vendredi 3 mai 2024

Tous les peuples...

Tous les peuples originaires des îles du nord et des confins de l’Héspérie : les Goths, appelés également Scythes, ou encore les Gètes, nation tumultueuse et composite qui comprend les Sylores, les Adogits, les Créfennes qui consomment la chair blanche des oiseaux, les Theusthes, les Vagoths qui vivent de l’air du temps, les Hallins durs à la tâche, les Suéthans qui se livrent au commerce des peaux saphirines, les Liothides, les Athelnils, inégalés constructeurs de murailles, les Finnaithes, les Fervirs aux doigts percés de clous de cuivre, les Gautigoths, race farouche, les Evagères qui vivent au milieu des marais, les Sucombres, les Othinges, grands pourfendeurs de rochers, les Raumarices, les Rustholes, qui naviguent sur l’eau des rêves, les Raugnariciens, les Finois aux moeurs très pures, les inoviloths, les Suétides qui eurent pour ancêtres les dieux Frigidern et Widicula, les Cogènes, qui se cousent des parures en queues de rats, les Granniens, les Aganzies, les Unisces qui se font dresser les cheveux sur la tête, les Ethelruges qui vénèrent les mouches vrombissantes, les Arochniranes qui, comme leur nom l’indique, élèvent des araignées, les Ulméruges, les Ovimes qui passent pour avoir peuplé les premiers les terres de la Scythie, les Spanes, les Histériens qui s’agitent et prennent toutes choses de haut, les Sères, les Gépides sur lesquels Ablabius a écrit les pires choses avec talent, la tribu acariâtre et populeuse des Whinides, les Sclavins, les Antes qui vivent dans des caves, les Vidioariens, qui ne boivent que de l’eau des sources, les Itemestes, les Agazzires qui piétinent leurs propres moissons, les Auziagres, les Aviri, les Hunnagares, qui font tout à cheval, les Amales aux dents cariées, les Lazes, les Roscolans que gouverna Dicénus le Boroïste, les Tamazites dont hommes et femmes vivent chacun d’un côté et de l’autre de la rivière, les Sarmates qu’aima et combattit le poète Sextus Publius Galba, les Bastarnes, les Marcomans, les Piduzes, chaussés de sandales en peau humaine, rehaussées de pointes, les Guales, les Garpes, les Peucènes qui s’offusquent d’un rien, les Volusques, qui puent de la bouche, les Thrènes, les Astinges, les Hermundures qui se battirent sous les ordres de l’esclave Sitalcus, les Thuides, les Aunxes, qu’on n’attendait plus, les Vasinabronces, les Agathyrses qui servent le dieu Foncle, les Polivés qui se chamarrent le corps de poudre d’améthyste, les Tamurses, lents à la détente, les Exes, les Ivoines avec leurs frères les Pilures, les Mérens, les Mordeusimmes qui chassent l’homme au harpon, les Cares, les Roces, les Tadzans, doués dans la fabrication de chariots bâchés d’écorce, les Athuals, les Navegos dont personne n’a réussi à parler la langue, les Bubegentes, les Coldes que nul ne connaît, les Aliorumes, les Ramaxis, frères en désespoir avec les Tardes, les Alipzures, les Teusquins, les Alcizures qui se prétendent leurs cousins, les Itamares dont l’existence reste incertaine [...]

La suite ici

Alain Nadaud : Petit catalogue des nations barbares (1999)

jeudi 2 mai 2024

Bibliographie commentée des Minilivres aux éditions Deleatur — 33


René Troin

Vingt palindromes

Angers — Éditions Deleatur, 1998
Plaquette 7,5 X 10,5 cm, 16 pages, dos agrafé, couverture à rabats, pas de mention de tirage
Achevé d'imprimer en novembre 1998 sur les presses de Deleatur pour le compte de quelques amateurs



Le Tenancier : On reconnaît chez l’éditeur l’amour du jeu autour des mots. Mais je crois qu’il est important ici de revenir sur René Troin, qui semble avoir occupé une place intéressante dans le réseau des amitiés autour de Deleatur et d’ailleurs.
 
