jeudi 24 décembre 2020

jeudi 1 octobre 2020

Une historiette de Béatrice

En vitrine, un recueil de textes de Jean Paulhan qu'elle attrape, avalant des yeux la photo de couverture.
— Qui est ce monsieur ? Qui est-ce Jean Paulhan ?
Je lui explique.
— La NRF ? Qu'est-ce que c'est ?
Je lui explique.
— Ah oui Gallimard je connais, j'ai vécu à Paris moi. Vous pouvez me prêter de quoi noter, je vais téléphoner à une amie qui travaille à Paris Match elle me dira ce qu'elle en pense.
Je fais semblant d'être absorbée par mon travail. Mais non, elle continue.
— Et il coûte 15 euros ? Ah mais vous savez qu'en Angleterre, les bouquinistes vendent les livres au quart du prix neuf, oui oui, j'ai vécu en Angleterre je le sais.

lundi 28 septembre 2020

Miniatures

Il existe une longue tradition du livre miniature, qui a correspondu au besoin d’emporter en voyage avec soi quelques textes ou bien de les dissimuler, comme ces bibles protestantes cachées dans les chignons lors des répressions religieuses. Ces ouvrages ont également été à la source d’innovation en matière d’imprimerie et de reliure. Comment habiller de si petits ouvrages ? Certains restaurateurs ont découvert que les relieurs anciens usaient déjà d’une technique approchant le bradel. Bien évidemment, la fragilité et la petitesse des ouvrages, qui ne dépassent guère les 5 centimètres (on vous dit cela « à la louche ») pour les grands formats du genre, implique une certaine rareté et donc un prix élevé. Et nous, donc, les fauchés, les obscurs, les sans grade ? Eh bien on fera tintin pour ce qui concerne les livres anciens et la plupart des livres modernes, vu leur prix. De temps à autre, l’on trouve tout de même quelques publications contemporaines comme ce petit recueil de haïkus publié en 2001 pour un salon du livre à Aubergenville. Inférons ici que cela constituera notre lot de consolation.
On reviendra sur le sujet un de ces quatre (et, d'ailleurs si vous avez des exemples dans votre bibliothèque, n'hésitez pas à en causer au Tenancier, hein...)
 

jeudi 24 septembre 2020

L'employé de l'agence de placement

Il arrive qu’au hasard du générique d’une revoyure on tombe sur un nom évoquant autre chose qu’un film de gangster. Ce fut le cas ce soir lorsque les noms, défilant au début de La métamorphose des cloportes, on rencontra le nom de François Valorbe, écrivain, poète et à l’occasion figure traversière dans un film. Retrouver un visage sur un nom recèle parfois quelque chose de déroutant. Vraiment, m’attendais-je à se visage et à se rôle dans le film, celui d’un employé dans une agence de placement ? À la réflexion : oui.
 

 

samedi 19 septembre 2020

Garamond

Garamond

GARAMOND (Cl.), célèbre graveur et fondeur en caractères ; n ; à Paris v. la fin du 15e siècle, m. 1561. Il fut élève de Geoffroy Tory, imprimeur du roi, et grava par ordre de François Ier les trois sortes de caractères grecs dits grecs du roi et connus depuis sous le nom de Garamond. L’Imprimerie royale a remis en œuvre (1796), pour l’édition des Œuvres de Xénophon, les poinçons des caractères Garamond.


Biographie portative universelle (1852)

vendredi 18 septembre 2020

Le Bibliomane

C'est elle... Dieux, que je suis aise !
Oui... c'est... la bonne édition ;
Voilà bien, pages neuf et seize,
Les deux fautes d'impression
Qui ne sont pas dans la mauvaise.

Philippe-Laurent Pons de Verdun, in :
Les Loisirs ou Contes et poésies diverses (1807)

jeudi 17 septembre 2020

Les questions du petit Marcel

Comme le Tenancier lève un un œil torve de sa procrastination, autant qu'il fasse semblant de travailler. Fini le temps où le lecteur serviable se prêtait à des jeux ou des échanges. Tant pis. Continuons égoïstement avec notre amour des listes, des énumérations, ou des questions à la noix. Et puis tiens, puisqu'on en parle, rappelons aux écervelé ou aux créatures sans culture le questionnaire du petit Marcel que nous reproduisons ci-dessous sans nous soucier plus que cela que l'on y réponde. Admettons que cette liste-là ne pousse guère à la socialisation.

1. Le principal trait de mon caractère ?
2. La qualité que je préfère chez un homme ?
3. La qualité que je préfère chez une femme ?
4. Ce que j'apprécie le plus chez mes amis ?
5. Mon principal défaut ?
6. Mon occupation préférée ?
7. Mon rêve de bonheur ?
8. Quel serait mon plus grand malheur ?
9. Ce que je voudrais être ?
10. Le pays où je désirerais vivre ?
11. La couleur que je préfère ?
12. La fleur que j'aime ?
13. L'oiseau que je préfère ?
14. Mes auteurs favoris en prose ?
15. Mes poètes préférés ?
16. Mes héros favoris dans la fiction ?
17. Mes héroïnes favorites dans la fiction ?
18. Mes compositeurs préférés ?
19. Mes peintres favoris ?
20. Mes héros dans la vie réelle ?
21. Mes héroïnes dans l'histoire ?
22. Mes noms favoris ?
23. Ce que je déteste par-dessus tout ?
24. Personnages historiques que je méprise le plus ?
25. Le fait militaire que j'estime le plus ?
26. La réforme que j'estime le plus ?
27. Le don de la nature que je voudrais avoir ?
28. Comment j'aimerais mourir ?
29. État d'esprit actuel ?
30. Fautes qui m'inspirent le plus d'indulgence ?
31. Ma devise ?

