jeudi 12 juin 2014

Jean-Luc fait (encore) des siennes

Cela faisait longtemps que Jean-Luc Godard ne m'avait pas fait rigoler. Lorsqu'il trouve que Marine Le Pen devrait être premier ministre du Gouvernement Hollande, nous retrouvons ce qui a été pressenti il y a presque cinquante ans par un article à la teneur prémonitoire que je prends la liberté de reproduire ci-dessous. Je ne sais pas pour vous, mais entre la commémoration de Duras, et la saillie quelque peu flaccide de Jean-Luc, je crois que nous sommes dans une configuration astrale exceptionnelle...
  
Pierrot le Fou

Au moment où la critique française, littéralement terrorisée par une rhinocérite aiguë, se roule au sol dans un compromis musical entre la crise de nerfs, le caprice, le pâmoison, le mal de Parkinson, le nirvâna et la colite, nous sommes heureux, à Positif, de posséder, contre cet épuisant fléau, un antidote foudroyant qui est en vente dans nos bureaux pour le prix modique d’un article d’Aragon.
N’en déplaise aux quelques belles dames emperlousées qui s’en viennent parfois, yeux révulsés et les orteils en vilebrequin, me confier brutalement que Jean-Luc Godard, Zarathoustra du mégaphone, leur procure, sans suite fâcheuse, les joies identifiables de la conception, je n’ai pas encore trouvé chez cet auteur, au timbre ferme, l’équivalent de l’éclair fugitif d’intelligence qu’on remarque dans certains états comateux au soixantième jour de sérum.
« Qu’est-ce que j’peux faire ? J’sais pas quoi faire ! », ce résumé glorieux du programme intellectuel de Jean-Luc, ânonné dans Pierrot le Fou par une Karina ramenée au perroquet, devient un Évangile de la régression. Le processus de répétition, de morne plaquage, de mise bout à bout, que quelques très ratatinés bas-bleus on le front d’appeler collage, est devenu l’hilare système de pensée de notre actuel régime castrateur, où le fourre-tout, méthode favorite d’André Malraux, engendre chez nos maîtres à penser une catatonie toute voisine de la momification. Godard, en assemblant un puéril scrapbook de calembours, de réflexions stupides empruntées à ses amis, et de bonnes pages cérébrales, passe pour dominer un matériel qui, en fait, le domine, lui, et devient le lauréat gaulliste d’un cinéma-drugstore, ou self-service, qui représente obstinément la France dans les Festivals internationaux (puisqu’il fabrique désormais un film par festival). Il n’y a plus de choix possible, on nous le dit en toute démagogie : ce sera Godard ou le néant (1).
Personnellement, je ne vois là aucune alternative. Il y Godard (autrement dit le Néant) et il y a, d’autre part, un certain cinéma français qui va de Malle à Cavalier, en passant par Enrico, Jessua, Resnais, Marker, Allio, Gatti et que l’on peut facilement définir comme l’anti-Godard, sur le plan intellectuel comme sur, je m’excuse, le plan moral.
En effet, au moment ou Jean-Luc, après des intermèdes moraviens ou pseudo-dreyeriens, s’en retourne à sa bonne période extrémiste du Petit Soldat ou des Carabiniers, il semble difficile de soutenir, comme l’on fait parfois, que ce Suisse indécrottable souffre d’un complexe d’indifférentisme qui le rend imperméable aux nuances de la politique. Je sais que l’élite papillonnante de notre capitale qui trouve dans le confusionnisme l’échappatoire et le vague exquis une sorte d’excitant, voudrait accréditer la notion d’une sphère irresponsable et avec de délicieux gros mots à flatter son mépris du contenu, et sa peur atroce du signifiant. Serait-il bouché à l’émeri (ce que je ne crois pas entièrement), il lui reste encore des réflexes révélateurs : celui, par exemple, de résoudre tout par l’ascendance de la force brutale : Pierrot et sa compagne traversent la France en dévalisant ou assassinant pratiquement tout le monde. La liberté qu’on vante tant chez lui n’est revendiquée que pour les cadavres, et l’anarchie « de droite » consiste à revendiquer le monde en tant qu’objet, terrain de manœuvres activiste, ou carton de cible. La fascination de Godard pour les armes à feu, les « bang ! bang ! » et le geste éliminateur (pouvant servir de conclusion à pratiquement tout situation donnée) ne traduit pas seulement sa puérilité, mais ce goût destructeur indiscriminé des imaginations stériles, chez lesquelles elle remplace toute activité créatrice réelle, toute générosité.
