dimanche 29 décembre 2024

Un p'tit coup sur le pare-brise puis dans le rétro

Ceux qui fréquentent les blogs ressentent cette désertion qui s’opère depuis des années, laissant une arrière-garde qui s’ingénie encore à fournir de la substance… Le Tenancier à cet égard, plaide coupable, mais il existe des circonstances atténuantes à ses productions sporadiques et à ses absences : il écrit beaucoup et l’énergie dépensée à ses entreprises archaïques (puisqu’elles se réalisent sur papier, pensez donc!) contraint votre serviteur à se consacrer à l’essentiel, occurence imprévue lorsque des années plus tôt, on décida de créer un blog puis celui-ci pour lui faire suite. En effet, on avait commencé cette activité comme une volonté de converser sur ce qui nous passionnait, comme le livre et tout ce qui tournait autour. La vie a voulu que de libraire médiocre je passais au statut d’écrivain très moyen. Ce changement s’est réalisé lentement et le blog a tenté de raccrocher à cette nouvelle activité, non sans atermoiements et non plus sans regrets au sujet de l’ancien exercice de la librairie. Affirmons tout de même que se mêler d’écrire des fictions comporte bien des satisfactions, car on ne s’envisage pas assez masochiste pour continuer dans un domaine où la déception régnerait. À cet égard, votre Tenancier considère qu’il a du bol, si vous lui autorisez l’expression : quelques éditeurs depuis 2010 ont consenti à l’imprimer, notamment dans un domaine pas si populaire qu’on veut bien le croire, c’est-à-dire la nouvelle…
Un site existe, qui récapitule la bibliographie de votre Tenancier. Le nombre de publications explique en partie les fréquentes lacunes de ce blog. On ne peut être au four et au moulin et la fiction devient parfois une activité exclusive qui empêche de se mobiliser ailleurs. On regrette cette contrainte qui éloigne d’un dialogue qui avait cours dans les commentaires et surtout la verve qui s’y exprimait. De ce point de vue, l’écriture de fiction dans ces bonnes vieilles revues ou recueil, etc., procure peu de satisfactions. Tant pis, on tente de se résoudre à cette distance que l’on ne parvient plus à combler, même si l’on «s’y remet» de temps à autre, sachant qu’au détour d’un manuscrit, on se résigne à délaisser le reste. Alors quoi, on abandonne le blog et on passe à autre chose? Votre Tenancier n’en a pas envie, pas plus qu’il ne peut livrer d’effort supplémentaire pour densifier la production de billets. On se contentera donc à l’avenir d’un écoulement prostatique de quelques considérations ici même.
Par le passé, nombre de billets n’étaient pas tous signés du Tenancier. Quelques intervenants en ont fourni, réjouissants et stimulants. Ce temps-là semble également révolu, même si là aussi, cela est dû au désintérêt général. Puis que l’on s’est montré largement indécis sur la ligne éditoriale du blog depuis que l’on a changé de métier, on pourrait désormais réorienter sa teneur à l’aide de critiques ou de considérations similaires. Pour quoi faire? D’autres personnes le font de façon brillante… on continuera à avoir le cul entre deux chaises, à quêter la chimère d’un dialogue avec un lecteur de passage.
 
L’année 2024 s’achève, moment idéal pour vous assommer avec un récapitulatif. Bien fait pour vous :
(cliquez sur les couvertures, vous aurez un descriptif complet)
 

On a commencé en douceur avec vingt-trois contributions au recueil Taduttore Tradittore dirigé par ce cher Pierre Laurendeau aux éditions Ginkgo, où les participants reprenaient des citations plus ou moins classiques de façon littérale, comme Ex Nihilo = «Ancien amant nihiliste», suivi d’une explication pour le moins malhonnête.


On vous l’a signalé, votre serviteur est un auteur de nouvelles et publie volontiers dans certaines revues. Il l’est par Lard-Frit (nouvelle version) depuis son début, c’est-à-dire le n° 1 en 2022. Avec Télépathie, paru dans le n° 7, on a trouvé que ça manquait de chat. On a réparé cette lacune…
 

Beaucoup moins facétieuse, voici une nouvelle à laquelle on tient particulièrement, parue le n° 34 de la revue Le Visage Vert, L’escalier est orné d’une superbe illustration de Céline Brun-Picard — et je réalise à chaque fois la chance d’être si bien accompagné. La revue et la maison d’édition avaient publié jusque là des histoires du Fleuve. Ce récit bref n’en fait pas partie et il recèle pour son auteur de curieuses résonnances. On regrette qu’il soit passé inaperçu…


Premier recueil de nouvelles de l’année 2024, Fins de siècle comporte deux inédits et deux textes plus anciens, rédigés lorsque l’on doutait d’une vocation pour l’écriture. Ces quatre «rétrocipations» constituent une sorte de jalon pour ce qui concerne l’évolution du style, mais plus encore sur la conception d’une histoire, votre serviteur constate qu’il est redescendu à la hauteur de l’humain et c’est tant mieux. Quelques critiques ont bien accueilli l’ouvrage sorti aux éditions Flatland avec des dessins de Fabrice Le Minier repris en couverture sous la maquette habile de l’éditeur.


