jeudi 2 novembre 2023

Bibliographie commentée des Minilivres aux éditions Deleatur — 10


Dominique Forget
Sous le ventre des papillons
Dessins de Lena Rosenberg

Angers — Éditions Deleatur, 1995
Plaquette 7,5 X 10,5 cm, 16 pages, dos agrafé, couverture à rabats, pas de mention de tirage
Achevé d'imprimer en octobre 1995 sur les presses de Deleatur pour le compte de quelques amateurs



Le Tenancier : Bien que le Tanka observe une rythmique bien à lui, que l’on ne retrouve pas forcément dans ces textes courts, j’y retrouve toutefois cet esprit fugace, très économe de ses effets. Les dessins de Lena Rosenberg ajoutent une touche énigmatique. Qui est Dominique Forget ?
 
Pierre Laurendeau : J’ai fait la connaissance de Dominique Forget à l’école Victor-Hugo, à Angers : nous n’y étions pas sur le même banc, mais attendions nos enfants à la sortie des classes.
Dominique enseignait la philosophie dans un lycée angevin. Grenoblois expatrié, il avait aussi trouvé du réconfort à fréquenter un adepte de la grimpe et de la haute montagne (son père fut un des piliers du Club alpin de Grenoble).
C’est un homme discret, épris de littérature du xviiie siècle, notamment Diderot. J’avais bien aimé ces « lampes de poche », comme il appelle ses courts textes poétiques.
« La pluie de rosée qui m’accompagne à la gare éclatera sûrement de rire en apprenant que ma valise en carton ne contenait qu’un aquarium gonflable et trois cuillers en peau de léopard. »
Lena Rosenberg était une amie de Dominique – je n’ai pas gardé le contact.
Dominique a quitté Angers il y a une vingtaine d’années. Moi depuis onze ans. Nous nous rencontrons régulièrement dans les Hautes-Alpes (il a une maison de famille à Guillestre, près de chez moi), avec Yves Artufel, qui anime les éditions Gros Textes à Châteauroux-les-Alpes, et Gilles Dumarchez, qui fut berger-libraire. Gros Textes a publié un recueil de Lampes de poche. On peut également en lire sur le blog de Dominique Forget : https://dominiqueforgets.com.
Mathilde Forget, sa fille, qui était en classe avec Olivier, mon fils, est à la fois musicienne (elle a créé la musique de mon film Papillons) et écrivaine – son livre À la demande d’un tiers, qui m’a bouleversé, se trouve en poche.

mercredi 1 novembre 2023

Paf, dans ma bibliothèque !

Continuons de gloser ici sur la donation de cet ami désireux d’écrémer sa bibliothèque. Assurons nos lecteurs que ces livres ont été choisis par bibi et que d’autres amis et proches ont également pioché dans ce qui fut mis à disposition. Aujourd’hui, nous allons traiter par lot, procédé facile face à des livres que l’on connaît à peine, et pour cause : il faudrait les avoir lus aussitôt acquis.
Il existe peut-être encore une sorte de snobisme à l’égard des ouvrages édités en « club ». Certes, les exploits de la Waffen SS ou le compte-rendu de l’Opération Barbarossa sous « reliure » en skyvertex ont de quoi refroidir le paisible lecteur. D’ailleurs, ces saloperies militaristes (et souvent rédigées par des fascistes) ne courent plus les rues ni trop les boîtes à livres, en tout cas moins qu’avant. On s’en félicite. Toutefois, ces maisons spécialisées dans la production sérielle, procurent quelques joies pour l’amateur de Verne, de Simenon, de classiques de ceci ou de cela, en somme d’une littérature qui fut « Grand Public », sans doute confinée dans le purgatoire de bibliothèques familiales, attendant le débarras d’une descendance indifférente. Il faut le regretter, le déplorer, mais s’abstenir de vouloir rêver à leur complétion, sous peine de périr sous l’accumulation. Les seules séries en club que je possède sont des héritages : les œuvres de Tchekhov (12 vol.) et les Mémoires d’outre-tombe (avec la préface de Guillemin)...
Me voici donc récipiendaire d’une amorce de série, « Les classiques du crime », quatre volumes que je ne songe pas à compléter, deux anglo-saxons et deux français, dont un roman déjà lu et grandement apprécié : C’est toujours les autres qui meurent, de Jean-François Vilar. Je le possède dans sa première édition. Tant mieux, je pourrai offrir celui-ci à une personne méritante, à l’instar du London de la dernière chronique. Notons que ni le Irish ni le Bloch ne sont issus d’une traduction de la Série noire ce qui laisse espérer un texte un peu plus complet, à défaut d’avoir un avis préalable sur le travail du traducteur. D’ailleurs, comment l’évaluer lorsque l’on éprouve déjà pas mal de problèmes avec sa propre langue ?
Restons dans le domaine avec ces deux ouvrages de chez Rivages, chaudement recommandés par cet ami. On lui prête quelque compétence en la matière. On s’est laissé faire. La bibliothèque noire s’étoffe…

