lundi 20 février 2023

Le monde vu d'un fauteuil

Votre Tenancier s’amuse parfois à rédiger des papiers pour des petits journaux. En voici un qui ne fut pas publié et dont il ne sait que faire, sinon le diffuser dans ce blogue. Vous savez déjà tout ça ? Tant pis pour vous.
 
Quel est le point commun entre Crébillon, Fougeret de Monbron, Ranpo Edogawa et… Paul Claudel ? Peut-être une certaine conception du mobilier…

 
Hirai Taro (1894-1965) adopte dès 1923 le pseudonyme de Ranpo Edogawa en hommage à Edgar Allan Poe. Inversons le nom et le prénom et nous obtiendrons une approximation de la prononciation japonaise de l’initiateur de la littérature policière… En disciple, Edogawa s’illustre par nombre de ses nouvelles du genre, dans les revues tout au long des années 1930 avec un succès certain. La matière se révèle encore neuve et nombre de ses récits comportent des éléments fantastiques.

Une chaise qui a tout du fauteuil
En 1925, paraît dans la revue japonaise Kuraku, la nouvelle La chaise humaine, qui narre l’entreprise d’un artisan, évidant un fauteuil de sa création afin d’y prendre place. Installé dans le couloir d’un hôtel, notre personnage se livre à des cambriolages nocturnes. Survient un trouble délicieux pour cet homme laid et contrefait : de belles touristes européennes viennent de temps à autre s’asseoir à leur insu sur ses genoux. On imagine facilement son émoi et sa fascination. Ainsi, de rat d’hôtel, le voici, de par sa position, assigné au rôle de voyeur, de jouisseur captif. Certes, la population féminine ne constitue pas uniquement sa fréquentation. Facétieux, Edogawa introduit un personnage éminent de la littérature française : 
« Un jour l’ambassadeur en poste au Japon d’une grande puissance européenne fit une brève halte dans notre hôtel et se retrouva assis un moment dans le fauteuil. L’homme imposant qui s’appuyait de ton son poids sur mes genoux n’était pas seulement un diplomate, mais également un des plus grands poètes de son temps… »
Ainsi, Paul Claudel fait une station inattendue dans une nouvelle dont la perversité joue avec la censure de son époque !

Quel héritage !
Edogawa se montre le continuateur d’une modernisation de la littérature japonaise, bien que ses récits ne négligent pas les spécificités de sa culture. L’intrusion d’un fauteuil, objet plutôt « occidental » dans sa formulation nous met sur la voie d’autres sources où l’on rencontre le procédé, dans une utilisation un peu plus frénétique.
D’abord, a-t-il lu l’une des fantaisies orientales et scandaleuses de Crébillon fils (1707-1777), Le Sopha, ou le narrateur ne sera délivré de sa transformation que lorsqu’un couple s’appariera sur lui ? L’ouvrage est-il parvenu au Japon ? Ou alors est-ce le cas du Canapé couleur de feu de Louis–Charles de Fougeret de Monbron (1706-1760), autre conte de fées licencieux qui partage avec Crébillon le même postulat narratif ?

Coïncidence ou malice littéraire
Alors qu’à l’époque de la rédaction de la nouvelle d’Edogawa, l’on redécouvre tout juste les écrits libertins et licencieux en France — grâce notamment à Fernand Fleuret et Louis Perceaux à la Bibliothèque des Curieux, où figure Crébillon fils —, la tentation reste grande de penser à une simple coïncidence de thèmes. Seulement, la présence de Claudel dans le fauteuil du narrateur nous incite à songer que le diplomate et écrivain a pu rencontrer notre auteur et évoquer en sa compagnie ces libertins français tout juste sortis des limbes. L’hypothèse demeure séduisante, à imaginer le nouvelliste japonais qui ferait son miel de certaines conversations et affublant son interlocuteur du rôle de complice involontaire dans une turpitude peu claudélienne.
Le court récit trouve enfin une étrange résonnance dans un roman rédigé par un auteur japonais : L’homme-boîte de Kôbô Abe (1924-1993) où, confiné dans un lieu clos et étouffant, le protagoniste installe une petite étagère de provisions, tout comme l’occupant du fauteuil. Les deux personnages contemplent en secret les agissements de leurs contemporains.
 
Ranpo Edogwa : La chaise humaine, traduction de Jean-Christian Bouvier, in  La chambre rouge, Éditions Philippe Picquier (1990).

dimanche 19 février 2023

Les livres de poche sont-ils des vrais livres ?

