mercredi 6 janvier 2021

Blague à part...

Ce petit coup de gueule fut publié sur Facebook (et l'on pardonnera le style relâché) le 1er novembre 2020. La sottise de certaines personnes criant à « l’atteinte à la liberté » parce que l’on demandait aux libraires de fermer quelques temps devenait quelque peu encombrante. Le propos ne soutient en rien, précisons-le, la politique absurde en vigueur concernant l’épidémie qui nous touche tous (et dont j’ai été atteint), mais s’interroge sur un certain fétichisme autour du livre…


Blague à part, je suis sidéré parce que je lis en ce moment autour de l'ouverture des librairies, et en général tout ce qui touche le livre. J'ai commencé dans le métier (parce que j'y suis toujours, malgré tout) en 1979 et je me trouve loin du fétichisme affiché par beaucoup ici. En effet, je considère cette étrange passion de continuer à baguenauder dans les rayons assez frelatée, comme si, du point de vue du lecteur, de l’acheteur de livre, nous nous relevions d’une privation de quatre ans. Et encore, si tel était le cas, frémirait-on de plaisir à enfin découvrir des voix venues d’ailleurs comme l’étaient en leur temps tous les écrivains amerloques débarqués par rayon entiers sur nos rivages. Là, on demande aux professionnels de fermer un mois et de se débrouiller pour livrer, afin de compenser comme ils peuvent leur manque à gagner. Ils s’organisent. Eux-mêmes le signalent. Je pense que nous survivrons tous à cette suspension partielle de la vente des livres parce que, c’est vrai, la librairie n’est pas vitale. On peut tout à fait survivre sans livre (on s’emmerde, c’est vrai) mais on ne peut pas survivre sans bouffer. Alors oui, d’autres commerces restent ouverts et je serais pour qu’on les ferme aussi, ou qu’ils se débrouillent comme les libraires. Parce que vous savez quoi ? Eh bien comme le dit un éditeur de ma connaissance, je préfère me priver d’un bouquin et sauvegarder une vie. Nous voici confrontés à problème de santé publique qui constitue une menace immanente sur les plus faibles, à notre merci du fait de notre inconscience ou de notre impéritie... Tout cela pour complaire cette sorte d’attachement malsain autour d’un métier où le fantasme — je suis bien placé pour la savoir — d’un certain public reste omniprésent. Eh, les gens, si vous vous voulez tant de reconnaissance, ne faites pas librairie, c’est chiant, on fait des factures, on déballe des cartons et en plus on doit se gaufrer des clients qui viennent baver des « C’est merveilleux votre métier on lit tout le temps », sous-entendu qu’ils aimeraient aussi. Toujours cette envie de reconnaissance, parce que, aux yeux de beaucoup le livre garantit une sorte de prestige, alors que… Musso, Lévy, Tesson et les merdouilles du genre, ça c’est la vérité de la librairie. Et vous voudriez que ça reste ouvert pour que ce robinet à connerie ne se tarisse pas. Oui, je sais, il y a les autres, les obscurs, les sans-grades. Ne vous alarmez pas pour eux, ils ne vendront pas plus que si tout restait ouvert, ou bien la différence reste si infime : un ou deux exemplaires à décompter, peut-être. J’exagère à peine. Mais non, prendre position pour ou contre la fermeture (et ce n’est pas du Marthe Richard), c’est prouver qu’on est concerné, que cela a de l’importance. Mais pas du tout, en définitive. Si vous voulez un livre, c’est bon, bigophonez au libraire. Si vous voulez vous valoriser par le livre en manifestant ou en pétitionnant, allez-y, je ne vous retiens pas, mais vous devriez sans doute penser au radio-crochet pour tenter de vous donner de l’importance, parce qu’on risque de regarder vos achats de plus près, et ça risque aussi de ne pas être glorieux. Autrement, les gens, vous êtes toujours au courant, la pandémie, les malades, les vieux qui crèvent dans les mouroirs industriels que sont les ehpad, non ? Vous devriez… et demander qu’on reconfine encore plus strict. En plus ce serait chouette de votre part, il y aurait encore moins de circulation et de cons en liberté. Le printemps serait joli. Ah mais oui, le dernier rempart contre le fascisme, j’oubliais : le livre ? Comme ceux de Houellebecq, le Céline de la petite bourgeoisie centriste ? Bon courage pour la victoire finale, alors…

lundi 4 janvier 2021

... et ils parcourent le monde à volonté.