 
Brisons-là avec cette littérature. Il était temps. On apprécie que les plats varient, même si l’on aime revenir sur certaines saveurs. C’est le cas avec David Le Breton, dont j’avais lu dans le temps La chair à vif, usages médicaux et mondains du corps humain, lecture utile et captivante pour qui s’intéresse à cette partie de la littérature de la Belle-Époque et de l’entre-deux-guerres abordant les sculpteurs de chair humaine ou de visages : Le Rouge, Leblanc et bien d’autres. Certes, cela ne constituait pas le cœur du propos, mais restait un élément intéressant pour en saisir certains aspects. Hors ces considérations, l’ouvrage fait partie de toute cette production qui renouvelle l’anthropologie historique. La venue de ce livre de Le Breton est donc accueillie avec plaisir, d’autant que celui-là va augmenter un modeste rayon (3 ou 4 ouvrages, pas plus) consacré à la randonnée. Il est d’ailleurs si petit que je le localise toujours très mal dans la maison. Je peux ainsi me targuer d’un problème de riche, c’est bien le seul. Clin d’œil ironique du destin : je sors à peine d’un travail — bien plus prosaïque — sur le sujet.
On bouclera l’inventaire de cet arrivage dans la prochaine chronique, qui sera beaucoup moins orientée. On respire, car l’on ne tient pas du tout à passer pour un spécialiste de quoi que ce soit, sauf peut-être du babillage sur blogue.

— Jean-François Vilar : C’est toujours les autres qui meurent — Edito service, 1982
— Pierre Siniac : Monsieur Cauchemar — Edito service, 1980
— William Irish : Lady fantôme — Edito service, 1984
— Robert Bloch : Un serpent au paradis — Edito service, 1982
— Tim Dorsey : Stingray shuffle — Rivages/noir, 2008
— Roger Simon : Le clown blanc — Rivages/noir, 1993
— David Le Breton : Éloge de la marche : Métailié, 2000

mardi 31 octobre 2023

Une historiette de Béatrice

Il regarde avec attention les dessins accrochés au-dessus du bureau.
— Il est où le mien ?
— Regarde, c'est celui-ci.
— Oh, mais j'ai très mal écrit mon nom!
— Mais souviens-toi, tu étais tout petit et tu savais à peine écrire
— Et je peux t'en refaire un ?
Mon visiteur hebdomadaire depuis quelques années, du haut de ses 7 ans maintenant.

lundi 30 octobre 2023

Bibliographie commentée des Minilivres aux éditions Deleatur — 09


Pierre Laurendeau
Oli Bobo et les 40 douleurs

Angers — Éditions Deleatur, 1995
Plaquette 7,5 X 10,5 cm, 16 pages, dos agrafé, couverture à rabats, pas de mention de tirage
Achevé d'imprimer en octobre 1995 sur les presses de Deleatur pour le compte de quelques amateurs



Le Tenancier : On ne conteste pas ici ce conte enfantin joyeux et plein d’humour, mais que l’on fasse accroire à un enfant que l’on peut transformer un McDo en restau gastronomique relève de la faute professionnelle. Même la fantasy la plus échevelée garde quelques limites, M. Laurendeau ! J’ai l’impression qu’un jeune garçon de 8 ans n’a pas été peu fier de ce récit plein de plaies et de bosses, cela dit…
 
Pierre Laurendeau : Tu as raison, ô Tenancier, le McDo est à la gastronomie ce que les 50 Nuances de Graisse sont à la littérature érotique…
J’ai écrit Oli Bobo pour calmer les ardeurs à se faire des bosses d’Olivier, mon fils alors âgé de huit ans – en tant que père, il sera prochainement confronté au problème. Le conte l’a beaucoup amusé… Je ne suis pas certain qu’il ait eu un effet prophylactique.
Il existe une version numérique superbement illustrée par Émilie Harel, disponible sur les plates-formes de téléchargement.