Ce niveau infantile cultivé artificiellement dans l’ombre de Céline, est à la foi un alibi et une facilité. L’emploi inoffensif des jeux de mots du genre « Allons-y, Alonzo » cache des détournements plus hypocrites. Godard déprécie les bandes dessinées dans le même sens que les tableaux militaristes en « comics » du peintre Roy Lichtenstein(2). Dans son recours aux Pieds-Nickelés, il raye à fort bon compte une image souriante des forces libertaires, au profit de Pierrot, personnage veule, bas, dénué de charme et dont l’inconscience est poussée jusqu’à l’aphasie mentale, même si, par pur snobisme on lui fait lire Elie Faure ou déclamer Lorca. De même l’anecdote poujadiste sur les cosmonautes russo-américains, qui renvoie commodément (comme dans Alphaville) le communisme et le capitalisme dos à dos, l’allusion complaisante aux gaietés de la baignoire, le sketch minable de Belmondo et Karina sur la guerre du Vietnam, se parent des attributs de l’imbécillité, milieu ambiant de Jean-Luc et de ses laudateurs, mais révèlent un certain nombre de nostalgies, certes végétatives, mais qui dépassent de beaucoup le stade de l’embryonnaire.
J’ai parlé de Céline. Dans l’admiration que Godard voue à ce cabot surestimé, il y a le vœu secret de pouvoir faire passer, si j’ose dire, dans le mouvement de déballage pêle-mêle de tout ce qui se présente à lui sur le plateau ou dans les quotidiens, une certaine idée de l’automatisme, bref à fabriquer de la spontanéité, dans un recours filmé au happening dont on sait qu’il est le recours ultime des ratés qui sabotent l’art pour n’avoir pas à l’approcher. Or l’automatisme, les surréalistes l’ont bien prouvé, n’est pas à la portée de tous les inconscients. Pour le pratiquer, il faut être poète, on ne devient pas poète en le pratiquant. Le cinéma de Godard, c’est le cinéma de quelqu’un qui cherche sans trouver (Picasso : « Je ne cherche pas, je trouve. »), et qui remplace l’appréciation de la trouvaille par une jubilation de l’inaccompli et du salopé, laquelle n’existe que chez les partisans de l’ordre, de l’académisme et de l’officiel.
Á ce propos, il faudrait tout de même que l’on explique à Aragon que, dans le vrai « collage », l’image poétique ne se forme qu’à partir de deux réalités distantes, lesquelles se situent l’une l’autre, selon une dialectique secrète inaccessible à un simple manieur de ciseaux. Faire un collage, ce n’est pas coller n’importe quoi, n’importe où. Si on peut parler de collage à propos de la séquence finale de Duck Soup ("Á la Rescousse !"), ou à propos de la carte postale des Champs-Élysées dans La Mort en ce Jardin, on verra dans les deux cas une image-choc reproduire, non par la force du montage, c'est-à-dire de la « collure », mais par le choix de deux, ou plusieurs réalités en totale rupture, et qu’éclaire une vraie conscience de l’absurde et de l’irrationnel. Á l’ère du Traité du Style, Aragon eût pu apprécier ce genre d’illumination poétique, mais l’actuel Aragon est à la mesure du Delacroix que Baudelaire velléitaire, il s’est ridiculement choisi dans une page mémorable et burlesque. Les faveurs d’un grand « diminué » de la littérature ne manquent pas de pathétique, il est bien vrai. Le titre de gloire, en 1965, le vrai certificat d’authenticité intellectuelle, ce serait de n’être pas compris par Aragon.
Á ce jour, les films de Godard représentent une inadéquation complète de l’homme au matériel hétéroclite qu’il prétend manipuler au petit bonheur, une prise de parole basée sur la certitude sereine de n’avoir rien à dire (ce n’est pas en parlant que l’on devient causeur), un désir rétrograde de faire passer l’intelligence et la responsabilité au rang des accessoires ornementaux ou superflus. Godard, qu’il veuille faire du chic et du joli avec de l’incompris et du refoulé, incarne un tripotage particulièrement lamentable des formes expressives, une déchéance du goût, de l’analyse et de la conscience qui pouvait faire croire à une crise de l’entendement, si elle affectait autre chose qu’une coterie gesticulante et démultipliée, celle qu’on catalogue dans le « Tout-Paris » parce qu’elle s’étourdit de son propre bruit, et que l’on peut doter, comme dit Ducasse, d’une notable quantité d’importance nulle. Á Venise, Pierrot le Fou faisait ce qu’on appelle, charitablement, un bide. Les moyens d’intimidation qui fonctionnent sous les latitudes exotiques des Champs-Élysées n’y ont encore conditionné que les cerveaux mous et les défectueux du bout de gras. Il est vrai que ces derniers ont le coup de téléphone plus rapide que la fusée Diamant, et le cri plus strident que le Mystère à réaction. Mais Etaix et Chabrol nous enseignent un sain usage des boules Quiès. Installons-nous tranquillement dans la cybernétique à venir : 3 films par an, 3 festivals, 3 grands prix à dormir debout pour les jurés, 33 articles utilisant 3.333 épithètes dithyrambiques que nous livre Littré, 33 titres interchangeables pour les tableaux que cite Louis Aragon, 333 orgasmes pour Cournot. Qui se lassera le premier ? Je me pose la question avec l’angoisse fébrile, l’œil hagard et le sérieux d’Albert Neumann.
 