L’on n’a pas traîné : un deuxième recueil paraissait dans la foulée : Vues des rives continuait le cycle du Fleuve, après un premier volume de nouvelles (Le Fleuve) et un roman (Le fort). La plupart de ces histoires n’étaient pas inédites, puisque parues dans diverses revues, comme le Novelliste, L’Ampoule et le Visage Vert. Seuls deux textes sont inédits sur vingt et un. La plupart sont illustrés par Céline Brun-Picard. La fidélité à un artiste est essentielle et son travail fait aussi partie de ce projet qui regroupe à ce jour une cinquantaine de récits (quelques un son attente de publications). Également cruciale à ce travail au long-cours, Armelle Domenach exerce sa vigilance sur la cohérence des écrits. Que dire d’autre sur le Fleuve? Eh bien, il vous suffira de lire la très élogieuse préface de Mikaël Lugan qui a saisi l’essence de cette entreprise littéraire avec beaucoup de finesse. Signalons que Mikaël fut l’un des premiers à avoir publié des histoires de ce cycle. Le Fleuve est un univers difficile et dont le style peut paraître ardu pour les lecteurs de petits martiens ou d’elfes aux pattes poilues. Le soussigné reconnaît sa répugnance à la facilité dès qu’il s’agit de ce domaine-là). On lui pardonnera, enfin, on l’espère… Que l’on sache que son fantasme le plus fou (et un peu mégalo) serait qu’une édition posthume regroupe toutes les nouvelles et le(s) roman(s) en un seul volume — intitulé de nouveau Le Fleuve — à moins que cela se fasse de son vivant, car trop gâteux pour remettre ça sur le métier. Ne comptez pas sur votre Tenancier chéri pour passer la main trop vite, tout de même.
 

Avec Troupeaux mélancoliques bondissant dans les prés, l’auteur témoignait de changements physiologiques chez quelques humains, tout ceci, paru dans la revue L’Ampoule, n° 15. Texte court, desservi par une illustration médiocre qui suscite encore des regrets. Pouvait-on y remédier? Hélas, l’on n’a pas demandé son avis à l’auteur qui se serait fait une joie de proposer une alternative, comme cela peut lui arriver. Bref…


On vous l’a dit, votre serviteur a pratiquement son rond de serviette chez Lard-Frit! Pourvu que ça dure! Dans le n° 8, on a commis L’invention du professeur Lambeke, qui étudie les propriétés mélomanes de la grenouille. Ne vous plaignez plus de l’étang du voisin, mais éduquez ses pensionnaires!


Diable, un troisième recueil? Eh oui, on s’est montré intarissable en 2024… Mais Charles & moi (on tient à l’esperluette) ne serait-il pas plutôt un court roman aux huit chapitres très marqués, puisque l’on y retrouve les mêmes protagonistes dans un monde assez noir? On s’est d’ailleurs complu à le dépeindre avec une certaine jubilation. À vrai dire, on s’est surtout amusé tant il est vrai que l’apocalypse lente est assez stimulante à décrire. Après avoir été uchronique avec Fins de siècle, et «balzacien» au petit pied avec Vues des rives, nous voici dystopique avec ce volume. La parution a été remarquée ici et là. L’un des plaisirs annexes de ce genre de publication tient également à ce qui paraît en même temps que soi dans la collection et je ne pouvais que me féliciter de voir le live de Didier Pemerle, Débandades, sortir en même temps que le mien. On ne peut que vous conseiller d’acquérir les deux, chez Flatland.


L’on a fini l’année en novembre avec Le tricot de corps, histoire qui vous cause d’hygiène et de botanique dans le n° 9 de Lard-Frit. On professe tout de même un sacré regret pour ce qui concerne cette revue, celui de ne pas avoir figuré dans sa première version, comme on aurait voulu aussi être publié chez Deleatur ou dans d’autres revues ou maisons d’édition. Votre Tenancier fait tout en retard, pfff. Il ne peut s’en prendre qu’à lui-même.
 