Un jour, un livre vous a permis d’accéder à l’âge adulte, qui ne se compte pas en nombre d’années, mais dans l’intelligence des mots et des sentiments. Tant mieux s’ils ont été plusieurs et variés, des voix multiples forment la raison.
Floréal, dont on aurait raison de suivre ses propos de blog, a eu l’excellente idée de cette évocation. Il invente et inaugure ici une rubrique…

 
Quand on est né dans une famille dont la mère, sans emploi, a déjà de quoi s’occuper grandement avec trois enfants sur les bras à l’âge de 24 ans, un père réfugié politique baragouinant son français « comme une vache espagnole » dans notre deux-pièces de banlieue et sur les chantiers où il exerce son métier de maçon, grandes sont les possibilités qu’il n’y ait pas de livres à la maison. Ce fut le cas. Quand, de plus, à l’âge de l’adolescence, on n’est pas franchement à l’aise dans sa famille, à l’école et ailleurs, à part les copains il n’y a guère de possibilités d’évasion.
Heureusement, en une époque où n’existaient pas les réseaux sociaux pour perdre son temps dans des conneries, il y avait le Livre de poche, extraordinaire création pour qui avait peu de moyens, le goût de la lecture et de la tranquillité solitaire.
« Les livres de poche sont-ils de vrais livres ? », se demandait le bourgeois Jean-Paul Sartre. Pour ma part, je serais presque tenté de dire aujourd’hui qu’avec les chansons de Brassens ces petits bouquins m’ont sauvé la vie. J’emmerde Sartre !

Floréal

samedi 18 février 2023

Une historiette de Béatrice

Il pousse sur la porte, qui bloque.
— Ne poussez pas monsieur s'il vous plaît, la porte ne peut s'ouvrir davantage.
— Mais je ne pousse pas, dit-il, les deux mains sur la poignée et l'épaule appuyée sur le vitrage, en forçant dans la direction opposée. Action de pousser, quoi....
Bien, bien, bien. Reste calme, respire.

vendredi 17 février 2023

Une blagounette de Pif-gadget

« Un collectionneur de trou découvre un trou, alors il demande à un transporteur de trous de transporter le trou sur le camion. On charge le trou et on l’emmène chez le collectionneur de trou. Un cahot : le trou tombe ; le collectionneur de trous s’écrie « reculez ! Nous avons perdu le trou ! »
Ils reculent et ils tombent dans le trou. »
 Je sais, c’était peut-être mieux raconté dans le Pif-gadget de mon enfance, mais c’est la seule histoire dont je me souvienne à peu près parce quelle me fait encore rire, raison pour laquelle je n’entreprendrai jamais de retrouver le texte exact…
Et je trouve à cette blagounette une saveur littéraire en diable.

jeudi 16 février 2023

Jeu

Les devinettes à partir de photogrammes restent des facilités, votre Tenancier le concède. Mais c'est amusant. Alors, trouverez-vous dans quel film officie ce personnage secondaire qui, malgré les reliures, ne semblent pas un libraire d'ancien ? Ces livres d'occasion appartiendrait plutôt à la seconde partie du XIXe siècle pour la plupart et ne semblent pas exagérément précieux. En tout cas, ces indications ne sont pas vraiment des indices... Moins facile que la dernière fois ?


mercredi 15 février 2023

10-18 — La série « L'Aventure insensée », une bibliographie en cours

Série dirigée par Francis Lacassin
Cette bibliographie sera complétée à la faveur de l'exploration des volumes de la collection et des listes en fin de volume :

Les titres suivis d'un astérisque sont annoncés à paraître en 1976, ceux suivis d'une flèche se reportent à une entrée dans le blog

Alfred Assolant
Le capitaine Corcoran ->

Edgar Rice Burroughs
Les naufragés de la Lune *
La Terre vaincue par la Lune
*

Erle Cox
La sphère d'or — 2 vol.

Alexandre Dumas

Le château d'Epstein
Isaac Laquedem le Juif errant *

Gustave Le Rouge

Le Mystérieux Docteur Cornélius — 5 vol. ->
La Princesse des airs — 2 vol. ->
Prisonnier de la planète Mars ->
La Guerre des vampires ->
Todd Marvel détective-miiliardaire * ->
À coup de milliards * (1)
Le Régiment des hypnotiseurs * (1)
La Revanche du vieux monde * (1)
La Reine des éléphants * ->
Le Sous-marin « Jules Verne » * ->
L'Espionne du Grand Lama * ->
Les conquérants de la mer * ->
L'héroïne du Colorado * ->
    (1) Titres rassemblés sous celui de La conspiration des milliardaires — 3 vol. ->

Pierre Souvestre et Marcel Allain
Le Rour

Pour des renseignement comlémentaires sur certains volumes absents ici, reportez-vous à cet index

mardi 14 février 2023

10-18 - Robert-Louis Stevenson : Veillées des îles





Robert-Louis Stevenson
Veillées des Iles

Traduit de l'anglais par Pierre Leyris
Préface et bibliographie par Francis Lacassin
n° 1112
Paris, Union Générale d'Édition
Coll. 10/18
Série « L'Aventure Insensée »
Volume quintuple
320 pages
Dépôt légal : 1er trimestre 1977
Achevé d'imprimer : 9 décembre 1976
TABLE DES MATIÈRES

Préface par Francis Lacassin
— La côte à Falesa
— La bouteille endiablée
— L'île aux voix
Bibliographie
(Contribution du Tenancier)
Index

dimanche 12 février 2023

Une historiette de Béatrice

Mon grand bonheur, ce serait de le retrouver. C'était un petit livre, de ce format, et relié un peu comme celui-là, dit-elle en désignant un ouvrage avec sa canne. Et là, je vois l'ancienne institutrice devant son tableau.

