jeudi 31 janvier 2019

Le Prince des poètes

Pour que M. le chef de bureau Grésille eût sollicité de M. le sous-secrétaire d’État cette audience immédiate, il fallait que la circonstance présentât un caractère exceptionnel de gravité et d’urgence, car Grésille est un des rares fonctionnaires qui continuent à maintenir haute et ferme, dans nos ministères, la tradition hiérarchique, et il n’est pas homme à déranger son ministre pour des balivernes…
— J’ai demandé à vous voir, monsieur le Ministre, déclara solennellement Grésille, aussitôt assis sur le bord du fauteuil en vieille tapisserie de Beauvais, que M. le sous-secrétaire Grivot lui avait désigné d’un geste cordial, j’ai demandé à vous voir parce que ça ne peut plus durer !...
— Et qu’est-ce qui ne peut plus durer, cher monsieur Grésille ?
— L’attitude, dans nos bureaux, de M. Baratin, commis principal. Certes j’admets que nos employés, en dehors du service, s’abandonnent à leur fantaisie, encore que cette fantaisie doive, évidemment, demeurer décente, et conciliable avec la dignité de la charge publique dont ils ont l’honneur d’être revêtus… Mais ce qui ne saurait être toléré, c’est qu’au ministère même et dans l’exercice de ses fonctions, un employé, fût-il M. Baratin en personne, affectât des allures que je persiste à considérer comme en contradiction formelle avec l’esprit, sinon avec la lettre, de nos règlements, et qui, en tout cas, apparaissent de nature à causer un préjudice moral, qui n’est pas douteux, au bon renom de nos administrations d’État… Bref, monsieur le Ministre, j’ai tenu à vous en laisser juge : est-il admissible qu’un employé de ministère se montre aux contribuables, se promène dans nos couloirs et, je le répète, dans nos bureaux, avec un chapeau de toréador et une cape traînant jusqu’à terre et doublée de rouge ? Est-il admissible que ce monsieur, lorsqu’il a un renseignement à me fournir ou une pièce à me faire signer, se présente à moi avec un pantalon bouffant et un justaucorps de velours violet, — je n’exagère pas, monsieur le Ministre, de velours violet, — et pas de linge…
— Ce monsieur Baratin est apparemment un artiste ? — sourit Grivot, plein de finesse et de bonhomie.
— Ah ! monsieur le Ministre, permettez-moi de vous dire que je vous attendais là. Il est exact, et je n’ai aucune raison de vous le cacher, il est exact que M. Baratin écrit des vers. Mais est-ce une raison pour ne pas s’habiller comme tout le monde ? Je connais des poètes, monsieur le Ministre, et vous en connaissez. Ets-ce que ces messieurs se croient obligés de se faire remarquer dans la rue, comme dans leurs écrits, par une mise plus ou moins excentrique ? M. Edmond Rostand, par exemple — je sais bien qu’aux yeux de M. Baratin, M. Rostand ne doit point passer pour un vrai poète, mais les jugements critiques de M. Baratin n’ont pas encore force de loi, l’opinion de M. Baratin ne modifiera pas la mienne, ni la vôtre, j’imagine, monsieur le Ministre, — eh bien ! est-ce que M. Edmond Rostand n’est pas toujours fort correctement, et, j’insiste sur ce point, fort convenablement habillé ? Et son fils, un poète lui aussi, quel élégant jeune homme, à en juger par les portraits de lui que j’ai pu voir dans les magazines !... Quant à M. Henri de Régnier, j’ai eu l’honneur de l’approcher quelquefois, du temps que son beau-père, M. de Hérédia, était bibliothécaire à l’Arsenal. Sans doute M. Henri de Régnier porte un monocle, petit sacrifice à l’excentricité, à la fantaisie : mais, à ce détail près, toujours en jaquette ou en redingote d’une coupe impeccable et sévère, M. Henri de Régnier, je le dis sans fausse modestie, pourrait très bien faire figure de chef de bureau !...
— C’est égal, cher monsieur Grésille, ce Baratin en justaucorps, vous m’avez donné envie de le voir ; voulez-vous, je vous prie, me le faire appeler ?