Nous en avons terminé avec ce récapitulatif, qui vous explique assez bien le manque d’assiduité à la rédaction de billets dans ce blog. Prenons date l’année pour prochaine dans le même exercice, si rien ne nous pète à la figure d’ici là… On fera tout de même paraître des choses ici bien avant, tout de même.

vendredi 1 novembre 2024

Paf, dans ma bibliothèque !

À part Pierre Bost, qui va constituer une véritable découverte pour votre Tenancier (et, on l’espère, pas une déception), Mac Orlan et Kessel lui sont assez bien connus. Du reste, il possède déjà La Cavalière Elsa dans une édition club, c’est-à-dire sous cartonnage industriel en plastique. Cette édition-là, ma pourvoyeuse de drogue favorite m’en avait fourni auparavant, a été reliée en sorte de bradel en cuir souple assez modeste, mais pas déplaisant à la manipulation lors de la lecture. Plats et dos ont été conservés. Peut-être faites-vous partie de ces personnes qui ont une inclination pour les bouquins dans leur jus d’origine, sans même aller au fétichisme bibliophile. C’est le cas de votre Tenancier, qui aime ce format apparenté à l’in-12 (ce qui est sûrement le cas ici, d'ailleurs). Certes, le support a jauni et, à tout prendre, on aurait préféré un beau papier qui traverse le temps. Mais votre serviteur n’en a pas les moyens et se demande d’ailleurs si la commande s’accompagnerait du même agrément et du même plaisir. Parce que, ces livres ne proviennent pas de n’importe où : le charme du paquet personnalisé, les trouvailles insérées dans le volume sont signés de la librairie Kontrapas dont la tenancière tient une rubrique ici dans ce blogue. En définitive, le Tenancier devrait commander plus souvent, à cause de la petite émotion, qu’on se risque à qualifier de charmante, à ouvrir des paquets confectionnés avec des publications obsolètes et que par vice l’on collationne dans un coin pour «faire quelque chose» avec les images gravées qui y sont insérées. Quoi donc? Si on le savait… Peu importe, le bureau est aussi occupé par ces morceaux d’emballage, comme des naufragés, sur un bout d'étagère. Comme si cela ne suffisait pas, on découvre dans deux de ces livres-là des marque-pages maison qui vont illico gagner la collection personnelle, dans une boîte à chaussures qui commence à déborder. Le Tenancier redevient un homme heureux. Il a parfois tendance à l’oublier…
 
Pierre Bost : Porte malheur — Librairie Gallimard, 1932
Joseph Kessel : Bas-fonds — Éditions des Portiques, 1932
Pierre Mac Orlan : La Cavalière Elsa — Nouvelle Revue Française, 1921
Pierre Mac Orlan : La clique du café Brebis — La Renaissance du Livre, 1919


mardi 29 octobre 2024

Le tricot de corps

Votre Tenancier se met au discours hygiéniste avec cette courte nouvelle publiée dans le dernier numéro de Lard-Frit. Cliquez donc sur l'image, cela vous renverra au site de votre serviteur qui enregistre toutes ses publications. Diable, nous en somme au cent vingt-deuxième titre !
Nous allons bientôt revenir aux affaires ici même, mais vous savez ce que c'est, le temps manque parfois...

mercredi 25 septembre 2024

Une historiette de Béatrice

— Allô bonjour, vous vendez des livres ?
— Bonjour, oui je vends des livres
— Et vous vendez beaucoup de livres ?
— Oh, cela dépend de ce que l'on entend par beaucoup
— Hein ?
Conversation téléphonique de rien du tout, un jour de rien du tout.

lundi 16 septembre 2024

Charles & moi

Voici donc le troisième volume publié cette année, un nouveau recueil de nouvelles qui observe ici un arc narratif racontant le voyage de Charles en compagnie du narrateur. Deux critiques, à l’heure où l’on rédige ce billet, on rendu compte du contenu : Le nocher des livres & Weirdaholic ; ils se montrent plus diserts que votre serviteur. Allez donc y faire un tour… Il n’est pas non plus interdit de se rendre sur le site de l’éditeur (petites turbulences qui seront vites réparées,on l'espère) et de commander l’ouvrage. D’ailleurs, vu la modicité du prix, on aura avantage à en prendre d’autres, dont celui qui paraît en même temps, par un auteur que votre Tenancier apprécie beaucoup : Didier Pemerle, avec son livre Débandades

mardi 10 septembre 2024

10/18 — Chester Himes : Mamie Mason




Chester Himes
Mamie Mason
ou un exercice de la volonté

Traduit de l'américain
par Minnie Danzas

n° 1587


Paris, Union Générale d'Édition
Coll. 10/18
Série « Domaine étranger"
dirigé par Jean-Claude Zylberstein
Volume quadruple
229 pages (234 pages)
Dépôt légal : octobre 1983
Achevé d'imprimer : 26 mars 1984 / 13 mars 1987
Photo Weegee