Pierre Laurendeau : Tu as visé juste, comme toujours, ô Tenancier. René Troin fut un « deleaturien » de la première heure. Il semble me souvenir qu’il avait découvert un article sur Alice-Crime* dans une revue improbable du genre Rock Star – où un ami journaliste, Patrick Le Fur, arrivait à placer des piges très nettement hors contexte ! À moins que ce ne soit dans Fascination, dont la rubrique livres faisait la part belle aux productions du Fourneau, Deleatur et consorts (merci Jean-Pierre !).
Toujours est-il que René répondait présent à chaque envoi d’un vient-de-paraître de Deleatur. Je connaissais son appétit pour les plaquettes improbables et les auteurs clandestins, mais j’ignorais qu’il écrivît [pour une fois qu’on peut placer un imparfait du subjonctif à bon escient !] lui-même. Aussi fus-je très étonné de recevoir en 1998 ce recueil de palindromes, écrits tout exprès pour les minilivres – collection que René appréciait particulièrement ! Parmi les vingt, j’aime beaucoup « Ni rupin ni purin » ou « Et navet elle te vante », qui définit très bien les collusions entre Saint-Germain-des-Prés et la presse spécialisée dans les renvois d’ascenseur.
Ce sera le début d’une collaboration soutenue : encore quatre minilivres, les 35, 41, 52 et 55, et trois ouvrages : La Crau, Arizona (Deleatur), magnifique récit d’une jeunesse réinventée dans une petite ville du Var ; Georges écrit (Ginkgo), faux polar à tiroirs ; Chantier Schéhérazade (Sous la Cape), de l’art de raconter des histoires à la manière des Mille et Une Nuits (un récit inoubliable du passage rêvé des Beatles à La Crau). Plus, après sa disparition, un recueil hommage d’articles sur la chanson française, dont René était un fin connaisseur : Teppaz, SLC & Co.
 
Je reviendrai sur son vrai talent de joueur de mots à l’occasion de On se fait à l’idée, et c’est moi qu’on assassine ou de Douze aventures de Câline et ses amis.
Même si j’entretiens des relations amicales avec certains membres ou apparentés de plusieurs OuXpo, j’ai parfois du mal avec les productions à contrainte qui peuvent être laborieuses. De plus, il me semble qu’il y a une sorte d’OPA sur les jeux de langage – peut-être d’ailleurs à leur corps défendant – qui rend difficile de promouvoir, notamment auprès des libraires, des textes construits sur des contraintes narratives non estampillés par l’Ouvroir. Or le champ des possibles est très ouvert et je connais de nombreux écrivains qui s’y livrent avec délices et réussite : si on laisse de côté les précurseurs (Alphonse Allais ou Raymond Roussel), je citerai volontiers Yak Rivais, avec son roman Les Demoiselles d’A. paru chez Belfond en 1979, constitué d’un collage de 750 citations, empruntées à 408 auteurs ! Ou Jean Lahougue, dont Le Domaine d’Ana (Champ Vallon, 1998), construction vertigineuse d’une exploration du langage autant que roman d’aventures à la Jules Verne. Je citerais volontiers Patrick Boman, dont on a évoqué ici A Naïve Romance (numéro 19), ou Jean-Paul Plantive (qu’on découvrira avec Le Mystère de la chaise enfin percé, numéro 48), auteur de brillants distiques holorimes.
 
René Troin a exploré en profondeur les structures narratives, mais plus pour s’en affranchir avec élégance que pour respecter scolairement des codes. Dans Georges écrit, les strates du récit s’enchevêtrent subtilement, sans que le lecteur ait nécessairement conscience de la rigueur de la construction.
 
Voici la notice que j’avais rédigée pour sa fiche « Sous la Cape » : « René Troin (1952-2016), tour à tour instituteur, animateur de radio associative, puis journaliste et écrivain, était un passionné de chanson, notamment celles des sixties. Se définissant comme un “expert sans assurance”, il a écrit sur ce sujet, dans une langue très élégante, de nombreux articles extrêmement documentés, aussi drôles qu’érudits. »
   
* Le premier polar potentiel, paru en 1979 à l’enseigne de Deleatur.

mercredi 1 mai 2024

Fins de siècle


(Cliquez sur l'image pour en savoir plus)

Avec cette parution, le Tenancier se paye un peu de nostalgie, non en raison du sujet traité à quatre reprises dans ce recueil, mais parce que la moitié des nouvelles fut rédigée vingt-cinq ans plus tôt, à l’époque ou la SF le passionnait plus que désormais. En effet, il s’agit de récits que l’anglomanie ayant cours dans ces cénacles qualifierait de « steampunks » et que notre côté emmerdeur dénommerait plutôt des rétrocipations. En tout cas, l’on s’est bien amusé et l’on espère que le lecteur aussi, ce qui compte, n’est-ce pas ?