PIERROT LE FOU , France, 112 mn, 1965. Réalisation et scénario : Jean-Luc Godard, d’après Lionel White. Chef opérateur : Raoul Coutard (Techniscope et Eastmancolor). Musique : Antoine Duhamel. Montage : Françoise Colin. Interprètes : Anna Karina (Marianne), Jean-Paul Belmondo (Ferdinand), Dirk Sanders (Le Frère), Raymond Devos, Roger Dutoit, Samuel Fuller. Production : G. de Beauregard. Distribution : S.N.C.

Robert Benayoun, in : Positif n° 73, Février 1966
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Notes :
 
(1) Le parallèle s’arrête là : il n’y a point de gauche (hors Positif) pour faire face au lauréat d’Etat. On sait que les Lettres Françaises, depuis belle lurette, sont devenues le dernier bastion de la réaction. L’Observateur est devenu l’aile droite des Cahiers du Cinéma et France Nouvelle, pour ne pas chagriner de bon Louis A., censure Casiraghi, son correspondant à Venise, qui éreintait Pierrot le Fou avec une insistance fâcheuse.
 
(2) Ce dernier s’exprime volontiers à la Jean-Luc Godard : « Je ne prends pas très au sérieux les prototypes fascistes, et je les utilise pour des raisons purement formelles. » (Art News, nov. 1963)

Cinoche

Cinoche : Le cinéma.

Géo sandry & Marcel Carrère : Dictionnaire de l'argot moderne (1953)

mardi 10 juin 2014

Où le Tenancier raconte des choses sur lui-même, sur ce qu'il a vu, sur ce qu'on a entendu et où cela finit par une complainte qui le fait doucement rigoler

Á Yan Lindingre, en toute sympathie.