samedi 11 février 2023

À 140 à l'heure

À William Packard
Fin octobre 1985
 
[…] Ce matin, je me suis payé un méchant duel de vitesse avec une espèce de connard sur l’autoroute de Pasadena, ma gueule de bois faisant resurgir instantanément de mes couilles et de ma tête à la François Villon les 3 bouteilles de Beaujolais picolées la veille. Je suis alors monté jusqu’à 140 à l’heure dans le Virage de la Mort, là où la chair humaine et les os sont fréquemment disloqués dans un violent éclair de néant cramoisi, et il a fini par ralentir, passant de la 5e à la 4e tout en faisant des appels de phares en signe d’abandon. Ça leur apprendra à vouloir jouer au con avec un Suicidé en puissance ! […]
 
Charles Bukowski : Correspondance, 1958-1994

vendredi 10 février 2023

Les lecteurs de Planète


La venue massive de gourous portés par les vidéos en ligne et le fait que leurs délires grandissants touchent une population de plus en plus naïve ne doit pas nous faire perdre de vue qu’avant cette résurgence sous forme numérique, tout un pan de l’édition se livrait à la production de balivernes dans les années 1960 et 1970. On a ainsi connu les ouvrages d’Erich Von Däniken, Robert Charroux et autres imbécillités relayées désormais par des JacquesGrimault et des imposteurs vidéastes de l’archéologie fabulée. On se rappelle ici que l’impulsion fut donnée par le fameux Matin des magiciens, pondu par les duettistes Bergier et Pauwels et que, sur la lancée, des collections entières vaticinaient à tout-va : soucoupisme, Grands Anciens, vie post-mortem, mysticisme de bazar, etc. L’autre vecteur, toujours sous forme imprimée était la revue Planète qui, pour être honnête, s’était également diversifiée vers les contre-cultures (non exemptes, d’ailleurs, de fabuleuses conneries !). Ainsi, votre serviteur conserve le numéro de Planète plus consacré à Bob Dylan et la beat generation, surtout par pur fétichisme. En effet, on a lu mieux. Pour vous situer cette collection au format de la revue mère, l’on y trouvait des parutions vouées à Artaud, Ramakrishna, René Guénon, Henry Miller, Mounier, Jung et Krihnamurti. Mais qui achetait donc ces machins ?
L’on n’ose songer à des publications militantes en faveur des réalités alternatives, même si Peyotl et Grands Initiés aux remugles fascistes semblaient avoir provoqué la fonte de quelques fusibles dans la rédaction. Bien au contraire, nous estimons que ces porte-parole de la sottise mystique avaient conscience de s’adresser à du CSP++, c’est-à à dire une catégorie socioprofessionnelle plutôt aisée, genre classe moyenne, voyez-vous, mais subissant un fort déclassement qui la pousserait à des succédanés religieux ou culturels (nous ne sommes pas très loin du petit bourgeois marxien, d’une certaine manière). Hélas, dans ce numéro de Planète plus (daté d’Avril-Mai 1971), pas de publicités, indices forts de la catégorie du lectorat (ce qui permettait de savoir, par exemple que le Nouvel Observateur était un journal de gros bourges.) En revanche…
En revanche, la maison Planète, soucieuse d’instaurer un ordre nouveau dans les consciences planétaires proposait à nos chers petits Français des voyages d’initiation qui permettait à un occidental de se balader sans vergogne dans une contrée alors du « tiers-monde » ou presque. On découvrira ci-dessous que la pilule de la pauvreté s’avale plus facilement vue du dos d’un éléphant et entre deux palaces, bien sûr après avoir visité quelques ashrams ou bien des récipiendaires de savoirs millénaires.
Le tarif est éloquent : 5350 francs de 1971 (avec un supplément de 400 balles pour une chambre individuelle) vous donnera accès aux clefs de la sagesse orientale. Cela représente plus de 6500 € actuels selon le convertisseur de l’INSEE. On appréciera peut-être la modicité de la somme pour un voyage organisé de vingt jours en Orient. On attrapera la nausée en imaginant ce que pouvait signifier une telle somme pour les travailleurs autochtones, même encore maintenant (2 € par jour de salaire minimum en 2020). La pudeur n’a jamais vraiment touché la maison Planète, née vraisemblablement avant le concept d’obscénité. Reconnaissons toutefois que ces voyages semblaient honorés par les organisateurs, ce qui n’est pas le cas pour ce qui concerne certains égyptologues fabulistes à l’heure actuelle.
On constate avec dépit que l’engouement pour les gourous s’est quelque peu avili sous la férule de la loi du marché et des nouveaux médias. Avouons-le aussi, le gogo devient moins fortuné et adepte des charters. Il semble bien que la période Planète fut un Eldorado pour les marchands de gris-gris…


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jeudi 9 février 2023

Margot lit

Image tiré de Margot veut lire, texte de Michael Heinze, images de Katrin Strangl, éditions être, collection l'étrangeté, 2008 (2003 pour l'édition originale), album cartonné sous jaquette sobrement illustrée (comme tout l'ouvrage), 12x17 cm.