M. le chef de bureau Grésille pinça ses lèvres minces en un sourire sardonique :
— Le faire appeler, monsieur le Ministre ? Faire appeler M. Baratin ? Mais M. Baratin n’est pas là… M. Baratin n’est jamais là, ou, du moins, quand il daigne de venir, c’est toujours aux heures les plus irrégulières : un poète…
— Oh ! alors, si je ne peux pas même le voir, ce Monsieur, il ne m’intéresse plus, je vous l’abandonne, mon cher Grésille, je l’abandonne à votre juste ressentiment ; donc s’il vous plaît de le mettre en disponibilité pour échapper à la vision de ses costumes agressifs et exécrables, vous n’avez qu’à me présenter l’arrêté…
— Dès ce soir monsieur le Ministre !... — s’empressa M. Grésille, qui se retirait, courbé en deux, mais triomphant…
Le sous-secrétaire l’arrêta sur la porte :
— Au fait, dites-moi, mon cher Grésille, ce Baratin n’a pas d’attaches politiques ni parlementaires, et si nous lui tendons l’oreille, vous me garantissez que nous n’aurons pas d’embêtements ?...
— M. Baratin est entré ici par la voie du concours, et jamais, son dossier que j’ai consulté en fait foi, — jamais il n’a daigné faire intervenir en sa faveur le moindre homme politique intéressant : c’est un poète, vous dis-je…
— Dans ces conditions…
Et M. le sous-secrétaire d’État fait signe à M. le chef de bureau qu’il ne le retient plus.
— Décidément, murmure M. le sous-secrétaire aussitôt que M. le chef de bureau, rayonnant, s’est retiré, décidément, c’est la journée des poètes !...
Et M. Grivot tire de son buvard, pour s’en bien pénétrer, la petite note que le fidèle et informé Tarade lui a remise, sur l’œuvre et la personnalité du poète Valbois, dit Valboys.
Tout à l’heure, une délégation composée du secrétaire perpétuel de l’Académie française, du président de l’Association des étudiants, et du directeur du Gil Blas, doit venir recommander à M. le sous-secrétaire d’État des Beaux-Arts la candidature du bon poète Valbois, dit Valboys, à la crois de la Légion d’honneur.
Et comme le dictionnaire Larousse, même dans ses suppléments les plus récents, conserve un mutisme inexplicable mais obstiné à l’égard du poète Valbois ou Valboys, les renseignements du jeune Tarade sont intervenus à propos pour permettre à M. le sous-secrétaire des Beaux-Arts d’apparaître suffisamment renseigné.
— Nous disons donc : L e Cheveu d’Or, Les Paradis retrouvés, Le Gave, Sonate d’Hiver et La Chute de l’Ange Gabriel… Bon !... sentiment de la nature, magie du style, intimité… Parfait !... Ça suffit, et, maintenant, ces messieurs peuvent venir : j’en sais assez pour n’avoir l’air ni d’un ignorant, ni d’un imbécile…
Pourtant, quand ces messieurs sont venus, en effet, M. le sous-secrétaire Grivot, qui ne voulait pas risquer de manquer de mémoire, s’il tardait trop, et de perdre le bénéfice de son érudition toute fraîche, le prudent Grivot a cru bon de prendre les devants :
— Je sais, messieurs, au service de quelle noble cause, hautement artistique et littéraire, vous avez souhaité d’apporter le concours de votre autorité. Mais je tiens à vous le dire tout de suite : votre protégé, le poète Valboys, ne compte au sous-secrétariat des Beaux-Arts que des amis, et il n’a de plus sincère admirateur que le sous-secrétaire des Beaux-Arts… Oui, messieurs, autant que m’en laissent le loisir les durs soucis et les occupations multiples, héla ! de l’administration et de la politique, j’aime à venir retremper aux source radieuses et pures du Cheveu d’Or, ou du Gave, j’aime à en retrouver les sentiment de nature qu’expriment, avec tant de force et d’éclat, Les Paradis retrouvés ; je n’ai jamais pu relier sans émotion cette Sonate d’Hiver, toute parfumée d’une intimité exquise ; et quelle leçon de style, messieurs, même pour le profane que je suis, dans cette magique Chute de l’Ange Gabriel
