Ready willing and able (1937)
samedi 4 novembre 2023
vendredi 3 novembre 2023
Quelques livres et Visconti
Le Tenancier ne s’adonne pas qu’à la
lecture, il lui arrive
de regarder des films de cinéma.
Comme il n’a jamais vraiment quitté sa casquette de libraire, ses sens
restent
éveillés dès que surgissent des livres dans le décor, surtout s’ils
sont porteurs
d’un signifiant. C’est le cas avec le sketch Le travail,
de Lucchino Visconti (Avec Romy Schneider et Tomás Milián dans les rôles principaux), court métrage (46 min tout
de même) inséré dans Boccace 70, sorti en 1962. De prime, sachons
qu’il s’agit
de l’adaptation d’Au bord du lit de
Maupassant transposé au milieu des Trente glorieuses, sous-jacente
dans les
quatre films qui composent ce recueil. Résumons : le comte Ottavio
trompe
sa femme, Pupe, avec des call-girls en dilapidant des sommes
considérables. En
représailles, elle tarifiera tout devoir conjugal au prix de ses
incartades. À
cela, il fallait un décor et des accessoires. Justement, une grande
quantité de
livres apparaît à l’écran :
La bibliothèque reste un élément de la distinction bourgeoise, mais certes pas d’un héritage nobiliaire. En effet, les reliures anciennes y paraissent fort rares ce qui nous fait songer que ce fonds-là a été dilapidé. Le comte est dans la dèche et cela constitue même l’un des moteurs du récit. Pour autant, les éditions ne semblent pas contemporaines, on en conclurait alors que l’appauvrissement est antérieur à la dissipation d’Ottavio. L’on n’a pu le saisir correctement dans la capture d’écran, mais un plan ultérieur montre le rayonnage qui devrait se situer en haut à gauche de l’image : il contient un alignement de volumes de la Pléiade, premier signe d’une tentative de réparation d’un fonds perdu par une production industrielle aux apparences prestigieuses. Cela devient également un indice éloquent du cosmopolitisme de Visconti qui, dans ce décor, pose en somme les conditions de ses futurs films : tentative de maintenir son rang au sein d’une certaine modernité, survivance de la culture européenne, etc.
On est presque tenté de décrire cette bibliothèque comme garnie de « reliures au mètre ». Les divers plans qui se succèdent dans cette séquence soulignent le contraste entre l’abondance de bibelots dont on se demande soudainement s’ils ne sont pas des copies en stuc. L’omniprésence du livre dans le film empêche de songer à une quelconque impéritie de l’accessoiriste ou du décorateur. Visconti est un homme du livre autant que du cinéma.
Voici une relégation éloquente : quelques reliures qui semblent plus anciennes disposées à plat sur le guéridon adjacent du bureau. Cachée par l’avocat et une partie de cette table, une pile traîne aussi par terre. Que faire de ces volumes dépareillés qui feraient tache sur le bel ordonnancement de la bibliothèque… Ce peut-être également que l’occupant du bureau, sans doute Ottavio, consulte fréquemment certains de ces ouvrages. La conjecture demeure ouverte… Il n’en demeure pas moins que le rapport au livre, malgré les apparences, reste actif.
Nous voici dans les appartements de Pupe et nous retrouvons quelques volumes de la Pléiade alignés sur la commode, non comme objets décoratifs, mais bel et bien destinés à être consultés, en témoigne l’exemplaire à plat sur le marbre devant l’horloge. Là, le livre continue à ne pas être un sujet bibliophilique, parce que ni la rareté ni la préciosité ne concernent cette collection aux yeux d’un esthète, mais plutôt une compilation pratique telle qu’on la concevait dans l’entre-deux-guerres (la collection naît en 1931), destinée à une clientèle bourgeoise, ce à quoi semble appartenir Pupe.
Le plan se prolonge un peu ici et l’on croit volontiers que la présence de la Pléiade dans deux séquences n’est pas innocente dans cette production franco-italienne de Visconti, d’une part en raison de la large culture cosmopolite du réalisateur, comme on l’a signalé, mais également parce que ces volumes sont immédiatement discernables (ou peu s’en faut) par un spectateur français en 1962. Ce marqueur, dans le contexte, identifie les origines de Pupe, bien plus que les coups de fil avec son richissime papa…
Vous n’avez rien remarqué ? Mais si ! Cet ouvrage ouvert à plat sur le canapé ? Croit-on encore à l’innocence de la présence de certains livres ici ? Et si tout à coup, puisque nous parlions de modernité, elle ne s’incarnait pas par le surgissement d’ouvrages moins surannés ?
Eh oui, il s’agit de l’édition allemande du Guépard, de Tomasi de Lampedusa (Piper Verlag — Munich 1959), publiée un an après son édition italienne et deux ans avant le présent film. Pourquoi allemand ? Certainement à cause de la langue natale de Pupe. Au moment où Visconti réalise Le travail, il progresse dans l’élaboration du Guépard, avec les aléas que l’on sait. L’apparition du livre, si elle n’étonne pas tant que cela dans ce contexte nous incite à penser que le « virage viscontien » s’opère déjà depuis un certain temps et que le sketch en est une des primes expressions, un peu avant l’adaptation du Guépard… Abandonnons cela aux exégètes et revenons au livre. Voici une édition quelque peu triviale eu égard à ce que Visconti nous a laissé apercevoir. C’est que l’ouvrage, très récent, on l’a vu, parle aussi de cette décadence de la noblesse qui devient un thème favori du réalisateur. Pourquoi donc Pupe lit un tel livre sinon que pour vérifier l’état de déliquescence sociale dans laquelle est plongé son mari, malgré les apparences ! Il ne s’agit pas d’un livre de poche, mais d’un ouvrage cartonné sous jaquette, qu’on laisse traîner ouvert sur le canapé, plus comme une marque de considération que de dédain, au contraire d’Ottavio qui entre ces deux plans s’assied dessus, le balance au travers du canapé avant de l’exhiber face à nous…
Une nouvelle fois, retour sur les Pléiade ! Si l’on se fie au code de couleurs des reliures, nous aurions sept ouvrages du xixe siècle, cinq du xxe et trois du xviiie. On pourrait s’amuser à essayer de savoir quels auteurs sont représentés. La chose serait aisée pour qui posséderait un catalogue Gallimard de 1961, ce qui est le cas de votre Tenancier (mais a-t-il du temps à perdre ?) La collection n’est pas si étendue à l’époque, d’ailleurs. L’incertitude demeurerait tout de même, mais le jeu serait amusant…
Ici encore, comme pour Le Guépard, les livres disposés avec négligence sur ce petit meuble suggèrent une pratique quotidienne de la lecture, ou presque, à côté d’un fauteuil qui semble destiné à cet usage.
