Espérons que cet opuscule sera secourable à l'écrivain en panne sèche...
vendredi 30 septembre 2022
48 dédicaces modèles pour tous les usages
Espérons que cet opuscule sera secourable à l'écrivain en panne sèche...
mardi 20 septembre 2022
Ah, c'est vous, l'écrivain ?
Nous resterons tout de même surpris le jour où l’on abordera ce genre de chose d’une manière différente.
dimanche 18 septembre 2022
Scoumoune
— Ouais, eh bien ?
— Tu me crois si je t’affirme qu’il fait partie des meilleurs romanciers contemporains ?
— Qu’est-ce qu’il a publié ?
— Trois romans, à ce que je sais.
— Ah, mais parce que tu ne les as pas lus ? Alors comment peux-tu prétendre qu’il est bon ?
— Tout de même si, je peux. J’en ai parcouru des bouts, quoi ! Il vérifie l’adage selon lequel il ne suffit pas d’avoir du talent. Avoir du bol aide aussi. Son premier bouquin, comme attendu, ne rencontre pas son public, comme on le glisse de façon pudique, pour consoler. Il faut avouer que le jour du lancement correspond au début d’une série d’attentats dans la ville…
— En effet, ça ne favorise pas.
— Il oublie son deuxième opus dans un taxi, une photocopie. Je te rappelle que tout cela se passe avant l’informatique…
—… et le plantage des disques durs.
— Ouais. Il traîne avant de reproduire son original, parce que ce genre de facétie coûte un peu et qu’il ne roule pas sur l’or. Le temps que le manuscrit parvienne au comité de lecture, un bouquin paraît avec de curieuses similitudes. Impossible de prouver l’antériorité. Il se retrouve marron, avec un éditeur qui le soupçonne de magouiller.
— Je sens la suite : il abandonne et se remet à un autre roman, juste ?
— C’est ça. Tout se déroule selon ses vœux. Le comité de lecture se montre élogieux, il rencontre l’attaché de presse qui lui promet des articles ici et là.
— Et alors ?
— Alors : liquidation judiciaire pour la maison d’édition. Le boss est parti avec la caisse. Le bouquin, déjà imprimé, ne sort pas de l’entrepôt, sauf une palette qu’il a achetée en empruntant. Il envoie des exemplaires à des journalistes et rien en retour, ou alors un entrefilet du genre : “livres reçus par notre rédaction”.
— Le prochain, je devine une invasion extraterrestre ou une guerre atomique.
— N’exagérons pas. Il tombe amoureux et perd son style en même temps, semble-t-il, que son pucelage. Le roman, retoqué partout, finit en autoédition. Il renonce à racheter des exemplaires. Heureusement, il se lasse de l’objet de son émoi et retrouve son écriture. Je te passe les Bérézinas successives, ça nous attristerait. Pour une discussion d’apéro, cela ne sied pas. Enfin, à force de patience, il parvient à entrevoir un moyen de vivre de sa plume, en la mettant à louer.
— Adieu la création…
— Oh, ça limite, mais n’empêche en rien le travail pour soi. Bref, on lui confie la réécriture du bouquin d’un boss de labo pharmaceutique, du gré à gré, sans passer par un éditeur puisque publié par les potards eux-mêmes.
— Bien.
— Ouais. Le livre rencontre un certain succès. Il faut dire que le contenu de départ ne se révèle pas trop honteux par rapport à la norme. Il est convoqué au bureau directorial afin de recevoir un petit tas de talbins qui va lui permettre de travailler pour lui pendant quelques semaines. Le boss est au téléphone et il invite notre gars à s’asseoir pendant que l’engueulade continue dans le combiné. Passe-moi l’expression, mais ça chie dans le ventilo. Le labo a produit un excédent de gélules anti diarrhéiques à ne plus savoir qu’en faire. De plus la péremption arrive dans six mois. C’est là que la grande idée lui apparaît.
— À qui ?
— Eh bien, à notre auteur ! Suis un peu ! Bref, il propose au boss de le rémunérer avec ce stock en excédent : 10 000 gélules ! Tu parles, que celui-ci saute sur l’occasion ! Il lui cède même un bout d’entrepôt, du moment que ça n’apparaît plus sur son bilan.
