Votre Tenancier chéri, en général,
s’abstient de toute
critique littéraire et garde ses manies de lecture pour lui-même.
Restons
laconique en affirmant notre satisfaction au sujet de la nouvelle de
Julien
Gracq, La maison, dont le
dévoilement final reste extrêmement plaisant. On
laissera les exégètes développer le sujet, car ce n’est pas tout à fait
le nôtre
ici. Signalons qu’il s’agit d’un récit court, 28 pages de texte, auquel
on a
ajouté une postface, mais également le « fac-similé » des deux
états du
manuscrit, in extenso, semble-t-il. L’ensemble compte 84 pages,
dispensables
pour la majorité de celles-ci.
Que la maison Corti se sente le besoin de reproduire les
manuscrits d’un auteur, cela, au fond, les regarde et nous avons connu
des
éditions passionnantes ailleurs, dotées d’appareils critiques et de
translations en vis-à-vis
qui laissaient un peu pénétrer l’esprit d’une œuvre. Ce n’est pas le
cas du
tout ici
; on peut
même songer à un foutage de gueule qui nous mène à contempler la
réduction de
pages manuscrites qui — à ce que l’on présume puisqu’aucune
indication n’est
donnée — auraient été rédigées sur des feuillets de
format 21x27 cm
(format courant d’époque) et rendues dans un ouvrage de 13,5 x18
cm. Le
résultat de l’affaire contraint le curieux à recourir à une loupe à
fort grossissement
pour tenter de déchiffrer l’écriture de Julien Gracq. À ce stade, il
constatera
l’impression dégueulasse au point d’estimer qu’un fanzine photocopié
des années 1980
était plus soigné, et nous fait accroire que la vitre du scanner a
été
nettoyée avec du gras de jambon, tant la reproduction manque parfois de netteté
et de
contraste. Le résultat est illisible.
Mais, au fait, la copie de ces manuscrits se révélait-elle si
indispensable
?
Il
semble que, du point de vue de l’éditeur, cela justifie le prix
exorbitant de
15 € pour une trentaine de pages lisibles et 84 pages effectives,
jouant
sans doute sur la ferveur d’un cénacle d’amateurs. Pour votre
Tenancier, il
considère qu’il a assez rigolé et que la vénérable maison Corti peut
désormais
se brosser pour que le Tenancier leur refile quelques sesterces après
une telle
opération. On arguera peut-être que les clichés des manuscrits ont été
fournis
par la Bibliothèque nationale de France et que la qualité médiocre peut
éventuellement provenir de cette source. Nous souhaitons alors vivement
qu’une
partie de nos impôts passent dans l’équipement de matériels et de
logiciels
performants, comme Photoshop qui possède des fonctions de luminosité et
de
contraste… Si ce n’est pas le cas, rappelons aussi à l’éditeur que
d’autres
formats existent, comme l’in-4°, par exemple, qui approche la dimension
originelle des feuillets rédigés par Gracq, à ce que l’on peut
présumer. Il pouvait réfléchir au choix de son imprimeur. Il
pouvait également renoncer à cette reproduction qui n’apporte pas
grand-chose à
la plupart des amateurs. Quitte à payer cher un livre, autant le faire
pour
quelque chose de lisible in extenso, car cet aspect du problème, cette
fois-ci
nous regarde bel et bien : notre fétichisme porte sur des objets
plus gracieux destinés à nous procurer du plaisir.
Nous avons délicatement laissé tomber cette règle sur la page afin de vous donner un aperçu de la taille de la reproduction