Diable, aurais-je l’intention de
doubler, voire de tripler
ma bibliothèque simenonienne en prenant ces quatre bouquins dans
la boîte
à livre et en les joignant à l’héritage maternel
?
La pêche reste pourtant simple, qui va peut-être s’ajouter aux
cartonnages sous
jaquette des romans de Simenon aux Presses de La Cité, que ma mère
allait
acheter, en faisant un crochet chez un bouquiniste au retour du marché
des
Lices, à Rennes. À détour plus modeste, résultat en rapport. On se
contentera
de ces merles au format poche. On l’a constaté déjà, Simenon n’est pas
rare
dans ce genre de gisement et pas le pire, à côté de conneries, comme
les livres
de Slaughter ou des trucs que notre dissonance cognitive se refuse à
identifier
comme des livres. Simenon convient bien à la Vie de Province et même à
l’ambiance
de sous-préfecture où je réside. Rentrer du marché avec de quoi faire
un bœuf bourguignon
et des bouquins de Simenon dans le cabas, c’est décider de se mettre au
diapason. Cela revient à se plier également à un certain art de vivre
et à une
certaine façon de manger. La cuisine de ma mère me manque, sa
bibliothèque me
la rappelle…
Tiens donc
!
Je n’avais pas ce Mac Orlan
!
J’étais pourtant convaincu de le posséder dans une édition correcte… Il
est
vrai qu’à force de l’avoir croisé lorsque j’étais libraire, je me suis
persuadé
qu’il était à m’attendre parmi les autres livres de l’auteur, derrière
moi, là,
au moment où je vous écris. Bien, comme les Simenon, l’exemplaire est
modeste,
mais sympathique, comme le sont les bouquins de la collection Le Livre
de Poche
dans leur ancienne édition. En effet, la typo moins pâlotte rend leur
lecture
agréable. Celui-là comporte des rousseurs, pas rédhibitoires,
toutefois. Je possède
quelques bons exemplaires de livres de Mac Orlan, sans prétendre à la
bibliophilie — parce que je n’en ai pas les moyens. Je vais tout
de même
tenter d’améliorer cette prise un de ces jours.
Bon sang, il me reste si peu de temps (je vais bien,
rassurez-vous, mais la vie est trop courte)...
J’ai connu l’auteur dans mon enfance, par une de mes sœurs, qui
en était l’amie. J’étais curieux d’apprendre les détails de l’épisode
de son
bref emprisonnement en raison de son implication avec Action Directe,
de cet
étrange manque de lucidité au nom d’un romantisme révolutionnaire qui a
semblé
traverser une certaine génération. Aussitôt acheté, aussitôt lu :
je
mesure l’effort consenti à ce retour de mémoire. Il est moins question
de
dialectique et de praxis que d’amitié trahie et d’emprise. Cela nous
est tous
arrivé, certes, mais cela ne nous a pas tous conduits à l’isolement en
Préventive. Du reste, c’est-à-dire de la lucidité politique qui le fait
mêler
Makhno et Marx, jusqu’aux «
bonnes
œuvres
»
de la
mitterrandie, on s’abstiendra de se prononcer. On a bien fréquenté de
ce
côté-ci du clavier des gens de gôche (Mitterrand, Lang, toussa)
— dont une
que j’avais sous les yeux — à Radio libertaire… Au moins, pour ce
qui
concerne Dan Franck, il semble en accord avec lui-même et n’a sans
doute impliqué
que lui par son obstination à respecter son éthique. Je n’avais pas lu
de ses
livres depuis longtemps. Celui-ci m’a renvoyé au temps où ma sœur
— qui n’y
est pas citée, comme dans certains de ses romans — était encore
vivante.
Dites-donc, cette rubrique vire à la nostalgie…
Georges Simenon : Le haut mal — Arthème Fayard, 1955
Georges Simenon : Les 4 jours du pauvre homme — Presses de La Cité, 1954
Georges Simenon : Strip-tease — Presses de La Cité — 1986
Georges Simenon : Le coup de Lune — Presses Pocket — 1976
Pierre Mac Orlan : À bord de l'Étoile matutine — Le Livre de Poche, 1962
Dan Franck : L'arrestation — Grasset, 2023