger, me rappelle l’histoire bien connue de ce fils d’Albion qui écrivait de paris à sa femme : « Ma bonne amie, je me perfectionne beaucoup dans la langue française. J’apprends maintenant les verbes irréguliers, qui sont très-nombreux et très-difficiles. Ainsi, pour vous en donner un exemple, croiriez-vous que le verbe s’en aller se conjugue ainsi à l’indicatif présent : « Je m’en vas, — tu pars, — il file, — nous nous poussons de l’air, — vous vous esbignez, — ils se la cassent. »
Ce brave Anglais eût pu ajouter divers autres spécimens non moins caractéristiques : « J’ai de l’argent, — tu as de la braise, — il a le sac, — nous avons des monarques, — vous avez des balles, — ils ont des roues du derrière. Imparfait : J’avais du quibus, — tu avais de l’os, — il avait des monacos, — nous avions de la mitraille, — vous aviez de la douille (que les lecteurs délicats me pardonnent !), — ils avaient des noyaux. » Ou bien tout le contraire : « Je suis dans la débine, — tu es dans la panne, — il est dans la dèche... « Ou encore : Je suis ivre, — tu es gris, — il est dans les vignes... » Je m’arrête. Celui-là pourrait se conjuguer aisément ainsi à tous les temps et à toutes les personnes. Mais les académiciens qui me lisent ne me pardonneraient pas d’aller jusqu’à l’infinitif.
Le Mont-de-Piété, particulièrement, a donné naissance à une foule de ces locutions familières. Le peuple ne hait pas le Mont-de-Piété. Au contraire, ce temple de la Reconnaissance, comme l’appelait Roger de Beauvoir, obtient celle des gens qu’il gruge légalement, mais qui le trouve commode. On a pour lui des égards du dissipateur pour l’usurier qui lui permet de se ruiner joyeusement. On a inventé à son usage toute une série de gais synonymes, de petits mots d’amitié, de pseudonymes ingénieux : mettre en plan, mettre au clou (avec les dérivés clouer, surclouer, déclouer), porter chez ma tante... Le poëte a dit un vers célèbre :
 
Un oncle est un caissier donné par la nature.
 
