jeudi 21 septembre 2023

Paf, dans ma bibliothèque !

Où le Tenancier se prépare au deuil de son scanner (presque 20 ans de services !), où il se réjouit de ses trouvailles et, enfin, se félicite d’avoir croisé quelques amis. Où la conclusion se révèle toutefois un peu chagrine...
 
Du jour où je vous écris, se déroule le désherbage de la médiathèque de la riante sous-préfecture où je réside. Jugeant que j’avais assez de livres comme cela, je me résolus à ne prendre que le strict nécessaire en y passant ce matin. Mais comme on n’est pas de bois, on n’a pas échappé à la fièvre acheteuse, surtout que ces petites choses-là ne coûtent presque rien :
Je n’ai pas lu de Virilio depuis des années, sans doute fatigué des récits dystopiques et catastrophistes qu’on nous sert à l’heure de l’apéro par les lucarnes aveugles. Suis-je apte à de nouveau tester ma maigre appétence pour l’énonciation structurée de nos malheurs ? Le bouquin est court : 104 pages, en comptant les liminaires, le sommaire et le catalogue, la dépression restera brève, du moins je l’espère.
 
 
 
Je ne suis qu’un très modeste amateur de musique qui reconnaît volontiers ses lacunes, mais pas au point de me fader de forts volumes pour compenser. Cette petite biographie de Bach, courte, mais sans doute suffisante pour moi, semblait m’attendre et je ne pouvais la contrarier. Cela ne veut pas dire que je ne viendrai pas un jour à un travail monumental… Avec l’âge, on se découvre de l’intérêt pour l’Opéra. On trouvera bien quelque chose l’année prochaine pour compléter ce rayonnage (pourquoi pas ceux de chez Fayard) Pardon pour l’image pourrie, mais mon matériel (honni soit qui mal y pense) n’est plus à la hauteur.
 
 
 
Évidemment, dans ce genre de manifestation, il faut s’attendre à une association de malfaiteurs. Ainsi, outre l’un des bibliothécaires, dont j’aime accroire qu’il est un ami, je rencontrais quelques personnes plus ou moins proches : serrages de louches, comment ça va, c’est la rentrée, etc. L’un d’eux, pervers bibliomane se trouve à l’origine de mes deux meilleures acquisitions : d’abord cette anthologie des Romans libertins dans la collection Bouquins. L’on possède certes quelques titres (Crébillon, Fougeret de Monbron dans l’édition Pauvert, Nerciat et Vivant Denon), mais le sommaire restait alléchant pour moi, qui sortait des Sonnettes de Guillard de Servigné —, dont vous avez pu lire un extrait il y a peu ici. Remercions cet ami-là de me l’avoir mis sous le nez et de ne pas l’avoir conservé pour lui. Bien sûr, on le connaissait depuis sa parution, mais on ne peut tout acheter, n'est-ce pas ? On peut du moins réparer les lacunes.
 
 
 
Tout de même, le plus chouette, toujours présenté par ce dénicheur fou, a été cet ouvrage de Robert Crumb. Que dire de plus sinon : joie, reconnaissance, plaisir anticipé, etc. L’ami est généreux et me l’a laissé. Je ne possède pas assez de Crumb à la maison. La dernière acquisition avait été un roman illustré par ses soins et que j’ai trouvé médiocre, avec quelques remarques assez douteuses sur l’alcoolisme des amérindiens : Le gang de la clef à mollette, par Edward Abbey. Peut-être devrais-je vandaliser l’ouvrage (après tout, je rejoindrais un peu le sujet du roman) et ne garder que les illustrations dans un petit cahier… Heureusement, ce Héros du Blues, du Jazz et de la Country m’enthousiasme. Comment pourrait-il en être autrement, dites-moi ?


Toute bonne histoire se termine par de la mélancolie, à cause du temps qui passe, ce que l’on aurait pu et ce que l’on devrait… Ainsi s’achève la chronique du jour, faite des regrets que procure la jouissance spontanée et dont la descente, il est vrai légère, se prolonge un peu.
Tant pis.