On s'en doute, la question préférée du tenancier se révèle la dernière, à laquelle il répond : « Le Pétrodollar », car il a un fond vénal.

jeudi 10 septembre 2020

Patience

Oui, on sait, le Tenancier à des absences, en ce moment. Ça va durer encore un peu.
Patience...

jeudi 9 juillet 2020

Une historiette de Béatrice

C'est la seconde pile de livres que monsieur, vacillant, renverse. C'est la seconde fois que je remets tout en place pendant qu'il essaie de faire de l'humour, avec lourdeur mais sans l'ombre d'une excuse. Madame continue à feuilleter de la poésie, indifférente.
Quand ils viennent régler leur livre de poche et qu'il demande (bien sûr) une ristourne, elle continue à regarder ailleurs.

dimanche 5 juillet 2020

Lecture du Tenancier


Il ne s’agit pas ici de composer un récapitulatif complet d’une série qui a compté 76 volumes, mais de communiquer le plaisir même pas coupable éprouvé à leur lecture. Serge Kovask est un officier de l’ONI, service de contre-espionnage de la Navy, embarqué dans des enquêtes qui concerne tout d’abord la Défense, mais qui va devenir de roman en roman l'acteur d'un réquisitoire contre l’impérialisme. Très vite, on peut même dire immédiatement, le personnage du Commander sort de la typologie de l’exécutant fascistoïde et phallocrate à la SAS. Même si G.-J. Arnaud ne déploie pas d’arc narratif autour de ce personnage, son évolution devient éloquente dès le milieu des années 1960, qui le voit passer d’une position vaguement « démocrate » nostalgique de Kennedy à une démission de la marine américaine pour servir la cause du droit et de la justice internationale. Là où certains folliculaires (à Libération, par exemple, où l’inculture vis-à-vis des littératures populaires devient proverbiale) s’étonnent de voir le tâcheron de SAS présenter une soi-disant pertinence pour ce qui concerne les affaires internationales, Arnaud, lui, démontre que l’on peut trouver des sources ailleurs que dans les officines et raconter des histoires puisées dans le Monde diplomatique ou dans des sources plus ragoutantes que les colonnes de Minute. Produit de la guerre froide, les collections d’espionnage où évoluent ces personnages assez manichéens — Serge Kovask, alias le Commander, n’y échappe pas — s’estompent dès les années 1980. Créé en 1961 et abandonné en 1986, le Commander, aidé du splendide personnage de Cesca Peppini alias la Mamma, aura lutté aussi bien contre les latifundistes du Nordeste, parcouru clandestinement le Chili pendant le coup d’État, évoqué l’Opération Condor, ou bien contré les faucons du Vietnam. Mission accomplie, par un écrivain probe et crédible qui a disparu récemment et qui vaut bien plus que la condescendance de certains hommages qui démontre l’ignardise de ses signataires. Encore faut-il pour y remédier, lire G.-J. Arnaud. Ce à quoi s'adonne votre Tenancier de temps à autre.

samedi 4 juillet 2020

Une historiette de Béatrice

— Les livres sur le yoga, je vais trouver cela dans ce coin ?
— Non, madame, c'est plutôt par là. Voyez.
— Ah, oui. Je vois que vous n'en avez pas beaucoup.
Dit-elle, chez une bouquiniste, dont la boutique doit faire 35 mètres carré.

jeudi 2 juillet 2020

Antifle, Antifler, Entifler

Antifle (Battre l') : Cafarder, dissimuler. Mot à mot : hanter l'église. V. Antifler.

Antifler Entifler : Marie (Vidocq.) — Vient du vieux mot antie, église. — Là se fait la célébration du mariage. Entifler est donc motr à mot : mener à l'église. — « Ah ! si j'en défouraille, ma largue j'entiflerai. » (Vidocq.)

Lorédan Larchey : Dictionnaire historique d'argot, 9e édition, 1881

(Index)

mercredi 1 juillet 2020

Vivre et travailler au pays

Le Tenancier ne voudrait pas la ramener, mais il tient à vous signaler qu’il fait partie d’un groupe de producteur locaux. Comme quoi, le terroir a du bon. À noter qu’aucun animal (même pas le Tenancier) n’a été maltraité pendant les opérations de transformation. Venez donc voir par .

Et maintenant, un prédiction de William

mardi 30 juin 2020

Une historiette de Béatrice

Et mon client obsédé qui ne demande que du porno, qui montre ses livres pleins de photos beurk, qui me demande à chaque fois où sont les livres érotiques puisque vous n'avez pas de porno, qui ne comprend toujours pas que non, je n'en ai pas ; donc, lui, qui veut des auteurs « classiques français du XIXe en poche ». Voici-voilà, je lui donne quelques noms et roule-ma poule. Il revient après avoir épluché les livres de poche.
— Bon, je vous en prends 6 à 2 euros, ça fait 10 euros d'accord ?
Avec son regard porcin-bovin.

