Xavier Forneret
Le
Diamant
de l'Herbe
Angers —
Éditions Deleatur, 1999
Plaquette 7,5 X 10,5 cm, 16 pages,
dos agrafé, couverture à rabats, pas de mention de tirage
Achevé d'imprimer en novembre 1999
sur
les presses de Deleatur pour le compte de quelques passionnés
Le Tenancier : Cher
Pierre, tu as en commun avec Éric
Losfeld (copiste à la BN) et Guy Levis-Mano d’avoir publié ce
Diamant
de
l’Herbe. Il y a chez Deleatur un attrait véritable pour un certain
fantastique de tradition française hérité du Romantisme et un certain
goût du
télescopage entre anciens et moderne. On retrouve cette dilection dans
la
collection L’Ange du Bizarre que tu diriges chez Ginkgo…
Pierre Laurendeau : J’ai
découvert Forneret grâce à l’
Anthologie
de l’humour noir d’André Breton (personnage pour lequel j’ai peu
d’amitié
mais beaucoup d’estime pour son flair incroyable !). Breton avait
publié
dans son
Anthologie un poème « savoureux » de
Forneret
racontant comment un homme réduit à la famine en venait à manger une de
ses
mains. Mais c’est grâce au cher Éric, et à la belle collection
« Le
Terrain vague », que j’ai lu pour la première fois
Le Diamant
de
l’herbe, ce conte ultra-romantique mettant à l’honneur le ver
luisant.
Deux anecdotes. L’une concerne Losfeld, à qui, dans les
années soixante-dix, je rendais fréquemment visite dans sa librairie de
la rue
de Verneuil (Paris, France). À au moins deux reprises, je l’ai vu
vendre le « dernier
exemplaire » de
Saroka la Géante, le superbe livre de
collages de Carelman
(Losfeld m’avait également raconté qu’un hiver, une superbe femme en
manteau de
fourrure était entrée dans la librairie pour acquérir le premier tome
des
œuvres complètes
de Benjamin
Péret ; en guise de paiement, elle avait ouvert son manteau sous
lequel
elle était nue – Losfeld mettait tant de conviction dans le récit de
ses
anecdotes qu’on finissait par le croire !).
Deuxième anecdote, concernant Forneret. Un jour, à la
librairie Obliques, je tombe sur un échange (verbal) entre un client et
Michel
Camus, le libraire (qui n’avait pas encore fondé sa maison d’édition,
Lettres
vives) ; le premier tentait de lui vendre l’édition originale de
Sans
Titre, par un homme noir blanc de visage* de Forneret pour la
coquette
somme de 3 000 francs, que je n’avais malheureusement pas à
l’époque…
Parmi les éditeurs du
Diamant de l’herbe, tu pourrais
citer également les éditions des Cendres, en 1983.
*
Tu as raison de mentionner la dilection particulière du boss
de Deleatur (récemment promu animateur de la collection « L’Ange
du
Bizarre », chez Ginkgo) pour une certaine veine fantastique ou
onirique, en
tout cas inclassable, de la littérature française, qui plonge ses
racines dans
les « petits » romantiques (appellation méprisante des
« vrais » critiques) – et peut-être même avant – et se
déploie
pendant les
xixe
et
xxe
siècles en marge des
divers courants littéraires dominants, s’y frottant parfois mais
restant
toujours dans l’ombre d’une sorte de clandestinité singulière – jusqu’à
ce
début pitoyable de
xxie
siècle, où les rares conteurs (au rang desquels je relève un certain
Yves
Letort) se réfugient chez des éditeurs qui n’ont guère pignon sur rue,
et
encore moins accès aux couloirs sentant l’eau bénite de
Télérama.
S’il y a encore des amateurs de littérature au
xxiie siècle (on
n’est même
pas certain qu’il restera des humains…), il est possible que de la
masse
engloutie des bestselleurs d’aujourd’hui émergent pour eux les diamants
bruts
d’une littérature en clair-obscur.
* Du moins il me
semble. Je possède la réédition de 1978, aux
éditions Toth.