Paul Virilio : Le Futurisme de l'instant — Stop-Eject — Galilée; 2009
Davitt Moroney : Bach, une vie, traduit de l'anglais par Dennis Collins — Actes Sud / Crea, 2000
Romans Libertins du XVIIIe siècle, textes établis, présentés et annotés par Raymond Trousson — Laffont, coll. Bouquins, 1993
Robert Crumb : Héros du blues, du jazz et de la country — Éditions de La Martinière, 2009

mercredi 20 septembre 2023

10/18 — Alfred Perlès : Mon ami Henry Miller




Alfred Perlès
Mon ami, Henry Miller
(My friend Henry Miller)
Préface de Henry Miller
Traduit de l'anglais par Anne Rives

n° 719


Paris, Union Générale d'Édition
Coll. 10/18
Volume triple
218 pages (220 pages)
Dépôt légal : 4e trimestre 1972
Achevé d'imprimer : 15 septembre 1972


(Contribution du Tenancier)
Index

George Auriol : Monogrammes et cachets

dimanche 17 septembre 2023

Le policeman 416



— Hop ! policeman… que diriez-vous policeman, si l’on vous demandait de lever les yeux jusqu’à ce mur qui est devant vous, et de donner votre opinion ?
— Je dirais, gentleman, que c’est là une question saugrenue, qu’il ne m’est pas nécessaire d’examiner…
— Que diriez-vous, policeman, si on vous faisait remarquer que ce mur immensément vieux est muni, dans sa partie supérieure, de crampons qui forment une véritable échelle, par laquelle on peut monter sur les toits ?...
— Je répondrais que ce n’est pas là un chemin d’honnête homme et je conseillerais à qui me parle de passer son chemin…
— Que diriez-vous, policeman…
— Que diriez-vous, gentleman, si je vous invitais à faire demi-tour et à déguerpir ?
— Que diriez-vous, policeman, si je refusais de partir…
— Que diriez-vous, vous-même alors, si je vous arrêtais ?...

Page 237, chapitre 19 : Le policeman 416, in : Le pendu de Londres, par Pierre Souyestre & Marcel Allain – Fantômas 4/VII, éditions Robert Laffont, 1962 — Le volume que tient Mylène ci-dessus…

vendredi 15 septembre 2023

Une historiette de Béatrice

Le couple entre, avec un garçonnet et une fillette. Ils vaquent chacun à leurs lectures, quand le plus jeune des enfants fait tomber la BD qu'il épluchait.
« Ca y est, ça commence ! », le père,
« Et puis en plus pourquoi une BD ? Tu ne sais même pas lire! », la mère,
« Mais je regarde les images », l'enfant, tout penaud.

mercredi 13 septembre 2023

Lecture du Tenancier

— Ma chère Éléonore lui dis-je, la folie et la vanité ont bien des traits de ressemblance et souvent les mêmes effets; il y a des hommes assez fous pour se priver de la vie, il y en a eu d’assez vains et d’assez fous à la fois pour imaginer que les plaisirs, ces causes et ces liens de la vie, étaient des maux. Il leur a paru beau de séparer l’homme de l’homme et de le réduire à la classe des êtres insensibles. Plus un système est absurde et plus il semble divin à des yeux fanatiques; mais ce système de destruction des plaisirs est aussi insensé que le projet de vivre sans respirer l’air qui nous environne ou qu’il le serait de défendre à un corps sonore de résonner quand il reçoit des vibrations. L’auteur de notre être nous a donné des besoins à satisfaire, notre conservation en dépend, il a attaché des plaisirs à remplir nos besoins; s’il trouvait mauvais que nos cœurs se livrassent à ces plaisirs nécessaires, il voudrait en même temps que nous fussions et que nous ne fussions pas; il renverserait les lois de notre existence, il condamnerait dans nos désirs des flammes qu’il a lui-même allumées. Aussi voyons-nous que les idées contraires, empruntées du stoïcisme, ont très peu cours. Nous avons toujours les mêmes organes et les mêmes passions, le monde n’a point changé; preuve certaine qu’il ne devait point changer. Ce qu’il y a de plus remarquable, c’est que les défenseurs de ces chimères morales sont inutiles et même à charge de la société : fourbes, avares, méchants, vindicatifs, mille fois plus imparfaits que ceux dont ils font des censures amères; et pour comble d’imposture, en fait de plaisirs de tous les genres et de raffinements étudiés, ils démentent en secret leurs opinions fastueuses par une pratique constamment opposée.

Guillard de Servigné : Les Sonnettes, ou les mémoires de Monsieur le Marquis d*** (1749)