L’énumération éloquente de M. le sous-secrétaire des Beaux-Arts ne semble pas avoir produit l’effet excellent qu’il en pouvait cependant légitimement escompter. Ces messieurs de la délégation se sont contentés d’un acquiescement léger, et même empreint de quelque gêne. Enfin, le président de l’Association des Étudiants s’est décidé à rompre le silence un peu pénible qui avait suivi :
— Certes, moonsieur le Ministre, nous rendons hommage aux mérites de M. Valboys ; la croix de M. Valboys, nous vous l’avions dit, et nous ne saurions nous en dédire, rencontrera un accueil des plus sympathiques. Mais nous avons le devoir de ne pas oublier que les suffrages presque unanimes des lettrés et, plus particulièrement de la jeunesse littéraire au nom de laquelle j’ai le grand honneur de parler, viennent de désigner, dans les réunions, dans les revues, dans les cafés, enfin partout, comme « Prince des Poètes », l’écrivain admirable et hautain qui signe Valentin Gy… Ce n’est pas à l’homme cultivé et averti, au véritable Athénien, qui est maintenant notre surintendant des Beaux-Arts, que l’on doit faire l’injure de vouloir rappeler les titres éminents de Valentin Gy… Pour ne citer qu’une œuvre qui, à elle seule, eût cent fois mérité toutes les distinctions, M. Grivot a certainement lu et relu le dernier recueil de Valentin Gy, cette série d’évocations fulgurantes et merveilleuses que Valentin Gy a intitulé : Les… — comment donc ?... Les… — Est-ce bête… J’ai le nom sur le bout de la langue : les
— Oui, oui, affirme Grivot inquiet : je vois très bien ce que vous voulez dire… Si je les ai lues !... Ah ! messieurs, quel sens exquis de l’intimité, quelle magie du style, et un sentiment de la nature qui, par endroits, — peut-être ne partagerez vous pas cet avis, mais c’est une impression très vive que j’ai ressentie, — par endroit ne laissait pas de me faire penser à certaines pages de Jean-Jacques Rousseau…
— Très ingénieux !... approuve le directeur du Gil Blas, cependant que le secrétaire perpétuel de l’Académie française hoche la tête et répète :
— Jean-Jacques Rousseau !
— Or Valentin Gy, monsieur le Ministre, dépend directement de votre administration, ce qui facilitera sans doute la faveur que nous sollicitons pour lui. Valentin Gy est employé au sous-secrétariat des Beaux-Arts….
— Diable ! ceci, au contraire, va, je le crains, compliquer les choses. Quel grade a-t-il ?
— Commis principal…
— Patatras !... je peux décorer un poète, mais pas un commis principal : il y a des règlements, une hiérarchie, qui s’y opposent formellement… Mais êtes-vous sûrs que Valentin Gy ?... Je connais à peu près tout mon personnel, et ce nom…
— C’est un pseudonyme, monsieur le Ministre : Valentin Gy se nomme en réalité….
— Baratin, n’est-ce pas ? Je parie qu’il s’appelle Baratin !... — s’écrie M. Le sous-secrétaire d’État soudainement illuminé. Mais alors, tout peut s’arranger. Vous permettez ?...
M. Grivot sonne ; M. le chef de bureau Grésille apparaît :
— Et cet arrêté de mise en disponibilité, M. Grésille ?
— Le voici, monsieur le Ministre.
— Eh bien ! non monsieur le chef de bureau, j’estime la mise en disponibilité insuffisante ; M. Baratin, à dater de ce jour, est rayé des contrôles de l’Administration des Beaux-Arts, vous entendez, Monsieur le chef de Bureau, je révoque….
M. Grésille exulte :
— Mesure sévère, mais juste, monsieur le Ministre, et qui ne manquera pas d’exercer la plus salutaire influence, et la plus efficace sur l’ensemble du personnel….
Mais au même instant, stupéfait, M. Grésille, officier de l’Instruction publique, entend M. le sous-secrétaire d’État qui explique :
— De cette façon puisqu’il n’est pas fonctionnaire, puisqu’il est révoqué, rien ne m’empêchera plus de proposer pour la croix M. Baratin, dit Valentin Gy, princes des poètes.

