lundi 10 octobre 2016

Rembourré







Les meilleurs esprits de nos jours réclament une réforme dans la toilette, mais je ne sache pas que, jusqu'ici, personne ait indiqué l'abus d'où naissent tous les autres, le vice fondamental qu'il faut corriger avant d'espérer aucune amélioration ; je veux dire l'ignorance complète où est le tailleur de l'importance de sa profession. Bien peu, sous ce rapport, s'élèvent au-dessus de l'artisan ; tous, ou peu s'en faut, font un habit, comme d'autres font des chaises et des tables. Et cependant, depuis que l'homme est sorti de l'état sauvage pour vivre en société, de quelle grave fonction se trouve chargé le tailleur ? Qu'on se figure aujourd'hui un homme nu, ses semblables le fuient, la société le repousse, il est condamné à vivre isolé, à retourner à l'état sauvage. Car qui dit homme, dans la civilisation, dit homme habillé ; l'homme sorti nu des mains de la nature est inachevé, pour l'ordre de choses où nous vivons ; c'est le tailleur qui est appelé à le compléter. Nous ne pouvons entrer dans le monde, y accomplir notre destinée qu'à la condition de passer par ses mains ; aussi, à peine sommes-nous jetés dans la vie, qu'il nous saisit, nous suit toujours, nous retient et nous enserre par tous les côtés ; nous ne lui échappons que pour entrer dans notre lit de mort. Et quel tailleur a jamais réfléchi à l'importance de pareilles fonctions ? Quel a jamais songé combien le sort d'un homme était étroitement lié à son habillement ?

Honoré de Balzac : Physiologie de la toilette, Des habits rembourrés (1830) 
(Photogrammes : Fritz Lang, La femme sur la Lune)

dimanche 9 octobre 2016

10/18 — Jack London : Les temps maudits




Jack London

Les temps maudits

Textes choisis et présentés
par
Francis Lacassin
Traduction de Louis Postif

n° 777

Paris, Union Générale d'Édition
Coll. 10/18
Série « L'appel de la vie »
Volume triple

316 pages (320 pages)
Couverture de Pierre Bernard
Dépôt légal : 2e trimestre 1973
Achevé d'imprimer : 3 avril 1974

TABLE DES MATIÈRES

Préface : Dans les pas du Talon de Fer..., par Francis Lacassin [7 — 15]

La force des forts (The Strength of th Strong) [17 — 50]
Le renégat (The Apostate) [51 — 90]
Le Chinago (The Chinago) [91 — 115]
Une tranche de Bifteck (A Piece of Steak) [117 — 157]
Au sud de la fente (South of the Slot) [159 — 189]
Pour la révolution mexicaine (The Mexican) [191 — 246]
Les favoris de Midas (The Minins of Midas) [247 — 274]
Le rêve de Debs (The Dream of Debs) [275 — 316]

Table des matières [317]


(Contribution du Tenancier)
Index

Scène de la vie privée du Tenancier

« — Pfff !...
— Bon, d'accord, on est dans les embouteillages, mais ce serait bien que tu arrêtes de grogner, hein ! C'est fatigant ! Parlons au moins d'un truc sympa, non ?
— Euh... tu as bien dormi ?
— Ta gueule. »

lundi 3 octobre 2016

Une visite au Tenancier

Le type m’attendait dans un des fauteuils du salon.
— « C’est vous, le Tenancier ? Sa voix émanait de derrière une main aux doigts marron de jus de clopier et une paresseuse volute bleutée.
— Qui le demande ?
Le type jette une carte plastifiée en travers de la table basse. Il a mal évalué son jet et la carte atterrit par terre. Après m’être baissé, je lis :

