dimanche 31 octobre 2021

Interruption

J’interromps ici la reproduction du livre de Delpeuch sur les bibliophiles. Si j’ai conscience que les lecteurs de ce blog sont des adultes qui connaissent assez la distance entre la mentalité d’une époque et celle que nous prônons, des relents fâcheusement nostalgiques remuent actuellement les mauvais sentiments et les haines rances autour de nous. Je m’en voudrais de transmettre malgré moi un message qui conforterait, même dans la marge, des propos à caractère raciste, même en y signalant ma propre distance. Rien d’outrageux dans cet opuscule, mais une petite musique qui entre quelques fois en résonnance avec certaines crottes médiatisées. On songera à reprendre tout cela, un de ces jours, quand l’intelligence reprendra le flambeau.
À mon avis, c’est pas demain la veille.

jeudi 28 octobre 2021

Une historiette de Béatrice

« Bonjour madame, trouvez-moi un roman à l'eau de rose je vous prie. »
C'est un grand jour.

mardi 26 octobre 2021

lundi 25 octobre 2021

Une historiette de Béatrice

Allô oui bonjour madame, dites-moi, j'ai acheté l'autre jour dans votre caisse à 1 euro un roman de bidule. Je l'ai beaucoup aimé. Auriez-vous d'autres titres du même auteur, ou encore mieux le dernier en date ? Au même prix, bien entendu.

samedi 23 octobre 2021

Les bibliophiles

L’amateur conscient et organisé

   Les mauvaises langues assurent que le Dr Troudine soigne mieux ses livres que ses malades. Le Dr Troudine peste comme un païen si on le vient réveiller la nuit de la part d’un client vraiment intempestif ; mais dès le matin il saute à bas de son lit et avant le tub quotidien il va faire la cour à sa bibliothèque. Il en passe la revue, méticuleux comme un adjudant de caserne et il se félicite de son choix. Qui, à Paris, a réussi un pareil ensemble, qui brille plus par la qualité que la quantité ?
  Le docteur Troudine ne peut manquer chaque jour de trouver qu’il est un homme de goût, bien que médecin. Chose curieuse, il connaît maintenant depuis qu’on le sait bibliophile. D’abord, il a trouvé des clients très fidèles dans le monde des amateurs de livres et puis, il semble que sa bibliothèque lui consacre une sorte de réputation qui donne confiance aux malades. Parmi ceux-ci, certains s’imaginent peut-être que cette bibliothèque déjà fameuse ne contient que des ouvrages de médecine qui garantissent la science du docteur. On aurait vraiment mauvaise grâce à détromper les braves gens qui doivent peut-être leur guérison à la foi qu’ils ont eue en cette légendaire bibliothèque.
  Le Dr Troudine est membre de toutes les sociétés de bibliophiles ; nous en passerons la nomenclature — toutes sauf une : les Architectes bibliophiles. Cela a valu bien des nuits blanches au Dr Troudine ; mais cinq ans d’intrigues n’ont pu faire fléchir la règle inflexible qui exige que les sociétaires soient architectes. S’il n’était trop tard, il se présenterait à l’École des Beaux-Arts, puisque son titre de docteur lui permet d’être de la société des Médecins bibliophiles… On parle d’un projet des Bibliophiles du Palais ; ce bruit lui donne le vertige.
  Pure obligation de conscience bibliophile, car le Dr Troudine vous démontre, noir sur blanc, que les éditions des Architectes bibliophiles sont des désastres répétés. Pourquoi alors se livre-t-il à des travaux d’approche souterrains pour dénicher un exemplaire de tout ce qui porte la marque de cette condamnable société ? Et un exemplaire complet encore.
  Le Dr Troudine vous apprendra ce que c’est qu’un exemplaire complet. Vous croyez qu’il suffit à un exemplaire, pour mériter ce titre, d’avoir honnêtement toutes ses pages ? Enfant ! Il faut d’abord le spécimen, et s’il y a eu un premier spécimen raté et détruit, c’est précisément un de ces introuvables éléments qui complète un livre congrument. Il faut les suites, les états ; non pas ce à quoi tout souscripteur a droit, mais encore ce que les autres ne détiennent pas, les épreuves de l’auteur ; que sais-je encore ? enfin tout un bric-à-brac de tâtonnements qui entourent l’édition d’une sorte de brume opaque et défigure un peu la superbe réalisation achevée.
  Nous ferions rougir lez lecteur si nous retracions les bassesses que le Dr Troudine commit récemment, joyeusement, pour obtenir la pièce rare, unique, qui « complète » son exemplaire. Un des livres de sa bibliothèque contient l’extrait de naissance du prote de l’imprimeur où le livre vit le jour. Qui peut se vanter d’avoir l’extrait de naissance du prote ? Ça, vraiment, c’est un trophée. Un autre volume s’enorgueillit du bulletin de confession de la femme du caissier du brocheur. Vous avez la bouche fermée du coup ?  Pouvez-vous prétendre avoir des exemplaires « complets » maintenant ? Vous ne vous risquez pas ? Vous faites aussi bien.
  Le Dr Troudine n’a pas de livres anciens, un livre ne l’attire que s’il l’a vu naître. C’est un accoucheur de livres, pas d’enfants. Il va traîner, oubliant ses visites professionnelles, dans l’atelier où l’artiste burine sa planche ; et par persuasion il arrive à obtenir un essai infructueux. Il va dans l’imprimerie et ramasse une macule que l’apprenti margeur allait jeter aux ordures, mais qu’il joindra précieusement à « son » exemplaire. Il répand les conseils, les avis, les suggestions à tous ; il embête tout le monde, mais il jouit de voir peu à peu prendre figure le livre dont il rêve et qu’il ne lira jamais.
  Car le Dr Troudine ne lit jamais.
  Le Dr Troudine est méfiant, il nourrit contre les éditeurs une haine tenace. Il vous démontrera que les tirages sont truqués ; il jure que dans telle édition il y a eu deux numéros 51. Il a eu la rare bonne fortune de les tenir un jour dans la main. C’est une preuve accablante, dont il déduit que tous les éditeurs sont des faussaires. Quand il souscrit à une édition, il exige un constat d’huissier pour être sûr que le tirage déclaré a été scrupuleusement exact. C’est un tyran, à qui « on, ne la fait pas ». Il louche sur toute annonce parue dans la Bibliographie de la France, et si une nouvelle firme invite à souscrire, il conduit une enquête minutieuse, soupçonneuse, car d’instinct il suppose cette jeune maison mal intentionnée, capable de toutes les malfaçons, de toutes les trahisons.
  Ne lui parlez pas non plus des relieurs, il entre en démence. Il a, sur la reliure, des idées si personnelles, qu’il n’a pas trouvé un relieur à qui il puisse loyalement donner une livre à relier. Tous ses essais ont été malheureux, et il s’est défait, en cachette, des volumes qu’il s’est aventure à défigurer ainsi. Alors, stoïquement, il se résigne à n’avoir que des livres brochés, même pas brochés, mais simplement en feuilles, dans des étuis, où ils demeurent ainsi « complets », mais dans l’attente d’une forme définitive. Pour les livres, sa bibliothèque est un Purgatoire éternel… avec un improbable Paradis. C’est un mauvais père.