(Titre original Pinktoes, © Chester Himes 1961,1965)


(Contribution de : Am Lepiq, monsieuye)
Index

dimanche 1 septembre 2024

Les pleurs de Boccace

[…] Il y avait près de deux siècles que Boccace, séjournant au royaume de Naples, et avide de voir la bibliothèque du célèbre monastère du Mont Cassin, avait demandé à un moine de lui faire la grâce de la lui ouvrir. Il s’était entendu répondre : « Monte, c’est ouvert. » Et de lui montrer une longue échelle. Boccace, tout joyeux, monte : il trouve un local sans porte, entre, voit que l’herbe pousse entre les fenêtres ; stupéfait, il remarque de nombreux ouvrages d’auteurs anciens où manquent des cahiers entiers, où l’on a coupé les marges des pages. Pleurant de douleur, il demande au premier moine qu’il rencontre dans le cloître pourquoi des livres si précieux ont été mutilés ; on lui répond que les moines, pour gagner quatre ou cinq sous, arrachent un cahier de temps en temps et en font des petits psautiers qu’ils vendent aux enfants ; d’autres avec des marges découpées, font des bréviaires qu’ils vendent aux femmes.

Manuel de Dieguez : Rabelais par lui-même (1960)



samedi 31 août 2024

Et vous achetez encore ces merdes ?

Un postillonneur de chroniques radiophoniques — quand il ne produit pas du vérisme emmerdant chez des éditeurs paresseux — s’est mis dans la tête de rédiger un « roman » de politique-fiction, genre qu’ici nous avions cru obsolète, tant il a été mis à mal par les showrunners hollywoodiens qui s’y connaissent un tantinet dans le « thrill » politicard. Bé non, ça ne semble pas effleurer l’auteur et l’éditeur, qui a accepté le manuscrit, sans doute friands de récupérer à bon compte une insatisfaction à l’égard de la médiocrité gouvernementale et oppositionnelle. Voici donc une merdouille sans intérêt qui va investir les rayons avec diverses recommandations suscitées ou téléguidées par un attaché de presse. Nous avions croisé ce genre de production lorsque l’on travaillait en librairie de neuf, bon à renvoyer au distributeur passé la première semaine d’engouement de critiques soi-disant littéraires. Pour ce qui concernait la librairie d’occasion, que je connaissais aussi bien, et peut-être mieux, en fin de compte, ces conneries finissaient à la benne.
Puisse le recyclage opérer un saut qualitatif en court-circuitant ces saloperies dès la conception. Pour cela, une seule solution, se passer de la médiocrité de certains rédacteurs, ceux qui lisent et rendent compte et ceux qui écrivent…

vendredi 16 août 2024

Jeu


Quelle bibliothèque ! Mais, dites-moi, où trouve-t-on cette image et puisque nous y sommes, que lit donc le personnage dans le fauteuil, au fond ? Le Tenancier veut bien vous aider un peu, mais pas trop tout de même. Cela faisait longtemps qu'on ne vous avait pas proposé de jeu (honni soit celui qui s'aide d'internet !) On peut agrandir l'image en cliquant dessus.

mercredi 14 août 2024

Une historiette de Béatrice

— Et bonjour!
— Bonjour madame, voyons Emile, tu ne dis pas bonjour?
— Caca !
Émile ! Puisque c'est comme ça on s'en va.

Finalement ils restent, et Émile, du haut de ses 4 ans (maxi) s'intéresse fort aux BD.
— Ah mais non Émile, tu sais très bien que c'est écrit dedans, et toi tu ne sais pas lire.

samedi 3 août 2024

Annie Le Brun (1942 - 2024)

« De toute façon, je déteste les hommages nécrologiques. C’est un genre aussi faux que les enterrements. La plupart du temps, banalités et mauvais goût y triomphent pour célébrer le moment où la singularité d’un être disparaît dans le lot commun. Prétend-on le déplorer, il se trouve toujours quelqu’un pour sacrifier à ce kitsch. Enfin, pour peu que les spécialistes s’en mêlent, ceux-ci se font un devoir d’ajouter la dose de contrevérités et d’approximations qui vont aussitôt être prises pour données objectives. »

Annie Le Brun, in : Éclipse de la liberté (2010) repris dans le recueil Ailleurs et autrement.