Le plan se rapproche. On espère lire le titre de l’ouvrage sous la lampe. En vain…
Autre scène, autre lieu. Ottavio lit et coupe les pages à mesure qu’il avance. Même si en 1961 (date du tournage), il est encore courant de devoir déflorer un livre de cette manière, elle est devenue l’apanage d’éditions plus confidentielles ou en tout cas plus exigeantes. Là, également, l’on nous ménage le suspens pendant un court instant…
Voilà, Les gommes, de Robbe-Grillet, délivre-t-il un message qui, à travers le parcours circulaire du roman, souligne le revirement des protagonistes du film ? Ne serait-ce pas plutôt l’intrusion de la modernité du Nouveau Roman au milieu d’une adaptation d’une nouvelle très bavarde de Maupassant et dans une série qui fait état des soubresauts qui agitent alors la société italienne ? Ottavio, après tout, ne lit sans doute pas le contenu de la bibliothèque dans le bureau, destinée à l’esbroufe des avocats de passage. Si désinvolte qu’il l’exprime dans ses attitudes, l’on se trouve aux antipodes d’un imbécile, mais au contraire face à un personnage sensible aux modes intellectuelles, avec ce roman encore frais pour les critères des l’époque (1953) et avec la réserve que l’on puisse excuser du léger retard de la découverte, dû à la distance…
L’acte s’est achevé, les acteurs ont déserté la scène au profit des domestiques qui évacuent les accessoires. Les livres éparpillés à terre témoignent en effet de la désinvolture d’Ottavio, peut-être un peu fiévreuse étant donné les circonstances du récit.
Retour aux appartements de Pupe, sur le fauteuil de lecture. La couverture du bouquin se devine à peine, nous continuons dans le procédé du dévoilement progressif.
Saturn over the water (Le reflet de Saturne, de JB Priestley) … Le livre est tout frais puisqu’il vient de paraître chez l’éditeur londonien Heineman en 1961. Mais pourquoi donc ce roman très « mainstream » mêlant enquête policière et SF sur la pile de Pupe ? Là, on sèche pour de bon sur le choix du titre, toutefois un peu moins sur sa nationalité, après l’identification « bourgeoise » de La Pléiade. Après la maîtrise du français à travers une collection de langue française (La Pléiade), un ouvrage italien traduit en allemand (Le Guépard), il fallait bien un bouquin en anglais pour achever ce panorama du multilinguisme et du cosmopolitisme qu'il sous-tend. On hasardera que le sujet trivial du roman complète un portrait de lectrice éclectique et l’on s’arrêtera là dans la conjecture… On notera encore le soin apporté à l'éclairage qui tombe précisément sur le titre.
La bibliothèque reste un élément de la distinction bourgeoise, mais certes pas d’un héritage nobiliaire. En effet, les reliures anciennes y paraissent fort rares ce qui nous fait songer que ce fonds-là a été dilapidé. Le comte est dans la dèche et cela constitue même l’un des moteurs du récit. Pour autant, les éditions ne semblent pas contemporaines, on en conclurait alors que l’appauvrissement est antérieur à la dissipation d’Ottavio. L’on n’a pu le saisir correctement dans la capture d’écran, mais un plan ultérieur montre le rayonnage qui devrait se situer en haut à gauche de l’image : il contient un alignement de volumes de la Pléiade, premier signe d’une tentative de réparation d’un fonds perdu par une production industrielle aux apparences prestigieuses. Cela devient également un indice éloquent du cosmopolitisme de Visconti qui, dans ce décor, pose en somme les conditions de ses futurs films : tentative de maintenir son rang au sein d’une certaine modernité, survivance de la culture européenne, etc.
On est presque tenté de décrire cette bibliothèque comme garnie de « reliures au mètre ». Les divers plans qui se succèdent dans cette séquence soulignent le contraste entre l’abondance de bibelots dont on se demande soudainement s’ils ne sont pas des copies en stuc. L’omniprésence du livre dans le film empêche de songer à une quelconque impéritie de l’accessoiriste ou du décorateur. Visconti est un homme du livre autant que du cinéma.
Voici une relégation éloquente : quelques reliures qui semblent plus anciennes disposées à plat sur le guéridon adjacent du bureau. Cachée par l’avocat et une partie de cette table, une pile traîne aussi par terre. Que faire de ces volumes dépareillés qui feraient tache sur le bel ordonnancement de la bibliothèque… Ce peut-être également que l’occupant du bureau, sans doute Ottavio, consulte fréquemment certains de ces ouvrages. La conjecture demeure ouverte… Il n’en demeure pas moins que le rapport au livre, malgré les apparences, reste actif.
Nous voici dans les appartements de Pupe et nous retrouvons quelques volumes de la Pléiade alignés sur la commode, non comme objets décoratifs, mais bel et bien destinés à être consultés, en témoigne l’exemplaire à plat sur le marbre devant l’horloge. Là, le livre continue à ne pas être un sujet bibliophilique, parce que ni la rareté ni la préciosité ne concernent cette collection aux yeux d’un esthète, mais plutôt une compilation pratique telle qu’on la concevait dans l’entre-deux-guerres (la collection naît en 1931), destinée à une clientèle bourgeoise, ce à quoi semble appartenir Pupe.