— Qu’est-ce qu’il compte en faire ?
— Pour lui, c’est l’idée du siècle : il va refourguer ça comme des aphrodisiaques. Ne me questionne pas sur son cheminement de pensée et comment il se retrouve devant un trafiquant de médicaments deux semaines plus tard. L’affaire foire.
— Comment ça ?
— Ce n’est pas parce que tu fais dans la contrebande pharmacologique en Afrique que tu deviens obligatoirement con. Le type connaît très bien la marchandise. Il flaire l’arnaque. Lui, sa spécialité, c’est de vendre du générique au prix du haut de gamme. Les marges restent serrées, mais régulières. Il refuse tout net. L’autre, qui pensait aller sur du velours manque se retrouver le bec dans l’eau, étant donné que sa fréquentation des trafiquants de médocs ne se révèle pas étendue, loin de là. Comme par charité, on lui propose de prendre la camelote au prix du transport pour l’amener au port.
— Il accepte, bien sûr.
— Le moyen de passer outre ? Il perd tout en une seule mise. Mais ce n’est pas tout.
— Il se fait serrer par les douanes ?
— Pas du tout. L’auteur rentre chez lui, catastrophé, après avoir paumé son fric, très potentiel, bien entendu. Je te passe ses affres. Pendant ce temps là, dans le pays natal du trafiquant, se déclenche une épidémie de dysenterie mahousse. Celui-là arrive comme un sauveur providentiel et… présidentiel, puisqu’il soigne le chef du gouvernement avec ses gélules acquises à vil prix. Et ça marche ! Comme le médicament ne lui a rien coûté, il offre son stock à la nation. Pour la peine, le voici promu ministre de la Santé par un président qui préfère titulariser un sauveur plutôt que de le retrouver dans l’opposition : voiture de fonction, secrétaire, appartement, et même la possibilité de continuer ses trafics !
— Bien vu !
— N’est-ce pas ? 10 000 gélules, cela reste un peu bref face à une épidémie. Je t’ai signalé qu’il connaissait son métier. Il remonte jusqu’au labo et passe un contrat pour une fourniture régulière. Le boss, qui a flairé l’histoire, se rappelle que tout cela a commencé avec l’idée saugrenue de l’auteur. Pas chien, il lui alloue un revenu constant : une petite somme, entendons-nous !
— C’est toujours ça. Il aurait pu jouer les ignorants.
— Ouais. Sauf que…
— La scoumoune, encore ?
— À ce point, on frise l’indécence. Trois mois plus tard, le labo est poursuivi pour une tapée d’infractions au code des impôts, des douanes et toutes ces choses. Bien sûr, l’émargement de notre auteur se révèle injustifié.
— Mais il a réécrit un bouquin, tout de même !
— Pas déclaré !
— Le pauvre. Qu’est-ce qu’il fait, maintenant ?
— Il écrit des nouvelles. Ça ne paye pas plus, mais le risque reste moindre. Sinon, il rédige des notices de motoculteurs. Pour l’instant, R.A.S. Je te tiendrai au courant si jamais…»
mardi 6 septembre 2022
Comme ça, en passant
Je vous raconte ça en passant. Je me mets en jambes, histoire de me familiariser de nouveau avec l’exercice régulier du blogue, une sorte d’exercice, si vous voyez ce que je veux dire, histoire de prétendre un jour que le Tenancier aura atteint son satori, ou alors qu'il vous aura désennuyé.
mercredi 31 août 2022
Perte de mémoire
Alors, en effet, une certaine qualité de mémoire se dilue, tandis que l’on tente de s’entretenir intellectuellement. D’un autre côté, cette déperdition quitte sa dimension aliénante : plus de pulsions chronologiques ou thématiques, l’oubli participe à un fonctionnement spéculatif qui permet de revenir sur un sujet, de le considérer sous un autre angle, sans le frein de l’indexation. Et puis, tout de même, la capacité demeure, même marginale, et se dirige sur des sentiers différents, plus savoureux, plus sensuels, parfois. Cette sorte de renouveau confirme le fait que l’on s’est lassé de classer, que l’on a délaissé une névrose pour d’autres, que l’on espère plus jouissives. Cela dit, ce n’est pas gagné...