dimanche 29 octobre 2023

Bibliographie commentée des Minilivres aux éditions Deleatur — Hors collection (ou presque)



Pierre Laurendeau
Une nuit dans la Grande Bibliothèque

Angers — Éditions Deleatur, 1996
Plaquette 7,5 X 10,5 cm, 16 pages, dos agrafé, couverture à rabats, pas de mention de tirage
Achevé d'imprimer en septembre 2023 à un exemplaire (voir ci-dessous)



Le Tenancier : Je ne possède pas cet ouvrage, pourtant indiqué comme le neuvième de la collection les premières années et ensuite comme « HC ». Les indices et, je crois, le souvenir d’une conversation font penser à une publication de circonstance. Était-ce en rapport avec la BNF ? Rappelons que le site actuel fut inauguré à cette époque…
Le Tenancier conçoit quelque amertume de ne point posséder cet item.
 
Pierre Laurendeau : Ah zut ! il va falloir que j’en fabrique un pour le Tenancier ! Une bibliothèque d’une petite ville près d’Angers m’avait demandé une animation au début des années 90. J’avais proposé un texte personnalisable où le lecteur se trouverait acteur du livre, dont l’intrigue se déroulerait au sein de la bibliothèque… Ce n’était donc pas la BNF, mais celle de Champigné (Maine-et-Loire). L’animation fut un succès, même si quelques désabusés me firent ce compliment : « Bah ! c’est juste une fonction recherche-remplace ! » Une fois l’opération de personnalisation effectuée, j’imprimais le corps du livre sur imprimante laser – la première ! La couverture était réalisée en Canson bleu avec étiquette rapportée et couture au fil. Très chic ! Tout cela au format A5.
L’histoire était une sorte de mise en abyme livresque : le personnage arrivait à se faire enfermer une nuit dans une bibliothèque ; il assistait à des phénomènes étranges de génération spontanée de livres.
C’est lors de cette même animation que je fus victime d’un « vol » de dédicace : un petit salon du livre avait été organisé au même endroit, où je présentais mes livres ; une dame m’en achète un et… va le faire dédicacer à la voisine, une star locale. Étant un dédicateur angoissé (toujours peur d’oublier le nom du ou de la dédicataire, de mal l’orthographier, de ne pas savoir quoi mettre ou de faire une horrible faute de syntaxe ou d’orthographe), je fus soulagé !
Quelques années plus tard, j’ai intégré Une nuit dans la Grande Bibliothèque dans la collection des minis.
Il y eut une déclinaison commerciale du concept à la demande d’un éditeur pour lequel mon ami Alain Royer et moi avions créé une collection documentaire pour la jeunesse : « Raconte-moi… », dont j’avais coécrit avec Alain le premier volume consacré à la mairie. L’éditeur nous commanda un conte de Noël qu’Alain écrivit (c’était sa spécialité) et dont j’assurai l’adaptation technique.

Poche scriptum : bien reçu, mon cher Pierre, merci !

samedi 28 octobre 2023

Paf, dans ma bibliothèque !

Continuons donc notre chronique, devenue abondante par le don d’un ami, touché par la félicité amoureuse. L’homme heureux et apaisé voyage-t-il léger ? En tout cas, nous avons découvert précédemment qu’il s’était séparé d’ouvrages alléchants. Ce billet paraîtra alors un peu terne : pas de curiosité bibliophilique ou de reprint prestigieux.


Oui, certes, cette moisson noire date un peu, mais je ne suis plus taraudé par l’obsession de la nouveauté littéraire, même au sujet de la « littérature de genre ». Je confesse quelques wagons de retard pour ce qui concerne le roman et la nouvelle, noirs et sans sucre. Voici donc de quoi entretenir quelques lectures vespérales variées, selon le rythme établi il y a quelque temps : une nouvelle, une nouvelle d’un autre recueil et d’un autre auteur puis enfin un roman, dans un registre différent, encore. Les habitués ici le savent, votre serviteur a commis quelques dizaines de nouvelles et l’intérêt reste toujours vif vis-à-vis de cette catégorie.