mercredi 24 juillet 2024

Le titre khon du jour

«Je ne pourrai jamais plus commander un œuf mayonnaise sans penser à lui» : l’hommage émouvant de Michel Houellebecq à Benoît Duteurtre

Le Figaro, 19 juillet 2024

lundi 22 juillet 2024

À la recherche d'une bibliographie

Le Tenancier vous l’a signalé à plusieurs reprises : il n’est pas concierge, mais il a l’esprit d’escalier. Ainsi, évoquant le site Banned Book dans un précédent message ici-même, l’on s’est laissé entraîner à évoquer pour soi la censure gaullo-pompidolienne et par association facile (le Tenancier est un garçon facile pour certaines questions) aux mésaventures d’Éric Losfeld, non en qualité d’éditeur sur lequel on a déjà glosé ici et là mais sur son activité d’écrivain. On connaît au moins un des ses romans érotiques publié sous le pseudonyme transparent de Dellfos (Cerise ou le moment bien employé), mais il se plaisait à raconter qu’il écrivait des polars, après-guerre, dont un Vous qui après moi vivrez (titre inspiré de la Ballade des pendus de François Villon) tiré à soi-disant 80 000 exemplaires. Or, une recherche hâtive ne permet de trouver qu’un ouvrage d’Hervé Le Corre sous cette entrée dans les sites de ventes de livres d’occasion. Pourtant, un tel tirage devait laisser quelques « scories »… Cela nous mène à la part mystificatrice de Losfeld ou peut-être à la malédiction qui touche certains livres. Bien entendu, on s’est livré à une recherche très superficielle et sur ce seul titre. Or, il semble en avoir écrit beaucoup et dans tous les genres. Alors, se pose la question : quels sont donc les ouvrages écrits par Éric Losfeld et dans quel genre ? Existe-il une bibliographie ?
Si un érudit passe devant ce message, il nous comblerait d'aise à nous donner quelques informations à ce sujet et contribuerait à une amorce d'une série d'été ravigotante.
Post scriptum ajouté quelques jours plus tard : On a omis de dire que ces ouvrages putatifs auraient été rédigés sous pseudonyme, ce qui rend la recherche plutôt ardue...

samedi 20 juillet 2024

Une historiette de Béatrice

La jeune ado qui demande, en arrivant toute seule, si j'ai du Jules Verne. Plus loin dans la conversation, elle me dit qu'elle a un problème car elle n'aime pas lire. Sauf du Jules Verne. Mais ce n'est pas un problème, choupinette, c'est juste un excellent début.

jeudi 18 juillet 2024

Banned Books

Nous connaissons les vieilles lunes qui veulent interdire les livres qui contreviendraient à telle ou telle morale. Encore heureux, il existe des ripostes, comme cette association qui met à disposition des habitants de Floride des livres gratuits — seul le port reste payant — qui ont subi les foudres des bigots et des réactionnaires dans les bibliothèques et les établissements publics. Comme l’on pressent que cela nous tombera bien sur le coin de la figure un de ces jours, prenons de la graine de cette initiative… Ainsi l’on découvre des auteurs comme Harper Lee, James Baldwin, Chuck Palhaniuk, Margaret Atwood et Toni Morrison, entre autres, bannis des bibliothèques de Floride et proposés à travers ce site. Le but avoué de Banned Books est d’étendre sa lutte contre la censure en direction d’autres États.
Pour visiter le site cliquez donc sur la bannière ci-dessous.