Le Tenancier dans sa folle jeunesse a milité pour les Amis de la Terre, très brièvement, on vous rassure, le temps de s’apercevoir que le type qui dirigeait le bouzin en faisait un piège à gonzesses, chose en somme peu répréhensible, mais quand on a dix-huit ans on se sent un peu intégriste. La scène à laquelle il assista rue de La Bucherie prit la valeur d’une scène fondamentale quant à sa propre philosophie politique. Le type, lui, a continué vers d’autres râteliers plus conformes à sa situation sociale et aussi sans doute parce que les grandes écharpes à la Bruant, le patchouli et les robes de chez Anastasie commençaient à passer de mode. Votre Tenancier — qui ne l’était pas encore, mais un exalté un peu béjaune — était déjà loin. Il se rapprocha de mouvances où l’on coure très vite car il considérait que la discussion, ça va cinq minutes et que les écolos, en somme, l’emmerdaient bien plus que l’écologie, mais il faut dire qu’il fût salement éduqué politiquement dans le refus de l’autorité, même « amicale ». Ah ! La suggestion amicale, justement, le potlatch, la main dans le dos… Pendant que des organismes à trois lettres (C.R.S., C.G.T., etc.) nous marquaient à la culotte, au début des années 80, dans une improbable course vers des jours pas vraiment radieux, d’autres faisaient le compte mesquin de leur rapacité en investissant — et le mot est choisi — dans une rente de sympathies et de copinages.
Le Tenancier a mauvais caractère, c’est là son moindre défaut. Il ne se fit pas trop de potes et son réseau amical n’avait que faire de la comptabilité des services rendus ou à rendre. Il préférait l'amitié. Le Tenancier est un sentimental. Preuve qu’il était un vieux con avant la lettre, il ne bougea pas trop dans ses convictions. Il fut toutefois forcé de convenir qu’il courait moins vite, moins loin et qu’il commençait à confondre l’odeur des merguez du Premier Mai avec l’odeur des lacrymos insurrectionnels. Il ne se rangea point trop, mais se calma par la force des choses et aussi par les accidents de l’existence. On sait que votre Tenancier fréquentait Radio Libertaire et que cette fréquentation n’était ni par intérêt ni par accident mais parce que c’était des membres de la famille. Il y fit la technique, des émissions, s’engueula, claqua la porte, revint, fit autant de « euh » (on appelle ça des « omelettes ») au micro que tous les autres… Pas de nostalgie, pourtant. C’était bien, mais après presque quinze ou seize ans à faire de la radio, il était temps pour votre Tenancier chéri de faire autre chose, comme faire de la petite édition, et toutes ces sortes de choses. Du reste, passer autant de temps à la radio revenait à devenir une sorte de fonctionnaire. Vous voyez d’ici l’exaltation… d’autant que si la permanence est justifiable au nom du militantisme, elle l’est moins dès lors qu’il s’agit de pérorer sur la culture et le reste. Le retrait est souvent nécessaire pour se renouveler. Je n’avais donc que trop duré.
Pourquoi je vous raconte tout ça, soudainement ? Oh, pas grand-chose, simplement par l’effet d’un amusement passager à propos d’un type qui vient de perdre son boulot. C’est cruel de perdre un travail n’est-ce pas ? C’est que j’eus à côtoyer ce pauvre type — j’aurais pu écrire « pauvre garçon » mais la charité n’est pas une vertu reconnue par la Première Internationale — à la radio pendant un bref moment. 

