lundi 17 juillet 2023

Plaisir d'offrir, joie de recevoir

On aimerait que la conjoncture, les préceptes de l’économie de marché et le goût affirmé du lectorat eussent favorisé la conservation d’un fonds de longue durée chez nos éditeurs, constamment contraints de travailler en flux tendu. Il devient nécessaire de temps à autre de réaliser une partie du stock afin d’assurer la pérennité de la maison d’édition. C’est ce qui arrive cet été avec Le Fort puisque l’ouvrage est proposé à 4,50 € sur le site de l’éditeur. Voici une aubaine pour découvrir cette longue nouvelle ou ce court roman, c’est selon, pondu par mes soins. Que cela soit au moins le prétexte à faire entrer ce livre dans quelques foyers accueillants.
Pour plus d’infos, cliquez ici.
 

dimanche 16 juillet 2023

Sur l'adaptation

F.T. […] Vos scrupules par rapport à O’Casey expliquent votre répugnance à adapter les chefs-d’œuvre de la littérature. Il y a un très grand nombre d’adaptations dans votre œuvre, mais il s’agit le plus souvent d’une littérature strictement récréative, de romans populaires que vous remaniez à votre guise jusqu’à ce que cela devienne des films d’Hitchcock. Parmi les gens qui vous admirent, certains souhaiteraient que vous entrepreniez des adaptations d’œuvres importantes et ambitieuses. « Crime et Châtiment » de Dostoïevski, par exemple.

A.H. Oui, mais je ne le ferai jamais parce que « Crime et Châtiment », c’est l’œuvre de quelqu’un d’autre justement. On parle souvent des cinéastes qui, à Hollywood, déforment l’œuvre originale. Mon intention est de ne jamais faire cela. Je lis une histoire seulement une fois. Quand l’idée de base me convient, je l’adopte, j’oublie complètement le livre et je fabrique du cinéma. Je serai incapable de vous raconter « les Oiseaux » de Daphné du Maurier. Je ne l’ai lu qu’une fois, rapidement.
Ce que je ne comprends pas, c’est que l’on s’empare réellement d’une œuvre, d’un bon roman que l’auteur a mis trois ou quatre ans à écrire et qui est toute sa vie. On tripote cela, on s’entoure d’artisans et de techniciens de qualité et on se retrouve candidat aux oscars alors que l’auteur se dissout dans l’arrière-plan. On ne pense plus à lui.

Hichcock Truffaut (1966) 
 
 

samedi 15 juillet 2023

Paf, dans ma bibliothèque !

Nous allons à la halle exceptionnellement le samedi, parce que les fruits se dégradent avec une rapidité déconcertante en ce moment. Mieux vaut alors se procurer de petites quantités en passant plus souvent. La visite devient assez désagréable, d’ailleurs, car le marché couvert en été est envahi de «campingcaristes» qui circulent entre les travées les mains dans le dos, l’air de se dire que c’est moins cher que dans leur coin. De toute façon, ils vont acheter leur merde au supermarché. La route c’est bien, mais sous cellophane. Pas loin, une étagère a été installée par la municipalité. Il y a peu encore, existaient quelques boîtes à livres réparties dans la ville. Au moins se trouve-t-elle sur le chemin du retour, les sacs pleins, prétexte à la pause. Aujourd’hui, maigre récolte, ce Hitchcock présente que l’on ne gardera peut-être pas et que l’on parcourra pour faire connaissance avec quelques soutiers de la littérature policière. Si j’ai lu Saki, Robert Bloch et John Collier dans ce sommaire, d’autres me sont complètement étrangers. Tout de même, je m'interroge sur la conservation de ce volume en me rendant compte qu’il contient Les chasses du comte Zaroff, de Richard Connell. Allez, donnons-lui un sursis en attendant de trouver un exemplaire un peu plus propre, de l’améliorer, comme on dit (signature du précédent propriétaire sur la garde, quelques rousseurs ce qui reste peu acceptable pour ce genre d’édition, soulignures à la page du catalogue…) Tout ce qui concerne le divin comte ne peut que m’intéresser.

Hitchcock présente : Histoires abominables (1960) — Presses Pocket, 1979
 

vendredi 14 juillet 2023

Une historiette de Béatrice

— Et le petit aide-mémoire ancien combien fait-il ?
— 12 euros, monsieur.
— Houla, vous pouvez le garder !

jeudi 13 juillet 2023

Paf, dans ma bibliothèque !