mercredi 10 août 2022
Peplum
Ici il ne faut pas, il me semble, passer sous silence l’activité extraordinaire et tout à fait particulière de notre illustre général. Sachez qu’il n’y a pas en Sicile de ville où l’on n’ait choisi de femme — et non des moindres familles — pour les débauches de ces personnages. Ainsi quelques unes parmi elles s’exhibaient ouvertement dans les banquets. Si d’autres étaient plus réservées, elles choisissaient leur moment pour éviter la lumière et la réunion. Les banquets n’avaient pas lieu dans le silence qu’on observe d’ordinaire à la table des prêteurs et des généraux du peuple romain, ni avec cette réserve qu’on trouve habituellement dans les repas des magistrats, mais au milieu des cris et des éclats de voix. Parfois même l’affaire dégénérait en bataille, on en venait aux mains. Car ce prêteur sévère et actif, qui n’avait jamais obéi aux lois de l’État, observait scrupuleusement celles qu’on établissait pour la boisson. À la fin du banquet, les esclaves devaient emporter dans leurs bras tel convive qui paraissait sortir d’une bataille ; un autre était laissé pour mort ; la plupart, étalés à terre, gisaient sans conscience ni sentiment. À ce spectacle on aurait cru voir non le repas du prêteur, mais la bataille de Cannes de la débauche. »
Cicéron : Des supplices (70 av. JC)
Trad. Michel Malicet
lundi 8 août 2022
Les provocateurs
« Reconnaître un provocateur n’exige aucun talent vraiment excessif. Dans une ardeur protestataire, le provocateur s’attache volontiers à dénoncer un méfait particulier du système — à l’exclusion de tout le reste, qui le produit pourtant, l’exige même et suscite d’autres calamités tout aussi remarquables. Le provocateur ne se contente pas de décrier telle source d’énergie au profit de telle autre qui serait moins immédiatement dévastatrice, mais rejette obstinément la question élémentaire : à quoi servent aujourd’hui ces quantités monstrueuses d’énergie ? Dans l’« épidémie » d’immuno-dépression actuelle (recrudescence mondiale des infections et des cancers) le provocateur met en avant le « scandale du sang contaminé » qui n’a pris une telle importance médiatique que parce qu’il soutenait apparemment la cause virale d’un désastre morbide dont les cofacteurs sont tout autres. Le provocateur dénonce encore avec véhémence les mafias de la drogue, leur personnel et leurs complices pour masquer ce scandale principal que tant de gens ont besoin de drogues aujourd’hui pour supporter leurs conditions effroyables d’existence. Le provocateur dénonce donc beaucoup de scandales particuliers pour cacher ce scandale absolu : comment les hommes peuvent-ils êtres contraints de vivre ainsi ?
Quand il arrive au contraire au provocateur d’évoquer la cohérence du système qui l’inclut, il se montre cette fois étonnamment incapable d’utiliser ses lumières pour exposer utilement un quelconque effet fâcheux de ce système. Sa science factice lui coupe littéralement le sifflet. Il n’en a pas l’usage parce que le sujet de cette connaissance lui est si étranger qu’il est sincèrement convaincu de son inexistence.
Ce sujet de la critique à partir duquel se dévoile la cohérence du monde et la possibilité de le transformer, se connaît donc suffisamment à ce qu’il produit, qui est son critère d’authenticité et son blanc-seing. Au contraire, le provocateur présente de soi-même une image falsifiée, épurée, améliorée, pour coïncider après coup avec le rôle qu’il croit être le sien : simple label pour une publicité.
Le provocateur dont il est question ici est certainement différent de l’agent de police du siècle dernier. Celui-ci travaillait pour un service spécialisé qui le rémunérait à la tâche. Le provocateur moderne travaille d’abord, et plus efficacement encore, pour une machine qui le programme sans cesse à son usage. Ainsi, il n’est pas trop difficile de reconnaître très vite un provocateur à qui croit devoir s’en donner la peine. Mais cette peine est peut-être désormais superflue. »
Michel Bounan : L’art de Céline et son temps (1997)
vendredi 8 juillet 2022
La mission du Tenancier
Mais vous ne le direz pas parce que vous ne tenez pas à décevoir et que vous avez envie de passer à autre chose, à un autre interlocuteur ignorant votre casquette de littérateur, ou à déguster ce verre de pinard que vous ne connaissez pas, ce qui, entre nous, ne peut étonner, étant donné que votre Tenancier boit de moins en moins.