Service des Vermotiseurs

Direction des calembours

Bureau des dissonances

Service des recouvrements



On est prié de prêter assistance à tout porteur de la présente carte

Pas de nom. Le type semble avoir deviné :
— Vous n’avez pas besoin de savoir.
— Et le fait que vous picoliez dans mes verres ?
— Un des agréments du métier. Vous savez pourquoi je suis là ?
— Ouais.
— Ah…
— Vous venez cloper dans le salon alors que j’ai pas de cendrier, vous bourrer la gueule alors que j’ai pas un rond pour refaire le plein et, visiblement vous l’êtes assez — bourré — pour même pas savoir balancer une carte sur la table sans vous planter. Juste une question, comme ça : c’est pour m’impressionner ou vous me prenez pour un impresario ? C’est fou ce que je suis curieux, du coup, parce que je ne sais pas pour quel spectacle je pourrais vous proposer, si j’étais ce genre de gars. Clodo, lecteur de Céline ? Remarquez, ça revient au même, non ?
— Vous posez beaucoup de questions…
— Sans blague ? Entre nous, je suis plutôt timide d’ordinaire, mais quand un déchet vient camper sur mon canapé, je ne sais pas… ça doit me désinhiber.
— Vous avez tort de me parler comme ça.
— Alors, on va se dire que les torts sont partagés, voilà ! Et comme on est dans une spirale d’amabilités, le monsieur il va se lever, me dire au revoir et puis…
— Je viens parler de George WF Weaver.
— Qu’est-ce qu’il a, George ?
— Vous avouez que vous êtes en relation avec lui ?
— Et alors ?
— Vous savez que c’est un pseudonyme ?
— Rrrhhôô sans blague ? Bon, c’est pas le tout, mais comme je le disais à l’instant, le monsieur, il va se barrer…
Le type se lève calmement, jette son mégot par terre et l’écrase.
— Ce n’est pas bien, ce que vous faites, de résister comme ça. Nous à la Brigade, nous sommes plutôt à la coule, vous savez. On vient, on constate, on verbalise éventuellement et on s’en va. Bien sûr, si vous êtes de mauvaise composition ça peut aller plus loin.
— En admettant — je dis bien “ en admettant ”, hein — que vous n’êtes pas une version pouilleuse d’une escroquerie quelconque, j’aimerais biens avoir de quoi vous parlez.
— De ses calembours.
— Oui, il en fait. Et alors ?
— Eh bien on verbalise !
— Bien. Je crois qu’on va y passer la nuit si je ne mets pas les forceps. Vous respirez un bon coup et vous m’expliquez.
— Ahem… Le dénommé George WF Weaver, pseudonyme d’un pervers notoire sévissant sur votre blog et quelques autres s’est rendu coupable d’une trentaine d’à peu près et pas moins d’une dizaine de calembours de Stade Quatre, les pires. Notre service de recension a beaucoup travaillé à cette occasion. Vous savez je disais tout à l’heure “ on constate, on verbalise, on s’en va ”, là je suis bien obligé de dire que nous allons passer directement à une étape...
— “ On s’en va ” ?
— Non : “on verbalise”.
— En quoi ça me concerne.
— Oh, vous savez, ça c’est un peu de votre faute. Vous déclarez tout net sur votre blog que vous êtes solidaire des propos que vous laissez passer. C’est tout à votre honneur, mais comme nous ne pouvons atteindre l’auteur de l’infraction, nous sommes bien obligés d’adresser nos procès-verbaux à un responsable, c'est-à-dire vous.
— Vu votre dégaine, ça ne doit pas porter loin. Je veux bien faire l’aumône, cela dit. Ce qui m’emmerde le plus, ce sont toutes les simagrées qu’on est obligé de supporter pour en arriver là. Et puis, quand même, vous êtes entré par effraction chez moi.
— La Brigade a tout pouvoir en cas de constat d’infraction. C’est dans le Code.  
— Combien ?
Le type sort un papier miraculeusement immaculé de sa poche, une vision qui touche à l’épiphanie, tellement elle est improbable. Je lis. Je défaille.
— Vous vous foutez de moi ?
— Oh vous savez, je suis fonctionnaire.
— Lequel de mes potes vous a commandité pour ce canular ?
— Personne, je vous l’assure.
— Allez vous rasseoir, je reviens ».
Le type se retourne pour regagner mon fauteuil déjà dégueulassé. Il s’arrête distraitement, toujours en me tournant le dos, et prend un paquet de tiges dans sa poche. Je ne lui laisse pas le temps d’en allumer une parce que je le fais à coup de bouteille sur son crâne. Le type s’écroule. J’ai juste le temps de l’attacher et de le bâillonner qu’il reprend connaissance. Ces petits yeux en boutons de bottine tournent dans tous les sens.
J’empoigne le téléphone :
— « Les gars, j’en ai eu un. Faut que vous radiniez pour me donner un coup de main. Vu qu’on a un jardin, ici, ça va être plus facile… Ouais… Ouais… non, ça va j’ai une bêche ».
Je raccroche. La Brigade des Vermotiseurs ne vas pas tarder à prendre le relais : Otto et George vont venir achever le type à coups de calembours. Après, ce n’est plus qu’une formalité, la chair attendrie se décomposera mieux au fond du potager.

dimanche 2 octobre 2016

10/18 — Jack London : Les vagabonds du rail




Jack London

Les vagabonds du rail

Traduction de Louis Postif
Préface de Francis Lacassin

n° 779

Paris, Union Générale d'Édition
Coll. 10/18
Série « L'appel de la vie »
Volume triple