Serais-je atteint d’une pathologie analogue au syndrome de Noé qui veut héberger tout animal errant, mais transposé au livre ? D’ailleurs, quel nom porterait-il, hors la « bibliomanie » et ses dérivés ? L’on désirerait un patronyme tout aussi biblique, mythologique ou dédié à une figure antique. Outre les librairies d’occasion (et de neuf quand je ne peux faire autrement), je fréquente les boîtes à livres et il m’est arrivé de prélever quelques exemplaires inattendus, ainsi ce petit ouvrage fâcheusement abîmé sur son premier plat (mais très frais à l’intérieur). D’ailleurs, cette blessure m’a permis de déduire une partie de son histoire : les bords de l'injure conservaient les restes d’une étiquette orangée facilement reconnaissable puisqu’en provenance du Nooz voisin (cimetière de dépôts de bilans et des excédents de production). Ces gougnafiers utilisent un système avec une colle qui ne pardonne pas sur des surfaces non lisses et, en plus, en plein sur le premier plat. Cette couverture altérée a sans doute décidé son ancien possesseur à s’en séparer, ou en tout cas a servi d’alibi pour l’abandon d’un livre qu’il a dû estimer médiocrement. Ce livre de Gadenne attendait donc à côté d’un Patrick Grainville de livres-club de deux ou trois merdouilles de Slaughter, etc. Gadenne, tout de même… je devais m’en emparer rien que pour le souvenir que m’a laissé L’invitation chez les Stirl que, au rebours de pas mal de critiques, j’avais bien aimé. Le passage devant la boîte fut bref et ce n’est qu’au retour à domicile que j’appris le contenu : plus un ensemble d’annotations qu’un roman et qui allait servir à la rédaction des Hauts-Quartiers. J’ai sans doute d’autres Gadenne à lire avant celui-ci, revoir quarante ans plus tard cette Invitation ou aborder la Plage de Scheveningen, conservé dans ma bibliothèque depuis la fin de mon exercice de libraire. Gadenne fait partie, dans mon esprit, de ces auteurs qu’on se déclare libre de visiter, à cause des reparutions sporadiques qui les font « découvrir » par des générations successives d’éditeur. C’est le cas de Calet et de Guérin, par exemple (il en existe d’autres), dont les résurgences se passent souvent sous le signe du « miracle », phénomène cyclique qui entretient la flamme… surtout d’une certaine réclame. Alors, le lirai-je, celui-là ? Bien sûr, un jour, comme le reste des livres qui m’encombrent. Ce qui importe, c’est d’avoir le choix, n’est-ce pas ?

Paul Gadenne : G.R. Le Livre de la Haine — La Part Commune, 2005
 

mercredi 12 juillet 2023

Le Baratin des magiciens

Doit-on s’en réjouir, ou doit-on s’en inquiéter, lors d’une pendaison de crémaillère récente, je conversais avec deux amis, l’une libraire et l’autre bibliothécaire et je constatais leur ignorance complète de l’existence du Matin des magiciens de Pauwels et Bergier.
Le motif de se réjouir se trouverait alors dans le fait que les conneries sexagénaires finissent par s’estomper les bibliothèques contemporaines puisque dans leur carrière ces amis n’ont pas croisé ce livre (ils ont entre 40 et 50 ans). Cela induirait également qu’il n’a pas tant que cela perduré, mais à imprimé sa marque sur quelques générations seulement, ce qui ne serait pas un mal.
En revanche, l’on pourrait s’inquiéter de cette ignorance puisque ce livre est en quelque sorte à l’origine de toutes les élucubrations en cours sans compter quelques révisionnismes historiques qui mènent bien souvent à des opinions douteuses ou fascistes. La méconnaissance de ce passé (le bouquin est paru en 1960) pourrait laisser accroire que les théories fumeuses se parent des attraits de la nouveauté, en résumé que l’on fait du neuf avec du rance à destination des descendants de ces gogos adeptes du « réalisme fantastique ». Bien entendu, le sondage sur deux personnes ne vaut pas une généralité, mais cela intrigue : le souvenir dans le monde du livre est-il devenu si volatile, même concernant une débilité éditoriale ? Que penser de cette perte de mémoire ? De ce côté du clavier, on possède sa petite idée sur le sujet… 
Ou alors, dernière hypothèse : ces deux amis sont des petits veinards qui ont échappé à cela.

mardi 11 juillet 2023

Paf, dans ma bibliothèque !