Franc-Nohain
 : Le Gardien des muses (1913)

mardi 29 janvier 2019

Autodafés en Espagne

Il y a quelques jours de cela, Floréal, dans son blog, reproduisait un long article sur les cas d’autodafés perpétrés pas les nationaliste lors de la Guerre d’Espagne. Vous trouverez ci-dessous le lien vers ce papier fort bien documenté...




(Image tirée du blog de Floréal)

jeudi 17 janvier 2019

La remontée du Fleuve



Voici quelques mois, votre Tenancier arrêtait d’écrire des histoires du Fleuve parce qu’il sentait le besoin d’observer une trêve avec cet univers. Toutefois, l'on découvre une inertie inévitable dès lors que l’on se mêle de vouloir être édité : les textes sortent bien après leur rédaction et il subsiste un temps considérable entre l’élaboration d’une histoire et sa publication en revue. Les premières lignes de La remontée du Fleuve, figurant dans ce sommaire du numéro trois du Novelliste, datent de 2016. Ce constat est une leçon prodiguée avec beaucoup de recul. Vingt-cinq ans plus tôt (et même plus que cela), votre serviteur recevait l’écrivain de littérature fantastique Scott Baker à son émission de radio pour un ouvrage qui venait d’être publié en France. Il était accompagné d’André Ruellan, lecteur enthousiaste du roman et qui avait entamé un dialogue assez fécond à l’antenne. Seulement, impossible de rentrer dans les péripéties de l’histoire avec l’auteur. À la vérité, il en avait oublié certains aspects. Évidemment, l’édition française avait suivi l’américaine de plusieurs années et Scott Baker ne se souvenait plus de tout, ce qui n’avait d’ailleurs pas entamé l’intérêt de cette émission. Risquera-t-on de rencontrer le même problème avec votre serviteur ? Oui, c’est probable… parce que ce qui est rédigé est déjà du passé. Ma rupture avec l’univers du Fleuve n’est certes pas consommée, des synopsis sont encore dans mes tiroirs, mais je sens que pour y revenir il sera utile de me relire et de prendre des notes, non pour observer une cohérence qui demeure très lâche, mais pour en redessiner des contours convaincants. L’entreprise se révèle aisée et nécessite seulement de revoir trente-deux histoires dans la chronologie imaginée par mes soins. Et, si jamais je recommence à explorer le Fleuve, vous ne lirez vraisemblablement des textes nouveaux que dans un ou deux ans, voire plus. L’absence ne sera pas trop pénible, de toute façon, ces histoires valant ce qu’elles valent… Un récit du Fleuve, long cette fois-ci, paraîtra dans quelque temps, un autre, plus court, est en attente (celui-ci est peut-être l’amorce d’une « relance »). Ensuite, on pensera à rassembler en volume ce qui ne l’a pas été, et puis la béance… que nous occuperons avec d’autres sujets, éventuellement. Il n’empêche, c’est la fin d’un cycle commencé huit ans auparavant avec Une partie de pêche sorti en 2010. Je la ressens fortement avec cette publication dans les colonnes du Novelliste, elle consacre aussi le terme d’un « apprentissage », même si ce n’est pas un accomplissement. Le long récit en préparation appartient également à cet achèvement, mais d’une autre façon. Il sera toujours temps d’y revenir lors de sa parution.
En attendant, La remontée du Fleuve, toujours illustré par Céline Brun-Picard, vient de sortir en excellente compagnie et le Tenancier vous remercie de remplir votre bon de commande pour cette revue diablement courageuse puisqu’elle n’a vu aucun inconvénient à publier votre serviteur…


mardi 15 janvier 2019

jeudi 10 janvier 2019

Où le Tenancier est fier de sa fille

Le Tenancier, à une époque ou le népotisme et le favoritisme font rage, ne voit pas pour quelle raison il se priverait d’en faire autant. C’est donc avec une certaine fierté qu’il vous présente un court-métrage de sa fille et qu’il vous enjoint sans plus tarder à montrer votre approbation (mais on ne vous force pas, on vous suggère !).
Merci.


mercredi 9 janvier 2019

Neuf ans plus tard, votre Tenancier a percuté (c'est pas trop tôt !)

Il y a neuf ans de cela, je faisais part sur le blog précédent celui-ci de la trouvaille d’une étiquette de vin dans un ouvrage de Verne, en guise de marque-page. J’avais reproduit ce billet il y a un an ici même. Restait tout de même une sensation étrange en retrouvant l’image de cette étiquette qui, mine de rien tentait de lui rappeler autre chose. Neuf ans pour réaliser : on pourra dire que votre serviteur a le cerveau un peu lambin, mais quel brasillement face à la réalité ! L’étiquette fait penser à la couverture d’un classique Vaubourdolle, publié dans le temps chez Hachette et que le curieux peut de temps à autre retrouver chez les bouquinistes dans le rayon des petits classiques. Diable, boire un Barsac comme on se lit un Vaubourdolle, ça ne manque pas de pertinence : liquoreux comme un classique, classique comme un liquoreux ? À votre santé !

