Eh bien voilà : vous avez par mégarde arraché la couverture
de votre bouquin, ou alors vous l'avez fait tomber et le cartonnage s'est
déboîté. « Pas de problème, vous dites-vous, je vais le ré-pa-rer ! »
Et avec quoi, s'il vous plait ? Du ruban adhésif, c'est ça ?
Bravo.
Compliments, c'est réparé.
Vous l'avez bardé d'adhésif au dos, vous avez rapproché les lèvres béantes des pages et bien lissé avec votre doigt la bande transparente qui doit les lier pour l'éternité. Mieux encore, pour qu'il soit désormais protégé, vous l'avez recouvert d'une couverture plastique ou, moindre mal, de papier cristal que vous avez aussi fixé avec le même adhésif au revers.
Fier de votre œuvre, vous replacez votre prestigieux travail dans votre bibliothèque et vous n'y pensez plus.
Vous avez raison de ne plus y penser.
J'envie votre manque de remords.
Car vous venez de tuer un livre.
Le ruban adhésif, autrement appelé « Scotch » — mais je préfère être impartial et mettre cette cochonnerie sous son titre générique et non sous l'une de ses marques — est le fléau du libraire et de l’amoureux du livre.
Et avec quoi, s'il vous plait ? Du ruban adhésif, c'est ça ?
Bravo.
Compliments, c'est réparé.
Vous l'avez bardé d'adhésif au dos, vous avez rapproché les lèvres béantes des pages et bien lissé avec votre doigt la bande transparente qui doit les lier pour l'éternité. Mieux encore, pour qu'il soit désormais protégé, vous l'avez recouvert d'une couverture plastique ou, moindre mal, de papier cristal que vous avez aussi fixé avec le même adhésif au revers.
Fier de votre œuvre, vous replacez votre prestigieux travail dans votre bibliothèque et vous n'y pensez plus.
Vous avez raison de ne plus y penser.
J'envie votre manque de remords.
Car vous venez de tuer un livre.
Le ruban adhésif, autrement appelé « Scotch » — mais je préfère être impartial et mettre cette cochonnerie sous son titre générique et non sous l'une de ses marques — est le fléau du libraire et de l’amoureux du livre.
Le livre que vous avez « restauré » il y a peu devient vraiment
solidaire du ruban adhésif au bout de peu de temps, c’est même le plus souvent
immédiat. Impossible de l'en séparer car le risque d’arracher le papier,
soit sa couche superficielle, soit de provoquer son déchirement, est inévitable.
Vous allez avoir le temps de macérer dans vos regrets. En effet, l'opération
qui suit est un peu plus lente mais tout aussi inéluctable. Par capillarité, le
papier va absorber la substance collante, laquelle a déjà commencé à changer de
couleur en virant au jaunâtre et bientôt au brunâtre. Enfin, la partie
transparente en matière vraisemblablement dérivée d'un plastique commence à se
rigidifier, à subir une sorte de vulcanisation, elle commence à se détacher
laissant sous elle une bande marron et parfois — c'est amusant ! — encore
collante ou bien poisseuse. Phénomène qui n'est pas sans intérêt : les livres
qui côtoient ces belles restaurations sont ainsi collés à celles-ci avec le
risque de voir un arrachage de la surface des couvertures... Ainsi, l'on
bousille trois bouquins d'un coup au lieu d'un en utilisant cette bombe à
retardement qu'est la dégradation progressive du ruban adhésif.
Ah, ces pages de garde collantes, parce que vous avez utilisé ces mêmes
adhésifs pour maintenir du papier cristal ! Mais pourquoi faire, Grands Dieux,
le cristal tient tout seul ! (Je vous ferai une démonstration, un de ces jours.
Bien sûr, la matière collante a traversé la couverture et vous vous retrouvez
avec des bandes brunes sur celle-ci. Y a-t-il un réconfort à tout cela ?