Le lecteur de ce blog s’en souvient, le Tenancier avait animé une suite d’émissions autour de la SF avec des titres un peu bêtes mais au contenu un peu travaillé. Il fallait savoir également qu’il n’était nullement question de revendiquer une quelconque exclusivité sur l’antenne. Tout le monde avait bien le droit de parler de temps en temps du sujet d’un autre et je ne m’en suis pas privé non plus. Seulement l’arrivée à l’antenne d’une émission animée par ce triste personnage avait suscité quelques inquiétudes dans notre équipe. Le type avait de l’entregent, des manières cauteleuses et un carnet d’adresse fourni dans le milieu de la SF. On me rassura, en premier chef l’intéressé. Ainsi, ce ne serait qu’une émission littéraire, voyons, certes, on parlera de SF, mais également d’autre sujets sans exclusive ! On est cool, tu vois, on est du même monde. Du même monde, vraiment ? Dans mon imaginaire obtus, le fait d’être cool n’était pas vraiment un blanc-seing pour que ce type qui était en train de me passer la main dans le dos devienne un pote, tu vois. On sentait dans le propos pseudo amical poindre la condescendance vis-à-vis des « bricoleurs » que nous semblions à ses yeux. Malgré notre défiance, tout se passa bien les premiers temps. Certes, des auteurs comme Emmanuel Jouanne et d’autres furent invités à cette émission mais le contrat nous semblait observé car d’autres littératures étaient abordées souvent avec talent, ce talent qui allait lui servir pour son propos et, plus tard, ses ambitions… ou presque.
On se doute bien de ce qui arriva ensuite. Des invités qui ne se pointèrent pas au studio à plusieurs reprises, des rumeurs… Je finis par enregistrer au téléphone les propos d’un des invités qui nous avait posé un lapin et le faire entendre au secrétariat de la radio. Le procédé n’était certes pas élégant car je n’en avais pas averti la personne, mais je n’avais guère le choix pour démontrer ce qui s’était passé, à savoir que notre « pote » si cool faisait courir des propos négatifs sur notre émission et sur ses animateurs. Le type a arrêté la sienne après que nous avions fait état de cette duplicité. Je ne remercierai jamais assez le secrétariat de la radio d’avoir réagi comme son éthique le demandait et non d’avoir répondu à la flatterie que ce nom pouvait lui rapporter.
Le type a continué sa carrière de folliculaire ici et là et principalement dans une revue, depuis les années 70. Il vient d’en être viré, sans doute par manque de renouvellement — je sais que ce n’en n’est pas forcément la raison, mais l’idée est irrésistible, voyez-vous. Il pleure. C’est drôle, cet écoulement lacrymal, c’est pittoresque. Le type a l’âge de la retraite, est ancien député (cool, tu vois, mais assez vigilant sur la progression de carrière, c’est ça l’écologie, hein !) et vient me dire qu’il va avoir du mal à payer son loyer ? Comme si c'était le seul, comme si ça ne pouvait tomber sur lui ? Pas réélu, au chômage (Et, soi-disant, à refuser des indemnités pour ne pas couler un revue… reprise par un grand groupe d’édition — quel jobard peut gober ça ? Ne parlons pas du délire sur ces indemnités auxquelles il prétend.), ce garçon va pouvoir écrire ses mémoires. Ou mieux, je lui recommande de changer de bord comme son glorieux prédécesseur à la tête des Amis de la Terre, songeant que son arrivisme peut encore faire des étincelles. Encourageons les initiatives et faisons du neuf avec du vieux, du très vieux, du blet, ça ne nous changera guère, cela dit.
Pourquoi je ne compatis pas à ça, avec un mec qui a voulu me marcher sur la gueule ? Et pourquoi donc je me dis qu’on est vraiment pas du même monde ?
A part ça, je reprendrais bien une coupette, tiens… 
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p.s. : Quelques temps après cet épisode, je croisai ce type dans un un mini-raout. Franc comme un âne qui recule, il vint vers moi et me dit :
« — Ah, salut, comment tu vas ?
Je marquai un temps, et puis :
— Nettement moins bien, tout à coup ».
C'est drôle, mais — était-ce le ton de ma phrase — il n'arrivait plus tellement à me reconnaître, par la suite...

Crédit d'illustrations : Justin Gerard (trouvées sur ce blog 

lundi 9 juin 2014

Balancer

Balancer : Éconduire, renvoyer

Géo sandry & Marcel Carrère : Dictionnaire de l'argot moderne (1953)

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Balancer : v.a. 1. Dénoncer, moucharder — Exemple : Totor tombe pour six marqués, c'est le fourgue qui l'a balancé.
A amené la création de « balanceur-euse » : Dénonciateur, dénonciatrice
2. Envoyer — Exemple : Comme le cave se rebiffait, y a fallu balancer la purée.
3. Offrir — Exemple : C'est une gisquette de classe, je lui ai balancé une corbeille de roses de cinq raides.

Albert Simonin : Petit Simonin illustré par l'exemple (1968)