samedi 13 juillet 2024

Du néologisme et de l'archaïsme

On conçoit pourquoi le néologisme naît au fur et à mesure de la durée d’une langue. Sans parler des altérations et des corruptions qui proviennent de la négligence des hommes et de la méconnaissance des vraies formes et des vraies significations, il est impossible, on doit en convenir, qu’une langue parvenue à un point quelconque y demeure et s’y fixe. En effet, l’état social change : des institutions s’en vont, d’autres viennent ; les sciences font des découvertes ; les peuples, se mêlant, mêlent leurs idiomes : de là l’inévitable création d’une foule de termes. D’autre part, tandis que le fond même se modifie, arrivant à la désuétude de certains mots par la désuétude de certaines choses, et gagnant de nouveaux mots pour satisfaire à des choses nouvelles, le sens esthétique, qui ne fait défaut à aucune génération d’âge en âge, sollicite, de son côté, l’esprit à des combinaisons qui n’aient pas encore été essayées. Les belles expressions, les tournures élégantes, les locutions marquées à fleur de coin, tout cela qui fut trouvé par nos devanciers s’use promptement, ou du moins ne peut pas être répété sans s’user rapidement et fatiguer celui qui redit et celui qui entend. L’aurore aux doigts de rose fut une image gracieuse que le riant esprit de la poésie primitive rencontra et que la Grèce accueillit ; mais, hors de ces chants antiques, ce n’est plus qu’une banalité. Il faut donc, par une juste nécessité, que les poètes et les prosateurs innovent. Ceux qui, pour me servir du langage antique, sont aimés des cieux, jettent dans le monde de la pensée et de l’art, des combinaisons qui ont leur fleur à leur tour, et qui demeurent comme les dignes échantillons d’une époque et de sa manière de sentir et de dire.
Le contre-poids de cette tendance est dans l’archaïsme. L’un est aussi nécessaire à une langue que l’autre. D’abord, on remarquera que, dans la réalité, l’archaïsme a une domination aussi étendue que profonde, dont rien ne peut dégager une langue. On a beau se renfermer aussi étroitement qu’on voudra dans le présent, il n’en est pas moins certain que la masse des mots et des formes provient du passé, est perpétuée par la tradition et fait partie du domaine de l’histoire. Ce que chaque siècle produit en fait de néologisme est peu de chose à côté de ce trésor héréditaire. Le fond du langage que nous parlons présentement appartient aux âges les plus reculés de notre existence nationale. Quand une langue, et c’est le cas de la langue française, a été écrite depuis au moins sept cents ans, son passé ne peut pas ne point peser d’un grand poids sur son présent, qui est en comparaison si court. Cette influence réelle et considérable ne doit pas rester purement instinctive et, par conséquent, capricieuse et fortuite. En examinant de près les changements qui se sont opérés depuis le dix-septième siècle et, pour ainsi dire, sous nos yeux, on remarque qu’il s’en faut qu’ils aient toujours été judicieux et heureux. On condamné des formes, rejeté des mots, élagué au hasard, sans aucun souci de l’archaïsme, dont la connaissance et le respect auraient pourtant épargné des erreurs et prévenu des dommages. L’archaïsme, sainement interprété, est une sanction et une garantie.

Émile Littré, texte pioché dans La littérature française par le Colonel Staff (1877)

vendredi 12 juillet 2024

Le piège !


(Tentative de capture d'un bibliothécaire sauvage en l'appâtant avec une étagère mal rangée.)

mercredi 10 juillet 2024

Une citation

Mais le colonel ne le laissa pas dans l'incertitude :
— Je me fais envoyer tous les nouveaux roman policiers de Paris. Je ne lis que des romans policiers. Vous devriez voir ma collection. J'apprécie particulièrement les romans anglais et américains. Les meilleurs sont traduits en français. Je n'aime guère les auteurs français eux-mêmes. La culture française n'est pas de nature à permettre d'écrire un roman policier de premier ordre [...]

Eric Ambler : Le masque de Dimitrios (1939)

mardi 9 juillet 2024

Paf, dans ma bibliothèque !

Pif, paf, pouf, voici que déboulent trois bouquins issus de la boîte à livres devenue soudain féconde après plusieurs semaines de chiche provende ! D’autres, d’un certain intérêt attendaient également dans leur coin, mais n’ont pas excité tant que cela votre Tenancier, indifférent aux romans des Éditions de Minuit qui, à tout prendre et au travers d’un vernis germanopratin, valent ceux de la collection Blanche chez Gallimard.
Commençons par le « retour » d’un volume dans ses rayonnages. En effet, la bibliothèque de SF du Tenancier a été décimée par ses soins, fruit d’un désamour à la quarantaine pour le genre — enfin, disons, une grosse fatigue — et d’autres nécessités que l’on voudra bien m’autoriser à celer ici. La loi du talion de Gérard Klein, recueil de nouvelles dans la collection J’ai Lu et sous la couverture de Tibor Csernus… : tous ces détails révèlent autant de marqueurs pour une génération qui a fait ses gammes dans cette littérature. Votre Tenancier a eu le plaisir et la chance d’avoir édité Gérard Klein et le souvenir reste vif d’une personne généreuse, avisée et d’un commerce très agréable. Pour tout cela, ce bouquin-là devait retourner à sa place, dans la bibliothèque, pas très loin — dans le classement des affinités — d’André Ruellan ou de Philippe Curval. S’il a cédé nombre de livres de SF, votre Tenancier chéri en a gardé un peu, par nostalgie et depuis peu par plaisir renouvelé, même s’il ne cherche pas à lire de nouveauté en la matière. « Pourtant, vous en écrivez, non ? », me dira-t-on. Oh, très peu, et surtout dans les marges. D’ailleurs il lui plaît d’errer dans les bordures. Il ne tient pas trop à « faire partie » d'un milieu.