Mais bien entendu que je possède déjà ce Jack London ! C’est d’ailleurs une épine dans mon flanc, car après l’amour fou il peut exister des séparations déchirantes (ce que je ne souhaite pas à cet ami !) qui nous obligent à disperser une bibliothèque : des milliers de bouquins de SF dont je ne souffre pas trop de l’absence, mais aussi de livres de London en Crès ou en Hachette, bon sang ! Rien ne consolera de cette disparition. Je possédais également cette série, dans la collection 10/18, presque complète et que je reconstitue peu à peu, ne négligeant pas les doublons afin d’améliorer mes exemplaires. Je réserve les titres excédentaires à quelques amis de passage. Il ferait beau voir que je me livre à de la rétention ! Ce serait également contredire mes propos dans La main d’Émeline, au sujet de Jack. En tout cas, je me fais une raison, dommage collatéral de la sénescence : je ne reverrai pas mes vieux London. (On retrouvera ce volume un de ces jours dans la liste des 10/18 dressée dans ce blogue).


Eh bien oui, Copi ! Je n’en ai pas assez lu. Quelle drôle d’idée de s’en séparer. Je vais bouquiner celui-ci, que je ne connais pas, et peut-être relancerais-je cet ami pour qu’il le récupère, selon l’adage qu’il vaut mieux avoir des remords que des regrets. Ce sont des sentiments fâcheux. Après tout et après réflexion, je ne vais peut-être pas l’interpeller…


Ce petit livre fut offert par l’éditrice à tout acheteur, je devine, de volumes provenant de chez elle. Chemin balisé d’un certain humour qui a occupé les deux rives de l’Atlantique, avec, par exemple, Benchley ou Runyon (pour ce dernier, je voudrais bien un de ces jours me procurer ses chroniques de Broadway qui ont été publiées chez Gallimard…) Le sourire aux lèvres devient une denrée rare.


Oui, bon, scrogneugneu c’est du Saint-John Perse ! Je m’amuse par avance d’entendre ou de lire quelques amis poètes m’en faire le reproche, d’autant que, me portant volontaire pour cette acquisition, je ne professe pas du tout l’esprit de découverte. J’en avais déjà lu et n’avais pas détesté (ouh ! ouh !), sans doute parce que je reste assez obtus en matière de poésie : « Pas de sensibilité », « Pas la maîtrise », tout ce que vous voulez… pas grave. Je vous aime quand même, les gars.


L’ami en question cultive un côté Saint-bernard dès qu’il s’agit de récupérer des livres. On peut lui reprocher parfois son manque de discernement dans le « sauvetage » d’exemplaires d’occase, même pour combler une lacune. Celui-ci est vraiment dégueu : gauchi, bruni, avec des rousseurs, il n’a pour lui que de ne pas figurer dans la bibliothèque consacrée à Westlake. Est-ce bien raisonnable ? Je n’en lis plus trop (et là, tous les zélotes vont me tomber sur le râble), je fatigue un peu à la longue. Vous croyez qu’on peut devenir blasé de Westlake ? J’en frémis. C’est sans doute passager. Je l’espère, parce qu’Otto et George m’attendent au tournant. Allez, je garde ce volume-là, ne serait-ce que par prudence.

Je faisais allusion à la SF plus haut et vous n’en verrez pas trop dans cette chronique. Je dois admettre que je n’ai plus trop d’appétence pour une littérature dont une grande partie coure après son obsolescence — c’est dans sa nature. Bien sûr quelques auteurs surnagent et ce ne sont sans doute pas les mêmes que les vôtres. D’ailleurs, cet ami ne m’en a pas proposé. J’aurais toutefois succombé à la nostalgie des Chute Libre et Titres/SF alignés dans un coin de sa bibliothèque. On n’est pas de bois. Mais cette cession n’était pas à l’ordre du jour. Et puis, où vais-je entreposer tout ça ?
 