Le plan se prolonge un peu ici et l’on croit volontiers que la présence de la Pléiade dans deux séquences n’est pas innocente dans cette production franco-italienne de Visconti, d’une part en raison de la large culture cosmopolite du réalisateur, comme on l’a signalé, mais également parce que ces volumes sont immédiatement discernables (ou peu s’en faut) par un spectateur français en 1962. Ce marqueur, dans le contexte, identifie les origines de Pupe, bien plus que les coups de fil avec son richissime papa…
Vous n’avez rien remarqué ? Mais si ! Cet ouvrage ouvert à plat sur le canapé ? Croit-on encore à l’innocence de la présence de certains livres ici ? Et si tout à coup, puisque nous parlions de modernité, elle ne s’incarnait pas par le surgissement d’ouvrages moins surannés ?
Eh oui, il s’agit de l’édition allemande du Guépard, de Tomasi de Lampedusa (Piper Verlag — Munich 1959), publiée un an après son édition italienne et deux ans avant le présent film. Pourquoi allemand ? Certainement à cause de la langue natale de Pupe. Au moment où Visconti réalise Le travail, il progresse dans l’élaboration du Guépard, avec les aléas que l’on sait. L’apparition du livre, si elle n’étonne pas tant que cela dans ce contexte nous incite à penser que le « virage viscontien » s’opère déjà depuis un certain temps et que le sketch en est une des primes expressions, un peu avant l’adaptation du Guépard… Abandonnons cela aux exégètes et revenons au livre. Voici une édition quelque peu triviale eu égard à ce que Visconti nous a laissé apercevoir. C’est que l’ouvrage, très récent, on l’a vu, parle aussi de cette décadence de la noblesse qui devient un thème favori du réalisateur. Pourquoi donc Pupe lit un tel livre sinon que pour vérifier l’état de déliquescence sociale dans laquelle est plongé son mari, malgré les apparences ! Il ne s’agit pas d’un livre de poche, mais d’un ouvrage cartonné sous jaquette, qu’on laisse traîner ouvert sur le canapé, plus comme une marque de considération que de dédain, au contraire d’Ottavio qui entre ces deux plans s’assied dessus, le balance au travers du canapé avant de l’exhiber face à nous…
Une nouvelle fois, retour sur les Pléiade ! Si l’on se fie au code de couleurs des reliures, nous aurions sept ouvrages du xixe siècle, cinq du xxe et trois du xviiie. On pourrait s’amuser à essayer de savoir quels auteurs sont représentés. La chose serait aisée pour qui posséderait un catalogue Gallimard de 1961, ce qui est le cas de votre Tenancier (mais a-t-il du temps à perdre ?) La collection n’est pas si étendue à l’époque, d’ailleurs. L’incertitude demeurerait tout de même, mais le jeu serait amusant…
Ici encore, comme pour Le Guépard, les livres disposés avec négligence sur ce petit meuble suggèrent une pratique quotidienne de la lecture, ou presque, à côté d’un fauteuil qui semble destiné à cet usage.
Le plan se rapproche. On espère lire le titre de l’ouvrage sous la lampe. En vain…
Autre scène, autre lieu. Ottavio lit et coupe les pages à mesure qu’il avance. Même si en 1961 (date du tournage), il est encore courant de devoir déflorer un livre de cette manière, elle est devenue l’apanage d’éditions plus confidentielles ou en tout cas plus exigeantes. Là, également, l’on nous ménage le suspens pendant un court instant…
Voilà, Les gommes, de Robbe-Grillet, délivre-t-il un message qui, à travers le parcours circulaire du roman, souligne le revirement des protagonistes du film ? Ne serait-ce pas plutôt l’intrusion de la modernité du Nouveau Roman au milieu d’une adaptation d’une nouvelle très bavarde de Maupassant et dans une série qui fait état des soubresauts qui agitent alors la société italienne ? Ottavio, après tout, ne lit sans doute pas le contenu de la bibliothèque dans le bureau, destinée à l’esbroufe des avocats de passage. Si désinvolte qu’il l’exprime dans ses attitudes, l’on se trouve aux antipodes d’un imbécile, mais au contraire face à un personnage sensible aux modes intellectuelles, avec ce roman encore frais pour les critères des l’époque (1953) et avec la réserve que l’on puisse excuser du léger retard de la découverte, dû à la distance…
L’acte s’est achevé, les acteurs ont déserté la scène au profit des domestiques qui évacuent les accessoires. Les livres éparpillés à terre témoignent en effet de la désinvolture d’Ottavio, peut-être un peu fiévreuse étant donné les circonstances du récit.
Retour aux appartements de Pupe, sur le fauteuil de lecture. La couverture du bouquin se devine à peine, nous continuons dans le procédé du dévoilement progressif.
Saturn over the water (Le reflet de Saturne, de JB Priestley) … Le livre est tout frais puisqu’il vient de paraître chez l’éditeur londonien Heineman en 1961. Mais pourquoi donc ce roman très « mainstream » mêlant enquête policière et SF sur la pile de Pupe ? Là, on sèche pour de bon sur le choix du titre, toutefois un peu moins sur sa nationalité, après l’identification « bourgeoise » de La Pléiade. Après la maîtrise du français à travers une collection de langue française (La Pléiade), un ouvrage italien traduit en allemand (Le Guépard), il fallait bien un bouquin en anglais pour achever ce panorama du multilinguisme et du cosmopolitisme qu'il sous-tend. On hasardera que le sujet trivial du roman complète un portrait de lectrice éclectique et l’on s’arrêtera là dans la conjecture… On notera encore le soin apporté à l'éclairage qui tombe précisément sur le titre.
