de Terrèbre
Angers —
Éditions Deleatur, 1995
Plaquette 7,5 X 10,5 cm, 16 pages,
dos agrafé, couverture à rabats, pas de mention de tirage
Achevé d'imprimer en octobre 1995
sur
les presses de Deleatur pour le compte de quelques voyageurs
Le Tenancier : Tu as été
pendant longtemps l’éditeur de
Jacques Abeille, pour Le Cycle des
Contrées ainsi que d’autres textes proches de cet univers Cette Lettre de Terrèbre brouille la limite entre
le narrateur et l’écrivain, convoquant également son alter ego, Leo
Barthe. Cette
frontière en question concerne aussi le rêve et son influence dans le
réel… La Lettre
rentre tout à fait dans le projet apparent de la collection, qui refuse
souvent
de prendre partie vis-à-vis de la réalité. A-t-il rédigé ce texte pour
la
collection, ou bien vos intérêts convergeaient-ils naturellement ?
La place manque sans doute pour évoquer ta relation entre
Jacques Abeille et Deleatur… ceux qui veulent en savoir plus doivent se
procurer ton article : Jacques
Abeille, le jardin refermé, dans la revue Le Novelliste n°6, paru
en
décembre 2022.
Pierre Laurendeau : O
Tenancier, quelle belle introduction !
Qui donne envie de lire l’œuvre abeillienne…
Comme tu l’écris, j’ai été l’éditeur (souvent occulte, voire
occulté) du Cycle des Contrées, transmettant Les Jardins statuaires
à
Bernard Noël en 1981. Tu renvoies avec raison à l’hommage paru dans Le
Novelliste, qui éclaire, je pense, les relations cahoteuses, voire
chaotiques, entre Jacques Abeille et Deleatur (il fut longtemps le
président de
l’association).
La Lettre fut une commande que je lui passai à
l’occasion d’une présentation du Cycle à la bibliothèque municipale
d’Angers, à
l’automne 1995. L’équipe de la bibliothèque, menée par Agnès Chevalier,
était alors
ouverte sur la création. Malheureusement, le départ de la conservatrice
en
chef, en début d’année 1996 si je me souviens bien, entraîna la
dislocation de
l’équipe qui l’avait suivie : Louis Torchet, un médiéviste amateur
d’éditions rares – qui se régalait avec les tirages de tête de Deleatur
–,
rejoignit la bibliothèque d’Autun, où il put se plonger dans les
manuscrits et les
incunables ; quant à Jean-Claude Gautier, il repartit vers sa
terre
d’origine et devint un des référents de la DRAC d’Aix-Marseille pour le
livre.
C’est le seul avec qui j’ai toujours contact.
Donc, comme une sorte de chant du cygne de nos belles
collaborations, que je savais à leur terme, j’avais proposé à l’équipe
de
bibliothécaires un rendez-vous autour des Contrées – dont seuls étaient
disponibles à l’époque Les Jardins statuaires Le Veilleur
du Jour
(les deux chez Flammarion), La Clef des ombres (Zulma), les
Carnets
de l’explorateur perdu (Ombres), ainsi que les deux fragments des Voyages
du Fils, parus dans la collection Les Indes oniriques : L’Homme
nu
chez Deleatur ; Les Lupercales forestières aux éditions
du Lézard –
en effet, cette collection avait vocation à être nomade. Le troisième
volet, L’Auberge
verte, devait paraître au Fourneau mais cela ne se fit pas ;
il fut
agrégé lors de l’édition des Voyages, toujours dans la
collection Les
Indes oniriques, mais chez Ginkgo, en 2007.
J’avais demandé à Jacques une sorte d’abstract, comme
disent les universitaires, qui permette aux personnes présentes à la
soirée de
la bibliothèque d’avoir un aperçu de l’ampleur de ses paysages
intérieurs.
Notons que la Lettre est écrite par Ludovic Lindien, qui jouera
un rôle prépondérant
dans les deux derniers romans du Cycle, parus peu avant la mort de
l’auteur.
Ce qui est singulier dans le process d’écriture de Jacques
Abeille, c’est à la fois un schéma d’ensemble qui l’habitait depuis la
fin des
années 70 – il me confiait en 1984 qu’il avait le plan de tous les
livres du
Cycle en tête – et sa capacité à y agréger des épisodes épars qu’il
n’avait pas
nécessairement conçus pour cela : par exemple Louvanne,
qui parut à
l’enseigne de Deleatur en 1999.
Je ne sais pas… et qui pourrait le savoir ! – si
l’apparition de Ludovic Lindien dans la Lettre de Terrèbre
fut l’élément déclencheur de son rôle essentiel dans les romans finaux
ou si
Jacques Abeille avait déjà prévu pour lui cet avenir lumineux.
Détail amusant : sur le rabat de couverture, dans la
bibliographie de Jacques Abeille (qui s’est étoffée depuis !),
pour les
romans de Léo Barthe, il est précisé qu’ils sont traduits du terrébrin
par
Georges Le Gloupier, l’alias de Jean-Pierre Bouyxou, auquel Jacques
était très
lié, notamment lors de leur jeunesse bordelaise.