— Michael Connelly présente : Moisson noire — Rivage/noir, 2006
— Jack London : L’amour de la vie — 10/18, 1974
— Copi : Une langouste pour deux — Christian Bourgois, 1999
— P.G. Wodehouse: Webster le chat — Joëlle Losfeld, 1999
— Saint-John Perse : Éloges — Poésie/Gallimard, 1967
— Donald Westlake: Drôles de frères — Rivages/noir, 1991

vendredi 27 octobre 2023

10/18 — Cavanna : Cavanna




Cavanna
Cavanna
Préface de Wolinski
n° 612


Paris, Union Générale d'Édition
Coll. 10/18
Volume quadruple
252 pages (256 pages)
Dépôt légal : 3e trimestre 1971
Achevé d'imprimer : 7 octobre 1977
Dessins de couverture de Cavanna


(Contribution du Tenancier)
Index

George Auriol : Monogrammes et cachets

jeudi 26 octobre 2023

Bibliographie commentée des Minilivres aux éditions Deleatur — 08


Stéphane Mahieu
Le Grand Animal de Maastricht

Angers — Éditions Deleatur, 1995
Plaquette 7,5 X 10,5 cm, 16 pages, dos agrafé, couverture à rabats, pas de mention de tirage
Achevé d'imprimer en octobre 1995 sur les presses de Deleatur pour le compte de quelques paléontologues



Le Tenancier : Toute bonne collection tisse des liens entre les volumes qui la complètent. Le compte-rendu assez facétieux de Stéphane Mahieu établit un pont avec l’Explorateur au pays des dinosaures, dont le rapport semble évident, mais également avec l’exposition ambiguë de La voie de la montagne. En effet, même si le récit de la mise à jour du premier Mosasaure est vrai, l’auteur change par son point de vue la relation de la découverte au point que l’on peut s’interroger au bout du compte sur la véracité des faits. La ‘Pataphysique pointe de nouveau son nez…
 
Pierre Laurendeau : Cher Tenancier, quelle subtilité dans la mise au jour des corrélations !
Je connais Stéphane Mahieu depuis la fin des années 70 (nous étions plus jeunes et plus chevelus), à l’époque du Melog, la revue qu’il animait avec Jimmy Gladiator. Nous avions gardé contact ensuite grâce aux rendez-vous du Pompadour, un café près des Halles, à Paris… Les rendez-vous du mercredi migrèrent au Bougainville, sous la haute protection d’une octogénaire au pied sûr (nous ne la regardions pas sans frémir disparaître dans l’escalier de la cave – d’où son mari n’était pas remonté, les vertèbres brisées, quelques décennies plus tôt (les mauvaises langues chuchotaient qu’elle l’avait poussé dans l’escalier – il est vrai qu’il buvait, ce qui, pour un Aveyronnais, était le pire crime : dilapider le fonds !). Puis chez Madame Paulette, au Carrefour, seul bistrot du Quartier latin affichant résolument : « Pas de wifi / Pas d’ordinateur ».
Pour en revenir à Stéphane, j’avais publié de lui, dans la collection La Nouvelle postale, une charmante nouvelle, Des dangers de la botanique, racontant comment un bandit de grand chemin, à force de planquer dans les fossés, s’était pris de passion pour la botanique.
Pour cette collection, Stéphane m’adressa ce petit texte plein d’esprit sur la découverte du Mosasaure maastrichtien, qu’il avait écrit l’année des fameux accords commerciaux européens anticipant la création de l’Union européenne. Il sera encore question de Stéphane à l’occasion du numéro 42.
Pour clore la boucle des corrélations : le fils de l’auteur de L’Explorateur au pays des dinosaures, que nous recevons fréquemment chez nous en qualité de grands-parents, a une passion pour les dinosaures, ce qui est assez commun à son âge, mais tout particulièrement pour le Mésosaure !

mardi 24 octobre 2023

Paf, dans ma bibliothèque !

J’y ai fait allusion à plusieurs reprises dans ce blogue : « L’homme heureux n’a pas de chemise ». Je ne sais pas d’où cela vient, mais ce proverbe me plaît, même si du côté vestimentaire je n’ai pas à me plaindre, tout en étant préservé du malheur (croisons les doigts). Mais pour les possesseurs de livres, existe-t-il aussi un précepte autant inepte ? Assurément, on en a vu passer lors du confinement tandis que les libraires avaient été contraintes de fermer : déclarations connes sur la liberté — ou la libération — liée au livre, comme si Mein Camphre ou autre truc de ce genre n’avait jamais existé. Bref, dois-je craindre un accroissement des emmerdements en accumulant les volumes ici et là ? Eh bien, cela risque fort d’arriver au bout d’un moment avec notre maison qui n’en pourra mais sous le poids. Pour l’instant, pas de craquement suspect. On reste serein. Tout de même, il convient de se méfier du bonheur des autres, qui, se sentant légers, se défaussent encore plus sur les amis, tel celui-ci, amoureux au point d’en perdre des kilos, se libère également de nombre de livres de sa bibliothèque. À nouvel homme, de nouvelles perspectives, et bien dégagées s’il vous plaît ! Voici les rayons qui se vident et mes bras chargés d’une pile : pas moins de dix-neuf livres à « rentrer » (comme disent les libraires d’occasion et les bouquinistes) ! Bigre, vais-je m’amuser à chroniquer ici tout cet arrivage d’une traite, vous infliger un placard indigeste, d’autant que je vous tiens la jambe depuis environ 1500 signes avec mon babil ? Allons, je vais me montrer raisonnable et vous appâter par deux ouvrages non négligeables :
 