There's a race of men that don't fit in,
A race that can't stay still;
So they break the hearts of kith and kin,
And they roam the world at will.

Robert W. Service

dimanche 3 janvier 2021

Truffes


La seule maltraitance que j’inflige aux livres, c’est de les « truffer », parfois jusqu’à les déformer. J’aime que certains d’entre eux — on pourrait, comme dans les bibliothèques publiques, les appeler des usuels — soient gonflées de souvenirs se rapportant à telle ou telle page, intercalés. Les cartes postales, de paysages ou de reproductions d’œuvres d’art, les étiquettes d’hôtel ou les tickets de tramway ou de bateau sont autant de décorations décernées.
 
Bernard Delvaille : Pages sur le livre (2004)

samedi 2 janvier 2021

Sœurs de sang

   Votre Tenancier, à la lecture de la nouvelle contenue dans ce numéro, pourrait passer pour un adepte de la bestialité. Ça se peut. En ce moment, les histoires se suivent et font état de quelques perversions. Bien entendu, il s’agit encore une fois d’une nouvelle du Fleuve, dont on se demande si un jour il en aura fini avec cet univers-là. En tout cas, elle aura été la seule publication sur papier de l’année 2020, et encore, à quelques jours près…

Sœurs de sang, in : L’Ampoule n°8 (décembre 2020)
Illustration de Céline Brun-Picard

jeudi 24 décembre 2020

jeudi 1 octobre 2020

Une historiette de Béatrice

En vitrine, un recueil de textes de Jean Paulhan qu'elle attrape, avalant des yeux la photo de couverture.
— Qui est ce monsieur ? Qui est-ce Jean Paulhan ?
Je lui explique.
— La NRF ? Qu'est-ce que c'est ?
Je lui explique.
— Ah oui Gallimard je connais, j'ai vécu à Paris moi. Vous pouvez me prêter de quoi noter, je vais téléphoner à une amie qui travaille à Paris Match elle me dira ce qu'elle en pense.
Je fais semblant d'être absorbée par mon travail. Mais non, elle continue.
— Et il coûte 15 euros ? Ah mais vous savez qu'en Angleterre, les bouquinistes vendent les livres au quart du prix neuf, oui oui, j'ai vécu en Angleterre je le sais.

lundi 28 septembre 2020

Miniatures

Il existe une longue tradition du livre miniature, qui a correspondu au besoin d’emporter en voyage avec soi quelques textes ou bien de les dissimuler, comme ces bibles protestantes cachées dans les chignons lors des répressions religieuses. Ces ouvrages ont également été à la source d’innovation en matière d’imprimerie et de reliure. Comment habiller de si petits ouvrages ? Certains restaurateurs ont découvert que les relieurs anciens usaient déjà d’une technique approchant le bradel. Bien évidemment, la fragilité et la petitesse des ouvrages, qui ne dépassent guère les 5 centimètres (on vous dit cela « à la louche ») pour les grands formats du genre, implique une certaine rareté et donc un prix élevé. Et nous, donc, les fauchés, les obscurs, les sans grade ? Eh bien on fera tintin pour ce qui concerne les livres anciens et la plupart des livres modernes, vu leur prix. De temps à autre, l’on trouve tout de même quelques publications contemporaines comme ce petit recueil de haïkus publié en 2001 pour un salon du livre à Aubergenville. Inférons ici que cela constituera notre lot de consolation.
On reviendra sur le sujet un de ces quatre (et, d'ailleurs si vous avez des exemples dans votre bibliothèque, n'hésitez pas à en causer au Tenancier, hein...)
 

jeudi 24 septembre 2020

L'employé de l'agence de placement

Il arrive qu’au hasard du générique d’une revoyure on tombe sur un nom évoquant autre chose qu’un film de gangster. Ce fut le cas ce soir lorsque les noms, défilant au début de La métamorphose des cloportes, on rencontra le nom de François Valorbe, écrivain, poète et à l’occasion figure traversière dans un film. Retrouver un visage sur un nom recèle parfois quelque chose de déroutant. Vraiment, m’attendais-je à se visage et à se rôle dans le film, celui d’un employé dans une agence de placement ? À la réflexion : oui.