Édition de 1973

309 pages (320 pages)
Couverture de Pierre Bernard
Dépôt légal : 2e trimestre 1973
Achevé d'imprimer : 27 avril 1973

TABLE DES MATIÈRES

Préface : Une épopée de la faim, par Francis Lacassin [9 — 38]

Les vagabonds du rail [27 —435]

Printemps 1976 — Liste alphabétique par nom d'auteur des ouvrages disponibles [314 — 320]



Édition de 1976
(Le cartouche 10/18 est légèrement plus clair)

309 pages (320 pages)
Couverture de Pierre Bernard
Dépôt légal : 2e trimestre 1973
Achevé d'imprimer : 14 juin 1976

TABLE DES MATIÈRES

Préface : Une épopée de la faim, par Francis Lacassin [9 — 38]

Les vagabonds du rail [27 —435]

Printemps 1976 — Liste alphabétique des ouvrages disponibles au 31 juillet 1976 [312 — 320]


(Contribution du Tenancier)
Index 

samedi 1 octobre 2016

C'est bien triste


L'assemblée écoutant le discours de Georges WF Weaver

Dix ans après avoir émis sa devinette imbitable dans les colonnes du Retour du Tenancier, George WF Weaver tente de convaincre les habitués du blog qu’il ne se souvient plus trop de la solution ni même de la façon d’y parvenir. La nouvelle jette le trouble dans l’assistance qui va manifester son mécontentement et provoquer un certain désordre dans les rues, prenant même à partie un groupe de diplomates du Moustachistan qui passaient par là. L’affaire n’en reste pas là et l’incident diplomatique, les crispations qui en résultent, amènent à un conflit larvé qui va durer trente et un ans, avec quelques escarmouches violentes. La responsabilité de George établie dans l’origine du différend, le Moustachistan réclame son extradition, ce que notre gouvernement refuse. Par précaution, George change d’identité et est même tenté de changer de genre… L’affaire trouve sa résolution lorsque le blog Le Retour du Tenancier lance un appel international et solennel aux Nations Unies qui, dans une ultime et lucide résolution, confère au Tenancier le titre de Maître du Monde. ArD, Béatrice et Otto Naumme rigolent doucement dans leur coin et complotent immédiatement pour renvoyer le Tenancier à la cuisine faire d’excellents riz au lait, au demeurant. Quant à George, errant à la surface d’une terre aride et sans pitié, il se convertit à la contemplation et se fait appeler Shri George. Sa biographie tardive exprime des regrets sur son impulsion à confier des devinettes imbitables au blog du Tenancier, abusant ainsi de la naïveté naturelle d’icelui. Le mal est fait. George expie, le Tenancier est exilé aux fourneaux, ArD, Béatrice et Otto se partagent les restes comme de vulgaires Mérovingiens.
C’est bien triste. 

lundi 26 septembre 2016

Une devinette imbitable de George

— « Jamais l'on ne pourra la trouver, celle-là... »
George se vante, mais il a peut être des raisons, après tout, car voici sa devinette :

Que donc quiconque soucieux de son rang pipoleux pourrait préférer à la cour d'assise ?

Ne demandez pas au Tenancier, il est maintenu dans une répugnante ignorance par le dit George...

