lundi 23 août 2021

Le livre dans l'entre-deux-guerres — I

La guerre avait appris à lire aux Français. Cinq années s’étaient passées à attendre : les uns attendaient de partir au front ou d’être relevés des tranchés ; les autres attendaient le retour des premiers. Pour tromper le temps, on lisait au front La Vie parisienne et des romans tristement gais, et à l’arrière des récits de guerre plus ou moins frelatés.
Lorsque la paix éclata, une multitude de quasi-illettrés avaient pris l’habitude de lire et la demande de papier imprimé, immédiatement, dépassa l’offre. Or le nombre de faiseurs de livres n’avait pas augmenté dans la même proportion que celui des amateurs de lecture, les nouveaux auteurs de la guerre remplaçant tout juste les tués de la corporation.
Certains éditeurs comprirent qu’avec l’appui d’une de ces publicités massives réservées jusque-là au lancement des spécialités pharmaceutiques, il devenait possible de rassembler sur leur seul nom un nombre immense de lecteurs. Alors que les maîtres de l’école naturaliste — Zola, par exemple — n’étaient arrivés en trente ans qu’à quelques tirages de 100 000 exemplaires, un Albin Michel, avec le coup de tam-tam approprié — « Regardez cet homme, il sera demain célèbre ! » — pur répandre les premiers romans d’aventure de Pierre Benoit à plusieurs centaine de mille. Et dans la suite, Maurice Dekobra surpassa sans doute Benoit.
Il est à remarquer que le nombre des acheteurs de livres est beaucoup plus grand en Allemagne qu’en France. Trois livres de Bonsels — dont le fameux Voyage aux Indes — furent tirés en langue allemande à plus de 800 000 exemplaires, et Tomas Mann à peur près les mêmes chiffres. Certains livres de guerre ont connu outre-Rhin, des tirages considérables : Classe 22, d’Ernst Glaeser, 800 000 ; Krieg (« Guerre ») de Ludwig Renn, 150 000 ; Le Débat au sujet du sergent Grischa, d’Arnold Zweig, 300 000 ; enfin l’œuvre d’Erich Maria Remarque, Im Westen nichts Neues (« À l’Ouest rien de nouveau ») a battu tous les records du monde avec 975 000 exemplaires vendus en Allemagne seulement (et 3 ou 4 millions en traductions).
Cet accroissement imprévu du nombre des acheteurs de livres en France explique les rapports nouveaux qui s’établirent entre auteurs, éditeurs et libraires.
Avant la guerre, le jeune écrivain faisait longuement antichambre chez l’éditeur. S’il avait quelques disponibilités, on lui proposait gentiment de l’imprimer à compte d’auteur. Proust, Mauriac, Maurois, et tant d’autres, commencèrent de la sorte. Si le débutant était pauvre, il fallait que le tout-puissant éditeur lui trouvât des qualités exceptionnelles pour le lancer à ses risques et périls.
Du jour ou, au lendemain de la guerre, la demande dépassa l’offre, la situation se trouva renversée. L’auteur ne se présenta plus en solliciteur honteux. C’est au contraire l’éditeur qui se mit à rechercher fébrilement tous les noircisseurs de papier capables de lui fournir la matière première de son commerce en plein essor.
Bien entendu, ce ne furent pas les « vieux lutteurs » blanchis sous le harnois qui profitèrent du changement d’atmosphère, mais les jeunes qui, ignorant les usages d’avant-guerre, posèrent leurs conditions. Parmi les éditeurs, les uns, discernant la capacité d’absorption sans cesse accrue du grand public, se plaignaient de ne pas trouver assez de copie à imprimer ; les autres étaient pris d’une terreur panique de se laisser chiper par quelque rival l’un de ces nouveaux génies en mesure de faire la fortune d’une maison.
L’affolement fut tel quel la trésorerie des principales maisons dut être totalement remaniée. Alors que jadis l’éditeur payait aux auteurs leurs droits une fois l’an après inventaire, toute maison « à la page », pour s’attacher les écrivains à succès, dut leur faire non seulement des avances, mais de véritables pensions. Ce fut surtout le cas des « poulains » de la N.R.F. (Drieu La Rochelle) et de Grasset (Radiguet). 
[…]

Jean Galtier-Boissière : Mémoires d'un Parisien, tome II (1961)
Chapitre XVII : Souvenirs de mon commerce

vendredi 20 août 2021

Une historiette de Béatrice

« Dites-moi, il fait combien ce livre ? Ah c'est le prix indiqué là, vraiment ? 18 euros, TOUT DE MÊME !!! »

jeudi 19 août 2021

Une historiette de Béatrice

« Vous allez me faire un petit prix, hein, tarif 3e âge, grand-père qui doit acheter une glace à ses petites-filles ? »
Et les gamines qui baissent le nez, rouges de honte.

