samedi 27 janvier 2024

Une historiette de Béatrice

Après m'avoir demandé un livre sur Alice Bailey, un dictionnaire des racines des langues indo-européennes, une biographie de François 1er de Toscane, un livre sur un peintre espagnol contemporain qui ne signe pas ses œuvres, il me lance:
« Bon j'arrête, car je sens qu'il faut que je vous demande un Tintin et Milou pour que vous me répondiez favorablement. »
Devant témoin, heureusement (on ne me croirait pas).

jeudi 25 janvier 2024

Fake news, mon cul !

Parmi les mots anglo-saxons à la mode, Fake News tient bien la rampe depuis plusieurs années dans les médias qui, l’on s’en aperçoit de plus en plus, se casse de moins en moins le tronc pour livrer une traduction du terme. Le Comité d’enrichissement de la langue française (sic !) propose le mot-valise « infox » qui fleure bon son montage technocratique à l’usage des « communicants ». Quant à nous, nous préférons encore cette vieille catin de langue française, enfin celle qui n'a nul besoin d'être « enrichie » :
CANARD : Fausse nouvelle, récit mensonger inséré dans un journal. — « Nous appelons un canard, répondit Hector, un fait qui a l’air vrai, mais qu’on invente pour relever les Faits-Paris quand ils sont pâles. » (Balzac.) — « Ces sortes de machines de guerre sont d’un emploi journalier à la Bourse, et on les a, par euphémisme, nommés canards. » (Mornand.) — Une anecdote du tome Ier du Dictionnaire de l’Industrie (Paris, Lacombe, 1776), semble nous livrer l’origine de ce mot :
 
On lit, dans la Gazette d’agriculture, un procédé singulier pour prendre les canards sauvages. On fait bouillir un gland de chêne, gros et long, dans une décoction de séné et de jalap ; on l’attache par le milieu à une ficelle mince, mais forte ; on jette le gland à l’eau. Celui qui tient le bout de la ficelle doit être caché. Le gland avalé purge le canard qui le rend aussitôt ; un autre canard survient, avale ce même gland, le rend de même ; un troisième, un quatrième, un cinquième s’enfilent de la même manière.
On rapporte à ce sujet l’histoire d’un huissier, dans le Perche, qui laissa enfiler vingt canards ; ces canards, en s’envolant, enlevèrent l’huissier. La corde se rompit, et le chasseur eut la cuisse cassée.
Ceux qui ont inventé cette histoire auraient pu la terminer par une heureuse apothéose, au lieu de la terminer par un denoûment aussi tragique.

 
La grossièreté de cette histoire, comme dit notre citation, — l’aura fait prendre comme type des contes de gazette, et canard sera resté pour qualifier le genre entier. On trouve « donner des canards : tromper » dans le dictionnaire d’Hautel (1805).
Lorédan Larchey : Dictionnaire historique d’argot (1881)
 
Mais se priver de la mémoire des mots fait sans doute, également, partie d’un « projet »…

mardi 23 janvier 2024

Une époque extraordinaire

Il est entendu de ce côté-ci du clavier que je m’interdis de délivrer des anathèmes envers les littérateurs réactionnaires ou mêmes fascistes qui occupent de plus en plus le devant de la scène. Il est vrai par ailleurs que l’exposition d’un Céline, par exemple, attire moins de mouches à merde et qu’il devient nécessaire de moderniser la saloperie avec des auteurs bien élevés et si possible adoubés par des médias prompts à la gamelle. Les temps se révèlent extraordinaires, sans doute parce que je n’ai pas assez vécu, à contempler les petites lâchetés, les intérêts bien compris et les compromissions également en cours dans la « République » des lettres et de la poésie, comme il s’en produisit il n’y a pas si longtemps. Certains ont choisi l’indifférence, la réclament même, se retournant contre ceux qui réagissent, maladroitement, certes, à l’envahissement d’une pensée réactionnaire à tous les étages de la vie culturelle. On a lu également quelques contre-feux éloquents, accusant les signataires d’une tribune contre un des charlatans des lettres, de « wokisme », « d’écrivaillons » quand on n’avait pas recours à des insultes franches. À cela, l’on ne s’étonnerait pas de la provenance (Le Figaro à joué son rôle où on l’attendait) si cela ne venait pas de gens qui bâtissent une réputation d’intransigeance… lorsque cela ne leur coûte pas un rond — à moins que cela les compromette — ou bien parce qu’ils redoutent de s’être trompés, d’avoir pris un léopard pour une panthère et d’avoir méconnu Les navigations d’Ulysse de Victor Bérard, bref d’avoir cru à la copie plutôt qu’à l’original. À moins que ceux-là rêvent de participer à la « gamelle » qui paraît bien fournie, et achalandée par les faucons et les Oui-oui. On observe cela de loin, sans étonnement. On s’en doutait, puisque déjà certains rayons de librairies semblent des compilations de propos de bistrots ou de mises à jour des conneries de la Nouvelle-Droite, quand il ne s’agit pas de « recyclage » pur et simple d’idées rances et de textes « bancables ». On a vu tout cela et l’on s’en passe. Mais après tout, la culture envisagée comme une « industrie » démontre son aptitude au recyclage et par destination ne peut se mêler des opinions, excepté lorsque le vent tourne et qu’il s’agit des dernières soldes avant liquidation du prêt-à-penser précédent. Oui, les temps sont extraordinaires, mais loin d’être merveilleux…

Paf, dans ma bibliothèque !