Je comprendrais donc qu’on appelât le Mont-de-Piété mon oncle, puisqu’il est du genre masculin. Pourquoi ma tante ?... Mystère ! A moins que ce ne soit pour exprimer une nuance plus affectueuse encore. En tout cas, le mot prouve bien que l’homme du peuple considère cet ami dangereux de ses mauvais jours comme étant de la famille.
Il existe encore d’autres locutions non moins pittoresques :
— Quelle heure as-tu ? dit un étudiant à son ami.
— Ne me le demande pas, répond celui-ci en tirant de son gousset un cordon veuf de toute espèce de savonnette. Ma montre retarde de vingt-cinq francs.
Vous ne trouverez pas cela non plus dans Bossuet.
Que voulez-vous ? Une langue est une matière toujours en mouvement, toujours en formation, en transformation et en déformation. Il se produit sans cesse des bouillonnement, des écumes et des scories à la surface. Ou, si vous voulez changer de métaphore, sur ce vieux tronc immuable poussent des multitudes de branches folles, des végétations bizarres, des excroissances parasites. Les idées nouvelles ; moins que cela : les besoins nouveaux ; moins que cela encore : les habitudes, les caprices, les modes créent des images, des tournures, des mots qui naissent et meurent avec eux. Chacun greffe à l’envi et fait sa petite bouture sur le tronc. A l’automne, tout cela tombe, s’envole ou s’entasse au pied de l’arbre comme des couches de feuilles mortes. Le gommeux succède au petit crevé, qui avait succédé au gandin, qui avait succédé au fashionable, qui avait succédé au lion, qui avait succédé au dandy, qui avait succédé au freluquet, qui avait succédé au merveilleux, à l’incroyable, au muscadin, qui avait succédé au petit maître, etc., etc. S’il fallait vous expliquer l’étymologie et les procédés de formation de ces mots naissant comme des champignons dans le ruisseau, poussant comme des moisissures sur la muraille ou comme des fleurs sur le fumier, grouillant comme des myriades d’insectes éclos en vertu d’une génération plus ou moins spontanée dans un liquide en fermentation, nous n’en finirions pas, et cette réponse, mon cher étranger, se changerait en in-folio.
Le peuple est pour beaucoup dans cette continuelle éruption de la langue qui se couvre à la surface de boutons, de rougeurs et de pustules ; les journalistes y sont bien pour quelque chose aussi, étant, hélas ! des gens pressés, qui n’ont pas toujours le temps d’être suffisamment difficiles en fait de beau langage, et condamnés d’ailleurs, par état, à parler la langue du jour à des lecteurs d’un jour. les meilleurs s’efforcent, tout en suivant le courant, de ne pas se laisser entraîner, et même de le remonter quelquefois pour se retremper à la source ; les autres vont en avant, travaillent des pieds et des mains pour en élargir le lit, et y vident de pleins tonneaux de termes frelatés pour en grossir le cours. En dehors des journalistes, les grands écrivains eux-mêmes se mettent de la partie, non pas seulement par l’argot, mais par l’emphase, la boursouflure, l’envie d’éblouir, le besoin de créer ; Vous vous êtes arrêté à la momignarde de Victor Hugo, page 20 ; poursuivez jusqu’à la page 62, vous aurez la colère de l’inanimé, l’inattendu de la houle, les coups de coude de l’éclair, le combliau, la braque fixe, le vaigrage, et cette chose farouche, terrasser la colère, colleter l’éclair. Argot pour argot, quel est le pire ? Vous voyez qu’on peut être un homme de génie et parler argot.
Tout ceci, mon cher étranger, sans même en excepter peut-être « le fragile se colletant avec l’invulnérable », appartient à la langue verte, — encore un terme d’argot que vous ne comprenez pas, bien qu’il s’explique de soi. La langue verte, c’est la langue en décomposition, — mais une décomposition qui s’épanouit en fleurs, comme celle qu’a chantée le poëte Baudelaire. C’est à la fois une corruption et un raffinement : une langue faisandée et bourrée de truffes, — pareille à ces perdreaux qui soulèvent l’estomac des hommes de la nature, mais qui réveillent les palais blasés. Heureux ceux qui ne le comprennent ni ne la parlent ! Tenez-vous-en, mon cher étranger, à la langue de Bossuet : c’est la meilleure. Seulement, retournez chez vous, renoncez aux boulevards et ne lisez plus (on peut vivre sans cela) ni Quatre-vingt-treize, ni M. Commerson, ni même les chroniques de Bernadille.


Esquisses et croquis parisiens — Petite chronique du temps présent, par Bernadille
E. Plon et Cie — 1876



Bernadille est le pseudonyme de Victor Fournel.

Victor FOURNEL (1829 —), publiciste et littérateur, né à Cheppy, près Varennes (Meuse). Écrivain d’une activité extrême, qui lui permet de figurer dans dix journaux à la fois, et de publier volumes sur volumes, toujours avec un même succès, on lui doit les Contemporains de Molière, 1859 ; Du rôle des coups de bâtons dans la vie littéraire, 1858 ; Curiosités théâtrales, 1859, etc. Son premier ouvrage : Ce qu’on voit dans les rues de Paris, 1858, livre plein d’humour et écrit avec une verve bouffonne, est un tableau fidèle du côté excentrique de l’ancienne capitale, et brille autant par le pittoresque du style que par l’exactitude de l’observation.
M. Victor Fournel collabore à la Gazette de France, à l’Universel, à l’Union de l’Ouest, au Contemporain, etc.
(Colonel Staaff : La littérature française — 1877)