lundi 7 janvier 2019

Tout pour la picole mondaine

Rien à voir avec le billet précédent sinon dans le fait que le Tenancier vous en fait part et qu’il s’agit ici aussi d’un site. Le EUVS Vintage cocktails rassemble une collection d’ouvrages consacrés à la confection de boissons alcoolisées. Parfois, les ouvrages spécialisés recèlent de l’originalité tant sur la forme que sur le fond. Inutile de vous dire que ces ouvrages en témoignent… et aussi ce qui constitue l’agrément d’une civilisation : s’emmerder à doser différents breuvages pour exciter les papilles dans une cérémonie mondaine. Cela nous change du gorgeon sur le coin de la table (nous aimons aussi). On attirera l’attention du lecteur de passage sur Here’s How Again, par un certain Judge Jr. Dont le glossaire, page 12, donne une définition du scotch, seulement explicable par le contexte de la publication de l’ouvrage :

Scotch : This is also a liquid and comes from Scotland and sometimes from Hoboken !

On aura la solution de cette étrange définition en regardant la date et le lieu de publication de cet ouvrage : New York en 1929, c'est-à-dire en pleine Prohibition. D’ailleurs, à propos de ce régime sec outre-Atlantique, on se demande soudainement si la grande migration des auteurs et mécène étasuniens dans les années 20/30 à Paris ne trouve pas là une cause probable. En tout cas, constatons que la mode des ouvrages de « Boisson américaines » publiés en France, à partir des années 10, fit en sorte que le pèlerin impénitent ne se trouvait point dépaysé… 



On trouve des exemplaires de ce titre vendus en ligne entre 500 et 1 500 dollars...

samedi 5 janvier 2019

Céline Brun-Picard

Signalons ici le nouveau site de Céline Brun-Picard. Pour ceux qui ignoreraient qui elle est et pourquoi nous en parlons ici, c’est parce qu’elle illustre depuis pas mal de temps les histoires du Fleuve rédigées par votre Tenancier. Pour contempler son travail autour des nouvelles, allez à cette adresse. Sinon, regardez et vous comprendrez peut-être ce qui m’a attaché à cette artiste !

vendredi 4 janvier 2019

Les quatre cercles

QUATRE CERCLES SUCCESSIFS de reconnaissance sont traversés par l’artiste exceptionnel engagé sur la voie du succès. Je les appellerai la reconnaissance des pairs, celles des critiques, celle de la clientèle des marchands et des collectionneurs et, pour finir, le triomphe auprès du grand public.
La reconnaissance des pairs est la première et à maints égards la plus significative. Par pairs, j’entends les égaux du jeune artiste, ceux qui sont ses exacts contemporains, puis le cercle plus large des artistes en exercice. Ces derniers sont en général capables d’une très grande perspicacité bien qu’il leur arrive à l’occasion de se montrer obtus, et parfois jaloux du succès d’un artiste plus jeune.
Dans tout groupe d’artiste, certains se démarquent. On le voit avec les étudiants en art et, parfois, la personnalité joue au départ un rôle aussi déterminant que les réalisations. Bien sûr, l’émergence d’un talent exceptionnel n’est pas un phénomène réservé au monde de l’art, mais il peut s’observer dans tous les domaines.

Alan Bowness : Les Conditions du succès
Comment l’artiste moderne devient-il célèbre ? (1989)
Traduit de l’anglais par Catherine Wermester – Allia (2011)


mercredi 2 janvier 2019

Question de sémantique, ou d'orthographe, ou d'esgourde pas nettoyée

En 1975, alors qu’à peine politisé, votre Tenancier faisait l’apprentissage de la scansion manifestante, il se confronta à un problème sémantique délicat. En effet, lors de la promulgation de la très controversée Loi Haby qui concernait l’Éducation nationale, on le surprit à reprendre le slogan « Haby, salaud, le peuple en ratapo ! » Il chercha un temps la signification de ce mot et, désormais, à l’occasion, ne manque pas de le reprendre malgré l’abandon de toute innocence sur ce que voulait signifier ses co-manifestants de l’époque.
Quand même, se mettre en ratapo, il considérait cela comme grave et mystérieux, presque le début de l’utopie…