 
Oui, c’est bien le reprint complet de la revue chez Jean-Michel Place, superbe et à l’état neuf. Petite bouffée de nostalgie puisqu’il m’est arrivé de voir circuler les originales dans un passé qui s’éloigne de plus en plus. Que dire de plus, sinon que je biche ce genre de publication !
 
 
Puisqu’il est question d’édition originale, voici un des 925 exemplaires sur vélin ivoire de cette « édition publique » de Cendrars. Cette publication a fait un peu polémique à l’époque, en 1997, en raison de la rareté du document-source et donc de l’attente qu’il a suscité. Parfois, le prodige d’une réapparition peut faire douter. On a en mémoire, vers la même époque, d’un roman inédit à l’histoire miraculeuse[1] et pour lequel on continue ici et là à concevoir des doutes, sans preuve concluante, mais avec le chiffre d’affaires d’un poids lourd de l’édition. Pour revenir à cette Légende de Novgorode, sa page Wikipédia fait état des polémiques qui courent encore. Tout ce qui prête à une enquête sur la nature matérielle de la publication, la codicologie, donc, reste passionnant. Tant que les « raretés » ou les manuscrits sont gardés hors de portée des spécialistes, le scepticisme demeure la règle… On accueille donc ce volume avec un certain plaisir, celui de lire du Cendrars, ou celui de conserver peut-être un faux, sachant que les deux peuvent se confondre. La couverture de celui-ci était légèrement tachée, mais rien qu’une gomme blanche n’a pu enlever. L’on a vu également des exemplaires du tirage de tête nous passer sous le nez avec l’eau-forte d’Alechinsky. Les livres, cela existe aussi pour rêver ou se souvenir, un épisode mélancolique, parfois.
La suite un peu plus tard…
 
[1] Paris au xxe siècle, de Verne.

Le Surréalisme au service de la Révolution, numéros 1 à 6, juillet 1930 à mai 1933, colleciton complète — Jean-Michel Place, 2002
Blaise Cendrars : La légende Novgorode — Fata Morgana, 1997

lundi 23 octobre 2023

Bibliographie commentée des Minilivres aux éditions Deleatur — 07


Jacques-Élisée Veuillet
La lettre close

Angers — Éditions Deleatur, 1995
Plaquette 7,5 X 10,5 cm, 16 pages, dos agrafé, couverture à rabats, pas de mention de tirage
Achevé d'imprimer en octobre 1995 sur les presses de Deleatur pour le compte de quelques amateurs



Le Tenancier : Voici un texte qui possède une saveur poétique que l’on retrouve jusque dans le nom de son auteur. Cette prose séduit le Tenancier par sa précision, son choix des mots et son approche très allusive jusqu’à son terme. Quel beau récit ! Mais qui est donc Jacques-Élisée Veuillet ? Je sais par le catalogue de Deleatur que ce n’est pas sa seule production, mais qu’elle est parcimonieuse. Pourquoi ai-je une sensation de familiarité avec lui, cette envie de lui emboîter le pas ? Comme cette histoire est curieuse, comme cette rareté est regrettable ! Y a-t-il suffisamment de matière pour qu’on puisse regrouper ce qui a été publié et ce qui pourrait l’être ?
 
