Ce
billet, publié sur l'ancien blog Feuilles d'automne en juin 2009, mérite
d'être republié ici, car la remise en question du prix du livre
est un serpent de mer qui resurgit de temps en temps...
Il y a quelque temps, certains lobbies tentaient de remettre en question
la loi sur le prix du livre promulguée en 1981. Sous divers prétextes,
il ne s'agissait rien moins que de revenir à des pratiques anciennes qui
présidaient alors à la désertification des librairies de détail au
profit des grands groupes. Le retour de cette dernière notion est
incarné par l'apparition de mastodontes de la vente sur le net. Il va de
soi que les récentes tentatives de remise en cause avaient cette
provenance pour une bonne part. Ces timides manœuvres, gageons-le,
reviendront avec force dès que "les incertitudes" économiques seront un
peu éloignées. Là, le discours technocratique reviendra avec quelque
force, insistant sur les bienfaits de la concurrence sur le lectorat. On
l'a du reste vu chaque fois qu'un groupe d'édition ou de librairie
atteignait une certaine taille, n'est-ce pas ?
Mais, qui connait
cette loi, appelée improprement "la loi Lang", car des personnes
autrement prestigieuses et plus impliquées dans le livre en furent
également à l'origine, comme Jérôme Lindon, par exemple ? Durant le très
grand nombre d'années où j'ai travaillé dans la librairie de neuf, il
m'est souvent arrivé de rencontrer des clients ou même des proches
ignorer le contenu de cette loi et, subséquemment, pour quelles raisons
elle fut appliquée. Il serait fastidieux d'en énoncer les raisons ici.
On le fera sans doute un de ces jours. Ce que je puis dire, c'est que
cette loi a donné ses chances à la librairie de neuf traditionnelle. En
revanche, si ce métier est exsangue désormais, c'est que la corporation
s'est endormie dans une espèce de béatitude malsaine en s'abstenant de
développer ses potentialités : sa force de vente, ses réseaux, son
implantation, etc. Là aussi, cela fera l'objet d'un autre billet. Une
chose encore, j'ai fait mes débuts dans le métier avant cette loi, et je
connais la situation avant et après sa promulgation. Je puis dire
qu'elle a tout de même sauvé les meubles pendant un certain temps. Je
suis pour qu'elle perdure. Je sais également de quoi je parle, ce qui
n'est pas souvent le cas lorsque l'on évoque son abolition.
En attendant, voici la loi. Pour une fois que je vous tiens, vous allez finir par la connaître. Il serait temps.
Faites-en votre miel...
La loi n° 81-766 du 10 août 1981 relative au prix du livre (modifiée par la loi n° 85-500 du 13 mai 1985)
L'Assemblée nationale et le Sénat ont adopté,
Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :
Art.
1er - Toute personne physique ou morale qui édite ou importe des livres
est tenue de fixer, pour les livres qu'elle édite ou qu'elle importe,
un prix de vente au public.
Ce
prix est porté à la connaissance du public. Un décret précisera,
notamment, les conditions dans lesquelles il sera indiqué sur le livre
et déterminera également les obligations de l'éditeur ou de
l'importateur en ce qui concerne les mentions permettant
l'identification du livre et le calcul des délais prévus par la présente
loi.
Tout détaillant
doit offrir le service gratuit de commande à l'unité. Toutefois, et dans
ce seul cas, le détaillant peut ajouter au prix effectif de vente au
public qu'il pratique les frais ou rémunérations correspondant à des
prestations supplémentaires exceptionnelles expressément réclamées par
l'acheteur et dont le coût a fait l'objet d'un accord préalable.
Les
détaillants doivent pratiquer un prix effectif de vente au public
compris entre 95 % et 100 % du prix fixé par l'éditeur ou l'importateur.
Dans
le cas où l'importation concerne des livres édités en France, le prix
de vente au public fixé par l'importateur est au moins égal à celui qui a
été fixé par l'éditeur.