Nous approchons de la fin du sketch et pour ce qui concerne le livre, nous aboutissons à la coda par la réapparition des Pléiade, toujours dans la chambre de Pupe, presque à portée de lit, au mur opposé. La collection aura achevé une sorte de Grand Tour, une boucle qui évoque la restauration d’un ordre après la dissipation momentanée des protagonistes, le reste, le sordide, est du ressort des humains.
Évidemment, cette digression, assez longue et pour laquelle on espère être pardonné, ne prétend pas à l’analyse filmique, mais seulement à signaler que votre bibliothèque a beaucoup à nous dire, et encore plus lorsque l’on en devient le « monstrateur » ou le démiurge.
jeudi 2 novembre 2023
Bibliographie commentée des Minilivres aux éditions Deleatur — 10
Dominique Forget
Sous le ventre des papillons
Dessins de Lena Rosenberg
Angers — Éditions Deleatur, 1995
Plaquette 7,5 X 10,5 cm, 16 pages,
dos agrafé, couverture à rabats, pas de mention de tirage
Achevé d'imprimer en octobre 1995
sur
les presses de Deleatur pour le compte de quelques amateurs
Le Tenancier : Bien que le Tanka observe une rythmique bien à lui, que l’on ne retrouve pas forcément dans ces textes courts, j’y retrouve toutefois cet esprit fugace, très économe de ses effets. Les dessins de Lena Rosenberg ajoutent une touche énigmatique. Qui est Dominique Forget ?
Pierre Laurendeau : J’ai fait la connaissance de Dominique Forget à l’école Victor-Hugo, à Angers : nous n’y étions pas sur le même banc, mais attendions nos enfants à la sortie des classes.
Dominique enseignait la philosophie dans un lycée angevin. Grenoblois expatrié, il avait aussi trouvé du réconfort à fréquenter un adepte de la grimpe et de la haute montagne (son père fut un des piliers du Club alpin de Grenoble).
C’est un homme discret, épris de littérature du xviiie siècle, notamment Diderot. J’avais bien aimé ces « lampes de poche », comme il appelle ses courts textes poétiques.
« La pluie de rosée qui m’accompagne à la gare éclatera sûrement de rire en apprenant que ma valise en carton ne contenait qu’un aquarium gonflable et trois cuillers en peau de léopard. »
Lena Rosenberg était une amie de Dominique – je n’ai pas gardé le contact.
Dominique a quitté Angers il y a une vingtaine d’années. Moi depuis onze ans. Nous nous rencontrons régulièrement dans les Hautes-Alpes (il a une maison de famille à Guillestre, près de chez moi), avec Yves Artufel, qui anime les éditions Gros Textes à Châteauroux-les-Alpes, et Gilles Dumarchez, qui fut berger-libraire. Gros Textes a publié un recueil de Lampes de poche. On peut également en lire sur le blog de Dominique Forget : https://dominiqueforgets.com.
Mathilde Forget, sa fille, qui était en classe avec Olivier, mon fils, est à la fois musicienne (elle a créé la musique de mon film Papillons) et écrivaine – son livre À la demande d’un tiers, qui m’a bouleversé, se trouve en poche.
mercredi 1 novembre 2023
Paf, dans ma bibliothèque !
Continuons de gloser ici sur la donation
de cet ami désireux d’écrémer sa
bibliothèque. Assurons nos lecteurs que ces livres ont été choisis par
bibi et
que d’autres amis et proches ont également pioché dans ce qui fut mis à
disposition.
Aujourd’hui, nous allons traiter par lot, procédé facile face à des
livres que
l’on connaît à peine, et pour cause : il faudrait les avoir lus
aussitôt
acquis.
Il existe peut-être encore une sorte de snobisme à l’égard des ouvrages édités en « club ». Certes, les exploits de la Waffen SS ou le compte-rendu de l’Opération Barbarossa sous « reliure » en skyvertex ont de quoi refroidir le paisible lecteur. D’ailleurs, ces saloperies militaristes (et souvent rédigées par des fascistes) ne courent plus les rues ni trop les boîtes à livres, en tout cas moins qu’avant. On s’en félicite. Toutefois, ces maisons spécialisées dans la production sérielle, procurent quelques joies pour l’amateur de Verne, de Simenon, de classiques de ceci ou de cela, en somme d’une littérature qui fut « Grand Public », sans doute confinée dans le purgatoire de bibliothèques familiales, attendant le débarras d’une descendance indifférente. Il faut le regretter, le déplorer, mais s’abstenir de vouloir rêver à leur complétion, sous peine de périr sous l’accumulation. Les seules séries en club que je possède sont des héritages : les œuvres de Tchekhov (12 vol.) et les Mémoires d’outre-tombe (avec la préface de Guillemin)...
Il existe peut-être encore une sorte de snobisme à l’égard des ouvrages édités en « club ». Certes, les exploits de la Waffen SS ou le compte-rendu de l’Opération Barbarossa sous « reliure » en skyvertex ont de quoi refroidir le paisible lecteur. D’ailleurs, ces saloperies militaristes (et souvent rédigées par des fascistes) ne courent plus les rues ni trop les boîtes à livres, en tout cas moins qu’avant. On s’en félicite. Toutefois, ces maisons spécialisées dans la production sérielle, procurent quelques joies pour l’amateur de Verne, de Simenon, de classiques de ceci ou de cela, en somme d’une littérature qui fut « Grand Public », sans doute confinée dans le purgatoire de bibliothèques familiales, attendant le débarras d’une descendance indifférente. Il faut le regretter, le déplorer, mais s’abstenir de vouloir rêver à leur complétion, sous peine de périr sous l’accumulation. Les seules séries en club que je possède sont des héritages : les œuvres de Tchekhov (12 vol.) et les Mémoires d’outre-tombe (avec la préface de Guillemin)...