mardi 17 août 2021

10/18 — Boris Vian : Trouble dans les Andains




Boris Vian

Trouble dans les Andains


n° 497

Paris, Union Générale d'Édition
Coll. 10/18

191 pages (192 pages)
Dépôt légal : 2e trimestre 1970
Achevé d'imprimer : 23 avril 1971

(Contribution du Tenancier)
Index

dimanche 15 août 2021

Une historiette de Béatrice

« Je la connais cette photo, un des trois est Sacha Guitry, je ne sais pas lequel. Ah non ? Pas Guitry ? Mais c'est quelqu'un de très connu, j'ai perdu son nom, tout le monde sait cela. Je l'ai vu à la télé, j'en suis certain. »
August Sander, 1913, trois paysans en habit du dimanche.

mardi 10 août 2021

Jeu

Eh oui, votre Tenancier sent bien une sorte de regret, à découvrir la récurrence de liens (colonne de droite) qui se rapportent aux jeux auxquels nous nous étions livrés à une époque. Est-ce un appel informulé ? On vous voit venir : on nous la fait à l'influence pour jouer les bêcheurs ensuite (trop facile, trop trivial, pas assez georgien !)
Tant pis. Allons-y quand même :

À quel film se rapporte donc cette image aux indices consternants de facilité?


Comme d'habitude, votre réponse en commentaires.

L'art de commencer ses phrases

[…]
  Paul Léautaud — Je n’ai jamais rien lu, dans ma vie, sans regarder beaucoup plus comment c’était écrit que ce que ça racontait.
  Robert Mallet — C’est surprenant de votre part.
  P.L. — Mais si, c’est comme ça. Un homme de lettres fait beaucoup plus attention à la façon dont c’est fait qu’à l’histoire elle-même. C’est de la déformation. Vous n’avez jamais observé cela, pour votre compte, quand vous lisez ?
  R.M. — Si, mais je l’ai parfois regretté. On arrive à ne plus assez penser à ce qui a été exprimé.
  P.L. — C’est en lisant des écrivains verbeux que j’a appris à écrire, en lisant des gens qui abusaient des images, pullulaient de l’adjectif et qui bavardaient.
  R.M. — Alors, c’est par réaction, en somme que vous avez écrit sobrement. Vous avez commencé par les imiter et ensuite, vous…
  P.L. — Je n’ai jamais imité les mauvais écrivains !
  R.M. — Vous les avez imités à vos débuts quand vous n’avez pas su vous défaire de certaines outrances verbales.
  P .L. — Mais ça n’a pas duré longtemps. Aujourd’hui, je suis intraitable. Quand le dernier volume du Journal de Gide a paru, j’ai écrit, sur le champ, une lettre à Gide, une lettre au crayon qui a au moins trois pages, et que je n’ai pas encore eu le courage de mettre à l’encre. Je lui fais des reproches sur son style. Je lui dis entre autres : « Vous commencez vos phrases par “Car”… Vous commencez à la ligne par “Mais”… Ça ne doit pas se faire. »
 
Paul Léautaud : Entretiens avec Robert Mallet (1951)

Abréviations : Lettre F

f.
ff.
f°.
fasc.
fers à fr.
front.
fig.
fx tit.








feuille
feuillets
in-folio
fascicule
fers à froid
frontispice
figure
faux titre

samedi 7 août 2021

Une historiette de Béatrice

— Les prix sont fixes ?
— Oui monsieur
— Je demande, on peut les discuter tout de même
— ...
— On n'est pas au Monoprix, au Monoprix les prix sont fixes, vous faites comme vous voulez mais moi je discute.

vendredi 6 août 2021

10/18 — Boris Vian : L'automne à Pékin




Boris Vian

L'automne à Pékin

suivi de
Avant de relire L'automne à Pékin
par
François CARADEC

n° 208

Paris, Union Générale d'Édition
Coll. 10/18
Volume triple

310 pages (320 pages)
Dépôt légal : 4e trimestre 1967
Achevé d'imprimer : 4 octobre 1974

(Contribution du Tenancier)
Index

mercredi 21 juillet 2021

CENT !

L'historiette de Béatrice que vous venez de lire est la centième publiée sur le blog. Le plaisir éprouvé à lire ces saynètes, rédigées avec concision et humour ne vas pas se tarir si vite. Nous en possédons presque autant et nous gageons que le répertoire s’étoffera avant que nous venions à bout de notre réserve. Merci à Béatrice, pour ces infimes morceaux de la comédie humaine et d'avoir autorisé le Tenancier à les reproduire. On espère qu’un jour un éditeur aussi avisé que le fut Fabrice Mundzik entreprenne une édition augmentée de ces historiettes…