lundi 29 juin 2020

Lecture du Tenancier


Revenons un instant vers les catalogues de livres, voulez-vous ? Celui d’aujourd’hui est consternant de mauvais goût pour ce qui concerne la couverture, qui ressemble à celle d’un rapport d’une quelconque Direction régionale de l’équipement en 1973. L’intérieur ne vaut guère mieux. Mais, fi de la pâte, jouissons de la substance : cette vente publique propose une série de poèmes autographes de Rimbaud (dont Une saison en enfer), le portrait photographique original par Carjat et Une saison en enfer (Bruxelles, 1873) « non coupé dans son étui de maroquin brun exécuté en 1925 ». À la suite de ces reproductions pleine page, on trouvera l’une des cinq ou six brochures existantes du chant premier des Chants de Maldoror (août 1868) suivi de deux lettres autographes de Lautréamont. On vous passe les autres livres proposés, éditions originales avec ou sans envoi, reliure pleine soie pour certains, etc., presque du banal en regard des pièces maîtresses. Me prendra-t-on pour un « Rimbaldiste » ? La possession de ce catalogue, en vérité, est le fruit du hasard lors de la récupération d’un lot de ceux-ci il y a longtemps. Ma bibliothèque ne comporte que quelques écrits périphériques autour de Rimbaud et guère mieux pour ce qui concerne Lautréamont et de maigres volumes de leurs œuvres. Par ailleurs, le soussigné moi-même se fiche assez des performances de la vente du 17 novembre 1998 à Drouot. En revanche, la reproduction des documents et des couvertures des ouvrages provoque toujours l’intérêt de l’amateur de livres que je reste. Je ne puis que vous recommander la vigilance lorsqu’un libraire ou un bouquiniste se débarrasse d’un lot de catalogues, on y croise de temps à autre des articles sensationnels et des curiosités. Dans certains cas, les rencontres sont étranges et sources de regrets, moi qui n’ait pu m’emparer d’un catalogue où l’on contemplait des photos de Michel Simon dans des ébats empreints d’une saine pornographie ! Sachez également que ces brochures constituent parfois l’unique occasion de découvrir une page manuscrite, un document, un livre ou une photographie avant de rejoindre l’obscurité d’un coffre ou le secret d’une bibliothèque. On reviendra de temps en temps sur le sujet des catalogues, fussent-ils de libraires ou bien de ventes publiques… enfin, si l’envie nous en prend, bien sur.

dimanche 28 juin 2020

Peter a marqué sa page

10/18 — Jeannette Colombel : Les murs de l'école




Jeannette Colombel

Les murs de l'école

Postface de François Châtelet

n° 934

Paris, Union Générale d'Édition
Coll. 10/18
Volume quintuple

314 pages (320 pages)
Dépôt légal : 2e trimestre 1975
Achevé d'imprimer 27 mars 1975


(Contribution du Tenancier)
Index

samedi 27 juin 2020

Une promenade

 
Si l’on identifie fort bien un serpent, un lièvre et des chevaux sur ces pages, on se demande ce que représente la dernière vignette, en bas à droite, sachant que, selon d’autres ordres de lecture, il ne s’agit pas forcément de la première, d’ailleurs. On se perd en conjectures : une créature aquatique, vous croyez ? On ne pensait pas aujourd’hui vous convier à un jeu. Néanmoins allons-y : vous reconnaissez quelque chose, vous ? À noter que, contrairement aux autres images de cette double page, ce motif intrigant ne possède pas d’idéogramme. Sans doute parce que « n’importe quoi », n’est pas traduisible. On notera la sauvagerie du faciès des chevaux, créatures peu commodes comme on l’avait déjà constaté dans notre coin, avec Delacroix.

vendredi 26 juin 2020

Roland


Roland C. Wagner n’a jamais été un ami, mais un de ces « potes » que l’on trouve au cours de son existence, lorsque de nombreuses virtualités existent dans notre jeunesse finissante, lorsque les contraintes sociales pèsent encore peu. Lorsque je le rencontrais, il n’avait pas encore publié de livres, seulement quelques nouvelles, la plupart du temps dans des fanzines. Il voulait devenir écrivain, dans la collection Anticipation au Fleuve Noir, surtout. Tout nous semblait possible. Il avait raison, au point de clore cette série par le numéro 2001 (L’odyssée de l’espèce). Il a eu la sagesse d’aller plus loin encore, de continuer à écrire. On s’est beaucoup vu, puis beaucoup moins. Nous possédions un ami en commun qui nous reliait subtilement bien après que la distance se fut installée. Cet éloignement marquait l’intervalle qui nous séparait d’une partie de notre jeunesse. 

jeudi 25 juin 2020

Une historiette de Béatrice

Il demande un siège pour examiner confortablement le contenu du bac à 1 euro. Et s'exécute.
Un quart d'heure plus tard, il vient vers moi avec son choix : 5 livres.
« Vous allez me faire un prix pour tout cela. »

lundi 22 juin 2020

Lecture du Tenancier

Rien de récent (ou si peu), et comme ça lui chante.


Qui n’a pas eu la tentation d’une telle compilation, qui consiste à recenser les ouvrages imaginaires glanés dans la littérature ? Certes, depuis le temps que l’on nous cite l’exemple du Necronomicon (bâillement poli de votre serviteur), il devenait nécessaire de nous fournir d’autres exemples propres à exciter l’amygdale, non loin de notre hippocampe. Le seul obstacle à une telle entreprise résid
e dans l’érudition et la verve accumulatrice de l’auteur, celui-ci devant prouver l’étendue de ses capacités par le nombre d’entrées dans ce registre. On se garde ici de les compter ou même de relever les lacunes. On se contente déjà de ce que l’on trouve en gardant à l’esprit que toute entreprise de recension autour de la littérature et de ses surgeons se voue à l’incomplétude. Satisfaisons-nous alors de l’existence virtuelle d’un ouvrage comme Des trappes à souris et de leur influence sur l’âme et l’activité des chats (dans Le Chat Murr, d’Hoffmann) ou la continuation du canular de l’Action française de façon imprévisible par Jacques Roubaud qui, dans sa série d’Hortense, cite un ouvrage consacré à la Poldévone poldévique, par un certain Henri de Wachtendonck… et puis évidemment Perec et Le Voyage d’Hiver, d’Hugo Vernier, et puis l’œuvre de Ronceraille, et puis, et puis voilà.
Bien évidemment, un tel livre se feuillète de la même manière qu’on le fit avec Le guide de nulle part et d’ailleurs de Manguel et Guadaluppi, ici pour former un périple incertain et là, avec cette Bibliothèque invisible, pour fixer notre goût pour les voyages immobiles, ou presque, dans nos rayonnages. On reviendra dans quelques temps sur ce domaine du livre imaginaire, le sujet se révèle riche ! En attendant, pour vous récompenser de vous avoir fait poireauter dans notre salle d’attente, prenez donc cette prescription : un ou deux notices quand le besoin s’en fait sentir… ça ne vous fera pas de mal. Votre amygdale vous remerciera.

samedi 20 juin 2020

Le lendemain...