Les fêtes sont passées par là chez votre Tenancier et il n’a pas reçu trop de cadeaux. D’ailleurs, que pourrait-on lui offrir d’autre qu’un supplément de jouissance de l’existence ? Reste le besoin impérieux de posséder des livres, qui fait partie de ce plaisir du cumul. Périrai-je un jour de la chute d’une bibliothèque sur mes pauvres endosses, de la même manière qu’un astronome serait touché par une météorite ou bien une météorologue par la foudre ? La fulguration, quelle étrangeté : cela ressemble de l’extérieur au sentiment, atténué bien sûr, de la découverte d’un nouveau texte. Imaginons-nous partir en quête de l’éclair avec une baguette de coudrier ! Fort heureusement, on en clamse peu. Une histoire amusante serait à rédiger, qui conterait l’exception, une lecture fatale à cause du ravissement ou de l’étonnement. Tu lis… et boum, tu meurs. Cela a bien dû arriver. En tout cas, cela pourrait se produire avec ce petit bouquin sur le poison, amusant et dont la lisibilité laisse à désirer, typo trop brillante sur un fond qui neutralise le contraste, mais qu’importe, le poison se mérite, l’effort est requis et nous possédons tous quelques ennemis, n’est-ce pas ? Mais ces recettes se révèlent-elles fatales ? Le Tenancier n’a pas essayé pour le moment. Constatons que sa lecture n’en deviendrait pas mortelle, mais peut-être sa mise en application…


L’art de la sieste reste un domaine encore étranger à votre serviteur, mais cela importe peu, après tout, puisque le fond de l’ouvrage de Thierry Paquot semble l’emploi de notre temps. Citons : « La sieste fonctionne ici comme une métaphore, elle acquiert un autre sens et ne désigne plus seulement l’acte de s’endormir ou de somnoler, au midi de la journée, mais la capacité à maîtriser son emploi du temps, à ne pas le brader en le soumettant aux temps imposés par “la” société. »
« Vous avez donc lu l’ouvrage, Tenancier ? » Eh bien, même pas ! Je suis tombé sur ce passage au hasard au moment précis où j’en avais besoin, signe éloquent que ce livre me parle. Mystique, le Tenancier ? Et puis quoi, encore ? Le phénomène survient de temps en temps, sans doute à cause du hasard ou d’un inconscient qui travaille pour soi et qui se dit « Voyons, la citation ad hoc doit bien se trouver à cet endroit du livre. » Parfois, ça marche, la preuve…


Vive l’Anarchie, c’est entendu… Cela reste un réconfort au milieu de la vaste maladie mentale qui règne à l’heure actuelle et qui veut nous embrigader, nous scruter, interférer sur notre vie, nous faire croire, etc. Ce volume de Jean Grave m’a été offert par un ami de passage qui s’interroge sur le fondement de la pensée anarchiste et qui s’est acheté quelques ouvrages sur le sujet. On espère qu’il accédera ensuite à quelques penseurs plus modernes que ceux qui étaient proposés dans la librairie où nous nous trouvions. En effet, l’anarchisme reste un concept contemporain et révolutionnaire, malgré les bistrotiers qui s’en réclament, je ne sais quel « comique » ou autres et qui sont autant de petites merdes fascistes, et je reste poli. L’anarchie rassure des gens comme moi qui s’enchantent de la découverte d’un étranger dans son semblable. Merci, mon cher, pour ce cadeau. Vous voyez, j’en ai reçu un, de cadeau ! Mais là, ce n’était pas en raison des circonstances religieuses, sociétales ou autres, mais au nom de l’amitié, qui est, après tout, une composante de l’anarchie. Je vous rassure : on y trouve aussi des sales cons pas amicaux. C’est normal, c’est humain. En tout cas, ce ne sont pas des fascistes, c’est déjà ça.


Nous allons lire la Paquot en premier, en nous demandant s’il fournira un remède à ce temps qui nous manque tant face à l’accumulation de lectures ici et là.

