Le Tenancier et ses amis préparant la suite des billets du blog
(Allégorie gentiment fournie par M. Ilia Efimovitch Répine, merci p’tit gars…).
« Sur le quai Debilly, en partie sur la berge et en partie sur la Seine, entre le pont de l’Alma et la passerelle des Armées de terre et de mer se déroulent sur près de 300 mètres d’étendue les constructions du Vieux paris. Situé en face des palais divers du Champ-de-Mars, il présente au regard une longue file de monuments et d’édifices, projetant dans le ciel et reflétant dans la Seine des tours, des tourelles, des clochers et des clochetons étagés par-dessus les toits. Le Vieux Paris est une véritable petite ville, couvrant un espace de 6 000 mètres, divisée en trois quartiers principaux, sillonnés de rues et coupés de places, et présentant une sorte de synthèse pittoresque, vivante et grouillante, non d’une époque déterminée, mais de la vie d’autrefois, depuis la fin du XVe siècle jusqu’à la fin du XVIIIe.Quelques attraction ponctuent la visite, un compte-rendu d’époque (même source que précédemment) nous donne quelques indications :
[…]
Le Vieux Paris, qui compte parmi les attractions de l’Exposition universelle, est dû à l’initiative d’un écrivain et d’un artiste très connu, M. Robida, qui en a dessiné les plans. Il a eu pour collaborateurs dans son œuvre les architectes MM. L. Benouville, Beitz, Vilain, Gombert, Klinka, de Vlastimil, l’architecte paysagiste M. Martinet, et un grand nombre d’artistes : MM. Leemans, Lecourt, Cardona, Béra, Richard, Mme Émilie Robida, etc. M. Robida à publié sur le Vieux Paris une suite de planches in-folio, avec une notice (1900) »
( Le Vieux Paris, par H. Castets, in : « L’Exposition Universelle de 1900 », (p. 387) ) — Revue encyclopédique 1900.)
« En dehors du Vieux Paris, au quai Debilly, les berges de la Seine sont vierges d’attractions. Il y a bien les sous-sols des palais des puissances étrangères, rue des Nations (quai d’Orsay), mais ce sont surtout prétextes à boire, et, jusqu’à nouvel avis, les spectacles qu’on y produit ne sont pas d’un art très relevé.On le constate, l’entreprise est colossale, elle rencontre un joli succès. Non content de mener à bien ce projet, Robida renchérit par la publication des planches évoquées ci-dessus. Elles ne concernent pas directement l'attraction du Vieux Paris et couvrent une période plus large puisque nous débutons la série par l’époque gallo-romaine — pour notre plus grand regret d’ailleurs, car nous aurions bien voulu voir la verve de Robida s’exercer sur la Préhistoire — jusqu’à Bonaparte. Là aussi, les collaborations abondent et on rencontre nombre d’écrivains « arrivés » (beaucoup occupent largement le catalogue Lemerre…) qui se prêtent parfois avec humour et malice à l’évocation du Paris de l’ancien temps. La liste des collaborateurs ci-dessous suffit à nous convaincre :
Reste le Vieux Paris, dont le programme forme, à lui seul, une des exhibitions les plus importantes de l’Exposition.
Le Vieux Paris a été conçu par MM. Arthur Heulhard et Robida. Tous deux l’ont réalisé, et on peut dire que depuis longtemps les constructions du quai Debilly, si malaisées à l’origine et d’extérieur si pittoresque, n’ont cessé de piquer la curiosité publique.
Prix d’entrée : 1 fr. dans la journée ; 2 fr. dans la soirée. Le vendredi : 2 fr. et 4 fr.. le dimanche 0 fr. 50 et 1 fr.
Mais, pas d’illusions : les expositions et spectacles divers qu’on peut voir dans l’enceinte du Vieux Paris, ne s’ouvrent que moyennant de nouvelles finances. »
( Les Attractions : Berges de Seine, par L. Vernols, in : « L’Exposition Universelle de 1900 », (p. 387) Revue encyclopédique 1900.)