Un jour un' petit' châtelaine, enl'vée par des romanichels,
Fut mis' dans un' chambre malsaine,
Tout en haut d' la rue St-Michel ;
La p'tit' au caractèr' rieur, prit joyeusement son malheur :
 
Le lendemain, elle était souriante, à sa fenêtre fleurie, chaque soir,
Elle arrosait ses petit's fleurs grimpantes,
Avec de l'eau de son arrosesoir.
 
Les brigands furieux d'la voir rire lui attachèrent, les mains, les pieds,
Puis par ses cheveux la pendirent au plafond en face du plancher
Puis la laissant là, les voyous allèrent chez l'bistrot boire un coup
 
Le lendemain, elle était souriante, à sa fenêtre fleurie, chaque soir,
Elle arrosait ses petit's fleurs grimpantes,
Avec de l'eau de son arrosesoir.
 
Les bandits jaloux d'son courage un soir à l'heure de l'angélus
La jetèr'nt du sixième étage son corps tomba d'vant l'autobus
L'autobus qui n'attendait qu'ça sur la belle aussitôt passa.
 
Le lendemain, elle était souriante, à sa fenêtre fleurie, chaque soir,
Elle arrosait ses petit's fleurs grimpantes,
Avec de l'eau de son arrosesoir.
 
Mais les assassins s'acharnèrent
Sur elle à coups d'pieds, à coups d'poings
De mill' coups d'poignards la lardèrent
Pour lui faire passer l'goût du pain
Et pour en finir les ch'napans ils la noyèrent dans l'Océan.
 
Le lendemain, elle était souriante, à sa fenêtre fleurie, chaque soir,
Elle arrosait ses petit's fleurs grimpantes,
Avec de l'eau de son arrosesoir.
 
Au moment où la pauvre fille allait remonter sur les flots
Un sous-marin avec sa quille coupa son corps en deux morceaux.
Puis une torpill' qui éclata fit voler le reste en éclats.
 
Le lendemain, elle était souriante, à sa fenêtre fleurie, chaque soir,
Elle arrosait ses petit's fleurs grimpantes,
Avec de l'eau de son arrosesoir.
 
La tempête, le vent et l'orage soulv'nt les vagues de l'océan
La petit' lutt' avec courage bravant le terribl' ouragan,
Mais le tonnerr' à ce moment tomb' et foudroie la pauvr' enfant.
 
Le lendemain, elle était souriante, à sa fenêtre fleurie, chaque soir,
Elle arrosait ses petit's fleurs grimpantes,
Avec de l'eau de son arrosesoir.
 
Elle disparut dans l'eau profonde
Une baleine lui bouffa les mains
Sa jolie chevelure blonde
Fut arrachée par les requins
Un p'tit' maqu'reau qui s'balladait
Lui barbotta son port' monnaie
 
Le lendemain, elle était souriante, à sa fenêtre fleurie, chaque soir,
Elle arrosait ses petit's fleurs grimpantes,
Avec de l'eau de son arrosesoir.
 
Vous croyez p't'être qu'elle en est morte
Et cependant il n'en est rien
Après cett' secousse un peu forte
La p'tite ne se sentait pas bien
Elle prit pour se remettr' d'aplomb
Un p'tit cachet d'pyramidon
 
Le lendemain, elle était souriante, à sa fenêtre fleurie, chaque soir,
Elle arrosait ses petit's fleurs grimpantes,
Avec de l'eau de son arrosesoir.

(Elle était souriante (1908) — Paroles d’Edmond Bouchaud, dit Dufleuve)
Sur la chanson et les conditions de sa création, voir ici.

vendredi 19 juin 2020

Et maintenant, quelques titres de Craig Strete

Toutes mes statues ont des ailes de pierre
Pour voir la cité assise sur ses édifices
Samedi soir au poste d’observation de la femme blanche
Just like Gene Autry (Foxtrot) — version Cherokee de « Jésus-Christ est entré dans notre vie »
Vieille, si vieille, mais sans âge en cette science
Conte de fées à Wounded Knee
Un cheval d’un autre technicolor
Une corde autour de chaque monde
Où ils ont mis les agrafes et pourquoi elle a ri
La cruauté de ton visage
Un lieu pour mourir sur la photographie de ton âme
Pourquoi la vierge Marie n’est-elle jamais entrée dans le wigwam de Standing Bear ?
L’oiseau du piano
Quel fut le premier oscar à recevoir un nègre
L’homme qui saigne
Quand ils parlent
La haine est un amour infiniment douloureux

mercredi 17 juin 2020

Une historiette de Béatrice

« Houlala tu as vu tous ces livres je me demande comment il s'y retrouve dis donc ».
(Il classe madame, il classe).

mardi 16 juin 2020

Une promenade


Un passage superficiel pourrait faire accroire à quatre illustrations insérées dans des cases. Un examen plus attentif n’en décompte plus que trois, puisque les deux inférieurs ne font qu’une. Comment pourrait-on intituler, d’ailleurs ce motif ? « Tigre dans les bambous au bord d’une rivière » ? La facture reste brouillonne. Divers indices persistent à nous faire penser à de la xylogravure (les cadres, le dessin des animaux, les idéogrammes) mêlé de technique au pochoir (on aperçoit quelques débords) et la peinture à main levée. Il s’agit bien d’un livre artisanal. Le motif animalier se précise, avec une mise en abyme : le dessin sur éventail…

mardi 9 juin 2020

Antif, Antiffe, Antiffer

Antif (Battre l') : Marcher. Mot à mot : battre le grand chemin. — Antif est un vieux mot qui signifie antique et se rencontre souvent dans dans les textes du moyen âge uni à celui de chemin. — Un chemin antif était un chemin ancien, c'est-à-dire frayé.

Antiffe : Marchez (Grandval.) Mot à mot : action de battre l'antif.