En toutes choses, il faut voir le côté positif : vous avez des chances de garder cet ouvrage jusqu’à la fin de votre vie, car aucun libraire n’en voudra. Ainsi, perpétuel compagnon de vos regrets, il vous suivra jusqu’à votre sénescence, voire au-delà. Comme il n’est nul luxe inutile — et le livre fait précisément partie de ces choses superflues dont on ne saurait se passer (sauf ceux qui se gobergent de leur ignardise, bien sûr) — je vous conseille de faire de vos expérimentations hasardeuses en matière de restauration un joli bûcher in-octavo pour vous accompagner aux cieux. Ainsi, ces mêmes remords se disperseront avec vos cendres.
En toutes choses, il faut voir le côté positif : vous avez des chances de garder cet ouvrage jusqu’à la fin de votre vie, car aucun libraire n’en voudra. Ainsi, perpétuel compagnon de vos regrets, il vous suivra jusqu’à votre sénescence, voire au-delà. Comme il n’est nul luxe inutile — et le livre fait précisément partie de ces choses superflues dont on ne saurait se passer (sauf ceux qui se gobergent de leur ignardise, bien sûr) — je vous conseille de faire de vos expérimentations hasardeuses en matière de restauration un joli bûcher in-octavo pour vous accompagner aux cieux. Ainsi, ces mêmes remords se disperseront avec vos cendres.
Mais ne restons pas sur ces funèbres considérations.
S’il n’y a guère de remède aux brunissures infligées par ces bandes adhésives, il faut se dire que cela n’a guère d’importance pour un livre de poche. A moins, bien sûr, d’y tenir pour des raisons sentimentales. Se pose également la question de la pérennité de certains ouvrages apparemment courants à leur sortie et qu’un quelconque purgatoire a raréfié. Ceux-là sont des victimes potentielles. Le problème se pose de moins en moins au fur et à mesure que l’on remonte cette hiérarchie mouvante du livre de valeur. Il est parfois des exceptions...
Les alternatives aux adhésifs sont réduites. Si vous jugez que votre ouvrage est digne de subir une restauration, adressez-vous à un relieur. Il saura vous proposer une restauration certes un peu voyante, parfois, par rapport au résultat immédiat et flatteur des rubans adhésifs. Il s'agira ici d'apposer une bande de papier de soie enduite de colle à poisson. Mais ces restaurations ont l’avantage d’être réversibles, la plupart du temps. Effectuée par un professionnel le résultat de l‘intervention est même invisible. Très souvent, même, l’habileté de l’artisan vous permettra de prolonger la vie de vos livres en leur offrant des emboîtages … Enfin, si la colle à poisson et le papier de soie ne vous satisfont pas alors que vous avez arraché malencontreusement une couverture, posez-vous la question d’une reliure ou d’un bradel. Mais tout ceci est déjà un autre sujet.
S’il n’y a guère de remède aux brunissures infligées par ces bandes adhésives, il faut se dire que cela n’a guère d’importance pour un livre de poche. A moins, bien sûr, d’y tenir pour des raisons sentimentales. Se pose également la question de la pérennité de certains ouvrages apparemment courants à leur sortie et qu’un quelconque purgatoire a raréfié. Ceux-là sont des victimes potentielles. Le problème se pose de moins en moins au fur et à mesure que l’on remonte cette hiérarchie mouvante du livre de valeur. Il est parfois des exceptions...
Les alternatives aux adhésifs sont réduites. Si vous jugez que votre ouvrage est digne de subir une restauration, adressez-vous à un relieur. Il saura vous proposer une restauration certes un peu voyante, parfois, par rapport au résultat immédiat et flatteur des rubans adhésifs. Il s'agira ici d'apposer une bande de papier de soie enduite de colle à poisson. Mais ces restaurations ont l’avantage d’être réversibles, la plupart du temps. Effectuée par un professionnel le résultat de l‘intervention est même invisible. Très souvent, même, l’habileté de l’artisan vous permettra de prolonger la vie de vos livres en leur offrant des emboîtages … Enfin, si la colle à poisson et le papier de soie ne vous satisfont pas alors que vous avez arraché malencontreusement une couverture, posez-vous la question d’une reliure ou d’un bradel. Mais tout ceci est déjà un autre sujet.
Billet légèrement revu, publié originellement en octobre 2008 sur le blogue Feuilles d’automne.
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