Interlude

samedi 7 juin 2014

Pour saluer un centenaire

« L’apologiste sénile des infanticides ruraux »
Pierre Desproges
 
« Mme Duras démontre comment il est possible, voire inéluctable, que l'on devienne Médée parce que l'on s'ennuie le dimanche et que l'on s'embête les autres jours de la semaine. Voici donc une inculpée accédant au sublime par le biais de la mythologie, et dédouanée de ce fait : Mme Duras en admire la sauvage grandeur, et tartine sur des pages et des pages un jargon néo-analytique, de facture contemporaine en apparence, mais dont l'inspiration, en réalité, remonte à 1900. Un écrivain de cette époque, le "décadent" Pierre Louÿs, a glorifié dans une nouvelle l'attitude d'un sculpteur d'Athènes, bourreau de ses esclaves, qui, un beau matin, reçut une délégation de ses compatriotes venue protester. En guise d'excuse, il présenta la belle statue d'un moribond qu'il avait pu créer grâce à une observation directe de la douleur, suppléant à la panne de son inspiration. Que saignent les corps et les coeurs, pourvu que l'on signe! Ainsi, grosso modo, procède Mme Duras, dont l'esthétisme chichiteux, qu'elle transforme en morale, n'aboutit qu'à desservir son héroïne auprès d'une opinion divisée et troublée. Car bien peu seront sensibles à la poésie de l'infanticide considéré comme l'un des beaux-arts ou comme une récréation dominicale. Et beaucoup ne retiendront qu'une certitude de culpabilité de cette compréhension décrétée par avance, en attendant les conclusions de la justice. »
Angelo Rinaldi : Article dans l’Express (1985)
 
« Je ne verrai jamais François et Roselyne L. Je ne l’ai pas vue non plus, leur émission où ils disaient le chômage. Je ne reçois plus la cinquième chaîne parce que l’orage a cassé mon antenne, en décembre, je crois. On m’a quand même raconté le lendemain. C’était un couple. Je les devine. Ils étaient deux, c’est sûr. Il y avait lui et elle. On les avait assis là, devant la caméra qui les filmait. Elle devait avoir son manteau de lapin. Lui il était en cuir, de l’agneau du Yorkshire dans doute. Il disait : « C’est l’argent qui manque. Je vais donner l’enfant qu’elle porte encore, elle, Roselyne » Il donnait l’enfant pour travailler. En face il y avait un public. C’était un jury qui les condamnait. Déjà, ils étaient en prison.
[…]
C’était là, dans cet immeuble. Je l’ai ressenti d’abord. Au troisième étage, sûrement. On voyait bien les fenêtres. J’ai crié quand j’ai vu la fenêtre de la cuisine. C’était là, dans la cuisine, qu’ils ont pris la décision.
Ça devait être le matin, ou peut-être le soir, sans doute, quand elle, elle rentrée de chez le médecin. Elle a dû payer le médecin pour qu’il lui apprenne l’horrible nouvelle. « Ces vomissements, c’est un enfant. » Il a dit ça, le médecin. Je l’entends. Un enfant, ça commence toujours par un malaise. On va vomir. On a envie de chocolat. Il paraît que ça se passe toujours comme ça. Toujours. Toujours ce malaise-là. Il faut comprendre comme ça ces choses. »
Patrick Rambaud : Virginie Q.  (1988)
 
« J'ai le souvenir, pour ma part, d'avoir eu connaissance du passé collaborationniste de Duras par une note en bas de page figurant dans la biographie de Gaston Gallimard, due à Pierre Assouline. C'était en 1984. Il y était fait allusion à l'existence de cette commission de la Propaganda Staffel où avait officié la jeune Marguerite Donnadieu, épouse Antelme, commission mise en place par un décret du maréchal, après la préalable aryanisation des maisons d'édition juives (Nathan, Calmann-Levy), puis prise en mains par les nazis. Son attribution : le contrôle du papier d'édition. Elle constituait ainsi un véritable organisme de censure qui épluchait les manuscrits reçus et avait la charge de distribuer le papier aux seuls "bons" éditeurs (entendons ceux qui avaient accepté, de leur plein gré, de retirer de la vente et ne plus publier les auteurs inscrits sur les listes dites "Otto" et "Bernhard", à savoir les auteurs juifs, communistes, ou ceux ayant eu par le passé une attitude critique à l'égard de l'Allemagne et de sa culture). " Marguerite, écrit Laure Adler dans la biographie qu'elle lui a consacrée, ne pouvait ignorer le degré de collaboration de cet organisme constamment surveillé par la Propaganda ". Paul Morand eut des responsabilités dans cette commission dirigée par un collaborateur notoire. Les noms de Ramon Fernandez, Brice Parain, Dionys Mascolo figurent dans la liste de la quarantaine de lecteurs accrédités par ladite commission. Quand à la secrétaire de celle-ci, c'était notre Marguerite Donnadieu-Antelme, qui deviendra plus tard l'intraitable résistante Marguerite Duras, l'impitoyable tortionnaire de collabos, puis la militante communiste (stalinienne, forcément stalinienne ?) pure et dure. Ne manquant pas d'aplomb, à la Libération, l'incorruptible communiste s'en prendra avec une farouche énergie à tous ces veaux de Français qui n'avaient pas ouvertement pris parti contre Pétain [...]. »
Jacques Henric : Politique (2007)
 