Antiffer : Entrer (Rabasse)

Antiffer (s') : Se marier (Rabasse.) — Forme moderne d'antifler. — Se dit aussi pour être séduit, se laisser circonvenir.

Lorédan Larchey : Dictionnaire historique d'argot, 9e édition, 1881

(Index)

dimanche 7 juin 2020

Nouveaux venus & vieilles ficelles

Affaire Jaubert : Comment démolir un homme
 
Le 29 mai 1971, vers 17h30, le journaliste Alain Jaubert monte dans un car de Police-Secours pour accompagner un blessé à l’hôpital. Passé à tabac à l’intérieur et à l’extérieur du car de police, Alain Jaubert sera « livré » à l’hôpital Lariboisière couvert de sang à 18h15. Une commission d’enquête a depuis prouvé les responsabilités des policiers et établi les mensonges de ceux de leurs chefs qui ont jugé nécessaire de prendre position.
Mais l’affaire Jaubert n’est pas une simple affaire de police. Dès que Jaubert est admis à l’hôpital et placé en garde à vue — et surtout dès qu’il est libéré — il y a bien plus grave que le simple passage à tabac. Le caractère policier de l’État apparaît alors nettement. On surveille le journaliste, ses amis, les témoins. On cherche aussi à démolir Jaubert et tous les moyens sont bons.
 
I. TÉMOINS MUETS1
 
Quelles pressions ont subi les habitants des immeubles nos 50, 52, 54, et 57, 59, rue de Clignancourt. Beaucoup ont été vus par des témoins à leurs fenêtres, pendant que les policiers tabassaient, dans la rue, Alain Jaubert qui venait d’être éjecté du premier car. Aujourd’hui, ceux qui acceptent d’ouvrir leur porte affirment qu’ils étaient absents le samedi 29 mai.
 
II. COUPS CRASSEUX2
 
On a mis beaucoup de monde sur l’affaire Jaubert. Des dizaines de flics et autre fonctionnaires. Objectif : démolir le journaliste et, si possible, le coincer ; saper le coefficient de sympathie de Jaubert auprès des autres journalistes et renverser l’opinion en brouillant le plus de cartes possibles. Pas ragoûtant comme méthode, mais l’enjeu vaut bien quelques coups crasseux. Quelques bonnes manières dignes du panier à salade dont Jaubert sortit couvert de sang le 29 mai, après son passage à tabac. Tout se passe en coulisse, bien sûr, et, normalement, rien ne devrait filtrer.
 
Les premiers jours, Jaubert encore détenu, on surveille sa femme et l’appartement du couple. Une fois le journaliste sorti de l’hôpital et relâché, on le prend en filature. On enquête auprès de ses voisins — des fois qu’on trouverait quelque chose de pas bien ; on branche son téléphone sur table d’écoute.
Noblesse oblige, c’est le ministère de l’Intérieur qui centralise l’opération. Des flics fouillent le passé de Jaubert — un coup d’œil aux archives ; ils font l’inventaire de ses relations, de celles de sa famille. On cherche, on cherche. Jaubert a beaucoup voyagé avant d’être journaliste. En Amérique du Sud, à l’Est, presque partout. Alors on fait l’inventaire de ses ressources — un coup d’œil sur ses dépenses et sur son compte en banque. On cherche. Trouver quelque chose, pouvoir dire que Jaubert est un malfrat ou — pourquoi pas ? — un agent de l’étranger et ce sera tout bon.
On passe ensuite la balle aux gens de la Direction Générale des Impôts. À charge pour eux d’enquêter et de rendre compte aux hommes de Marcellin. Ses impôts, est-ce que Jaubert les paie ? Il ne fraude pas un peu, non ? Pas de ressources un peu bizarres ? Quelques jours après son passage à tabac, Jaubert reçoit coup sur coup, deux lettres de son percepteur qui réclame une déclaration de revenus déjà envoyée puis demande — réponse sous huit jours — des renseignements sur ses gains en 1969 et 1970. Pure coïncidence, bien sûr.
On s’agite autour des journaux. Certains flics et quelques collaborateurs de Marcellin courent les rédactions et glissent à l’oreille de journalistes : Jaubert n’a pas droit à sa carte de presse. Ce n’est pas un vrai journaliste…
Mieux encore : les notes confidentielles à en-tête du ministère de l’Intérieur. La première, envoyée dès le début de l’affaire à certains journaux — mais pas au Canard — comporte trois feuillets. On donne maladroitement la version policière des faits, on accuse Jaubert d’être un cogneur, on tronque les déclarations des témoins pour mieux l’enfoncer. La semaine dernière, les services de Marcellin ont remis ça — toujours dans le style note confidentielle. Avec l’espoir de faire un peu baisser le ton des journaux.
 
L’affaire Jaubert révèle bien le caractère policier des pratiques politiques. Ce n’est plus une affaire de police. On donne des ordres, on lance des flics ou d’autres fonctionnaires sur le renseignement, on flaire, on cherche, on veut savoir des choses pour empêcher un scandale d’éclater, on prend des habitudes. C’est cela le fondement policier d’un État. Le reste — quadrillage d’un quartier ou d’une ville par des hommes casqués — n’est jamais que la vitrine.
Après, on peut toujours se dire indigné de la campagne systématique de diffamation qui est menée contre nos forces de police, comme Pompidou l’a fait à la télévision. Ou éructer contre la presse — encore du Pompidou. Jeudi 10 juin, il recevait à l’Élysée des journalistes spécialistes des questions agricoles. Le ton aigre, Pompidou parla de l’affaire Jaubert, puis de l’affaire Bolo et des journalistes qui en profitent chaque fois pour se payer la tête du gouvernement.
Malheur à ceux par qui le scandale arrive… à la connaissance du public.
 