dimanche 25 septembre 2016

Bibliothèque post mortem

Une bibliothèque est-elle transmissible ?
Tout dépend du sens dans lequel on entend cette notion. Est-ce simplement le legs d'une bibliothèque, bien meuble dont la cession est sanctifiée par le notaire, lequel a bien noté l'estimation et réparti les lots avec les quotes-parts de chaque héritier ? Est-ce l'héritage intellectuel ou sensible qui va s'abîmer dans les méandres des intérêts privés et de l'administration culturelle, comme la bibliothèque de quelques écrivains vendues à l'encan entre le bidet et le face-à-main ? Oui, alors, ces bibliothèques sont parfaitement transmissibles, fissibles et dispersables ou thésaurisées, selon l'appétit et le caractère de ceux qui vont la recueillir. Enfin, il y aurait cette notion impalpable selon laquelle une bibliothèque transmettrait l'esprit de son propriétaire au-delà de la mort, idée séduisante pour un roman fantastique, en une sorte de contamination sublimée par l'idée du livre. L'idée fut développée récemment dans les commentaires d'un article de Henri Lhéritier, sur son blog. Je m'autorise ici à reprendre mon commentaire à ce sujet, en le développant un peu :
C'est bien parce que le livre est assez rétif au phénomène de contamination qu'il est attirant. Pas envie de partager ma bibliothèque posthume, et surtout pas par transmission héréditaire, pour ma part. Que mes filles se débrouillent pour constituer la leur - éventuellement de piocher ce qui leur plaît dans la mienne, une fois défunt - et ainsi ne pas porter le fardeau de livres inutiles par simple pavlovisme. L'idée de cette transmission d'un esprit serait intéressante si l'on considérait qu'une bibliothèque se fige durant le règne de son possesseur, se bornant à un rôle d'accumulation et suivant une ligne intellectuelle impavide dans les acquisitions. La révolution véritable n'arriverait qu'au moment qui suivrait le legs, pâte levée par l'esprit du légataire qui retomberait mollement par l'habitude, la routine des acquisitions, en attendant le décès du nouveau propriétaire. Révolutions cycliques de palais, suivies de grands sommeils paradoxaux, chargées d'un héritage subtil, ou d'une malédiction...
Oui, sauf que l'on observe qu'une bibliothèque est une sorte de vaisseau de Thésée, un organisme multicellulaire et volontiers sénescent, Henri Lhéritier en témoigne parfois dans les textes qu'il commente sur son blog, issus d'une bibliothèque entière rachetée et explorée avec curiosité, même dans les ouvrages largement obsolètes. En définitive, un legs de bibliothèque est une chose morte parce que l'esprit qui l'animait n'est plus là. Je le constate parfois quand j'acquiers professionnellement une bibliothèque : qui me dira (sauf, quelquefois, les notes !) ce qui avait grand prix pour le lecteur ? Lequel a été commencé et puis abandonné, surtout maintenant que l'on ne coupe plus les livres ? Lequel est tombé dans le désintérêt, lequel avait été redécouvert ? Oui, certes, l'ensemble peut être intéressant, mais le dialogue est rompu. La personne est morte et ne vous fera pas part de son dialogue intime avec sa bibliothèque. Du reste cette intimité est-elle transmissible, peut-on parfois partager l'immense apaisement que peut procurer la vision de sa propre bibliothèque sans que l'envie prenne même de saisir un quelconque volume ? Vous découvrez cette acquisition comme une sorte de coquille vide et vous découvrez ces ouvrages avec votre propre sensibilité, avec un pincement, un petit déchirement au cœur, parfois, certes. Le plus cruel est parfois de découvrir quelques traces intimes livrées entre les pages... des dessins d'enfants, des photographies oubliées, tout cela ne vous contera de toute façon qu'une absence. Tout cela demeure obstinément silencieux, le vaisseau de Thésée s'est échoué. C'est fini. Les livres seront dispersés et ne diront pas plus que ce qu'ils sont censés dire. C'est, du reste, une chance pour ceux qui en feront l'acquisition. Henri Lhéritier pourra lire encore ces feuilles fanées et en faire éclore quelques-unes unes et nous captiver sans que l'ombre de son précédent propriétaire brouille les cartes.
La bibliothèque d'un défunt est un humus.
Plus grave, et à un autre niveau, est le cas de la transmission d'une bibliothèque de travail...

Ce billet, inspiré de celui d'Henri Lhéritier sur son blog, défunt comme son propriétaire, a été publié sur le blog Feuilles d'automne en janvier 2009. Depuis, j'ai appris à vivre avec l'héritage de la bibliothèque d'un être que j'aimais et appris la douceur de l'amertume, celle qui vous rappelle chaque jour qui vous avez perdu. Ceci est un billet dédié à ma mère, qui a su encore me donner une leçon sur mes certitudes. J'aurais préféré attendre encore.

mercredi 21 septembre 2016

Nick Carter, vous croyez ? Moi, j'aurais plutôt dit John Carter...
(Petit jeu pour prolonger l'été)


Peu importe, d'ailleurs. En revanche votre Tenancier vous demande dans quel film on trouve cet opuscule...

(Comme d'habitude on vous prie de répondre dans les commentaires en laissant votre nom ou un pseudo)

Une historiette de Béatrice

Un habitué consulte tranquillement son rayon de prédilection. Elle entre en trombe, après avoir flambé la porte.
— « Bonjour madame. »
Elle ne répond pas.
— « Est-ce que vous avez Frankestein ?
— Non madame, désolée.
— Mais Frankestein le vieux !
— Non, désolée.
— Moi j’en ai déjà cinq ! » Crie t-elle avant de ressortir en flambant la porte.
Nous nous regardons avec le client.
— « Vous devez parfois vivre de sacrés moments… ».
En effet.