Yves Letort : Fins de siècle, illustration de Fabrice Le Minier, Flatland éditeur, 2024.

jeudi 25 avril 2024

Une historiette de Béatrice

Il entre.
Les mains dans les poches, auréolé de son (très) entêtant parfum et le chemisier cintré ouvert à la BHL, il mâche son chewing-gum à s'en déboîter les mandibules. Il s'arrête à un mètre de la porte, regarde les rayonnages en faisant pivoter sa tête : malgré son mâchouillage compulsif, il m'évoque immédiatement un coq.
Il fait demi-tour et s'en va.

mardi 23 avril 2024

Nocturne

« C'est l'heure de la fermeture, vous n'êtes pas obligés 
de rentrer chez vous, mais vous ne pouvez pas lire ici."
(Tom Gauld)

mercredi 3 avril 2024

L'escalier


Pour la quatrième fois depuis 2013, votre Tenancier figure au sommaire du Visage Vert. Les autres nouvelles concernaient le Fleuve, son univers de prédilection. Celle-ci fait exception et aborde un autre registre. Pour ne pas perdre les bonnes habitudes, Céline Brun-Picard a illustré cette histoire de concierge un peu spéciale...

mardi 2 avril 2024

lundi 11 mars 2024

Pause

Votre Tenancier chéri est de nouveau accaparé pour par des choses importantes.
D'ailleurs, vous en aurez des nouvelles assez rapidement.
De retour dans quelques jours...

samedi 9 mars 2024

Faune


Faune
de Alice Savoie, une commande publique d'un caractère typographique
(À regarder « plein écran »)


« Le caractère typographique Faune dessiné par Alice Savoie a été lancé en janvier 2018 au ministère de la Culture. Il résulte d’une commande du Centre national des arts plastiques en partenariat avec l’Imprimerie nationale. Un appel à candidature a été publié fin 2017 pour lequel une trentaine de dossiers ont été reçus. Trois ont été sélectionnés afin de proposer un projet de caractère typographique qui s’inspirait des savoir-faire et du patrimoine de l’atelier du Livre d’art et de l’Estampe de l’Imprimerie nationale. Le projet d’Alice Savoie a été choisi par un jury de professionnels pour la qualité de sa proposition et pour sa cohérence globale. Le design du caractère typographique Faune s’inspire de deux ouvrages majeurs consultés lors de la visite de l’Atelier du Livre d’art et de l’Estampe de l’Imprimerie nationale, de ses riches collections d’ouvrages et de son cabinet des poinçons : l’Histoire naturelle de Buffon et la Description de l'Égypte, commandés par l’Empereur Napoléon 1er. L’attention d’Alice Savoie s’est portée sur les reptiles, les oiseaux et les mammifères, trois classes d’animaux aux morphologies contrastées qui lui ont inspiré les formes typographiques du Faune. Ainsi, la vipère fine et sinueuse a inspiré le dessin d’une version très fine, le bélier trapu a dicté les formes du gras, tandis que l’ibis noir a fait naître le dessin très singulier de l’italique. Ces trois versions de titrage ont ensuite, grâce aux outils numériques été complétées par trois versions intermédiaires adaptées à la composition de textes. En résulte une famille de caractère hybride, inventive et singulière qui s’inscrit dans les usages les plus contemporains. Pour compléter ce projet résolument inspiré du règne animal et lui donner une dimension ludique l’illustratrice Marine Rivoal a dessiné avec la technique de la calligraphie, un bestiaire contemporain. Le caractère Faune, accompagné de toutes ses études préparatoires, croquis, dessins, maquettes et fichiers numériques a rejoint la collection du Cnap. Cet ensemble passionnant décrit pas à pas le processus qui a été celui d’Alice Savoie pour imaginer cette famille typographique. »
En téléchargement sur :
https://www.cnap.fr/sites/faune/
(Notice sur la chaîne Youtube)