1. Extrait d’une enquête de René BACHMANN parue le 14 juin 1971 dans le Nouvel Observateur.
2. Article de Claude ANGELI, paru le 30 juin 1971 dans le Canard enchaîné.

René Bachmann — Claude Angeli : Les polices de la Nouvelle Société (1971) — Chap. V : Attention police !

Anse

Anse : Bras. L'anse est le bras du vase. V. Arque pincer. — Offrir son Anse, offrir son bras.

Anses : Oreilles — Comparaison de la tête au pot.

Anses (une paire d') : Une paire de grandes oreilles écartées. Vues de face, elles ressemblent aux anses d'un pot.

Anses (panier à deux) : Homme ayant une femme à chaque bras.

Lorédan Larchey : Dictionnaire historique d'argot, 9e édition, 1881

(Index)

samedi 6 juin 2020

10/18 — René d'Anjou : Le livre du cuer d'amours espris




René d'Anjou

Le livre du cuer d'amours espris

Édité et présenté par Susan WHARTON

n° 1385

Paris, Union Générale d'Édition
Coll. 10/18
Série « Bibliothèque médiévale »
Dirigée par Paul Zumthor
Volume quintuple

223 pages (224 pages)
Dépôt légal : 2e trimestre 1980
Achevé d'imprimer 23 avril 1980


(Contribution du Tenancier)
Index

vendredi 5 juin 2020

10/18 — Guy de Maupassant : Chroniques — 1




Guy de Maupassant

Chroniques — 1

22 octobre 1876 — 23 février 1882

n° 1382

Paris, Union Générale d'Édition
Coll. 10/18
Série « Fins de siècles »
Dirigée par Hubert Juin
Volume sextuple

437 pages (446 pages)
Dépôt légal : 2e trimestre 1980
Achevé d'imprimer 23 mai 1980


(Contribution du Tenancier)
Index

jeudi 4 juin 2020

Une historiette de Béatrice

Bonjour, je dois donner des cours de français à un groupe, je voudrais savoir ce que vous avez en grammaires d’occasion ? Enfin, le moins cher possible, il ne faut pas exagérer quand même, eux aussi ils peuvent s'offrir des livres, hein.

mercredi 3 juin 2020

Et il ne faut absolument pas faire confiance aux livres de papier

Il ne faut pas non plus que tu trouves étrange que je ne recommande à personne des livres de papier pour y apprendre le début de la médecine. Car la cause en est qu’il n’est pas besoin des les prendre en considération. Les bons et les méchants écrivent pêle-mêle, les gens épineux et les rêveurs, pêle-mêle, à la fois du bon et du mauvais ; ils falsifient le bon par le mauvais ; ils trouvent et prônent plutôt le mauvais que le bon ; et ils font pêle-mêle une telle panade qu’on se trouve tout désorienté et qu’on ne peut plus trouver la paix. Et chacun veut distinguer son nom des autres plumes et apporter quelque chose de neuf. Et la médecine a été totalement brisée par de tels écrivailleurs. Et il ne faut absolument pas faire confiance aux livres de papier. Et bien que tel ou tel ait eu une expérience et de l’expérience, etc., cela s’est produit pour lui, et au fond il a été lui-même égaré. Car le style indique qu’une grande simplicité a régné avec l’ignorance dans la médecine.

Paracelse, extrait de : Labyrinthus medicorum errantium, 1538

Exergue à La lumière et la clef, d’Adolf Muschg (1984)

mardi 2 juin 2020

Holmes sweet Holmes

Puisque l'été approche, qu'il fait beau, que les mouches pètent, voici un petit jeu auquel nous nous étions déjà prêtés jadis. Mais qu'aurait pu dire par les message ci-dessous un Holmes grossier à Moriarty ?
Vos supputations en commentaire, merci...

Bon pour la circulation ?

lundi 1 juin 2020

Lecture du Tenancier

Rien de récent (ou si peu), et comme ça lui chante.


Un catalogue de vente de libraire... oui, eh bien quoi ? On ne répétera jamais assez combien ces publications recèlent de trésors et de livres exceptionnels, même si on ne pourra jamais les posséder. Celui-ci est d'autant plus alléchant que son titre est Crimes et légendes et se consacre à toute la littérature criminelle : fictions, ouvrages de criminalistique, bertillonnage et photos de « convicts », beaucoup d'ouvrages du XIXe et de provenance anglo-saxonne. Le charme de ce catalogue tient également au choix des illustrations monochromes en sépia. 1000 références sur le crime et ses à-côtés...
Un catalogue qu'il m'arrive de feuilleter encore avec le même plaisir...

dimanche 31 mai 2020

Une historiette de Béatrice

Devant la boutique, je les entends arriver.
— Pourquoi tu veux y aller, tu cherches un livre ou quoi ?
— Non, rien de particulier, pour le plaisir.
Mais entrez mesdames, je vous aime déjà.

samedi 30 mai 2020

Un sou la coquille !


[…] le Marais a gardé son aspect, ses traditions et, si l’on ose dire, sa faune. À côté des gros commerces qui emplissent les rues du tapage de leurs fardiers, c’est le pays des artisans. Les imprimeries de labeur y sont nombreuses, noires et sordides. Les compositeurs et les protes, coiffés du professionnel bicorne de papier, besognent sous de chiches becs de gaz. Les placards, revus par les correcteurs, sont affichés tout humides à la porte ; soumis à l’examen des passants : chaque faute relevée est payée un sou, parfois deux. Il est des habitués, paraît-il, qui ne vivent que de ça.

Robert Burnand : Paris 1900 (1951)

mardi 26 mai 2020

La presse est morte !