Me voici donc récipiendaire d’une
amorce de série, « Les classiques du
crime », quatre volumes que je
ne songe pas à compléter, deux anglo-saxons et deux français, dont un
roman
déjà lu et grandement apprécié : C’est
toujours les autres qui meurent, de Jean-François Vilar. Je le
possède dans
sa première édition. Tant mieux, je pourrai offrir celui-ci à une
personne
méritante, à l’instar du London de la dernière chronique. Notons que ni
le
Irish ni le Bloch ne sont issus d’une traduction de la Série noire ce
qui
laisse espérer un texte un peu plus complet, à défaut d’avoir un avis
préalable
sur le travail du traducteur. D’ailleurs, comment l’évaluer lorsque
l’on
éprouve déjà pas mal de problèmes avec sa propre langue ?
Restons dans le domaine avec ces deux
ouvrages de chez
Rivages, chaudement recommandés par cet ami. On lui prête quelque
compétence en
la matière. On s’est laissé faire. La bibliothèque noire s’étoffe…
Brisons-là avec cette littérature. Il
était temps. On apprécie
que les plats varient, même si l’on aime revenir sur certaines saveurs.
C’est
le cas avec David Le Breton, dont j’avais lu dans le temps La
chair à vif, usages médicaux et mondains du corps humain,
lecture utile et captivante pour qui s’intéresse à cette partie de la
littérature de la Belle-Époque et de l’entre-deux-guerres abordant
les sculpteurs
de chair humaine ou de visages : Le Rouge, Leblanc et bien
d’autres.
Certes, cela ne constituait pas le cœur du propos, mais restait un
élément intéressant
pour en saisir certains aspects. Hors ces considérations, l’ouvrage
fait partie
de toute cette production qui renouvelle l’anthropologie historique. La
venue de
ce livre de Le Breton est donc accueillie avec plaisir, d’autant que
celui-là va
augmenter un modeste rayon (3 ou 4 ouvrages, pas plus) consacré à la
randonnée.
Il est d’ailleurs si petit que je le localise toujours très mal dans la
maison.
Je peux ainsi me targuer d’un problème de riche, c’est bien le seul.
Clin d’œil
ironique du destin : je sors à peine d’un travail — bien plus
prosaïque —
sur le sujet.
On bouclera l’inventaire de cet arrivage dans la prochaine chronique, qui sera beaucoup moins orientée. On respire, car l’on ne tient pas du tout à passer pour un spécialiste de quoi que ce soit, sauf peut-être du babillage sur blogue.
On bouclera l’inventaire de cet arrivage dans la prochaine chronique, qui sera beaucoup moins orientée. On respire, car l’on ne tient pas du tout à passer pour un spécialiste de quoi que ce soit, sauf peut-être du babillage sur blogue.
— Jean-François Vilar : C’est toujours les autres qui meurent — Edito service, 1982
— Pierre Siniac : Monsieur Cauchemar — Edito service, 1980
— William Irish : Lady fantôme — Edito service, 1984
— Robert Bloch : Un serpent au paradis — Edito service, 1982
— Tim Dorsey : Stingray shuffle — Rivages/noir, 2008
— Roger Simon : Le clown blanc — Rivages/noir, 1993
— David Le Breton : Éloge de la marche : Métailié, 2000
mardi 31 octobre 2023
Une historiette de Béatrice
lundi 30 octobre 2023
Bibliographie commentée des Minilivres aux éditions Deleatur — 09
Pierre Laurendeau
Oli Bobo et les 40 douleurs
Angers — Éditions Deleatur, 1995
Plaquette 7,5 X 10,5 cm, 16 pages,
dos agrafé, couverture à rabats, pas de mention de tirage
Achevé d'imprimer en octobre 1995
sur
les presses de Deleatur pour le compte de quelques amateurs
Le
Tenancier : On ne conteste pas ici ce conte enfantin
joyeux et plein d’humour, mais que l’on fasse accroire à un enfant que
l’on
peut transformer un McDo en restau gastronomique relève de la faute
professionnelle.
Même la fantasy la plus échevelée garde quelques limites, M.
Laurendeau !
J’ai l’impression qu’un jeune garçon de 8 ans n’a pas été peu fier de
ce récit
plein de plaies et de bosses, cela dit…
Pierre Laurendeau : Tu as raison, ô Tenancier, le McDo est à la gastronomie ce que les 50 Nuances de Graisse sont à la littérature érotique…
J’ai écrit Oli Bobo pour calmer les ardeurs à se faire des bosses d’Olivier, mon fils alors âgé de huit ans – en tant que père, il sera prochainement confronté au problème. Le conte l’a beaucoup amusé… Je ne suis pas certain qu’il ait eu un effet prophylactique.
Il existe une version numérique superbement illustrée par Émilie Harel, disponible sur les plates-formes de téléchargement.
Pierre Laurendeau : Tu as raison, ô Tenancier, le McDo est à la gastronomie ce que les 50 Nuances de Graisse sont à la littérature érotique…
J’ai écrit Oli Bobo pour calmer les ardeurs à se faire des bosses d’Olivier, mon fils alors âgé de huit ans – en tant que père, il sera prochainement confronté au problème. Le conte l’a beaucoup amusé… Je ne suis pas certain qu’il ait eu un effet prophylactique.
Il existe une version numérique superbement illustrée par Émilie Harel, disponible sur les plates-formes de téléchargement.
dimanche 29 octobre 2023
Bibliographie commentée des Minilivres aux éditions Deleatur — Hors collection (ou presque)
Pierre Laurendeau
Une nuit dans la Grande Bibliothèque
Angers — Éditions Deleatur, 1996
Plaquette 7,5 X 10,5 cm, 16 pages,
dos agrafé, couverture à rabats, pas de mention de tirage
Achevé d'imprimer en septembre
2023 à un exemplaire (voir ci-dessous)
Le
Tenancier : Je ne possède pas cet ouvrage, pourtant
indiqué comme le neuvième de la collection les premières années et
ensuite
comme « HC ». Les indices et, je
crois, le souvenir d’une conversation font penser à une publication de
circonstance. Était-ce en rapport avec la BNF ?
