Je déteste
Céline et je n'ai pas ses
livres dans ma bibliothèque. Je possède des livres d'autres auteurs qui
se sont
révélés antisémites ou racistes et je me sens assez adulte et au
courant pour
savoir que je ne serai pas influencé par les conneries qu'ils
professent. Ce
n'est pas parce que je suis confronté à une chose, que je lis un livre,
que je
passe sous une statue, que je regarde un film, que je vais
automatiquement
adhérer à ses idées. Je décide tantôt de m'y confronter, tantôt de m'en
foutre
ou de ne pas les accueillir chez moi. Je ne suis pas un enfant et j'ai
cessé
d'être influençable (si tant est que lire un livre puisse effectuer ce
miracle
sur mon pauvre intellect) par ce qu'on me met sous les yeux. Tintin
m'emmerde
puissance 10 et je le trouve raciste. Ce n'est pas pour autant que je
vais
demander son interdiction, je me contente de ne pas abonder et
d'afficher mon
indifférence et de signaler que « cela m'emmerde et que je trouve
ça
raciste ». Généralement je passe au large parce que les
tintinophiles
m'ennuient tout autant. Il ne me viendrait pas à l'idée de le brûler en
place
publique. J'ai regardé Naissance d'une Nation et Autant en emporte le
vent, je
ne me suis pas coiffé d'une cagoule, je n'incendie pas des croix parce
que je
suis tombé un jour sur ces productions. Je ne les reverrai pas, parce
que le
propos est en dehors de mon éthique personnelle. Je ne fais pas de
réclame pour
des choses qui sont en opposition avec ce que je suis, même si je m'y
confronte
à l'occasion. Croire qu'une œuvre de l'esprit, une quelconque
représentation
risque d'influencer les individus, c'est adopter un point de vue
infantilisant,
c'est décider au nom des autres ce qu'ils doivent regarder parce que
nous
serions incapables d'une conduite ou d'une réflexion morale face à une
production en contravention avec nous-mêmes. Qui sont-ils pour décider
cela ?
Qui peut décider à ma place ce que je peux voir ou lire ? Qui peut se
réclamer
d'une telle hauteur, au point de régenter mon rapport avec le monde,
parfois
dans ce qu'il a de pire ? Je ne vois qu'une possibilité valide :
nous-mêmes,
pour nous-mêmes. Et personne d'autre...
Ce texte, écrit ailleurs il y a quatre ans, semble bien naïf, soudainement, car il présumait de l’intelligence de nos contemporains. À l’heure de la sottise en voie de généralisation, le Tenancier se demande s’il réécrirait cela à l’identique.
Ce texte, écrit ailleurs il y a quatre ans, semble bien naïf, soudainement, car il présumait de l’intelligence de nos contemporains. À l’heure de la sottise en voie de généralisation, le Tenancier se demande s’il réécrirait cela à l’identique.