Peut-être a-t-on mal compris mon
propos selon lequel « la
SF courait après son obsolescence » dans un billet précédent. Par
là, je
ne signifiais pas que c’était une littérature moribonde, mais que sa
nature
restait en grande part dépendante de l’évolution de nos sociétés et des
technologies, même si, en définitive, cela consistait à parler de notre
univers
contemporain et non celui d’un futur hypothétique. Cela se révèle
souvent du
bricolage maison, de l’extrapolation sur clavier… Ainsi, beaucoup de
romans
anciens du genre dévoilent une curieuse inadéquation entre la vision de
l’auteur
à son époque et le monde actuel (mœurs, technologie, arts, etc.) Par
exemple,
un auteur des années 1940 ne peut concevoir la révolution
informatique
parce qu’il lui manque quelques chaînons (à une exception : Murray
Leinster avec Un logic nommé Joe). Il
ne peut être blâmé d’une transposition qui rencontre les limites de son
imagination, que ce soit dans l’illusion prédictive ou même la
description d’espèces
radicalement étrangères, qui presque systématiquement se révèlent des
patchworks de motifs existants.
La SF aboutit ici une sorte d’aporie qui lui donnerait toutes les capacités d’anticipation, mais sans les moyens que pourtant elle décrit de temps à autre, comme la psychohistoire, illusion dont même son auteur, Isaac Asimov, s’affranchit en rappelant la nature accidentelle ou aberrante du processus historique, parfois. Il semble assez piquant de constater que certains des acteurs du genre négligent ce paradigme et se mettent au service d’une prospective « institutionnelle », endossant alors les oripeaux de la futurologie avec, parfois, un sérieux papal assez réjouissant.
La palme de la franche rigolade se trouve dans la collaboration de certains auteurs à une « team » financée par le ministère des armées et dont la mission serait de... jargonner autour d’éventuels conflits auxquels nos pioupious pourraient faire face. On en revient alors à une conception bizarre qui voudrait authentifier un diagnostic par des personnes aussi concernées que votre serviteur, ou vous-même qui me lisez, autour de technologies futuristes et d’évolutions sociétales. On se consolera en se disant que l’expertise aboutirait à un certain nombre de questions embarrassantes si la Cour des comptes était tentée d’y plonger le nez. « Baste, dira-t-on, ils en profitent et ils n’ont peut-être pas tort, après tout ! » Mmmh… prenons un ministère quelconque et employons quelques personnes à pondre des rapports qui ne servent à rien... le genre de nouvelle qui réjouit un certain Canard ! Nos militaires innovent en la matière puisqu’ils n’utilisent pas d’énarques pour s’y adonner, ce qui dénote un souci louable d’économie. Pourquoi donc alors ne pas recourir à des experts en futurologie et autres domaine au service d’un but mortifère ? Eh bien, sans doute y a-t-on pensé et qu’ils travaillent de leur côté aussi, la bêtise militaire ne se situe pas exactement là, qui voudrait s’en remettre à la seule disposition des auteurs de SF. Encore heureux, oserais-je prétendre, car la sottise doit reste un bien commun. Oui, la SF possède un fort rapport avec la stupidité, puisque comme toute littérature elle s’intéresse à l’humain et à ses interactions. Mais là, nous voici plongés dans la béatitude technologique : pas de merde, pas de sang, pas de cris, rien que la lumière froide du kriegspiel et des dossiers chiadés sur les guerres futures. Au mieux cette entreprise se révèle de la sottise, au pire elle tue. Et encore… combien de fois Murray Leinster, cité plus haut, a vu juste sur l’ensemble de ses écrits, et combien dans celles de ses confrères ? Reportée à la statistique, quelles sont les chances pour que cette team (je biche aussi le globish qui sent bon le pubard annexé au projet…) voit juste dans ces dossiers-là, disons entre le « nib » et le « que dalle » ? Cela n’empêche pas que collaborer à cela comporte un coût, celui de la conscience.