Rappelons que le site actuel fut inauguré à cette époque…
Le Tenancier conçoit quelque amertume de ne point posséder cet item.
Le Tenancier conçoit quelque amertume de ne point posséder cet item.
Pierre
Laurendeau : Ah zut ! il va falloir que j’en
fabrique un pour le Tenancier ! Une bibliothèque d’une petite
ville près
d’Angers m’avait demandé une animation au début des années 90. J’avais
proposé
un texte personnalisable où le lecteur se trouverait acteur du livre,
dont
l’intrigue se déroulerait au sein de la bibliothèque… Ce n’était donc
pas la
BNF, mais celle de Champigné (Maine-et-Loire). L’animation fut un
succès, même
si quelques désabusés me firent ce compliment : « Bah !
c’est
juste une fonction recherche-remplace ! » Une fois
l’opération de
personnalisation effectuée, j’imprimais le corps du livre sur
imprimante laser
– la première ! La couverture était réalisée en Canson bleu avec
étiquette
rapportée et couture au fil. Très chic ! Tout cela au format A5.
L’histoire était une sorte de mise en abyme livresque : le personnage arrivait à se faire enfermer une nuit dans une bibliothèque ; il assistait à des phénomènes étranges de génération spontanée de livres.
C’est lors de cette même animation que je fus victime d’un « vol » de dédicace : un petit salon du livre avait été organisé au même endroit, où je présentais mes livres ; une dame m’en achète un et… va le faire dédicacer à la voisine, une star locale. Étant un dédicateur angoissé (toujours peur d’oublier le nom du ou de la dédicataire, de mal l’orthographier, de ne pas savoir quoi mettre ou de faire une horrible faute de syntaxe ou d’orthographe), je fus soulagé !
Quelques années plus tard, j’ai intégré Une nuit dans la Grande Bibliothèque dans la collection des minis.
Il y eut une déclinaison commerciale du concept à la demande d’un éditeur pour lequel mon ami Alain Royer et moi avions créé une collection documentaire pour la jeunesse : « Raconte-moi… », dont j’avais coécrit avec Alain le premier volume consacré à la mairie. L’éditeur nous commanda un conte de Noël qu’Alain écrivit (c’était sa spécialité) et dont j’assurai l’adaptation technique.
L’histoire était une sorte de mise en abyme livresque : le personnage arrivait à se faire enfermer une nuit dans une bibliothèque ; il assistait à des phénomènes étranges de génération spontanée de livres.
C’est lors de cette même animation que je fus victime d’un « vol » de dédicace : un petit salon du livre avait été organisé au même endroit, où je présentais mes livres ; une dame m’en achète un et… va le faire dédicacer à la voisine, une star locale. Étant un dédicateur angoissé (toujours peur d’oublier le nom du ou de la dédicataire, de mal l’orthographier, de ne pas savoir quoi mettre ou de faire une horrible faute de syntaxe ou d’orthographe), je fus soulagé !
Quelques années plus tard, j’ai intégré Une nuit dans la Grande Bibliothèque dans la collection des minis.
Il y eut une déclinaison commerciale du concept à la demande d’un éditeur pour lequel mon ami Alain Royer et moi avions créé une collection documentaire pour la jeunesse : « Raconte-moi… », dont j’avais coécrit avec Alain le premier volume consacré à la mairie. L’éditeur nous commanda un conte de Noël qu’Alain écrivit (c’était sa spécialité) et dont j’assurai l’adaptation technique.
Poche scriptum : bien reçu, mon cher Pierre, merci !
samedi 28 octobre 2023
Paf, dans ma bibliothèque !
Continuons donc notre chronique,
devenue abondante par le
don d’un ami, touché par la félicité amoureuse. L’homme heureux et
apaisé
voyage-t-il léger ? En tout cas, nous avons découvert précédemment
qu’il s’était séparé d’ouvrages alléchants. Ce billet paraîtra alors un
peu
terne : pas de curiosité bibliophilique ou de reprint prestigieux.
Oui, certes, cette moisson noire date un peu, mais je ne suis plus taraudé par l’obsession de la nouveauté littéraire, même au sujet de la « littérature de genre ». Je confesse quelques wagons de retard pour ce qui concerne le roman et la nouvelle, noirs et sans sucre. Voici donc de quoi entretenir quelques lectures vespérales variées, selon le rythme établi il y a quelque temps : une nouvelle, une nouvelle d’un autre recueil et d’un autre auteur puis enfin un roman, dans un registre différent, encore. Les habitués ici le savent, votre serviteur a commis quelques dizaines de nouvelles et l’intérêt reste toujours vif vis-à-vis de cette catégorie.
Mais bien entendu que je possède déjà ce Jack London ! C’est d’ailleurs une épine dans mon flanc, car après l’amour fou il peut exister des séparations déchirantes (ce que je ne souhaite pas à cet ami !) qui nous obligent à disperser une bibliothèque : des milliers de bouquins de SF dont je ne souffre pas trop de l’absence, mais aussi de livres de London en Crès ou en Hachette, bon sang ! Rien ne consolera de cette disparition. Je possédais également cette série, dans la collection 10/18, presque complète et que je reconstitue peu à peu, ne négligeant pas les doublons afin d’améliorer mes exemplaires. Je réserve les titres excédentaires à quelques amis de passage. Il ferait beau voir que je me livre à de la rétention ! Ce serait également contredire mes propos dans La main d’Émeline, au sujet de Jack. En tout cas, je me fais une raison, dommage collatéral de la sénescence : je ne reverrai pas mes vieux London. (On retrouvera ce volume un de ces jours dans la liste des 10/18 dressée dans ce blogue).