Ami lecteur, si tu parcours ces lignes, c’est que tu as été accroché par ce titre délibérément racoleur. Et, en outre, auquel l’auteur de ces lignes ne souscrit pas. Ne pars pas de suite, je vais t’expliquer.
Aujourd’hui, la presse va mal, très mal. Outre le déclin qu’elle connaît depuis déjà plusieurs décennies, les circonstances actuelles ne sont guère à son avantage : crise du coronavirus « aidant », les quotidiens et périodiques ont du mal à remplir leurs pages (imaginez la presse sportive, notamment…), les éventuels lecteurs rechignent à aller se frotter aux autres chez les marchands de journaux, les possibles annonceurs commencent à regarder de près leurs dépenses publicitaires. En sus, comme si cela ne suffisait pas pour mettre en péril tout le secteur, le principal distributeur de presse français, Presstalis, est au bord du gouffre. Le tribunal de commerce a déjà prononcé la liquidation judiciaire de ses filiales régionales et l’entité elle-même (qui a succédé aux NMPP, Nouvelles Messageries de Presse Parisienne) est au plus mal. D’autant que, dans un concentré de ce que l’humanité sait faire de « mieux », tous les acteurs du marché (Presstalis est un organisme paritaire, détenu et géré en grande partie par les éditeurs de presse, une autre partie étant administrée par la CGT) s’entre-déchirent : éditeurs de quotidiens et éditeurs de magazines se combattent les uns contre les autres pour tenter de conserver les meilleures « miettes » du gâteau alors que la CGT a entamé depuis plusieurs semaines déjà une grève qui bloque la diffusion de la plupart des titres (hors PQR, presse quotidienne régionale) dans bon nombre de régions du pays. Bref, plutôt que de s’unifier pour tenter de répondre de façon unie à la crise, chacun tire ce qu’il reste de la couverture à soi, sur l’air du « mieux vaut mourir seul que vivre avec les autres ». Humain, disais-je…
Partant de là, et en revenant sur la baisse continue de la diffusion et des recettes publicitaires qui plombe le secteur depuis des années, comment ne pas penser que, oui, « la presse est morte » ? Certes, si tous les acteurs concernés continuent dans la voie où ils se sont engagés, ils arriveront bien, effectivement, à « tuer » la presse. Mais cela n’a rien d’inéluctable.
Sans se prendre pour un « expert », ce qu’il n’est pas, l’auteur de ces lignes travaille depuis déjà plus de 35 ans dans la presse « papier », un univers qu’il aime mais qu’il voit se dégrader au fil du temps, à son grand regret. Regret, parce qu’il considère que la presse pourrait aller mieux, pour peu que l’on ait la volonté et l’imagination de la faire vivre.
D’aucuns se retranchent derrière le classique « Internet a tué la presse » pour classer l’affaire. L’auteur de ces lignes ne souscrit pas à cette affirmation. Certes, Internet a cette capacité à relayer une information quasi-instantanément qu’aucun journal, même quotidien, ne peut avoir. Et draine de ce fait une bonne part des recettes publicitaires.
L’auteur de ces lignes a vécu de près la mutation de la presse lorsqu’Internet a commencé à émerger. Dans de nombreux groupes de presse, il a alors été investi de grandes sommes pour créer des sites, avec rédactions pléthoriques et autres dépenses pas toujours justifiées. En espérant tirer les marrons du feu sur ce nouveau média tout en ne faisant plus rien pour leurs titres « papier ». Résultat : les sites se sont révélés des gouffres financiers (la pub rapportait très peu à l’époque) et les magazines ou journaux dépérissaient. La situation n’a guère changé depuis, si ce n’est que les recettes publicitaires sur Internet ont augmenté, sans toutefois rendre la plupart des sites d’information rentables.
En fait, il faut revenir encore quelques années en arrière pour comprendre comment cette évolution a été rendue possible. Lorsque l’auteur de ces lignes a commencé à travailler dans la presse, au mitan des années 1980, la plupart des groupes de presse étaient détenus par des sociétés plus ou moins familiales, en tout cas par des dirigeants-actionnaires issus du monde de la presse, souvent passionnés par ce secteur. Et donc connaisseurs des schémas économiques d’icelui : on peut (très) bien vivre de la presse mais ce n’est certainement pas le secteur le plus rentable de l’économie. Mais, pour de multiples raisons, l’ère des « patrons de presse » s’est terminée, ils ont été au fil du temps remplacés à la tête des groupes de presse par des sociétés ayant pour seul horizon le bilan comptable et pour seul objectif les fameux « 15 % de rentabilité ». À la clé, ils ont évidemment commencé par tailler dans les coûts, en premier lieu en ciblant le poste de dépenses le plus évident, le personnel. Les rédactions se sont donc recroquevillées comme peau de chagrin, avec comme conséquence une baisse évidente de la qualité des contenus : comment mener une enquête fouillée alors qu’on est censé « produire », comment vérifier des informations lorsque l’on a X articles à finir dans les délais, comment assurer la bonne tenue grammaticale et orthographique des articles alors que la correctrice a été remplacée par le logiciel de correction de Word et ses innombrables approximations, comment faire correctement le métier alors qu’on n’est plus que trois pour remplir le journal qu’on faisait à six il y a encore peu ?
Bien plus qu’Internet, c’est cela qui a conduit au déclin de la presse « papier », tout comme l’imprévoyance et le manque de vision des dirigeants de presse. Oui, on ne peut nier qu’Internet a pris tout un pan de l’activité traditionnelle de la presse, l’information brute. Mais la plupart des groupes de presse sont montés dans le train du Web sans réfléchir une seconde à ce qu’il fallait faire pour maintenir la presse « papier » dans une bonne santé économique. Ce qui est malheureusement toujours vrai aujourd’hui : avez-vous constaté une évolution du contenu et de la présentation des quotidiens et magazines depuis l’avènement d’Internet ? Hormis, pour certains titres, une baisse de qualité (aux raisons déjà expliquées…) notable, et un moins grand nombre de pages de pub, ce ne doit pas être l’impression de grand-monde…
Pourtant, si l’on souhaite pérenniser cette presse « papier » aujourd’hui mal en point, il est évident qu’il faut songer à la « réinventer ». Certes, cela ne peut se faire d’un coup de baguette magique, et l’auteur de ces lignes ne prétend évidemment pas avoir « LA solution ». Pour autant, ne rien faire si ce n’est se lamenter sur la baisse des revenus, sur la grève, sur la mort de Presstalis ou quelqu’autre avanie ne mènera nulle part.
Alors, comment « réinventer » la presse ? Certes, le monde actuel est ce qu’il est, avec des lecteurs devenus des consommateurs d’Internet, de plus en plus habitués à lire sur un smartphone des contenus lapidaires envoyés à jets continus sans aucune hiérarchisation, la nouvelle la plus anodine ayant le même impact que la « news » la plus importante – sachant par ailleurs que les « chiens écrasés » et les articles « people » ou « à sensation » font généralement bien plus de vues sur un site d’information que des informations cruciales. Mais, pour autant, la presse « papier » peut encore avoir de beaux jours devant elle. Pour preuve un hebdomadaire comme le Canard Enchaîné, qui se porte très bien, merci pour lui, et ce sans un centime de revenus publicitaires. Comment est-ce possible ? Sans spécialement innover, le Canard a su maintenir au long des années la qualité de ses informations, a su continuer à intéresser ses lecteurs, à leur proposer des contenus inédits par ailleurs. On me rétorquera qu’il s’agit d’un cas particulier oeuvrant sur un secteur tout aussi spécifique. Ce n’est pas complètement vrai. D’autres titres, peut-être pas assez nombreux, se maintiennent à de très bons niveaux de diffusion (et par voie de conséquence économiques) dans de multiples secteurs de l’édition de presse. Le plus souvent parce qu’ils proposent un contenu de qualité répondant aux aspirations d’une cible de lectorat. C’est ce principe qui est transposable à n’importe quel organe de presse « papier ».
Mais, aujourd’hui, avec les bouleversements économiques en cours, cela ne suffira sans doute pas à pérenniser une bonne partie des titres existants. Cela va être aux acteurs du secteur de prendre les choses en main, d’arriver, répétons-nous, à se « réinventer ». À la fois dans ce qu’ils vont proposer comme contenus (et je parle là d’informations, pas de « contenus publicitaires » ainsi que voudraient les mettre en avant certains groupes « de presse », qui ne méritent pas ce qualificatif), dans leurs modes de distribution (sans les délaisser, les marchands de journaux et les grandes surfaces doivent-ils rester les seuls circuits de diffusion ?) et dans leurs rapports avec les potentiels lecteurs. Sur ce dernier point, c’est à ces acteurs de comprendre l’intérêt d’Internet. Plutôt que de se lamenter sur le fait que de plus en plus de monde délaisse la presse au profit du Web, il serait plus intéressant d’imaginer des solutions passant par Internet et/ou les smartphones incitant ces personnes (j’allais écrire « consommateurs » et puis brrr, nous sommes tous bien plus que simplement des portefeuilles sur pattes !) à s’intéresser à un titre de presse et à aller l’acheter.
Certes, cela ne peut se faire sans investissements. Mais quelle entreprise, tous secteurs confondus, peut se pérenniser sans investir ? Il ne s’agit pas de défendre la « croissance à tout prix », simplement de rendre une activité rentable. En ce sens, tout est possible. Il n’existe pas une solution unique qui conviendrait à tous les groupes de presse. Chacun doit examiner sa situation, se poser les bonnes questions, trouver les solutions adéquates, investir de manière avisée, utiliser les outils correspondant à sa situation. En bref, c’est à chaque acteur du monde de la presse de déterminer comment il va réinventer le secteur. Ce ne sera pas aisé, ce ne sera pas immédiat, tout le monde n’y réussira pas, mais, sans volonté d’aller de l’avant, l’on sait déjà comment tout cela se terminera.
Pour finir, une note d’espoir pour la presse, et une information qui permet de « raccrocher » ce billet au sujet principal du blog de ce cher Tenancier, le livre : lorsque les premiers livres électroniques sont apparus au tournant des années 2000, beaucoup prédisaient la fin rapide du livre « papier ». Vingt ans plus tard, force est de constater que cela n’est pas vraiment le cas. Selon une étude GfK parue l’année dernière, si l’on comptait en 2018 (en France) 2,3 millions d’acheteurs de livres numériques, ils ne représentaient même pas 10 % de ceux qui achetaient des livres « papier », se comptant 28,9 millions. L’édition de livres a su « résister » à l’impact du numérique. Et s’adapter à son avènement. Rien n’empêche la presse d’en faire de même. Si la volonté et la créativité sont au rendez-vous…
 