André Delpeuch : Bibliophiles ? (1926)
(À suivre)

vendredi 22 octobre 2021

Trop de concision nuit à l'exactitude

On a sursauté, lors du visionnage de l’épisode de la websérie sur la typo consacré au Futura, à l’allégation selon laquelle les nazis rejettent en bloc la typographie « bâton » au profit du « triomphe des lettres gothiques ». En réalité, l’histoire est bien plus complexe. Si la typo Fraktur (assimilable au Gothique) est recommandée et adoptée par l’administration nazie, elle est retoquée en 1941 sous l’impulsion d’Hitler lui-même au profit de typos latines. L’origine de ce rejet proviendrait du souci de devoir enseigner l’allemand aux peuples occupés et également le peu de lisibilité de cette typographie pour les opérations militaires. La justification officielle implique une prétendue origine juive à la Fraktur. Bien évidemment, tout ceci se révèle plus complexe encore. Le souci de concision de cette vidéo a dénaturé la référence historique…
On se rendra compte de la différence de typo à cette page. L’évocation du remplacement de la Gothique par la Latine ne manque pas sur le net. On vous laisse chercher de votre côté.

Futura

mardi 19 octobre 2021

Losfeld Éric (Le dépôt préalable)


Le 22 janvier 1970, Éric Losfeld dut se présenter devant la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris pour ne pas s’être soumis à la loi du Dépôt sans autorisation préalable. En effet, Losfeld avait en 1968 publie trois ouvrages « pornographiques » : Emmanuelle et L’Anti-vierge d’Emmanuelle Arsan, et Émilienne de Claude des Olbes. Ces trois ouvrages, parce qu’ils furent interdits à la vente aux mineurs, à l’exposition et à la publicité, firent tomber Losfeld sous la loi du 16 juillet 1949, qui stipulait qu’aucun éditeur ne pouvait plus, pendant cinq ans, publier aucune publication analogue (de même genre) sans la soumette en triple exemplaire au ministère de la Justice, et attendre trois mois à partir de la date du récépissé du dépôt.
En 1970, Losfeld passa outre à cette obligation en publiant Oh Violette ! de Lise Deharme. […] Il fut ainsi le premier depuis l’affaire Sade (1956) à être poursuivi devant les tribunaux. […]
 
Jean-Pierre Krémer, Alain Pozzuoli : Le dictionnaire de la censure (2007)
(Ouvrage piètrement rédigé par ailleurs…)

lundi 18 octobre 2021

Une historiette de Béatrice

La toute jeune fille parlant « zyva » venant me proposer des éditions XIXe siècle, non merci. Et les sortant de son sac griffé comme un paquet de kleenex. Euh, non merci.

samedi 16 octobre 2021

Mise au point

On s’en sera douté, on l’espère, le Tenancier a hésité à publier le passage consacré à Sonyas dans le billet précédent, représentation d’un certain « cosmopolitisme » honni sous ce vocable à la sortie de ce livre. Il reste à travers cette diatribe réactionnaire la trace d’un phénomène qui allait prendre une place prépondérante dans la production de la bibliophilie illustrée, celui du livre d’artiste. On passera sur le reste avec d’autant plus d’aisance que notre société s’est désormais affranchie de ces jugements de classes, racistes et témoignant d’une ignardise crasse (excepté au sujet des dentistes, qui achètent vraiment n’importe quoi !)
Nous l'avons échappé belle !