Deuxième prise : ce volume anecdotique sert uniquement à alimenter la rubrique des 10/18, bien délaissée. On l’a peut-être remarqué, mais votre Tenancier, loin de se présenter comme un adepte de la Dictature du Prolétariat, s’avouerait plutôt du côté du Laisser-faire des Feignasses. Vous retrouverez le livre un de ces quatre dans le blog. À propos, l’on n’a rien contre le fait que vous expédiez les deux plats, le dos ainsi que le descriptif de vos anciens 10/18. On signale d’ailleurs à Monsieuye qu’on ne la pas oublié à ce sujet.

 

Le Tenancier connaît ce genre de production. Il garde le souvenir du bouquin d’Alain Schifres, Les Parisiens, lu comme une nouveauté lorsqu’il travaillait en librairie et avait découvert à cette occasion la raison de la feuille de salade dans l’assiette de steak-frites des brasseries parisiennes. À quoi doit-on s’attendre avec le présent ouvrage qui semble marcher sur les brisées du susdit ? Peut-être pas grand-chose ou peut-être un renouvellement par le style que l’on s’est permis de picorer et qui nous agrée. Le piéton de Paris se révèle une espèce qui se perpétue de décennie en décennie, consignée dans son enceinte avec quelques échappées bourgeoises du côté de l’avenue Victor Hugo à la Fargue ou qu’elle s’évade comme feu Maspero dans Les passagers du Roissy-express. On s’en doute, l’originalité du propos n’apparaît pas comme un critère d’acquisition… Ce livre-là semble employer l’ironie et saura sans doute plaire à votre Tenancier (re)devenu provincial, mais qui garde cependant quelques souvenirs aigus de Paris, où d’ailleurs il n’a guère envie de refoutre les pieds s’il n'y subsistaient quelques amitiés, en un étrange miracle. Citons les paragraphes : L’addition, Poules, Chiens, Métro, Gares, Halles, Crasse, Pigeons, Métamorphoses, Culture, Salons, Lascaux II, qui appellent à une lecture nonchalante et picorante dans des après-midi de latence, ce qui vaut mieux que de se cogner l’organigramme du parti communiste entre 1925 et 1939 dans le livre de Kriegel…

 

Gérard Klein : La loi du talion — J’ai lu (1979)

Annie Kriegel : Le pain et les roses — 10/18 (1973)
Anne Le Cam : Paris pour le pire — Arléa (2002)

lundi 8 juillet 2024

Une historiette de Béatrice

Et le simplet qui a pris l'habitude de passer ici tous les jours. Aujourd'hui il voulait absolument que je lui prenne en dépôt-vente une raquette de tennis cassée datant de 1950. Même si je lui explique que ne vends que des livres : « Mais on fera moitié-moitié pour les gains, c'est une raquette de compète ».

samedi 6 juillet 2024

Paf, dans ma bibliothèque !

Le Tenancier vous avait promis du neuf, mais par ailleurs il ne résiste jamais à l’attrait de quelques livres d’occasion, d’autant que celui d’aujourd’hui détient un intérêt particulier. En effet, le César de Gérard Walter date de 1947 pour sa première édition et l’on peut gager que des études sur le personnage ont bénéficié de beaucoup d’apports en plus de soixante-quinze ans, mais qu’importe, parce que l’on y trouve l’événement suivant : Jules devient l’otage de pirates, paye une rançon élevée et promet de les exécuter, presque en plaisantant, ce à quoi il s’emploie une fois libéré. L’épisode est très résumé par nos soins, il se révèle plus animé sous la plume de Plutarque (Les Vies parallèles) et fort bien rapporté par Walter. Votre Tenancier, la première fois qu’il était tombé sur cette péripétie — sans doute dans Plutarque, il y a des années de cela — s’est toujours demandé pourquoi une telle histoire n’avait jamais été adaptée en péplum par un Cottavafi, un Freda ou autre. À la réflexion, un cinéaste étasunien aurait peut-être plus convenu… Il est vrai que l’image de César au cinoche demeure très codifiée, à son apothéose sanglante ou à ses incartades égyptiennes (Ah, Claudette Colbert ou Élisabeth Taylor, surgissant du tapis déroulé…) Mais reconnaissons que les débuts sont prometteurs, non ? Bref, le Romain savait s’amuser.
 

