« Je
suis l’auteur de L’insurrection qui vient
Le
parquet du tribunal de grande instance de Paris vient de demander le renvoi en
correctionnelle de huit personnes, dont trois pour actes de terrorisme, dans
l’affaire dite « de Tarnac ». Une affaire lancée voilà sept ans par
une opération à grand spectacle qui avait vu les forces de l’ordre cagoulées se
déployer autour d’une « épicerie tapie dans l’ombre ». La défense
pugnace des mis en cause et quelques enquêtes sérieuses ont permis depuis
longtemps à tout un chacun de comprendre qu’il s’agissait d’une opération de
communication du pouvoir sarkoziste de l’époque. Une opération que, par esprit
de corps, la police et la magistrature, avec l’appui du personnel politique au
pouvoir aujourd’hui, n’ont pas voulu démentir. Et quel pouvoir peut-il, de nos
jours, se passer de l'antiterrorisme, ne fût-ce que pour remonter brièvement
dans les sondages ?
Dans
le récent réquisitoire, un acte de sabotage présumé, qui ne pouvait en aucun
cas entraîner de dégâts humains, qualifié d’ordinaire comme « acte de
malveillance » est devenu un acte cherchant à imposer une idéologie
« par l’intimidation et la terreur ». Pour effectuer cette
transmutation, le parquet s’appuie sur un livre : L’insurrection qui vient, ouvrage dont, tout en reconnaissant qu’il
est le fruit d’un travail collectif, l’accusation décide arbitrairement que
Julien Coupat est « la plume principale ». Et cela, contre les déclarations réitérées de l’intéressé.
L’enjeu, pour les magistrats, est de créer une figure de chef, tant il leur est
difficile d’imaginer une pratique politique qui s’en passerait.
Que
des juges s’attribuent ainsi la compétence d’entrer dans le délicat travail de
l’écriture ne peut laisser indifférent ni un auteur ni un lecteur de livres.
Cela laisse d’autant moins indifférent quand on considère que l’intimidation
des populations est la politique réellement poursuivie par tous ceux qui
pratiquent le chantage au chômage pour imposer la paix sociale, et que la
dénonciation de la « terreur » cache de plus en plus mal les
pratiques proprement terrifiantes des forces armées « démocratiques »
dans nombre de théâtres d'opérations extérieurs.
L’insurrection qui vient est avant tout un ouvrage,
discutable et discuté, critiquant la société capitaliste. La liberté d’expression
ne saurait se limiter au « droit au blasphème » : qu’un livre
politique devienne la pièce centrale d’un procès où de lourdes peines de prison
sont encourues, prouve de manière irréfutable qu’il s’agit bien d’un procès
politique.
Nous
avons le droit de dire qu’il faut transformer le monde. Nous avons également le
droit de dire que, comme souvent par le passé, à l’instar de ce que rappelle
l’Histoire, cela ne se fera probablement pas dans le strict respect de ses lois
et règlements. Traiter en « terroriste » ce qui a trait à la
révolution, ou du moins à sa possibilité, est de très mauvais augure.
D'ailleurs, cela n'a pas porté chance à un Ben Ali ou un Moubarak.
L’insurrection qui vient est une expression parmi bien d’autres d’un courant de critique
de la civilisation capitaliste. Si ses positions sont discutables, c’est
toujours du point de vue de cette entreprise multiforme de critique du vieux
monde dans laquelle je me reconnais et qui n'appartient à personne.
C’est
pourquoi il me semble important de passer enfin aux aveux : le véritable
auteur de L’Insurrection qui vient, c’est
moi. »
On peut également aller signer là et ainsi se déclarer l'auteur de cet ouvrage.