« Enfin, Au Grand Coq [Donc, au sein de l'attraction du Vieux Paris, (note du Tenancier)], la maison de Renaudot, Albert Robida a installé l'ultime pièce de son puzzle temporel, la Gazette du Vieux Paris, publiée par l'éditeur Baschet, ou plus précisément par les Annales Politiques et Littéraires, et vendue à l'enseigne des Trois Écritoires. C'est de ce bureau que seront publiés les quatorze bulletins de la gazette spéciale, une rétrospective autant dans la forme que dans le fond puisque chacun emprunte une écriture différente depuis le manuscrit jusqu'à l'impression moderne mais également des types de papier varié, adapté au siècle que les textes représentent. Non content de produire une aventure du papier et de la littérature, ces quatorze numéros, que l'acheteur heureux pourra contenir dans un fourreau « antique », sont rédigés avec les talents de célèbres écrivains. François Coppée, Edmond Haraucourt, Maurice Barrès, Pierre Loti, etc. mais aussi Jules Verne, qui y rédigent des imitations et des calembredaines enluminées, illustrées à la plume ou gravées sur bois par Albert Robida et son fils Frédéric. Le journal paraît tous les quinze jours et présente aussi le programme quotidien des théâtres, concerts et attractions. »Notons là une erreur vénielle : il n’y a nulle rubrique pour insérer dans ces parutions le programme quotidien des attractions, etc. À tout le moins, on y trouve une réclame pour les Annales politiques et littéraires et mentions brèves de quelques attractions (et cela sur deux ou trois numéros, seulement). C’est que la place manque !
(1900 - Albert Robida à l’Exposition Universelle, par Christine Luce, in : « Paris, une physionomie », dir. Alexandre Mare — Les Moutons électriques (2013)
« Ceux qui dénoncent l'aburdité ou les périls de l'incitation au gaspillage dans la société de l'abondance économique, ne savent pas à quoi sert le gaspillage. Il condamnent avec ingratitude, au nom de la rationalité économique, les bons gardiens irrationnels sans lesquels le pouvoir de cette rationalité économique, s'écroulerait. Et Boorstin, par exemple, qui décrit dans L'IMAGE la consommation marchande du spectacle américain, n'atteint jamais le concept de spectacle, parce qu'il croit pouvoir laisser en dehors de cette désastreuse exagération la vie privée ou la notion d' “honnête marchandise”. Il ne comprend pas que la marchandise elle-même a fait les lois dont l'application “honnête” doit donner aussi bien la réalité distincte de la vie privée que sa reconquête ultérieure part la consommation sociale des images.
Boorstin décrit les excès d'un monde qui nous est devenu étranger, comme des excès étrangers à notre monde. Mais la base “normale” de la vie sociale, à laquelle il se réfère implicitement quand il qualifie le règne superficiel des images, en termes de jugement psychologique et moral, comme le produit de “nos extravagantes prétentions”, n'a aucune réalité, ni dans son livre, ni dans son époque. C'est parce que la vie humaine réelle dont parle Boorstin est pour lui dans le passé, y compris les passé de la résignation religieuse, qu'il ne peut comprendre toute la profondeur d'une société de l'image. La vérité de cette société n'est rien d'autre que la négation de cette société. La sociologie qui croit pouvoir isoler de l'ensemble de la vie sociale une rationalité industrielle fonctionnant à part, peut aller jusqu'à isoler du mouvement industriel global les techniques de reproduction et de transmission. C'est ainsi que Boorstin trouve pour cause des résultats qu'il dépeint la malheureuse rencontre, quasi fortuite, d'un trop grand appareil technique de diffusion des images et d'une trop grande attirance des hommes de notre époque pour le pseudo-sensationnel. Ainsi le spectacle serait dû au fait que l'homme moderne serait trop spectateur. Boorstin ne comprend pas que la prolifération des “pseudo-événements” préfabriqués, qu'il dénonce, découle de ce simple fait que les hommes, dans la réalité massive de la vie sociale actuelle, ne vivent pas eux-mêmes des événements. C'est parce que l'histoire elle-même hante la société moderne comme un spectre, que l'on trouve de la pseudo-histoire construite à tous les niveaux de la consommation de la vie, pour préserver l'équilibre menacé de l'actuel temps gelé.
GUY-ERNEST DEBORD. (La Société du Spectacle) »