Il reste toujours passionnant de voir éclore un véritable écrivain et c’est le cas lorsque l’on se confronte au troisième roman de Grégoire Domenach, récit d’un exil en Asie centrale, plus exactement au Kirghizstan où l’on sent et l’on sait que l’auteur y possède des attaches. Cependant, rien ne laisse pressentir que celles-ci procèdent de la malignité dans leur utilisation. Un peu d’honnêteté ne messied pas au milieu d’une pléthore de textes qui prétendent rapporter et qui ne racontent rien sinon le moi encombrant — et encombré — de plagiaires choyés par la presse. On a pensé ici à Kessel et à nombre de livres où l’on traverse un paysage palpable, habité par des personnages véritables, non parce qu’ils existeraient, peu importe, mais en raison de leur cohérence et de l’habileté avec laquelle ils apparaissent au fil de la narration. Même si le récit est une fiction, le cadre, lui, s’ancre dans le réel. Le lecteur attentif découvrira également que l’auteur possède un don pour l’évocation historique. Derrière ce clavier, l’on garde un souvenir très vif du compte-rendu de l’attaque de la poste de Dantzig, comme une annexe dans un premier roman encore maladroit, mais qui laisse pressentir ses potentialités. Dans le présent, l’on assistera, en introduction, au martyre de deux diplomates britanniques face à l’Émir de Boukhara et l’on se demande encore la raison pour laquelle Grégoire Domenach n’y a pas consacré un récit entier. L’histoire, vous ne dites rien de l’histoire, Tenancier ! Elle demeure simple, c’est une pérégrination où l’on voit et où l’on rencontre et où l’aventure se pare d’une mélancolie que tout lecteur du Manuel du parfait aventurier de Mac Orlan doit connaître. « Tenancier, vous citez Kessel et Mac Orlan, l’évocation est lourde ». Oui, mais elle se justifie par bien des aspects.

 
Il arrive que l’acquisition de livres s’effectue par une sympathie spontanée non envers un auteur, mais à l’égard de celui qui les a collationnés dans sa maison d’édition. À cet égard, la brève entrevue avec Marc Nagels qui dirige les Terres du Couchant et le plaisir d’un échange fugace se prolonge dans la lecture de ses productions. L’on n’a pas tout lu pour le moment, la rencontre est récente et l’on dose son contentement. Mais ce qui a attiré tout d’abord l’œil de votre Tenancier se résume à la sobriété des livres, tous établis sous la même charte graphique et typographique, avec cette petite touche d’élégance qui consiste à glisser un marque page intimement lié au titre. Est-ce de la bibliophilie ? On a déjà souvent ici prétendu que cette vilaine manie relevait du goût personnel et non de canons arbitraires et à cet égard l’élégance visuelle de toute la collection ajoute au plaisir d’un choix très soigné. On a lu pour l’instant La fugue à Noto de Le Guillou (méditation sur la solitude) et Horn d’Alain Emery (un portrait dans un style très soutenu que l'on va relire, car découvert au milieu de la foule et des interruptions). On connaissait le premier, à cause de ses rapports avec Gracq, on a découvert le deuxième à travers son style précis qui ne peut que ravir votre Tenancier chéri, suscitant même une ou deux pointes de jalousie sur le choix de mots ou l’agencement d’une phrase. On dispose d’un autre ouvrage de celui-ci, un de Roland Goeller, qui fréquente comme votre serviteur les colonnes de la revue l’Ampoule et enfin un roman plus épais d’Yves Fravalo, conseillé parMarc Nagels. À vrai dire, ce qui semble lier l’éditeur à ses auteurs réside dans la référence constante à Julien Gracq considéré comme une figure tutélaire. Puisque, par ailleurs, la marchandisation d’un de nos écrivains favoris va bon train à coup de fac-similés pourris, on trouvera le réconfort dans la découverte de ses continuateurs, infirmant en cela que Gracq fut le dernier représentant d’une certaine conception de la littérature. En effet, la rencontre se révèle importante et l’on s’offre le plaisir d’une prolongation avec des lectures enthousiasmantes. Cela rassure.



 Bien entendu, votre Tenancier ne professe aucune ambition de critique lorsqu’il expose ses acquisitions dans ce blogue. Cela se résumerait plutôt à un « état » de sa curiosité et tant mieux s’il en parle en détail parfois. Mais, déjà, rentrer un livre chez soi procède d’une certaine estime…
 
Gérard Walter : César — Marabout (1980)
Grégoire Domenach : Refuge au crépuscule — Bourgois (2024)
Philippe Le Guillou : La fugue à Noto — Terres du couchant (2024)
Alain Emery : Horn — Terres du couchant (2021)
Alain Emery : Quatre rivières — Terres du couchant (2022)
Roland Goeller : Prenez garde à l’intervalle entre le marchepied et le quai — Terres du couchant (2021)
Yves Fravalo : Et les printemps pourtant — Terres du couchant (2019)