mercredi 6 juillet 2022
Ceci est un communiqué du Tenancier
Bref : que faire de ce blog ? Tout de même, nous avons passé de bons moments ensemble et cela ferait mal à quelques-uns d’entre nous que l’on gomme de façon définitive les participations et les dissipations qui se sont produites ici et auparavant. La conclusion s’annonce d’elle-même, l’on continuera — l’on ne sait à quel rythme et selon quelle humeur — vers des voies connexes. Puisque votre Tenancier écrit un peu, il viendra vous ennuyer avec quelques considérations oiseuses comme il songe à les produire au sujet de ses turpitudes créatives. On gardera les historiettes de Béatrice et l’on causera de temps en temps de livres, mais sans doute moins de la façon qui se voulait pointue et qui prenait à la longue des allures décevantes. On se laissera porter par le courant.
Merci de votre attention.
mardi 28 juin 2022
De temps en temps, on aimerait faire pareil que Woody avec certains...
Woody Allen
Extrait de
Annie Hall
(Pardon pour la mauvaise qualité du début, mais ce n'est pas de la faute du Tenancier)
mardi 21 juin 2022
Se dérober
Il arrive un moment, lorsque l’on écrit, où l’on se pose la question de la pertinence de son propos. En quoi ce que l’on couche sur le papier apporte-t-il quelque chose d’utile à soi et aux autres ? Si l'interrogation semble superflue pour ce qui concerne la littérature de divertissement assumée comme telle, on se trouve tôt ou tard confronté à « la quête de sens » et même, au bout du compte, au bord du renoncement, laisser tomber devenant un pis-aller plutôt que d’affronter les contradictions entre la volonté d’élever le débat suscité par ses propres écrits et les limites de chacun. Bien entendu, l’idée affleure de façon périodique et ne s’enterre jamais vraiment, peu importe l’argutie utilisée. On en a vu, comme Alain Nadaud, écrire pour signaler qu’ils arrêtaient d’écrire, paradoxe apparent, mais qui dévoilait un renoncement aux territoires de la fiction et également la soumission du texte a autrui… et puis la lassitude de l’auteur face à l’indifférence critique, et à celle des éditeurs qui ne se payent guère d’audace (on songe toujours à Nadaud et à ses vitupérations contre un système de commercialisation qui vaut autant pour la littérature que pour les savonnettes). On peut encore se trouver peu d’allant pour partir en guerre contre soi, se faire violence, se contenter de produire à l'identique. Est-ce bien la solution ? Mais ne vaut-il pas mieux s’essayer à progresser au-delà de on assise ? Bien sûr… celui qui n’a pas compris cela, que fait-il, à écrire encore ? Ces moments de crises restent profitables à partir du moment où on les dépasse. Ils ne sont pas perçus de façon claire par l’entourage et les lecteurs, à cause de la décantation, de la latence et de l’adaptation vers d’autres paradigmes d’écritures. Il arrive aussi que l’on échoue à cette prétention, mais au moins l’on a tenté de se rédimer de son laisser-aller, même si en apparence, les productions restent identiques encore un temps aux yeux du lecteur. La crise peut se révéler abrupte dès lors que l’on décide de s’éloigner d’un genre que beaucoup aiment rencogner dans un « imaginaire » si trompeur que les stéréotypes y abondent plus souvent qu’à leur tour. La nécessité de larguer les amarres se pose. Elle ne mène pas à une renonciation, mais à une réflexion, sur le sens de ce que l’on produit et sur les menus tourments que cela occasionne : tempête dans un verre d’eau ! On sait bien où cela aboutit, c'est-à-dire à demeurer à la même place aux yeux des autres et puis à constater qu’au bout du compte on s’est agité pour pas grand-chose. On retrouve des ornières identiques. Mais, au moins, l’on a ressenti l’envie de se dérober, comme parfois les personnages que l’on fait naître dans certains récits. Reste le sentiment confus de ces velléités, qui rejailliront, qui sait, un peu plus tard… |