Pierre Laurendeau : Cher Tenancier, ton vibrant hommage au texte de Jacques Veuillet me va droit au cœur ! J’ai fait sa connaissance en 1972. Il figurait comme éditeur de référence dans l’anthologie des Poètes singuliers du surréalisme et autres lieux, de AV Aelberts et JJ Auquier, parue en 10/18 (1971) – complément indispensable à L’Anthologie de l’humour noir d’André Breton !
Je lui avais adressé un manuscrit, un vrai, écrit à la main par un gaucher contrarié. Il m’a répondu par une lettre aimable, précisant qu’il avait été sensible à l’énergie d’un jeune poète un peu rebelle mais qu’il me conseillait, pour être lu, d’acheter une machine à écrire. Ce que je fis séance tenante, y consacrant l’argent de mon activité d’été d’arroseur de pelouses aux HLM de la ville d’Angers. J’eus le culot d’aller le voir chez lui – son adresse figurait dans le livre – imaginant, à dix-neuf ans, un vaste complexe de bâtiments où s’activerait une nuée de secrétaires et autres commis d’édition. Je découvris un appartement certes bien agencé mais particulier, où Jacques me reçut avec amabilité et, je pense, un certain amusement. Il était très lié aux surréalistes et aux poètes du Manifeste électrique (Bulteau, Messagier, Pélieu…). Il m’offrit plusieurs ouvrages, que j’ai conservés. Sa marque d’éditeur – activité totalement clandestine – s’appelait Première Personne. Il avait alors publié deux livres : Clément Magloire-Saint-Aude, Dialogue de mes lampes, avec des gravures de Camacho, de Wifredo Lam et la première d’Hervé Télémaque[1]. L’autre : Sang de Satin, de Michel Bulteau, était illustré d’une magnifique gravure de Jacques Hérold, dont il était un ami proche.
Chaque fois que je venais à Paris, j’allais le voir. Il était toujours disponible et orientait mes lectures : il me fit découvrir, entre autres, Les Vanilliers de Georges Limbour et Peter Ibbetson de George du Maurier.
Il me fit un éloge sincère – je pense – de mon premier livre, une pièce de théâtre marquée par mes lectures surréalistes, notamment Jean-Pierre Duprey : Moche ou la Quête du Rabot, que je vais rééditer prochainement pour fêter les cinquante ans de la première édition.
Lorsque parut au Soleil noir La Victoire à l’ombre des Ailes de Stanislas Rodanski, auteur que j’avais repéré dans l’anthologie d’Aelberts et Auquier, je découvris au fil du texte un certain Jacques Veuillet que Rodanski tour à tour encensait ou vouait aux gémonies. Je demandai à Jacques si c’était lui. Il me fit alors la confidence de ses années de jeunesse à Lyon, de son amitié « toxique » avec Rodanski[2] et de son rejet final lorsque Rodanski lui lança un appel à l’aide désespéré, juste avant de se présenter à l’hôpital psychiatrique Saint-Jean-de-Dieu, où il restera toute sa vie.
En 1983, je proposai à Jacques d’intégrer le « consortium » Deleatur pour y poursuivre son activité éditoriale, notamment les textes de Rodanski dont il possédait un grand nombre[3], dans des cartons – ceux publiés par Le Soleil noir provenaient de Julien Gracq, chez qui Rodanski abandonnait des textes quand il venait à Paris – ainsi que chez Jacques Hérold. De Rodanski, parurent chez Première Personne nouvelle formule : Spectracteur, puis Le Journal d’Arnold, La Montgolfière du Déluge et le Journal 44-48.
En 1987, Jacques me fit un plaisir immense en m’invitant à rejoindre sa collection pour mes Ethnograffiti, qui l’avaient enchanté, plaisir doublé par des illustrations et une lithographie de Jorge Camacho.
Je découvris tardivement le talent d’écrivain de Jacques Veuillet : lorsque je créai la collection des mini-livres, il m’adressa La Lettre close, puis Oncle Ted. Avec parcimonie, je dirais… puisque je ne publiais rien de plus.
Je dois à Jacques Veuillet sinon mon amour des livres, du moins mon orientation professionnelle : c’est grâce – ou à cause ? de lui que je suis devenu éditeur.


[1] Je ne possède hélas que l’édition courante…
[2] Alain Jouffroy consacre un ouvrage à Rodanski, Le Temps d’un livre, où il fait part de l’impossibilité de vivre avec lui.
[3] Vers la fin de sa vie, il en fit don à la Bibliothèque Jacques-Doucet. François-René Simon poursuit l’édition de ce fonds, aux éditions des Cendres notamment.