(Cette rubrique a déjà existé dans d’autres cieux, où les algorithmes ont commencé sérieusement à emmerder votre cher Tenancier. Il recommence ici, mais cette fois-ci en ajoutant un commentaire…)
 
Cela vous étonnera peut-être, mais j’étais toujours passé au large de Salammbô depuis des décennies alors que je possède au moins deux éditions différentes dans ma bibliothèque, aucune n’étant remarquable d’ailleurs. Je me suis décidé enfin à lire le roman après deux départs avortés — fatigue ou inattention —, ne m’arrêtant pas loin, c'est-à-dire jusqu’à la crucifixion des lions. La bonne circonstance se déroula entre les pages de l’édition de la Pléiade. Peu après, je découvrais une photo de la vitrine de la Bouquinerie Kontrapas (oui, l’auteure des Historiettes, ici même) et aperçus ces deux petits volumes de chez Lemerre. Voici sans doute ce qui manquait à ma lecture : le format, la typographie et la reliure d’une époque. Rien de remarquable sur le plan bibliophilique si l'on considère la pratique sous le régime de l’exception. S’il s’agit du plaisir, c’est une autre limonade. Je me promets ainsi une possible relecture dans un ouvrage un peu plus contemporain de l’œuvre et dans un format agréable, même si le corps paraît un peu petit pour beaucoup. Qu'on se rassure, il existe de fortes chances que l'édition en Pléiade atterrisse chez ma fille.
 
Gustave Flaubert : Salammbô — 2 Vol in-16. Ed. Lemerre, sd, rel. pleine basane rouge un peu frottée. Quelques légères rousseurs, ce qui est assez courant avec le papier de ces éditions. (Attention, il ne s’agit pas d’une fiche de libraire, mais seulement d’une description sommaire).

vendredi 9 juin 2023

Vous prendrez bien un peu de postface ?





Yves Letort : La main d'Émeline
Collection l'Ange du Bizarre
Couverture de Fabrice Le Minier
Ginkgo éditeur, 2023, 9€

samedi 20 mai 2023

Mes quinze balles !

Votre Tenancier pensait, à la rédaction du précédent billet, que la maison Corti avait légèrement déraillé en reproduisant un manuscrit forcément illisible étant donné le format et la qualité de reproduction, sans doute par « marketing » ou par esprit de lucre (je ne digère toujours pas ces quinze balles !) Un peu éloigné des circulations éditoriales, il ignorait que la maison venait de changer de main, annonce qui le laisserait de marbre si le boulot avait été assumé de façon correcte (mes quinze balles, bordeyle !) Étant établi, cette transition expliquait peut-être la maladresse de cette reproduction illisible sur une quarantaine de pages. Or, à l’écoute de l’émission « Book Club » qui, comme son anglicisme l’indique est diffusée sur France Cul et se consacrait ce jour-là à Julien Gracq, on s’aperçoit que ces nouveaux éditeurs causaient du contenu du manuscrit — le choix entre deux adjectifs sur lesquels Gracq semble indécis — comme si la nuance était accessible au riche bienheureux qui se serait procuré le bouquin ! Cela mène votre Tenancier à une question : ces éditeurs se foutaient-ils de nos tronches où avaient-ils seulement ouvert le livre ? L’on vous a montré grâce à un typomètre judicieusement placé la taille de la reproduction. Ils sont qui, ces gens ? Sont-ce les héritiers de Peter Parker pour avoir autant d’acuité visuelle ? Bien entendu et comme la révérence semble de règle dans ce genre de manifestation, il ne semble pas que l’animateur ait objecté sur ce sujet. Précisons le sens de ce « il ne semble pas » : votre Tenancier a coupé le poste de radio, se disant qu’il avait assez rigolé comme ça, et que, préparant la poupoute du midi, toute son attention était requise. A priori, il présume donc que ledit animateur n’a pas moufté à cette énormité étant donné le taux de connivence.
Reste de toute façon la fâcheuse impression de s’être fait repassé de quinze balles comme au coin d’un bois. La prochaine fois, votre Tenancier ira au peep-show, l’arnaque est moins snob mais on en a autant pour son artiche et il a peut-être des chances d’y apprendre quelque chose, d’autant qu’on peut y concéder quelque tolérance, c’est le cas de le dire, pour les anglicismes. Tant pis pour mon libraire (j’en ai un, maintenant !)
J’aurais pu, comme notre adorable George Weaver vous coller le machin qui vous permettrait d’écouter l’émission à partir de ce blog, mais :
— Il a la flemme ;
— Les bourges le fatiguent ;
— S’il avait voulu qu'on cause l’angliche il vous aurait branché sur la BBC.
Sans être de la haute, on se montrera bon prince en vous fournissant le lien vers le site. Mais n’en demandez pas plus, à moins qu’on nous rembourse.
Le Book Club (mais quel titre à la con...) sur France Culture.