Reste l'aspect hilarant (bon, l'on rit un peu jaune) de l'histoire : les participant y croient et se prennent autant au sérieux qu'un camion de recrutement de la Légion étrangère un 14 juillet. Accessoirement, cette utilisation de la littérature rejoint assez les conceptions du monde de l'inculture qui voudrait prendre pour argent comptant l'imagination de l'auteur et qui se réserve parfois le droit de le punir au prétexte d'obscénité, par exemple, alors que la vraie obscénité reste de ne pas respecter la littérature.
La SF aboutit ici une sorte d’aporie qui lui donnerait toutes les capacités d’anticipation, mais sans les moyens que pourtant elle décrit de temps à autre, comme la psychohistoire, illusion dont même son auteur, Isaac Asimov, s’affranchit en rappelant la nature accidentelle ou aberrante du processus historique, parfois. Il semble assez piquant de constater que certains des acteurs du genre négligent ce paradigme et se mettent au service d’une prospective « institutionnelle », endossant alors les oripeaux de la futurologie avec, parfois, un sérieux papal assez réjouissant.
La palme de la franche rigolade se trouve dans la collaboration de certains auteurs à une « team » financée par le ministère des armées et dont la mission serait de... jargonner autour d’éventuels conflits auxquels nos pioupious pourraient faire face. On en revient alors à une conception bizarre qui voudrait authentifier un diagnostic par des personnes aussi concernées que votre serviteur, ou vous-même qui me lisez, autour de technologies futuristes et d’évolutions sociétales. On se consolera en se disant que l’expertise aboutirait à un certain nombre de questions embarrassantes si la Cour des comptes était tentée d’y plonger le nez. « Baste, dira-t-on, ils en profitent et ils n’ont peut-être pas tort, après tout ! » Mmmh… prenons un ministère quelconque et employons quelques personnes à pondre des rapports qui ne servent à rien... le genre de nouvelle qui réjouit un certain Canard ! Nos militaires innovent en la matière puisqu’ils n’utilisent pas d’énarques pour s’y adonner, ce qui dénote un souci louable d’économie. Pourquoi donc alors ne pas recourir à des experts en futurologie et autres domaine au service d’un but mortifère ? Eh bien, sans doute y a-t-on pensé et qu’ils travaillent de leur côté aussi, la bêtise militaire ne se situe pas exactement là, qui voudrait s’en remettre à la seule disposition des auteurs de SF. Encore heureux, oserais-je prétendre, car la sottise doit reste un bien commun. Oui, la SF possède un fort rapport avec la stupidité, puisque comme toute littérature elle s’intéresse à l’humain et à ses interactions. Mais là, nous voici plongés dans la béatitude technologique : pas de merde, pas de sang, pas de cris, rien que la lumière froide du kriegspiel et des dossiers chiadés sur les guerres futures. Au mieux cette entreprise se révèle de la sottise, au pire elle tue. Et encore… combien de fois Murray Leinster, cité plus haut, a vu juste sur l’ensemble de ses écrits, et combien dans celles de ses confrères ? Reportée à la statistique, quelles sont les chances pour que cette team (je biche aussi le globish qui sent bon le pubard annexé au projet…) voit juste dans ces dossiers-là, disons entre le « nib » et le « que dalle » ? Cela n’empêche pas que collaborer à cela comporte un coût, celui de la conscience.
Reste l'aspect hilarant (bon, l'on rit un peu jaune) de l'histoire : les participant y croient et se prennent autant au sérieux qu'un camion de recrutement de la Légion étrangère un 14 juillet. Accessoirement, cette utilisation de la littérature rejoint assez les conceptions du monde de l'inculture qui voudrait prendre pour argent comptant l'imagination de l'auteur et qui se réserve parfois le droit de le punir au prétexte d'obscénité, par exemple, alors que la vraie obscénité reste de ne pas respecter la littérature.