Pierre Charmoz
Première
ascension
népalaise
de la tour Eiffel
Angers —
Éditions Deleatur, 1995
Plaquette 7,5 X 10,5 cm, 16 pages,
dos agrafé, couverture à rabats, pas de mention de tirage
Achevé d'imprimer en octobre 1995
sur
les presses de Deleatur pour le compte de quelques grimpeurs
Le Tenancier : Le rire est
assez grinçant, à la lecture
de ce journal d’expédition népalaise, inversion de ce qui doit
vraisemblablement se produire lorsque des occidentaux se déplacent sur
des
montagnes himalayennes. Là, l’expérience de Pierre Charmoz, écrivain
alpiniste
et ton alter ego, se met au service d’un humour cruel qui transforme le
parisien en porteur indigène. Curieusement, tu as choisi la tour
Eiffel, alors
que la Butte Montmartre semblait plus évidente, ne serait-ce qu’à cause
de
l’expédition qui s’était déroulée, je crois dans les années 1950 ou 60,
filmée
par les actualités (et dont hélas, je n’ai pas réussi à retrouver la
trace sur
le net…) Peut-être serait-il pertinent que nos Népalais reviennent pour
affronter ce massif. Enfin, l’on retrouve par la bande ton amour pour
certaines
lettres classiques dans le procédé d’inversion…
Pierre Laurendeau : Quelle
analyse, ô Tenancier !
Et quelle perspicacité ! Pierre Charmoz est un de mes hétéronymes
ayant
une œuvre bien identifiée, depuis Cime et Châtiment, premier
« porno » alpin, paru à la Brigandine en 1982. A l’époque, le
livre
avait été un coup de fouet (métaphorique) sur une littérature de
connivence : l’homme affronte les parois vertigineuses et les
gouffres
insondables pour se prouver qu’il est humain, un vrai mec, quoi !
À part
quelques écrivains, comme Bernard Amy, ça ronronnait grave dans les
alpages. Et
surtout, pas de sexe ! La Brigandine, collection de gare, sortait
quatre livres
par mois, qui restaient rarement plus d’un mois en kiosque. La
couverture de Cime
et Châtiment était assez explicite pour attirer l’œil d’un
montagnard.
Quelques mois après la parution, alors que je désespérais un peu, je
lus dans Alpinisme
et Randonnée une critique plus qu’enthousiaste sur ma petite farce
coquino-alpine. Et la journaliste de s’interroger : mais qui est
ce
mystérieux Pierre Charmoz ? (Je sus par la suite qu’on soupçonna
quelques
grands noms de la littérature verticale.) Ce petit roman policier, qui
mettait
en scène les gloires de l’alpinisme de l’époque – dans des positions
plus
horizontales que verticales – eut une carrière plus longue que la
plupart des
ouvrages de la collection : une réédition chez Guérin (dans un
coffret,
avec deux autres érotiques signés Charmoz) ; une traduction chez
l’éditeur
espagnol Desnivel (dont je ne reçus pas un maravédis) ; une
réédition
récente à la Musardine…
Charmoz étant lancé, il fallait entretenir le mythe. J’ai lu
pas mal de récits d’expédition, tous à vomir : on veut être les
premiers
au sommet de l’Everest, de l’Annapurna, pour des considérations
patriotardes ; et tant pis pour les porteurs qui meurent écrasés
ou
ensevelis sous les avalanches ! D’où l’idée d’une inversion de
situation.
Cette Première Ascension a eu, elle aussi, un destin
surprenant : la première édition, que tu possèdes peut-être, était
un
assemblage de feuillets libres pliés en trois, sous emboîtage made in
Fourneau,
très rapidement épuisée. Puis je l’ai reprise dans les minilivres, car
le texte
était très demandé – un peu mythique, quoi !
En 2002, Ginkgo publia un recueil de mes nouvelles alpines
sous le titre : Première ascension népalaise de la tour Eiffel
et
autres cimes improbables, avec de chouettes illustrations de Michel
Guérard
(qui venait d’illustrer mes trois romans parus l’année d’avant chez
Guérin). Le
hasard fit qu’un exemplaire atterrit dans une librairie
lyonnaise ; Denis
Déon, acteur et metteur en scène que je ne connaissais pas, en fit
l’acquisition. Il eut l’idée d’un spectacle qui reprendrait quelques
textes du
recueil, dont l’emblématique Première Ascension. Projet qu’il
soumit à
la Comédie de Valence, scène nationale. Le projet emporta l’adhésion
des
représentants des lieux itinérants où il allait se produire. J’ignorais
tout de
cette aventure, Denis ne sachant comment me joindre. Puis, par Ginkgo,
il
m’informa, un peu angoissé, que son spectacle était retenu… espérant
obtenir
mon accord rétroactif ! Ce que je fis bien volontiers. Ce fut une
belle
expérience, pour lui en tant que metteur en scène, pour les trois
acteurs très
investis dans les différents rôles qu’ils devaient endosser, et pour
moi de
voir mes petites fantaisies déborder de mon théâtre psychique habituel.
Pas peu
fier, le Charmoz !
Depuis, Charmoz s’est
investi dans le polar,
avec son complice Jean-Louis Lejonc, pour des enquêtes de Sherlock
Holmes dans
les Alpes (trois titres parus). Avec, je l’espère, toujours la même
impertinence ! Je prépare pour 2024 un polar solo qui se déroule
pendant
le Mondial de l’escalade, un truc complètement idiot et sportif
(tautologie) : Grimpe, Crime et Nutella.