jeudi 11 mai 2023

Une littérature à la loupe

Votre Tenancier chéri, en général, s’abstient de toute critique littéraire et garde ses manies de lecture pour lui-même. Restons laconique en affirmant notre satisfaction au sujet de la nouvelle de Julien Gracq, La maison, dont le dévoilement final reste extrêmement plaisant. On laissera les exégètes développer le sujet, car ce n’est pas tout à fait le nôtre ici. Signalons qu’il s’agit d’un récit court, 28 pages de texte, auquel on a ajouté une postface, mais également le «fac-similé» des deux états du manuscrit, in extenso, semble-t-il. L’ensemble compte 84 pages, dispensables pour la majorité de celles-ci. 
 

Que la maison Corti se sente le besoin de reproduire les manuscrits d’un auteur, cela, au fond, les regarde et nous avons connu des éditions passionnantes ailleurs, dotées d’appareils critiques et de translations en vis-à-vis qui laissaient un peu pénétrer l’esprit d’une œuvre. Ce n’est pas le cas du tout ici ; on peut même songer à un foutage de gueule qui nous mène à contempler la réduction de pages manuscrites qui — à ce que l’on présume puisqu’aucune indication n’est donnée — auraient été rédigées sur des feuillets de format 21x27 cm (format courant d’époque) et rendues dans un ouvrage de 13,5 x18 cm. Le résultat de l’affaire contraint le curieux à recourir à une loupe à fort grossissement pour tenter de déchiffrer l’écriture de Julien Gracq. À ce stade, il constatera l’impression dégueulasse au point d’estimer qu’un fanzine photocopié des années 1980 était plus soigné, et nous fait accroire que la vitre du scanner a été nettoyée avec du gras de jambon, tant la reproduction manque parfois de netteté et de contraste. Le résultat est illisible.
Mais, au fait, la copie de ces manuscrits se révélait-elle si indispensable? Il semble que, du point de vue de l’éditeur, cela justifie le prix exorbitant de 15 € pour une trentaine de pages lisibles et 84 pages effectives, jouant sans doute sur la ferveur d’un cénacle d’amateurs. Pour votre Tenancier, il considère qu’il a assez rigolé et que la vénérable maison Corti peut désormais se brosser pour que le Tenancier leur refile quelques sesterces après une telle opération. On arguera peut-être que les clichés des manuscrits ont été fournis par la Bibliothèque nationale de France et que la qualité médiocre peut éventuellement provenir de cette source. Nous souhaitons alors vivement qu’une partie de nos impôts passent dans l’équipement de matériels et de logiciels performants, comme Photoshop qui possède des fonctions de luminosité et de contraste… Si ce n’est pas le cas, rappelons aussi à l’éditeur que d’autres formats existent, comme l’in-4°, par exemple, qui approche la dimension originelle des feuillets rédigés par Gracq, à ce que l’on peut présumer. Il pouvait réfléchir au choix de son imprimeur. Il pouvait également renoncer à cette reproduction qui n’apporte pas grand-chose à la plupart des amateurs. Quitte à payer cher un livre, autant le faire pour quelque chose de lisible in extenso, car cet aspect du problème, cette fois-ci nous regarde bel et bien : notre fétichisme porte sur des objets plus gracieux destinés à nous procurer du plaisir.
 

Nous avons délicatement laissé tomber cette règle sur la page afin de vous donner un aperçu de la taille de la reproduction