[Loi
du n° 85-500 du 13 mai 1985] "Les dispositions de l'alinéa précédent ne
sont pas applicables aux livres importés en provenance d'un État membre
de la Communauté économique européenne, sauf si des éléments objectifs,
notamment l'absence de commercialisation effective dans cet État,
établissent que l'opération a eu pour objet de soustraire la vente au
public aux dispositions du quatrième alinéa du présent article."
Art.
2 - Par dérogation aux dispositions de l'article 37 (1°) de la loi n°
73-1193 du 27 décembre 1973 modifiée, les conditions de vente établies
par l'éditeur ou l'importateur, en appliquant un barème d'écart sur le
prix de vente au public hors taxes, prennent en compte la qualité des
services rendus par les détaillants en faveur de la diffusion du livre.
Les remises correspondantes doivent être supérieures à celles résultant
de l'importance des quantités acquises par les détaillants.
Art.
3 - Les dispositions du quatrième alinéa de l'article 1er ci-dessus ne
sont pas applicables aux associations facilitant l'acquisition des
livres scolaires pour leurs membres.
Elles
ne sont pas non plus applicables au prix de vente des livres facturés
pour leurs besoins propres, excluant la revente, à l'État, aux
collectivités locales, aux établissements d'enseignement, de formation
professionnelle ou de recherche, aux syndicats représentatifs, aux
comités d'entreprise, aux bibliothèques accueillant du public pour la
lecture ou pour le prêt, notamment celles des associations régies par la
loi du 1er juillet 1901.
Art.
4 - Toute personne qui publie un livre en vue de sa diffusion par
courtage, abonnement ou par correspondance moins de neuf mois après la
mise en vente de la première édition fixe, pour ce livre, un prix de
vente au public au moins égal à celui de cette première édition.
Art.
5 - Les détaillants peuvent pratiquer des prix inférieurs au prix de
vente au public mentionné à l'article 1er sur les livres édités ou
importés depuis plus de deux ans, et dont le dernier approvisionnement
remonte à plus de six mois.
Art.
6 - Les ventes à prime ne sont autorisées, sous réserve des
dispositions de la loi n° 51-356 du 20 mars 1951 modifiée et de la loi
n° 73-1193 du 27 décembre 1973 modifiée, que si elles sont proposées,
par l'éditeur ou l'importateur, simultanément et dans les mêmes
conditions à l'ensemble des détaillants ou si elles portent sur des
livres faisant l'objet d'une édition exclusivement réservée à la vente
par courtage, par abonnement ou par correspondance.
Art.
7 - Toute publicité annonçant des prix inférieurs au prix de vente au
public mentionné à l'article 1er (alinéa 1er) est interdite hors des
lieux de vente.
Art. 8 -
En cas d'infraction aux dispositions de la présente loi, les actions en
cessation ou en réparation peuvent être engagées, notamment par tout
concurrent, association agréée de défense des consommateurs ou syndicat
des professionnels de l'édition ou de la diffusion de livres ainsi que
par l'auteur ou toute organisation de défense des auteurs.
Art.
9 - Les dispositions de la présente loi ne font pas obstacle à
l'application, le cas échéant, de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin
1945 modifiée relative aux prix, à l'exception toutefois des premier et
deuxième alinéas du 4° de l'article 37 de ladite ordonnance.
Art.
10 - Un décret détermine les modalités d'application de la présente loi
aux départements d'outre-mer compte tenu des sujétions dues à
l'éloignement de ces départements.
[Loi
du n° 85-500 du 13 mai 1985] Art. 10 bis - "Un décret en Conseil d'État
déterminera les peines d'amendes contraventionnelles applicables en cas
d'infraction aux dispositions de la présente loi."
Art.
11 - La présente loi entrera en vigueur à la date du 1er janvier 1982, y
compris pour l'ensemble des livres édités ou importés antérieurement à
cette date.
Le
Gouvernement présentera au Parlement, avant le 1er juin 1983, un rapport
sur l'application de la loi ainsi que sur les mesures prises en faveur
du livre et de la lecture publique.
La présente loi sera exécutée comme loi de l'État.
Fait à Paris, le 10 août 1981.
Journal Officiel (11 août 1981 ; 14 mai 1985)