Eh bien oui, Copi ! Je n’en ai pas assez lu. Quelle drôle d’idée de s’en séparer. Je vais bouquiner celui-ci, que je ne connais pas, et peut-être relancerais-je cet ami pour qu’il le récupère, selon l’adage qu’il vaut mieux avoir des remords que des regrets. Ce sont des sentiments fâcheux. Après tout et après réflexion, je ne vais peut-être pas l’interpeller…
Ce petit livre fut offert par l’éditrice à tout acheteur, je devine, de volumes provenant de chez elle. Chemin balisé d’un certain humour qui a occupé les deux rives de l’Atlantique, avec, par exemple, Benchley ou Runyon (pour ce dernier, je voudrais bien un de ces jours me procurer ses chroniques de Broadway qui ont été publiées chez Gallimard…) Le sourire aux lèvres devient une denrée rare.
Oui, bon, scrogneugneu c’est du Saint-John Perse ! Je m’amuse par avance d’entendre ou de lire quelques amis poètes m’en faire le reproche, d’autant que, me portant volontaire pour cette acquisition, je ne professe pas du tout l’esprit de découverte. J’en avais déjà lu et n’avais pas détesté (ouh ! ouh !), sans doute parce que je reste assez obtus en matière de poésie : « Pas de sensibilité », « Pas la maîtrise », tout ce que vous voulez… pas grave. Je vous aime quand même, les gars.
L’ami en question cultive un côté Saint-bernard dès qu’il s’agit de récupérer des livres. On peut lui reprocher parfois son manque de discernement dans le « sauvetage » d’exemplaires d’occase, même pour combler une lacune. Celui-ci est vraiment dégueu : gauchi, bruni, avec des rousseurs, il n’a pour lui que de ne pas figurer dans la bibliothèque consacrée à Westlake. Est-ce bien raisonnable ? Je n’en lis plus trop (et là, tous les zélotes vont me tomber sur le râble), je fatigue un peu à la longue. Vous croyez qu’on peut devenir blasé de Westlake ? J’en frémis. C’est sans doute passager. Je l’espère, parce qu’Otto et George m’attendent au tournant. Allez, je garde ce volume-là, ne serait-ce que par prudence.
Je faisais allusion à la SF plus haut et vous n’en verrez pas trop dans cette chronique. Je dois admettre que je n’ai plus trop d’appétence pour une littérature dont une grande partie coure après son obsolescence — c’est dans sa nature. Bien sûr quelques auteurs surnagent et ce ne sont sans doute pas les mêmes que les vôtres. D’ailleurs, cet ami ne m’en a pas proposé. J’aurais toutefois succombé à la nostalgie des Chute Libre et Titres/SF alignés dans un coin de sa bibliothèque. On n’est pas de bois. Mais cette cession n’était pas à l’ordre du jour. Et puis, où vais-je entreposer tout ça ?
— Michael Connelly présente : Moisson noire — Rivage/noir, 2006
— Jack London : L’amour de la vie — 10/18, 1974
— Copi : Une langouste pour deux — Christian Bourgois, 1999
— P.G. Wodehouse: Webster le chat — Joëlle Losfeld, 1999
— Saint-John Perse : Éloges — Poésie/Gallimard, 1967
— Donald Westlake: Drôles de frères — Rivages/noir, 1991
Oui, certes, cette moisson noire date un peu, mais je ne suis plus taraudé par l’obsession de la nouveauté littéraire, même au sujet de la « littérature de genre ». Je confesse quelques wagons de retard pour ce qui concerne le roman et la nouvelle, noirs et sans sucre. Voici donc de quoi entretenir quelques lectures vespérales variées, selon le rythme établi il y a quelque temps : une nouvelle, une nouvelle d’un autre recueil et d’un autre auteur puis enfin un roman, dans un registre différent, encore. Les habitués ici le savent, votre serviteur a commis quelques dizaines de nouvelles et l’intérêt reste toujours vif vis-à-vis de cette catégorie.
Mais bien entendu que je possède déjà ce Jack London ! C’est d’ailleurs une épine dans mon flanc, car après l’amour fou il peut exister des séparations déchirantes (ce que je ne souhaite pas à cet ami !) qui nous obligent à disperser une bibliothèque : des milliers de bouquins de SF dont je ne souffre pas trop de l’absence, mais aussi de livres de London en Crès ou en Hachette, bon sang ! Rien ne consolera de cette disparition. Je possédais également cette série, dans la collection 10/18, presque complète et que je reconstitue peu à peu, ne négligeant pas les doublons afin d’améliorer mes exemplaires. Je réserve les titres excédentaires à quelques amis de passage. Il ferait beau voir que je me livre à de la rétention ! Ce serait également contredire mes propos dans La main d’Émeline, au sujet de Jack. En tout cas, je me fais une raison, dommage collatéral de la sénescence : je ne reverrai pas mes vieux London. (On retrouvera ce volume un de ces jours dans la liste des 10/18 dressée dans ce blogue).
Eh bien oui, Copi ! Je n’en ai pas assez lu. Quelle drôle d’idée de s’en séparer. Je vais bouquiner celui-ci, que je ne connais pas, et peut-être relancerais-je cet ami pour qu’il le récupère, selon l’adage qu’il vaut mieux avoir des remords que des regrets. Ce sont des sentiments fâcheux. Après tout et après réflexion, je ne vais peut-être pas l’interpeller…
Ce petit livre fut offert par l’éditrice à tout acheteur, je devine, de volumes provenant de chez elle. Chemin balisé d’un certain humour qui a occupé les deux rives de l’Atlantique, avec, par exemple, Benchley ou Runyon (pour ce dernier, je voudrais bien un de ces jours me procurer ses chroniques de Broadway qui ont été publiées chez Gallimard…) Le sourire aux lèvres devient une denrée rare.
Oui, bon, scrogneugneu c’est du Saint-John Perse ! Je m’amuse par avance d’entendre ou de lire quelques amis poètes m’en faire le reproche, d’autant que, me portant volontaire pour cette acquisition, je ne professe pas du tout l’esprit de découverte. J’en avais déjà lu et n’avais pas détesté (ouh ! ouh !), sans doute parce que je reste assez obtus en matière de poésie : « Pas de sensibilité », « Pas la maîtrise », tout ce que vous voulez… pas grave. Je vous aime quand même, les gars.