« L’homosexualité est, comme la mort, l’unique domaine exclusif de Dieu, celui sur lequel ni l’homme, ni la psychanalyse, ni la raison  ne peuvent intervenir. L’impossibilité de la procréation  rapproche beaucoup l’homosexualité de la mort… Il manque à l’amour entre semblables cette dimension mythique et universelle qui n’appartient qu’aux sexes opposés : plus encore que son amant, l’homosexuel aime l’homosexualité… Je l’ai déjà dit, c’est la raison pour laquelle je ne peux considérer Roland Barthes comme un grand écrivain : quelque chose l’a toujours limité, comme si lui avait manqué l’expérience la plus antique de la vie, la connaissance sexuelle de la femme ».
Marguerite Duras 

« Marguerite Duras n'a pas écrit que des conneries. Elle en a aussi filmé… » 
Pierre Desproges

« Au fil de la conversation, un autre sujet se fait jour ; d'abord dans la confusion, puis de façon de plus en plus obstinée. Marguerite Duras veut parler politique : la politique française, la politique internationale. En particulier, elle veut parler de Reagan, dire sa fascination et affirmer son soutien aux bombardements américains en Libye. Mitterrand fait la moue, Duras revient à la charge une fois, deux fois et, finalement, le sujet occupe la totalité du dernier entretien. « Moi, j'aime l'Amérique, je suis reaganienne.» Mitterrand : « Je crois m'en être aperçu ». Duras : « (Reagan) incarne une sorte de pouvoir primaire, presque archaïque.» C'est après cette ultime discussion que Mitterrand, excédé, décida d'arrêter les frais, tandis que Michel Butel, fondateur de l'Autre Journal et maître d’œuvre des entretiens, s'en prit dans les colonnes de son hebdomadaire au proaméricanisme compulsif de l'intervieweuse de luxe. Pour ou contre l'Amérique, pour ou contre les bombardements : vingt ans plus tard, ce point de cassure résonne avec une familiarité presque effrayante. »
Éric Aeschimann : Article dans Libération (2006)

Françoise Sagan, comment ça va, la petite santé ?

Marchand de lacets

Marchand de lacets : Gendarme

Géo Sandry & Marcel Carrère : Dictionnaire de l’argot moderne (1953)

Une historiette de Béatrice

Il est entré d'un pas assuré, sa fille derrière lui. Il tient de la main gauche 2 boîtes de la pâtisserie machin, et me montre du doigt de la main droite le Hetzel en vitrine.
Par curiosité je voudrais connaître le prix du Jules Verne. Ouille le collectionneur sérieux. Bonjour monsieur, je l'attrape et vous réponds de suite.
S'engage illico une conversation sur ces fameuses éditions, illustrations, cartonnages, éléphants, bannières, globes dorés. Enfin plutôt un monologue. J'acquiesce de-ci de-là, ce qui semble lui convenir.
Pendant ce temps, sa fille se plonge dans une BD.
Une fois le livre reposé dans la vitrine, le voilà qui enchaîne avec une verve égale sur les BD en voyant sa tête blonde.
— Ah, les premières éditions d'Astérix, auriez des Tintin en première édition, je les revends sur internet ?
— Dis Papa, tu peux m'acheter une BD stp, elles sont à 5 euros?
— Ah non alors, j'en ai plein à la maison et tu ne les regardes même pas.
— Papa, stp, celle-là me plaît vraiment!!!
— Je te dis que non. Dites, vous n'en auriez pas des moins chères, à 1 ou 2 euros?
— Non monsieur.
J'ai offert la BD à la jeune lectrice, largement payés par son sourire et ses baisers spontanés.

 Cette historiette a été publiée pour la première fois en août 2011 sur le blog Feuilles d'automne

Défiler dur à la parade

Défiler dur à la parades : Mourir. Ah ! dis donc, en ce moment, ça défile dur à la parade !

Géo Sandry & Marcel Carrère : Dictionnaire de l’argot moderne (1953)