Otto Naumme
 
PS : pour ceux qui s’intéresseraient à la crise de Presstalis, les intéressants commentaires d’Éric Fottorino, directeur de la publication de l’hebdomadaire « Le 1 » : https://le1hebdo.fr/journal/actualite/le1-presstalis-74.html#

lundi 25 mai 2020

Une promenade


Même si l’ouvrage est largement débroché, ce qui se révèle une aubaine pour montrer son contenu, quelques fils subsistent qui nous empêchent une exposition bien alignée et qui expliquent ainsi le négligé de notre présentation. La page de droite suscite une interrogation sur sa conception. En effet, le verso, vu dans notre précédent billet sur le sujet, montre le motif de rivage occupé par la végétation (du moins est-ce l’interprétation qu’on en tire) mais il se trouve ici exposé en miroir. Le texte sur ce recto semble différent, ce qui nous amène à nous interroger sur l’impression. On en déduit qu’il s’agit peut-être d’une technique mixte, mêlant la xylogravure, le pochoir (expliquant l’inversion du motif d’une page à l’autre) et même la peinture à main levée. La page de gauche représente assez bien le reste du contenu du livre : images de la nature et exceptionnelle scène de la vie quotidienne. 
L’humain, hormis celui qui occupe cette barque de pêcheur, a (presque) déserté ce recueil…