L’ami en question cultive un côté Saint-bernard dès qu’il s’agit de récupérer des livres. On peut lui reprocher parfois son manque de discernement dans le « sauvetage » d’exemplaires d’occase, même pour combler une lacune. Celui-ci est vraiment dégueu : gauchi, bruni, avec des rousseurs, il n’a pour lui que de ne pas figurer dans la bibliothèque consacrée à Westlake. Est-ce bien raisonnable ? Je n’en lis plus trop (et là, tous les zélotes vont me tomber sur le râble), je fatigue un peu à la longue. Vous croyez qu’on peut devenir blasé de Westlake ? J’en frémis. C’est sans doute passager. Je l’espère, parce qu’Otto et George m’attendent au tournant. Allez, je garde ce volume-là, ne serait-ce que par prudence.
Je faisais allusion à la SF plus haut et vous n’en verrez pas trop dans cette chronique. Je dois admettre que je n’ai plus trop d’appétence pour une littérature dont une grande partie coure après son obsolescence — c’est dans sa nature. Bien sûr quelques auteurs surnagent et ce ne sont sans doute pas les mêmes que les vôtres. D’ailleurs, cet ami ne m’en a pas proposé. J’aurais toutefois succombé à la nostalgie des Chute Libre et Titres/SF alignés dans un coin de sa bibliothèque. On n’est pas de bois. Mais cette cession n’était pas à l’ordre du jour. Et puis, où vais-je entreposer tout ça ?
— Michael Connelly présente : Moisson noire — Rivage/noir, 2006
— Jack London : L’amour de la vie — 10/18, 1974
— Copi : Une langouste pour deux — Christian Bourgois, 1999
— P.G. Wodehouse: Webster le chat — Joëlle Losfeld, 1999
— Saint-John Perse : Éloges — Poésie/Gallimard, 1967
— Donald Westlake: Drôles de frères — Rivages/noir, 1991
vendredi 27 octobre 2023
10/18 — Cavanna : Cavanna
Cavanna
Cavanna
Préface de Wolinski
n° 612
Paris, Union Générale d'Édition
Coll. 10/18
Volume quadruple
252 pages (256 pages)
Dépôt légal : 3e trimestre 1971
Achevé d'imprimer : 7 octobre 1977
Dessins de couverture de Cavanna
(Contribution du Tenancier)
Index
Cavanna
Préface de Wolinski
n° 612
Paris, Union Générale d'Édition
Coll. 10/18
Volume quadruple
252 pages (256 pages)
Dépôt légal : 3e trimestre 1971
Achevé d'imprimer : 7 octobre 1977
Dessins de couverture de Cavanna
(Contribution du Tenancier)
Index
jeudi 26 octobre 2023
Bibliographie commentée des Minilivres aux éditions Deleatur — 08
Stéphane Mahieu
Le Grand Animal de Maastricht
Angers — Éditions Deleatur, 1995
Plaquette 7,5 X 10,5 cm, 16 pages,
dos agrafé, couverture à rabats, pas de mention de tirage
Achevé d'imprimer en octobre 1995
sur
les presses de Deleatur pour le compte de quelques paléontologues
Le Tenancier : Toute bonne
collection tisse des liens
entre les volumes qui la complètent. Le compte-rendu assez facétieux de
Stéphane Mahieu établit un pont avec l’Explorateur
au pays des dinosaures, dont le rapport semble évident, mais
également avec
l’exposition ambiguë de La voie de la
montagne. En effet, même si le récit de la mise à jour du premier
Mosasaure
est vrai, l’auteur change par son point de vue la relation de la
découverte au
point que l’on peut s’interroger au bout du compte sur la véracité des
faits.
La ‘Pataphysique pointe de nouveau son nez…
Pierre Laurendeau : Cher
Tenancier, quelle subtilité
dans la mise au jour des corrélations !
Je connais Stéphane Mahieu depuis la fin des années 70 (nous
étions plus jeunes et plus chevelus), à l’époque du Melog, la
revue qu’il
animait avec Jimmy Gladiator. Nous avions gardé contact ensuite grâce
aux
rendez-vous du Pompadour, un café près des Halles, à Paris… Les
rendez-vous du
mercredi migrèrent au Bougainville, sous la haute protection d’une
octogénaire
au pied sûr (nous ne la regardions pas sans frémir disparaître dans
l’escalier
de la cave – d’où son mari n’était pas remonté, les vertèbres brisées,
quelques
décennies plus tôt (les mauvaises langues chuchotaient qu’elle l’avait
poussé
dans l’escalier – il est vrai qu’il buvait, ce qui, pour un
Aveyronnais, était
le pire crime : dilapider le fonds !). Puis chez Madame
Paulette, au Carrefour,
seul bistrot du Quartier latin affichant résolument : « Pas
de wifi /
Pas d’ordinateur ».
Pour en revenir à Stéphane, j’avais publié de lui, dans la
collection La Nouvelle postale, une charmante nouvelle, Des dangers
de la
botanique, racontant comment un bandit de grand chemin, à force de
planquer
dans les fossés, s’était pris de passion pour la botanique.
Pour cette collection, Stéphane m’adressa ce petit texte
plein d’esprit sur la découverte du Mosasaure maastrichtien, qu’il
avait écrit
l’année des fameux accords commerciaux européens anticipant la création
de l’Union
européenne. Il sera encore question de Stéphane à l’occasion du numéro
42.
Pour clore la boucle des corrélations : le fils de l’auteur
de L’Explorateur au pays des dinosaures, que nous recevons
fréquemment
chez nous en qualité de grands-parents, a une passion pour les
dinosaures, ce qui
est assez commun à son âge, mais tout particulièrement pour le
Mésosaure !
mercredi 25 octobre 2023
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