Victor Coutard : Le poison, dix façons de le préparer — Éditions de l'Épure (2023)
Thierry Paquot : L'art de la sieste — Zulma (2002)
Jean Grave : La société mourante et l'anarchie, préface d'Octave Mirbeau — Lux éditeur (2023)

lundi 22 janvier 2024

Une émule de Vrain-Lucas

Votre Tenancier a été libraire à son compte pendant un certain temps. Il recevait parfois de drôles de messages :

" Bonjour M.Le Directeur, Je voudrais, par ce message, vous informer que je dispose de quelques collections de lettres et d'autographs qui font partie intégrale de ce que nous appelons 'les reliques' du passée. Mon souhait est de les soumettre à la vente.Est-ce que vous en seriez interressés. Dans le cas contraire, est-ce que vous pouvez m'indiquer le canal nécéssaire pour couler ce produit ? esperant de vous relire . ****.
Thèmes
Quelques reliques du Passée.
Livres
• Auteur : Jean DéARC, Titre : Lettre de J'EAN D'ARC, aux habitants de la Ville de REIMS-16 Mars1430.
• Auteur : HENRI 4, Titre : Une lettre de HENRI 4.
• Auteur : CORNEILLE , Titre : Lettre de CORNEILLE à COLBERT.
• Auteur : NAPOLEON, Titre : Un COCIDELLE au TASTAMENT de NAPOLEON I er
• Auteur : LOUIS 16 ., Titre : La derniére lettre de LOUIS 16.
• Auteur : ROBESPIERRE, Titre : La derniére Signature de ROBESPIERRE
• Auteur : Jean BART, Titre : Un Glorieux Rapport de Jean BART .
• Auteur : CLEMANCEAU, Titre : retour d'une visite au Front, 9 Jan.1914.
Details de l'utilisateur
Operateur Economique ., *** Nicodeme
Lomé -Togo, 12 BP 192 , Lome, TOGO "

Sans doute sans le savoir, cet honorable correspondant togolais marchait sur les brisées de Denis Vrain-Lucas

NB

Par manque de temps, votre Tenancier a interrompu momentanément son dialogue autour des Minilivres avec Pierre Laurendeau qui se déroulait les lundis et les jeudis. On va y revenir rapidement...

samedi 20 janvier 2024

Paf, dans ma bibliothèque !

Quelle mouche m’a donc piqué pour que je m’empare de ces trois titres de Jacques Perret dans leur livrée de bibliothèque ? Sans doute celle qui ouvre le recueil des Histoires sous le vent, jeu de société qui m’a amusé lorsque je le découvris en même temps que les œuvres dudit. La mouche fut reprise dans un film avec Fernandel. Ne m'en demandez pas le titre. J’ai cédé à l’envie de toucher ces volumes qui fleurent encore l’habillage ancien avec ses renforts de cartonnage, la toile, les deux plats et le dos contrecollés sur celle-ci. Les références dactylographiées figurent sur deux d’entre eux, au verso de l’achevé d’imprimer. Les trois livres ont reçu également le tamponnage erratique au fil des pages, sur les gardes et le titre. On les a rognés. Ce sont des météores échappés du début des années 1960, à en juger leur date d’impression, souillés de la marque infamante de la modernité : le code-barre sur le premier plat. Cet ajout tardif sous une rustine transparente pourra être retiré sans dommage. Mais alors quel intérêt présentent ces artefacts venus du lointain des pratiques bibliothécaires, du temps où les métiers du livre ne se figeaient pas devant les écrans ? Eh bien, si je possède deux de ses titres, je trouve agréable de les relire dans un tel format, que l’on qualifierait d’in-12, sous réserve de vérifications (et j’ai la flemme de le faire en examinant les signatures et de me livrer à des calculs et parce que j’ai perdu la main, il faut bien le dire). Malgré le papier un peu jauni, la typo reste nette, et le format ne fatiguera pas le poignet, contrairement aux compilations boursouflées auquelles d’ailleurs Jacques Perret échappe, privilège de passer sous les radars de la mode… Ce coup de Lune, à prélever ces livres « sortis des collections », se paye déjà. Ils encombrent des rayonnages apoplectiques et choquent mon esprit de très modeste bibliophile. Mettons cela, alors, sur le compte d’un hommage aux bibliothèques et à l’amorce d’une songerie au sujet des précédents lecteurs de ces livres-là.
Ah oui, au fait : Jacques Perret, c’est drôle et bien écrit.
Merci de votre attention.

Jacques Perret : L'oiseau rare — Gallimard (1959) | Les biffins de Gonesse — Gallimard (1961) | Histoires sous le vent — Gallimard (1961)

vendredi 19 janvier 2024

Une historiette de Béatrice

Et comment dire à cet attendrissant grand-père que le vieux journal trouvé dans son grenier, soigneusement dépoussiéré et « transporté précautionneusement à travers toute la ville, et je n'en ai pris qu'un, vous imaginez si j'avais pris le lot et que je m'étais fait dépouiller de ces trésors »... Comment lui dire que, justement, son journal n'est pas le joyau de la couronne ?